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L’initiative commune lancée par de nombreuses figures de la Gauche

C’est « à titre personnel » que de nombreuses figures de la Gauche ont lancé une « initiative commune », dont voici le manifeste. Cela regroupe l’ensemble du spectre centristes de gauche, EELV, PS, PCF, avec une volonté sous-jacente de dépassement de ces structures.

Cette initiative commune vise clairement à passer au-dessus des partis et organisations, voire au-delà de la notion de parti, dans la perspective d’une unification nouvelle de la Gauche.

Parmi les signataires, notons le premier secrétaire du Parti socialiste Olivier Faure, l’économiste Thomas Piketty, l’ex secrétaire général de la CGT Bernard Thibault, la figure du PCF Ian Brossat, la porte-parole du PCF Cécile Cukierman, la directrice d’OXFAM France et ancienne figure d’EELV Cécile Duflot, le fondateur de Place publique Raphaël Glucksmann, la principale figure d’EELV Yannick Jadot, le maire EELV de Grenoble Éric Piolle, la centriste écologiste ex-LREM Corinne Lepage, Virginie Rozière co-présidente des Radicaux de gauche.

« Au cœur de la crise, construisons l’avenir

La France affronte un séisme d’une ampleur inouïe. Favorisée par la destruction de la nature, la pandémie a généré une crise économique de grande ampleur, une commotion sociale brutale, notamment pour les plus précaires, et une mise entre parenthèse du fonctionnement démocratique. Elle a révélé l’improvisation des pouvoirs publics face à cette crise majeure. L’engagement extraordinaire des soignantes et des soignants, le courage de celles et ceux qui n’ont cessé de travailler sans relâche au service de tous et le civisme de millions de personnes confinées dans des conditions difficiles appellent une reconnaissance unanime. Dès maintenant, il s’agit d’éviter le pire et de préparer l’avenir. La réparation des dégâts annoncés, la défense des libertés, l’obligation de préparer une société résiliente nécessitent de fortes dynamiques collectives. La crise confirme l’urgence radicale des grandes transitions. De cette impérieuse nécessité, faisons naitre une espérance. Nous ne sommes pas condamnés à subir !

Au coeur de cette crise, il nous faut tourner la page du productivisme. Il faut affronter les périls immédiats, s’accorder pour engager la transition écologique et dans un même mouvement les transformations sociales et économiques trop longtemps différées. L’impasse où nous ont conduits les politiques dominantes depuis quarante ans et le capitalisme financier exige une offensive résolue. Avec cette initiative commune, dans le respect de nos différences, nous nous engageons à la hauteur des principes que nos prédécesseurs ont affirmés dans la « reconstruction » qui suivit la seconde guerre mondiale. Aujourd’hui, en temps de paix, nous devons faire preuve d’une égale ambition, avec la volonté que les Français s’emparent de ces débats.

L’état d’urgence sociale doit se déployer dès maintenant dans l’ensemble du pays, à commencer par les quartiers populaires et les territoires ruraux, partout où la crise remet à vif la grande pauvreté et les inégalités. Les familles déjà vulnérables, comme celles qui viennent brutalement de plonger dans le chômage et la pauvreté, se comptent par millions. La solidarité nationale doit intervenir pour aider les locataires, contribuer à payer les factures d’eau et d’électricité, par l’aide alimentaire et la fourniture gratuite de masques, par des soutiens exceptionnels individualisés pour que vivent décemment celles et ceux, y compris les jeunes, qui ont vu leur travail et leurs revenus disparaitre. Cette crise doit enfin imposer un basculement des politiques publiques : « sortir » des dizaines de milliers de personnes de la rue, c’est affaire de dignité d’abord, mais aussi d’ordre public sanitaire et social.

Pour aller plus loin, la France, comme d’autres en Europe, doit imaginer et mettre en chantier dès cette année un nouveau modèle de protection sociale. Pour ces temps de grande transition, il y a urgence à assurer un revenu digne rendant possibles à toutes et tous la formation, l’accès à un nouvel emploi ou un projet professionnel. Compte tenu de la hausse explosive du nombre des sans-emplois, ce serait une faute historique de maintenir la « réforme » de l’assurance chômage de 2020. Il faut permettre dès maintenant à tous les territoires volontaires de mettre en oeuvre la belle initiative Territoires zéro chômeur de longue durée, inspirée des expériences du mouvement associatif. Quant aux travailleurs étrangers en situation irrégulière, soutiers plus anonymes encore de nos économies, leur accès au droit au séjour doit être facilité.

Pour pouvoir mobiliser les énergies de toutes et tous, il faudra inventer et consolider des protections collectives plus adaptées à notre temps, combler les failles majeures que la crise a soulignées, agir pour l’accès à la santé et des retraites décentes. Certains, à l’inverse, manifestent déjà la volonté de réduire les droits sociaux à la faveur de l’émotion générale, notamment sur la question du temps de travail. Nous ne laisserons pas faire, et nous demandons qu’il soit renoncé définitivement au projet de réforme des retraites qui mine la cohésion nationale dont nous avons tant besoin. Face à la précarité ou aux inégalités femmes-hommes, tous les travailleurs et travailleuses, indépendants, artisans et commerçants, professionnels des plates-formes, salariés en CDD, intermittents ou intérimaires, doivent être dotés de droits sociaux individuels complets et d’une capacité réelle de négociation collective.

