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Culture Planète et animaux

« Vegan for the animals »

« Vegan pour les animaux »

La Gauche historique a pour principe de célébrer : ce qui est bien, constructeur, positif ; c’est le sens de la vie, on le salue. Par opposition, ce qui est mal, erroné, négatif, est dénoncé.

Alors que le nouvelle année va commencer, il est certainement juste de saluer la sortie par le groupe Earth Crisis de deux nouvelles chansons sur un mini album de quatre chansons, « Vegan for the animals ».

Ce mini-album, sorti en octobre 2022, est notable car le groupe Earth Crisis s’est monté aux États-Unis en 1989. On parle ici de gens qui sont vegans depuis cette date et qui n’ont jamais lâché le flambeau.

Ce n’est pas rien, c’est même énormément. On parle ici d’un engagement réel et prolongé. Le nom du groupe vient d’ailleurs d’un album du groupe de reggae Steel Pulse, où l’on voit ce qui les mettait en rage : les deux blocs s’affrontant pour le contrôle du monde, le KKK, la famine en Afrique… Il y a aussi le pape, le Vietnam, la répression anti-populaire…

C’est là quelque chose de marquant, car on est dans la loyauté, l’engagement impliquant toute son existence.

On est à l’opposé de la narration capitaliste d’idées « nouvelles » à rapidement consommer. C’est particulièrement vrai pour la question animale, récupérée et démolie par le capitalisme « végétalien » dans les années 2010 et les opportunistes comme Aymeric Caron en France.

Earth Crisis est, si l’on veut, une preuve historique que les idées révolutionnaires sont portées par des démarches révolutionnaires… Le capitalisme cherche à récupérer et réécrire l’Histoire, il faut y faire face!

Le groupe Earth Crisis est par ailleurs très connu dans la scène punk hardcore, étant pour simplifier l’un des premiers groupes à mêler le metal au punk avec un son « hardcore ». Cette approche deviendra par la suite très commune, donnant un son lourd qu’on est pas obligé d’aimer bien sûr.

Et Earth Crisis fait surtout partie de la scène punk « positive » dite straight edge, qui refuse les drogues, l’alcool, les rapports sexuels hors couple.

Le mouvement prônant une discipline morale et culturelle pour tenir le choc face à une société décadente a eu un grand impact dans les années 1990 aux États-Unis et particulièrement en Suède. Le straight edge était alors systématiquement lié au végétarisme puis au véganisme.

Youth of Today en concert
Earth Crisis en concert

Earth Crisis était le pilier de cette culture « vegan straight edge« , Leur principale chanson, Firestorm, parle ainsi d’une tempête qui va venir pour débarrasser par la violence la société du trafic de drogues.

Le groupe prônait par ailleurs la violence comme solution révolutionnaire en général, notamment contre la vivisection et en faveur de la protection de la Nature. Cette scène musicale et activiste exprime une rupture culturelle majeure au coeur de la superpuissance américaine, se confrontant directement à la terreur de la consommation et faisant de la question animale la clef morale.

Les chansons sur le mini-album sont d’ailleurs « vegan for the animals » qui appelle à devenir vegan et à aller à la victoire, « Through A River Of Blood » qui dénonce la vivisection comme un massacre, « Smash Or Be Smashed » qui appelle à l’auto-discipline pour faire face à un monde qui est en guerre contre la Nature, avec toutefois les êtres humains se prenant pour des « néo-dieux » comme dit dans « Fate of the Neo-gods ».

Tout cela est méritoire, et exemplaire. On parle toujours de bonnes résolutions pour le nouvel an : il y a ici de quoi s’inspirer.

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Culture

Le nouvel EP du groupe punk hardcore «Ecostrike»

Originaire du sud de la Floride aux États-Unis, Ecostrike est un groupe de punk évoluant dans la tradition du hardcore « vegan straight edge » née dans les années 1990. Le nom même du groupe résume en lui-même toute la démarche : « ecostrike », que l’on peut traduire allégoriquement comme « bataille de la nature », ou plus spécifiquement coup (strike) écologiste (eco-logical), une allusion au sabotage pour la défense de la planète.

