C’est une affaire aussi rocambolesque que révélatrice de notre époque où règne la confusion et l’éparpillement libéral. À Passy, une ville-dortoir à l’histoire chargée par le mouvement ouvrier, l’ancien maire PCF et militant CGT retraité se retrouve sur une liste de droite réactionnaire. Sans que le PCF, ni localement ni nationalement, ne daigne donner une explication…
Passy est une commune de 10 902 habitants en Haute-Savoie qui vient fermer la vallée de l’Arve, juste avant la montée menant à Chamonix. Au pied de cette commune, dans la localité de Chedde, il y a une importante usine électrochimique, aujourd’hui sur le devant de la scène de part sa contribution à la pollution de l’air.
Mais l’usine a également été le générateur de militants ouvriers, qu’ils soient catholiques de gauche, socialistes, et bien sûr communistes. En mai-juin 1968, l’usine fut ainsi occupée par les ouvriers pendant deux semaines.
C’est de cette tradition issue du PCF que provient Gilbert Perrin, un ouvrier aujourd’hui retraité de l’usine. En 1995, la Gauche fut favorisée localement grâce à des luttes pour l’emploi. Gilbert Perrin devenait ainsi le second maire PCF de Passy, après Albert Ala (employé d’un sanatorium) en 1977.
Voici ce qu’a écrit un ancien ouvrier de l’usine, devenu secrétaire de l’UL CGT local à propos de cette élection de 1995, dans un livre préfacé par Monsieur Gilbert Perrin lui-même :
« En 1995, de nouvelles élections municipales avaient lieu. Une liste de gauche à tendance communiste était montée, conduite par notre ancien secrétaire du Comité d’entreprise, Gilbert Perrin, qui avait beaucoup d’expérience municipale. Je me présentais comme conseilleur municipal sur cette liste qui avait de grandes chances d’être élues. Dans son programme, une des priorités était la mise à disposition de locaux aux organisations syndicales », Guy Ancey, une vie syndicale comme une autre, 2010
Grâce à la mairie de Gauche, portée par Gilbert Perrin, l’Union locale du Pays du Mont-Blanc était inauguré à Chedde le 21 janvier 1996. Gilbert Perrin a ensuite continué son militantisme politique et syndical, étant tête de liste pour le Front de gauche aux élections législatives de 2012, puis des cantonales en 2015. Il est toujours secrétaire de la section CGT retraités et surement membre du PCF.
Alors que vient faire ce vieux militant de la Gauche historique sur la liste « Passy Passion », dont l’orientation de droite plus que conservatrice ne fait aucun doute ? Composée majoritairement de chefs d’entreprises et d’artisans, souhaitant « gérer les deniers de la commune en bon père de famille », la liste compte même la présence d’un militant de la mouvance réactionnaire « Savoie Libre ». Cette mouvance chauvine puise ses origines dans la réaction en 1793 contre la levée militaire républicaine contre les monarchies européennes.
Que fait donc Monsieur Perrin sur cette liste ? A cela s’ajoute, qu’une liste ancrée à gauche est présente dans la commune. C’est la liste « Passy vraiment à gauche », portée par Laurent Nardi, un fils d’ouvrier de l’usine, formé par le PCF dans les années 1970, puis ayant rejoint le PRCF dans les années 1990. Cette liste réunit des militants LFI et de la CGT.
Soit ce vieux militant du PCF n’a plus ses cotisations à jour et est un militant en roue libre, en plein naufrage politique. Ou bien, il est toujours militant au PCF, et alors cela en dit long sur l’état idéologique d’un parti qui plaçait la discipline au vertu cardinale, synonyme d’une loyauté ouvrière.
La confusion engendrée est d’autant plus grande que la liste déposée en préfecture sous l’étiquette « divers droite » a été modifié par la préfecture en « divers gauche » du fait de la présence d’un personnage aussi important pour de la vie de la gauche locale. Pour finir, en bon démagogue de droite, Monsieur Pastéris préfère parler de liste « sans étiquette », « ni de droite, ni de gauche »…
Voilà où nous en sommes en 2020. C’est la décomposition politique avancée de la vie démocratique française, préfigurant l’avancée du fascisme qui trouve dans ce climat plein de confusion et de dépolitisation un boulevard. Il est temps que la Gauche historique se ressaisisse et repose les fondamentaux afin d’impulser un nouveau cycle.