Le statu quo n’est plus possible. Nous défendons une société de la reconnaissance, qui sache valoriser celles et ceux sans lesquelles elle ne tiendrait pas, dans la crise comme après. Travailleurs de l’aube et du soir, fonctionnaires de jour comme de nuit, soignants et enseignants dévoués, elles (très souvent) et ils sont en droit d’attendre bien sûr des primes immédiates et légitimes, mais aussi une amélioration significative et sans délai de leurs conditions d’emploi et de salaire, à commencer par le Smic. Lorsque ces personnes ont des enfants, la prise en charge par les employeurs des frais de garde, l’organisation de nouveaux centres de vacances dès 2020 avec les mouvements d’éducation populaire seraient aussi de justes rétributions. Le confinement a mis également en exergue la nécessité de reconnaitre le féminicide en droit français et de ne plus reporter un plan national d’ampleur contre les violences faites aux femmes et aux enfants, en doublant le budget alloué aux associations venant en aide aux victimes et aux lieux de prise en charge

Les Français vivent intensément les effets de l’affaiblissement de notre système de santé. Sous tension bien avant le tsunami du Covid19, l’hôpital public a été asphyxié par des années d’austérité budgétaire et la marchandisation de la santé. Une loi de programmation doit assurer au plus vite un financement pérenne des investissements des hôpitaux et des Ehpad, rompre avec la spirale des fermetures de lits et permettre la revalorisation des métiers de soignantes et soignants. Cette refondation permettra de retrouver une capacité de prévision et d’anticipation, et les moyens d’affronter collectivement les chocs de grande ampleur. Elle devra également garantir à tout moment la disponibilité des principaux médicaments sur le territoire national. Elle assurera enfin la réhabilitation des soins de premiers recours, efficients et réactifs face à de nouvelles crises et la fin des déserts médicaux, indignes de notre pays.

L’avenir de notre économie et sa conversion écologique se jouent en ce moment. Le soutien public à la survie du système productif est vital. Il doit être associé à une conditionnalité environnementale et sociale exigeante. Des fleurons de notre économie sont au bord de la faillite, avec le cortège habituel de restructurations brutales et de chômage massif. Face à ces risques, la réaction de l’État en faveur de l’emploi doit être couplée à la mise en oeuvre accélérée de la transition écologique, à commencer par le respect des Accords de Paris sur le climat. C’est seulement ainsi que le sauvetage des emplois sera durable. Une politique industrielle crédible implique des choix stratégiques nationaux ; elle se construit dans chaque région avec toutes les parties concernées, entreprise par entreprise, branche par branche. La mobilisation doit intégrer pleinement les enjeux d’indépendance et de relocalisation, de recherche et d’innovation, mis en lumière de façon éclatante dans la crise actuelle.

D’ici la fin de cette année, il appartient à la puissance publique d’identifier avec tous les acteurs les secteurs stratégiques à relocaliser au niveau français ou européen, les chaines de valeurs à contrôler et les productions à assurer au plus proche des lieux de consommation. Les événements récents confirment une fois de plus les fragilités de l’Europe quand elle se limite à n’être qu’un marché livré aux excès du libre-échange, renonçant à protéger son économie. La signature des traités qui amplifient cet abandon doit être stoppée, et ceux qui existent déjà révisés. Rien ne sera possible sans un pilotage ambitieux du système de crédit, avec un pôle public de financement et la BPI jouant enfin réellement son rôle. La mise en oeuvre de nationalisations là où il le faut doit permettre non de mutualiser les pertes, mais d’atteindre des objectifs d’intérêt général. Dans ce but, il faudra aussi miser davantage sur l’économie sociale et solidaire pour mieux ancrer l’économie dans les territoires et impulser le nouveau modèle de développement.

Cette épidémie et sa propagation rapide sont liées à la destruction accélérée des habitats sauvages combinée à une mondialisation insuffisamment régulée. Elles renforcent l’urgence d’une remise en cause de notre mode de production et de consommation : la transformation écologique de la France est le nouveau défi de notre République au XXIème siècle. Cette prise de conscience des communs naturels à protéger et de l’impasse des modes de consommation actuels est essentielle, tout comme les combats de la gauche. Les propositions des participants de la Convention citoyenne pour le climat et sa méthode ont permis que progressent dans la société des projets d’une grande richesse. Les politiques publiques doivent être au rendez-vous de cette urgence planétaire.

Nous proposons que soit discutée et mise en oeuvre rapidement une Prime pour le climat, afin d’éliminer en priorité les passoires thermiques et sortir les plus pauvres de la précarité énergétique. Elle accompagnera aussi les travaux de rénovation énergétique rendus obligatoires pour l’ensemble du bâti afin d’atteindre deux millions de logements par an, en privilégiant les rénovations complètes. Des dizaines de milliers d’emplois non délocalisables pourraient être ainsi créés.