Le groupe a déjà à son répertoire deux productions d’une grande qualité musicale, dont la teneur rappelle des emblématiques groupes comme « Earth Crisis » ou encore « Unbroken » : « Times Is Now » en février 2017 et une démo en 2016, d’une profonde énergie avec des paroles incisives et appelant à l’engagement en défense de la Terre.

Sorti ce 24 juillet par le label de Boston « Trible B Records », l’EP s’intitule « A Truth We Still Believe » (« une vérité à laquelle nous croyons encore »). Tant le titre de l’EP que les paroles chantées sur des riffs de guitare lourds et agressifs rappellent toute la vitalité d’un groupe qui ne renonce pas à l’idéal de rupture d’avec les valeurs dominantes destructrices de la vie.

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Culture

« Ultratechnique » de Hyacinthe, du rap et de la techno hardstyle pour « survivre »

Avec « Ultratechnique », le Parisien Hyacinthe mélange rap français et techno hardstyle pour exprimer les angoisses de la jeunesse, pour qui « survivre, c’est technique ».

Le clip, volontairement simple, brut, montre une nuit de « teuf », entre l’autoroute et la boîte de nuit. On y voit tout au long une pilule d’ecstasy, qui est peut-être la métaphore d’une jeunesse « au bord de la falaise », fuyant la réalité pour « survivre », hésitant entre l’indifférence et la résignation.

Le ton est grave, mais le propos ne doit pas être qualifié de pessimiste :

« Y’a toutes ces peurs, tous ces doutes
Demain c’est loin mais demain c’est nous
Et si demain c’est pire, il nous restera le cran
Le cran d’vivre, de grandir, comme un printemps
Des campagnes jusqu’aux centre-villes
Puisque tout brûle, on s’ra libres au cœur d’l’incendie »

Le choix du hardstyle, un son à la fois très lourd, très dur, et en même temps très festif, donne tout leur sens à ces paroles.

Cette musique est issue de la techno hardcore et de la culture gabber, qui est absolument massive dans la jeunesse prolétarienne des Pays-Bas et de la Belgique. Le public hardstyle est d’ailleurs largement retourné vers la techno hardcore, depuis la grande vague des années 2000 et du début des années 2010 : c’est que l’époque à besoin de densité, de « boom-boom » très intense.

Hyacinthe avait déjà proposé une incursion dans l’univers gabber avec son excellent titre « Sur ma vie ». La production clairement techno hardcore était une collaboration avec le collectif Casual Gabberz et le clip avait été réalisé par Anna Cazenave-Cambet, auteur du court-métrage « Gabber Lovers ».

Dans une interview très intéressante au site Manifesto, Hyacinthe explique d’ailleurs qu’il avait à l’origine un son plus gabber pour son morceau « Ultratechnique », mais qu’il a préféré un son hardstyle afin d’être plus pop, car la musique de niche ne l’intéresse pas. Il y a là une démarche artistique très intéressante, très réfléchie, et pas seulement du son balancé à la va-vite pour seulement se faire plaisir.

Notons pour finir que ce morceau est placée à la fin de son album RAVE ( avril 2019, Chapter two records), comme une sorte d’outro. Le titre de l’album est sans ambiguïté quant à sa filiation à la culture techno et la plupart des morceaux en sont imprégné. Cela en fait un album d’une grande qualité et d’une grande cohérence artistique, à rebours des albums rap habituels qui sont souvent de simple mixtapes.

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Réflexions

« La vie la pute »

Paris est un endroit parfois incontournable l’été, c’est après tout une grande ville pleine d’histoire, c’est aussi notre héritage fascinant, malgré toute la répulsion que l’on peut éprouver en pensant à quel point c’est désormais surtout la forteresse des nantis et d’une liste sans fin de prétendus intellectuels et artistes à leur service.

On regarde les rues en flânant et on se dit : quelle beauté, quel gâchis, quelle culture, quelle corruption, quel confort, les idées se chamboulent dans notre tête ! Et alors qu’on se dit que pour changer le pays, il faudra bien virer la moitié des Parisiens pour les remplacer par des gens du peuple, on peut, au détour d’une rue, être parfois frappé du fait que malgré les arrivages massifs de gens toujours plus aisés défigurant les rues, il reste des aspects populaires saisissants.