La France a besoin également de bâtir un plan ambitieux de transition vers une mobilité durable, pour soutenir l’électrification des motorisations, les modes de transports collectifs et partagés, la relance des réseaux ferroviaires, mais aussi l’extension du droit au télétravail dans des conditions protectrices pour les salariés.

Conçue pour éviter un recours accru aux énergies fossiles, dont les prix baissent du fait de la crise, la Contribution Climat Énergie doit s’accompagner de mesures de redistribution de grande ampleur pour en compenser les effets sur les plus vulnérables. Une relance publique du soutien à la transition écologique locale est plus que jamais indispensable afin d’impliquer beaucoup plus les territoires et les citoyen.ne.s dans le déploiement des projets collectifs d’énergies renouvelables. Ces investissements supplémentaires dans la transition écologique devront être sortis des critères budgétaires européens.

La refonte des aides de la PAC en soutien des petites et moyennes exploitations doit être accélérée, pour permettre une agriculture respectueuse de l’environnement, la croissance des productions bio, et pour développer le paiement des services environnementaux (stockage du carbone, arrêt des intrants chimiques…). Il faudra enfin donner toute sa place dans nos textes fondamentaux au droit de la nature et mettre en oeuvre de façon strict sur l’ensemble du territoire la politique du « zéro artificialisation nette » et la protection de la biodiversité.

Ces investissements massifs, pour l’immédiat ou le futur, exigent un financement soutenable et équitable. L’engagement de l’Europe en est l’une des clés. C’est une nécessité qui conditionne la survie de l’Union, quand les forces de démembrement prospèrent grâce au manque de solidarité européenne dans chaque moment de crise. On attend de l’Europe qu’elle conduise durablement une politique monétaire à la hauteur du risque actuel, mais aussi qu’elle mette en oeuvre des formes inédites de financement en commun pour empêcher une hausse de l’endettement des États, en particulier les plus affectés par la crise sanitaire. Il faudra aussi dès les prochains mois engager le chantier de la restructuration des dettes héritées des crises successives.

Tous les pays en ont en effet un urgent besoin pour permettre un nouveau départ et la transformation de leurs économies tellement interdépendantes. Ces financements européens ne sauraient être assortis des mesures d’austérité qui ont creusé entre les peuples des blessures encore inguérissables. Les conditionnalités aujourd’hui se nomment écologie, cohésion sociale et respect de la démocratie. Une transformation profonde des structures de l’Union européenne est indispensable pour rendre possibles ces politiques ambitieuses de solidarité. Cela implique la remise en cause du pacte budgétaire.

Mais l’Europe ne pourra pas régler seule l’addition de la crise. Les États devront eux aussi apporter une réponse fiscale et budgétaire dans un esprit de justice. Pour corriger les inégalités creusées au cours des dernières décennies et aggravées par la crise, et pour prévenir l’effondrement de nos sociétés. La France doit rétablir un Impôt de solidarité sur la fortune, mettant à contribution les patrimoines les plus élevés, et renforcer la progressivité de sa fiscalité sur les revenus, notamment ceux du capital, largement érodée depuis 2017. Compte tenu de l’ampleur des dépenses engagées pour faire face à la crise, elle devra appeler une contribution anti-crise des citoyens les plus aisés. La taxation des secteurs qui ont bénéficié de la crise et de ceux qui ont décidé, au coeur de la tempête, de continuer à distribuer des dividendes ou à s’enrichir à l’abri des paradis fiscaux doit être proposée sans délai au Parlement. La maitrise à l’avenir des écarts de salaires au sein des entreprises participe de ces préalables de justice : au-delà d’un écart d’un à douze, il ne serait plus possible de déduire les rémunérations et les cotisations de l’impôt sur les sociétés. Ces choix sont inséparables d’une action ambitieuse pour que les bénéfices des sociétés multinationales cessent d’échapper largement à la fiscalité française, notamment en les obligeant à une totale transparence sur leurs activités et les taxes payées dans les pays où elles sont présentes. Cette reconquête ne sera complète que lorsque les géants du numérique contribueront par un impôt juste aux efforts d’investissement qui attendent la France et l’Europe.

Ces mesures n’auront de sens et d’efficacité que si dans l’après-crise, une transition démocratique offre à tous la capacité d’agir pour un monde commun. La verticalité du pouvoir fracture la société. Elle alimente l’impuissance et la défiance. C’est l’échec de la Vème République. Seule une refondation de nos institutions permettra de le dépasser. Il est impératif de ne pas confier à un « sauveur suprême » ou au pouvoir technocratique « la sortie de crise », mais au contraire d’augmenter la participation des citoyen·ne·s aux décisions qui les concernent et cela à tous les niveaux.

Réussir les transitions exige un développement des emplois publics partout où leur manque cruel se vérifie aujourd’hui. Il faudra aussi rénover l’action publique en inventant les outils, l’organisation, les métiers du secteur public de demain. Rien ne progressera sans des délibérations collectives, valorisant bien davantage les citoyens et leurs compétences, l’éducation, l’innovation sociale et la création culturelle, les territoires, villes et villages.

Cet impératif s’adresse aussi aux entreprises : pour réussir la sortie de crise, il faut y faire entrer la démocratie en associant réellement les salariés à leur stratégie. Cela doit s’incarner dans une codétermination à la française avec la présence de 50% de représentants des salariés dans les conseils de surveillance ou les conseils d’administration des grandes entreprises et le renforcement des pouvoirs des représentants des salariés à tous les niveaux.

Lourde de souffrances inédites, cette période ne doit pas confisquer les espoirs de changement, bien au contraire. Faisons place à l’action collective et à ces premières convergences. Pour être à ce rendez-vous de notre Histoire, nous proposons qu’un grand événement, une « convention du monde commun », réunisse dans les prochains mois toutes les énergies disponibles, les citoyennes et citoyens épris de profonds changements, les formations politiques, les forces associatives, les initiatives que portent syndicats et ONG. C’est une première étape cruciale et attendue pour une alternative démocratique, écologique et sociale. Nous voulons lui donner la force de notre engagement.


Premiers signataires* : Syamak Agha Babaei, Christophe Aguiton, Amandine Albizzati, Claude Alphandery, Nathalie Appéré, Gérard Aschieri, Guillaume Balas, Jeanne Barseghian, Marie-Laure Basilien-Gainche, Laurent Baumel, Romain Beaucher, Anne-Laure Bedu, Jacqueline Belhomme, Esther Benbassa, Patrice Bessac, Olivier Bianchi, Habiba Bigdade, Loïc Blondiaux, Alice Bosler, Maurice Braud, Rony Brauman, Axelle Brodiez, Ian Brossat, Philippe Brun, Julia Cagé, Sophie Caillat, Andrea Caro, Fanélie Carrey-Conte, Lucas Chancel, Pierre Charbonnier, Christian Chavagneux, Alain Coulombel, Annick Coupé, Jezabel Couppey-Soubeyran, Françoise Coutant, Thomas Coutrot, Cécile Cukierman, Ronan Dantec, Joël Decaillon, Carole Delga, Stéphane Delpeyrat, Laurianne Deniaud, Emmanuel Denis, Gregory Doucet, Marie-Guite Dufay, Cécile Duflot, Antoine Dullin, Jérôme Durain, Guillaume Duval, Timothée Duverger, Nicolas Duvoux, Anne Eydoux, Olivier Faure, Rémy Féraud, Aurélie Filippetti, Diana Filippova, Alain Foix, Didier Fradin, Philippe Frémeaux, Guillaume Garot, Karl Ghazi, Jean-Luc Gleyze, Raphael Glucksmann, Daniel Goldberg, Guillaume Gontard, Gaëtan Gorce, Aziliz Gouez, Bernadette Groison, Florent Gueguen, Denis Guenneau, Hélène Hardy, Jean-Marie Harribey, Anne Hessel, Catherine Hoeffler, Pierre Hurmic, Marie-Hélène Izarn, Pierre Jacquemain, Yannick Jadot, Hugues Jallon, Vincent Joineau, Régis Juanico, Nina Karam-Leder, Pierre Khalfa, Yazid Kherfi, Hella Kribi-Romdhane, Thierry Kuhn, Joël Labbé, Guillaume Lacroix, Delphine Lalu, Aurore Lalucq, François Lamy, Sandra Laugier, Pierre Laurent, Guillaume Le Blanc, Joël Le Coq, William Leday, Claire Lejeune, Corinne Lepage, Elliot Lepers, Nadine Levratto, Medhi Litim, René Louail, Benjamin Lucas, François Mandil, Bénédicte Manier, Edouard Martin, Gus Massiah, Nora Mebarek, Dominique Meda, Philippe Meirieu, Claire Monod, Beligh Nabli, Naïri Nahapetian, Jean-François Naton, Alexandre Ouizille, Christian Paul, Renaud Payre, Willy Pelletier, Camille Peugny, Maxime Picard, Thomas Piketty, Eric Piolle, Dominique Plihon, Dominique Potier, Alexis Poulin, Angèle Préville, Audrey Pulvar, Valérie Rabault, Jean-Paul Raillard, Gilles Raveaud, Sandra Regol, Nadine Richez-Battesti, Martin Rieussec-Fournier, Jacques Rigaudiat, Marie-Monique Robin, Johanna Rolland, Barbara Romagnan, Laurence Rossignol, Muriel Rouyer, Virginie Rozière, Michèle Rubirola, Jérôme Saddier, Bernard Saincy, Eva Sas, Mounir Satouri, Frédéric Sawicki, Laurence Scialom, Sabrina Sebaihi, Aissata Seck, Véronique Sehier, Gabrielle Siry, Emmanuel Soulias, Jo Spiegel, Olivier Szulzynger, Sophie Taillé-Polian, Bernard Thibault, Benoît Thieulin, François Thiollet, Isabelle This Saint-Jean, Stéphane Troussel, Henri Trubert, Hulliya Turan, Boris Vallaud, Najat Vallaud-Belkacem, Shahin Vallée, Antoine Vauchez, Denis Vicherat, Anne Vignot, Patrick Viveret.