C’est par exemple une impression marquante, lors d’une simple ballade dans le centre, que de tomber début juillet sur la pittoresque manifestation hindoue consistant à tirer un grand char. Parmi les quelques centaines de personnes, surtout du Sri Lanka et façonnant de magasins et de restaurants une des rues longeant la gare du Nord, on retrouvait les Hare Krishna à l’origine de cette marche.

Il y a la recherche d’une joie qui ne peut laisser indifférent, quoiqu’on pense de tout ce folklore religieux et de son obscurantisme intellectuel. Ce n’est pas une vaine agitation, l’ambiance est colorée et pacifique, l’esprit vivifiant de l’Inde n’est pas loin et après tout, ne célèbre-t-on pas ici le végétarisme aussi ? Certains végans curieux, attentionnés et critiques, ne s’y trompent pas et on en trouve quelques uns, reconnaissables à leurs t-shirts témoignant de leur liaison avec la culture musicale du punk hardcore straight edge.

On trouvait d’ailleurs aussi quelqu’un à l’apparence pas forcément engageante, pour ne pas dire peut-être patibulaire sans vouloir l’offenser, avec un t-shirt des Cro-mags, ce groupe de musique lié à la culture Hare Krishna connu pour son album fondateur d’un certain hardcore agressif et abrasif propre à la ville de New York, The Age of Quarrel, en 1986. C’est la repentance suite à l’ultra-violence, comme l’a connu aussi « Petit Willy », un skin fameux pour sa brutalité fanatique dans les années 1980 à Paris avec le groupe nazi des « JNR » et qui vénère désormais en toute paix Krishna dans un monastère de Rouen.

Les cro-mags

La marche non forcée pour tirer le grand char finit par aboutir une centaine de mètres plus loin, place du Châtelet, où de nombreux stands étaient présents pour vendre diverses babioles alors qu’un rond et jovial animateur – coiffé et habillé comme Elvis Presley dans les années 1970 malgré une chaleur de plomb – mettait de l’ambiance pour annoncer de petits spectacles de danse et vanter le culte de Krishna.

Puis il y eut comme une apparition parmi ces gens formant, si l’on veut, un attroupement bigarré et connaissant malgré tout une certaine forme de communion. Il s’agit d’une femme, très clairement parisienne de par son style, avec cet air pincé que l’on sait. Ce qui était inscrit sur son t-shirt tranchait entièrement avec son environnement ; c’était une formule lapidaire, agressive comme savent en concocter les ambitieux cherchant à rendre à la mode leur production streetwear. On lisait ainsi, simplement mais avec une surprise dégoûtée, ce slogan allant droit au but : « La vie la pute ».

Cela relève de ces moments où toute l’absence de délicatesse de la vie en métropole nous prend à la gorge. Le cynisme s’affichant dans Paris est effrayant, effroyable, cependant là il n’a pas fait que se montrer, il s’est également présenté. Bonjour, je suis le fait de ne croire en rien, bonjour, je suis le fait de considérer mon petit moi comme unique et seul au monde, bonjour, je suis l’amertume.

Et cette présentation malsaine continuait inlassablement de se marteler après cette vision : bonjour, je suis l’âpreté, bonjour, je suis la rancœur, bonjour, je suis le ressentiment, bonjour, je suis le dépit, bonjour, je suis l’âcreté.

Et ce bonjour empoignait jusqu’à l’angoisse toute considération avant, heureusement, de s’en aller bien pensif de cet endroit.

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Culture

XXXTentacion, un punk moderne et dépressif mort très jeune

Le rappeur américain XXXTentacion a été retrouvé tué par balle dans sa voiture ce lundi 18 juin 2018 . Figure d’une nouvelle scène de rappeurs américains au style décalé, son succès était grandissant, en raison de son talent. Il n’avait que 20 ans.

XXXTentacion était une personne particulièrement violente et ses concerts étaient toujours l’occasion de bagarres hystériques. Ayant connus la pauvreté et l’abandon social-culturel des quartiers populaires américains, sa jeune vie a été faite d’altercations, d’exclusions d’établissements scolaires, d’arrestations, et même de prison pour détention illégale d’une arme à feu ou cambriolage.

Bien qu’il récuse ces accusations, son ex-compagnes a également porté plainte contre lui pour des faits de violences qui, s’ils sont avérés, sont particulièrement glauques.

Une grande sensibilité

« X » était en même temps doté d’une grande sensibilité, avec la volonté d’être utile socialement, tout en étant rongé par la dépression.