* à titre personnel »

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Après le mythe de la grève générale, le populisme du référendum

La grève générale n’étant clairement pas en vue, il fallait trouver un autre mythe mobilisateur de la part du PCF et de La France insoumise pour sauver la CGT. C’est l’Humanité qui s’est chargée de la mission, avec un grand appel à un référendum. Il faut sauver le soldat CGT.

Si la CGT coule, alors tout un pan de la Gauche s’écroule. Pas celle liée au Parti socialiste, car elle s’appuie de son côté sur des valeurs, un programme. Mais celle liée au PCF, à La France insoumise, au NPA, c’est-à-dire « à la gauche de la gauche », qui vit de surenchère.

S’il n’y a plus la CGT, il n’y a plus le levier de la surenchère. Et c’est la fin de tout. Il ne reste alors que les idées, le programme, les valeurs, et cela ne pèse pas lourd, tellement le populisme a fait des ravages.

L’ultra-gauche peut bien de son côté commencer à dénoncer une CGT qu’elle a entièrement soutenu jusque-là. Elle ne fait que revenir à son culte de la marginalité après un traditionnel suivisme syndical à la première occasion. Hier, les chasubles CGT, les cortèges CGT, aujourd’hui les postures de regret du manque d’élan, de la « trahison » des dirigeants. Rien de plus classique. On connaît l’adage : « la crise est une crise de la direction révolutionnaire ». L’ultra-gauche connaît son Léon Trotski.

Mais le PCF et LFI ont de l’ambition. Sans la CGT, il n’y a plus les moyens de cette ambition. Il faut donc agir avant qu’il ne soit trop tard. Ce qui se lit ici, c’est l’étrange rapport, très pervers, entre la gauche de la gauche et le syndicalisme. Il y a des non-dits, des zones réservées, un équilibre précaire mais en même temps une grande connivence, etc. Il y a un accord masqué qui, véritablement, pourrit la primauté de la politique et ce depuis les débuts de la CGT.

Il y a par conséquent une dépendance à la CGT, que le PCF et LFI la reconnaissent comme essentielle. Il faut donc sauver la CGT, qui va dans le mur. Mais comment faire pour ne pas la compromettre, pour qu’elle sauve la face ? D’où l’idée de demander un référendum, avec une pétition en ce sens, signée des principales figures de la « gauche de la gauche ».

La CGT, anti-politique, ne le signera pas, surtout lancée dans la grève, du moins officiellement. Si elle le fait, elle remettrait en cause sa propre logique syndicaliste. Elle ne peut donc pas vraiment être vexée. Surtout que c’est l’Humanité qui lance la pétition. On a aussi parmi les signataires Patrick Le Hyaric, qui est directeur de l’Humanité, ainsi que Bernard Thibault, ancien secrétaire général de la CGT.

Les angles sont donc arrondis. Et pour sauver le soldat CGT, on a Ian Brossat du PCF, ainsi que Adrien Quatennens et Jean-Luc Mélenchon de La France Insoumise. On a Marie-Noëlle Lienemann et Emmanuel Maurel de la Gauche républicaine et socialiste et Gérard Filoche de la Gauche démocratique et sociale.

On a Julien Bayou, qui est secrétaire national d’EELV, et Alain Coulombel, porte-parole d’EELV. On a Clémentine Autain de La France insoumise et Guillaume Balas, coordinateur de Génération-s.

On a également des figures d’arrière-plan, comme Pouria Amirshahi, ancienne figure majeure du syndicalisme étudiant et actuel directeur de publication de Politis, Willy Pelletier qui est coordinateur général de la fondation Copernic, Alain Obadia qui est président de la fondation Gabriel-Péri.

La liste initiale comporte également des avocats, des intellectuels, des chercheurs, des artistes, des économistes, etc. avec quelques ambulancier, sans profession et chauffeur poids lourd pour donner un côté populaire.

Est-ce que cela suffira ? Certainement pas. C’est même plus un signe d’effondrement qu’autre chose. Car la véritable actualité n’est pas dans ces noms. Elle est dans le fait que les hauts cadres du Parti socialiste ont également signé la pétition, et notamment Olivier Faure, qui est secrétaire national du PS, et Jean-Christophe Cambadélis, ex-premier secrétaire.

Qu’Olivier Faure veuille faire bien, soit. Mais que viennent faire les autres signataires, et notamment Jean-Christophe Cambadélis ? Ce dernier a un regard extrêmement précis et aguerri. Il disait tout récemment, avec justesse, au sujet des municipales :

« La gauche, elle, va toucher le fond de la piscine alors que le PS gardera pour l’essentiel ses bastions. Le PCF aussi, grâce à une alliance jugée hier impossible avec le PS. Même si ce sera l’arbre qui cachera la forêt des reculs du premier tour, la rupture avec la France insoumise va coûter chère au PCF et à la France insoumise.

Les écologistes seront globalement très hauts et devant les socialistes là où la gauche n’est pas sortante. Dans les villes de Besançon, Bordeaux etc. où la gauche est unie avec eux, ils peuvent même virer en tête. Reste que l’écologie est un vote de 1er tour, pas ou pas encore de rassemblement.

Quant à la France insoumise, elle est réduite à une posture de témoignage protestataire, ayant du mal à exister dans ce scrutin qui est pour elle encore plus difficile que les européennes. »

Et il ajoutait, présentant sa solution :

« Mais, encore une fois, le problème de la gauche c’est la faiblesse et le manque d’attractivité du PS. Ce n’est pas un problème de personnes mais une question structurelle. La marque est obsolète, il faut la refonder (…). Ce renouveau, cette réinitialisation du PS nécessite de dépasser le PS. »

Jean-Christophe Cambadélis croit-il qu’une Gauche, qu’il qualifie de « réformiste », peut naître d’un appel populiste à sauver une CGT antipolitique qui a mené un mouvement de protestation dans le mur ?

Cet appel au référendum est un suicide pour la Gauche politique. Il est une énième tentative de contourner les problèmes, les questions de politique, d’économie, de morale, de société, de valeurs. Il n’est aucunement possible d’échapper à la seule solution possible : constituer une Gauche consciente, organisée, structurée, établie de manière stricte.

Cela n’est pas possible avec une Gauche populiste, libérale culturellement, refusant l’organisation au nom de « mouvements », ne cherchant jamais à établir des structures locales menant un travail sur le long terme.

Le signe qu’on a ici, c’est que le Parti socialiste lui-même agonise – pas qu’il va contribuer à une structuration à Gauche. Sinon il ne se retrouverait pas là.

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Les réactions à la proposition de fédération populaire par Jean-Luc Mélenchon

Plusieurs personnalités liées à la Gauche ont réagit à la proposition faite par Jean-Luc Mélenchon de créer une fédération populaire. Les réactions sont dans l’ensemble mitigées, car tout le monde ou presque a compris qu’il s’agirait surtout d’un « rassemblement » autour de sa propre personne.

Le Premier secrétaire du Parti socialiste a bien résumé le sentiment général à Gauche sur la proposition du leader de la France insoumise :

« C’est « Je veux bien rassembler mais sur mes bases et derrière moi ». Et c’est comme ça qu’on n’y arrive jamais ».

Olivier Faure a également considéré que c’était d’abord « un aveu d’échec » de la part de  celui qui avait initialement refusé « l’idée même de rassembler la Gauche ».

Selon lui, le député insoumis considérait auparavant « qu’il n’était pas de la Gauche mais du peuple », ce à quoi il a répondu :

« la Gauche, ça n’est pas le populisme, ça ne le sera jamais. Jamais. Cela suppose de sa part qu’il fasse ce pas-là et qu’il abandonne cette idée folle du populisme de gauche ».

Olivier Faure considère par ailleurs que le Parti socialiste fait la démarche de l’unité pour les élections européennes en présentant Raphaël Gluksman et que cela fonctionne, tout en regrettant qu’il y ait actuellement une « offre divisée ». C’est un raisonnement qui peu paraître absurde, car cela revient à se féliciter d’une situation tout en regrettant qu’elle n’existe pas.

Il faut cependant comprendre que le Parti socialiste considère être toujours la force centrifuge de la Gauche. Il imagine pouvoir rassembler à nouveau après ces élections, ce qui couperait de fait l’herbe sous le pied de Jean-Luc Mélenchon :

« Il y a déjà une progression, qui n’est pas suffisante, et nous devons viser un score qui nous mettent dans une situation où nous puissions, demain, être à nouveau en mesure de rassembler et d’être un pôle de stabilité à gauche. »

Le sénateur et secrétaire national en charge des relations extérieures du Parti socialiste Rachid Temal est allé dans le même sens qu’Olivier Faure, en critiquant l’exclusion de fait du PS par la France insoumise :

« Mélenchon dit « Je veux discuter avec la Gauche », mais ne veut pas des partis et met des oukases sur le PS  ! »

Le candidat Raphaël Glucksmann a pour sa part considéré qu’effectivement, « la gauche ne pourra être une offre crédible que si elle se réunit », mais qu’il faut d’abord avoir des discussions de fond, en assumant les divergences de chacun. On comprendra que cela revient là aussi à critiquer le populisme de Jean-Luc Mélenchon, qu’il avait d’ailleurs qualifié quelques jours avant de « Thatcher de gauche ».

De son côté, le tête de liste du PCF aux Européennes Ian Brossat a eu une position plus mesurée, mais néanmoins sceptique. Il a considéré qu’il était d’accord sur l’idée de se reparler à Gauche après les Européennes, mais que pour autant « personne ne peut jouer les gros bras ».