Somme toute, il apparaissait comme un personnage sympathique, se livrant facilement dans de longues émissions radios. Il s’exprimait aussi régulièrement dans des vidéos intimes en direct depuis son portable. Il y était très calme et posé, prônant la paix, l’altruisme, refusant de glorifier sa vie de délinquant, ne mettant pas en avant la drogue qu’il consommait malgré tout, refusant la décadence et les errements sentimentaux, ne parlant jamais de religions.

Sa mort, comme le reste de sa courte vie, illustre de manière intense et tragique les maux qui rongent la société américaine. C’est un pays à la pointe de modernité, avec un peuple doté de grandes capacités, particulièrement sur le plan artistique, d’exigences morales très hautes, mais qui sombre à sa base, rongé par la violence physique et le désemparement social.

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Un éclectisme partant dans tous les sens

Sur le plan musical, XXXTentacion exprimait un spleen très brutal et intense, dans un style particulièrement tourmenté, mais avec un sens du rythme et de la mélodie très élaboré. Sa courte œuvre donne l’impression de partir dans tous les sens, avec des morceaux trap rap classiques, d’autres plus underground et dans un style propre à la scène musicale de Floride active sur Soundcloud, certains autres morceaux puisant dans le rock alternatif, le reggaeton, le R’n’B des années 1990 ou encore des titres carrément métal hardcore.

Le jeune artiste était une sorte de punk moderne, multipliant les inspirations pour une expression élaborée, qui n’est resté finalement qu’un expressionnisme ne parvenant à trouver le « positif » qu’il semblait chercher. Il pouvait même donner l’impression de se complaire dans la dépression, à la manière de la culture « emo » dont il est directement le produit, comme 21 Savage, Post Malone, Lil Pump ou encore Lil Uzi Vert, autre figures « emo rap ».

En phase avec son époque et la jeunesse de son époque, la base de son public s’agrandissait sans cesse, y compris en France. Sa mort prématurée a mis fin à ce qui aurait pu être une brillante carrière.

3 titres et 1 album qui illustrent sa courte œuvre

Vice city – Sortie en 2014, ce morceau est le premier signé sous son nom de scène. Le sample de Sing To The Moon par la britannique Laura Mvula est magistrale et le texte est d’une maturité déconcertante pour un garçon de 16 ans. Il déroule un discours pessimiste et dépressif qui fait froid dans le dos. La production est basique et le titre s’est fait connaître à l’écart des circuits commerciaux majeurs.

Look at Me – D’abord sortie en 2015, c’est ensuite grâce au clip éponyme sortie plus tard en septembre 2017 qu’il s’est fait un nom aux États-Unis. Avec un sample de Change de Mala, c’est de la trap puissante, dégageant une violence particulièrement bien exprimée, avec des paroles très vulgaires. L’arrangement du morceau est très sale, très punk. Le clip ne reprend pas l’entièreté du morceau d’origine et semble l’orienter vers autre chose. Il se finit par un manifeste antiraciste optimiste (“Vous faite votre choix, mais votre enfant ne défendra pas la haine / Cette génération sera aimée, nourrie, entendue et comprise”)

Save me – Sortie en 2017, ce morceau illustre très bien la couleur de son excellent première album « 17 ». Une guitare électrique, une batterie lourde et lente, accompagnant une voix langoureuse et dépressive parlant de suicide : on croirait un morceau de grunge des années 1990 !

? – Sortie en mars 2018, malgré la grande qualité de chacun des morceaux, cet album a quelque chose de dérangeant dans sa façon de passer d’un style à l’autre sans aucune transition. Difficile de ressentir un lien entre Floor 555 et NUMB. Il y a bien plus qu’un grand écart entre Hope et schizophrenia, etc.

On notera cependant l’enchaînement très pertinent entre SAD!, qui est une complainte amoureuse pessimiste, et the remedy for a broken heart (why am I so in love), beaucoup plus positif et intéressant, tant dans la forme que dans le fond (« I’am find a perfect balance, it’s gon’ take time », / « Je vais trouver un équilibre parfait, ça va prendre du temps »).

Moonlight est quand a lui un morceau d’une grande modernité, contribuant indéniablement à définir ce qu’est la musique en 2018.