Le secrétaire national du PCF Fabien Roussel n’a pas réagit publiquement, ou alors très discrètement et cela est passé inaperçu. Rappelons qu’il expliquait au mois de février dernier discuter toutes les semaines avec Jean-Luc Mélenchon « pour lui demander de se détendre un petit peu, qu’on puisse trouver les contours d’un rassemblement ensemble », précisant que cela ne « veut pas dire forcément fusionner dans des listes ».

Benoît Hamon a pour sa part répondu longuement à la proposition de fédération populaire, dans un entretien également à Libération dès le lendemain. Il a considéré cela comme un « geste d’unité » pris très « au sérieux ».

Sa position est néanmoins compliquée à comprendre. Il explique qu’il faut une unité face au danger que représente l’extrême-droite, sans parler du fait que justement Jean-Luc Mélenchon n’aborde jamais le sujet de l’extrême-droite dans son long entretien.

> Lire également : Jean-Luc Mélenchon rejette le principe de Front populaire et appelle la Gauche à suivre sa démarche

Les propos de Benoît Hamon sont de gauche, avec un héritage évident de la tradition du Front populaire :

« Je vois la colère partout. L’alternance la plus naturelle aujourd’hui, c’est Marine Le Pen. Je me refuse d’user de cette situation avec cynisme comme le fait Emmanuel Macron en polarisant le débat entre lui et le Rassemblement National. Je préfère apporter des réponses positives aux inquiétudes des Français. Pour ce faire, il nous faut une gauche forte. Le drapeau est aujourd’hui à terre, relevons-le. »

Il semble cependant céder à la panique, en oubliant l’analyse de fond en raison d’un danger imminent, ce qui est forcément un grave erreur. Il dit en effet :

« Alors à tout prendre entre le désastre annoncé et un geste d’unité je préfère prendre acte de ce geste d’unité et le prendre au sérieux. Après tout, le fair-play, c’est peut-être contagieux. »

Il ne semble pas avoir vu que Jean-Luc Mélenchon n’était pas du tout dans une optique de Front populaire face à l’extrême-droite.

Le secrétaire national d’Europe Écologie-Les Verts David Cormand a lui très bien vu que la question se posait par rapport à l’extrême-droite et que le « peuple de gauche » ne considérait pas le leader de la France insoumise comme étant un opposant à l’extrême-droite :

« Mélenchon le fait maintenant parce qu’il est en difficulté politique, interne, et dans les sondages. Il voit bien que le peuple de gauche qui lui avait accordé sa confiance à la présidentielle considère moins que c’est lui qui peut offrir une alternative aux libéraux et aux fachos ».

Finissons par Yannick Jadot, tête de la liste Europe Écologie-Les Verts, qui pour le coup assume totalement de ne plus être de gauche. Il a répondu qu’il fallait totalement rejeter la question de l’unité de la Gauche :

« J’ai noté qu’après m’avoir tapé dessus, il était favorable à l’économie de marché, finalement. Il est vrai que l’économie chez Maduro, l’économie des sovkhozes, ça ne fait pas rêver. Le problème de Mélenchon, Faure, Hamon, Glucksmann est que le pôle socialiste a explosé. Ils utilisent l’écologie pour essayer de masquer leur rupture. Ils disent tous : il faut recomposer la gauche derrière moi.

Moi, mon sujet, c’est qu’un projet écologique et solidaire gagne en Europe et dans ce pays. Je n’ai jamais été socialiste, trotskiste ou communiste, je n’ai toujours été qu’écologiste. J’ouvre portes et fenêtres aux citoyens qui ont compris que la lutte contre le dérèglement climatique était la mère de toutes les batailles et qu’elle pouvait être un formidable levier de justice sociale. »

Il rejette de ce fait totalement la proposition Jean-Luc Mélenchon, le considérant presque ouvertement comme un équivalent de Marine Le Pen (alors que lui-même est un équivalent d’Emmanuel Macron) :

« Non, ça ne m’intéresse pas. Jean-Luc Mélenchon a des convictions, une colère, une indignation par rapport à l’injustice sociale que je peux partager. Mais il a une conception de la démocratie qui n’est pas la mienne. Il passe son temps à brutaliser le débat politique, moi je veux apaiser notre pays. Il se place dans une logique national-étatiste, moi je veux une France beaucoup plus décentralisée, régionalisée.

Je crois fondamentalement que l’Europe, malgré ses défauts, est une formidable aventure, qu’elle est notre horizon civilisationnel. Il a quelques ambiguïtés avec Maduro et Poutine. Nous les écologistes, combattons toutes les dictatures, de droite, de gauche, où qu’elles soient. Nous devons à nos enfants une Europe des libertés, qui reconnaît à chacune et chacun sa dignité, ses identités multiples. Nous leur devons un avenir bienveillant dans lequel ils se projetteront avec confiance. »

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La lettre de Ian Brossat du PCF à France Télévision

Ian Brossat qui conduit la liste PCF pour les élections européennes de mai prochain n’est pas invité au grand débat télévisé du 4 avril prochain sur France 2. S’il fustige avec raison un déni de démocratie, il faut malgré tout rappeler la grande responsabilité de la Gauche dans son ensemble qui, en refusant l’unité, donne en quelque sorte le bâton pour se faire battre.

Pour les organisateurs de débats télévisés, y compris sur le « service public », ce qui compte est surtout la contrainte technique de la réalisation. Leur préoccupation n’est pas démocratique, alors ils voient forcément les « petites listes » comme autant de difficultés pour distribuer la parole, avoir un rendu dynamique, ne pas traîner en longueur, etc.

Ce qui se passe est très simple : les organisateurs ne voient pas l’intérêt de donner la parole à une liste créditée de quelques pourcents dans les sondages, qui selon-eux dira peu ou prou la même chose qu’une autre, par exemple celle de Benoît Hamon.

Le problème est que tout le monde à Gauche mise sur les élections pour se faire entendre, peser le plus possible, comme si la bataille démocratique ne pouvait passer que par là, ou en tous cas principalement par là. C’est une grossière erreur.

La Gauche devrait être en mesure d’avoir une seule voix qui se ferait entendre clairement et facilement à la télévision pour les élections. Les débats électoraux télévisés ne sont pas le lieu pour un débat contradictoire entre les différentes forces de Gauche qui veulent chacune apporter leur nuance. Ce genre de débat doit avoir lieu avant, et surtout sous d’autres formes, réellement démocratiques, permettant d’analyser le fond et d’étayer les arguments.

Voici donc la lettre de Ian Brossat qui en quelque sorte réclame son du à la directrice de France Télévision avec des arguments qui ne sont pas absurdes, mais qui sont très insuffisant politiquement.

Rappelons avant que le PCF a prévu un rassemblement devant le siège du groupe pour appuyer cette demande mardi prochain le 19 mars à 18h.

 

Madame Delphine Ernotte-Cunci

Présidente de France Télévisions

 

Madame la Présidente,
La chaîne France 2, du groupe public France Télévisions dont vous êtes la Présidente, organise le jeudi 4 avril un débat télévisé dédié à l’élection européenne lors de « L’Émission politique ».
Votre initiative est salutaire pour notre démocratie et pour le débat public, alors que cette échéance électorale d’une importance capitale demeure mal connue du grand public.

Toutefois, à la suite d’un appel téléphonique fortuit de notre attachée de presse, nous avons appris que France 2 ne jugeait pas utile d’inviter de représentant de la liste « Pour l’Europe des gens, contre l’Europe de l’argent », soutenue par le Parti Communiste Français, et que j’ai l’honneur de conduire.

Il s’agirait d’un déni de démocratie grave et incompréhensible.

Comme vous ne l’ignorez pas, le Parti communiste français est présent dans les deux assemblées, avec plus de trente parlementaires qui prennent part au fonctionnement institutionnel de notre pays. Les Françaises et les Français se sont choisis plus de 7 000 élu·es locaux et nationaux de notre famille politique pour les représenter, plus de 800 maires et trois parlementaires européens pour faire entendre et respecter leur voix. L’effacement du Parti communiste français du débat du jeudi 4 avril, sur la première chaîne du service public, serait une véritable anomalie démocratique.

Comme en 2005 déjà, à l’occasion du référendum européen, les Français attendent aujourd’hui une plus juste et sincère représentation de leurs opinions. Dans cette élection européenne où l’enjeu du pluralisme est tout particulièrement important, la voix de la liste du PCF n’est réductible à celle d’aucune autre liste.

Faut-il vous rappeler que nous sommes le seul parti de gauche à avoir rejeté tous les traités européens libéraux depuis le début de la construction européenne ? Nous sommes également la seule liste du paysage français à inclure dans ses rangs plus de la moitié d’ouvrières et d’ouvriers, de femmes et d’hommes employés — à l’image exacte de ce qu’est la France aujourd’hui. Nous sommes la seule liste, droite et gauche confondues, qui est en mesure de faire entrer, le 26 mai une femme ouvrière, en la personne de Marie-Hélène Bourlard, pour la première fois dans l’histoire du Parlement européen.

La dernière élection présidentielle a démontré qu’il était possible de proposer aux Français des débats télévisés de grande qualité en y conviant l’ensemble des forces en présence. C’est cela la vitalité de notre démocratie ; elle est une chance que chacune et chacun devrait saluer. Dès lors, comment les Français pourraient-ils comprendre qu’il en soit aujourd’hui différemment sur la première chaîne du service public, qu’ils financent ?
C’est la raison pour laquelle j’ai l’honneur de solliciter auprès de vous un rendez-vous dans les plus brefs délais, afin qu’une solution puisse être trouvée concernant la présence de notre liste au débat du 4 avril.

Je vous prie d’agréer, Madame la Présidente, l’expression de mes sentiments respectueux

Ian Brossat,
Porte-parole du PCF, tête de liste « Pour l’Europe des gens, contre l’Europe de l’argent »

 

 

 

 

 

 

 

 

 

de répondre techniquement à une demande.

 

débat à la télévision ne sont pas

 

le jeudi 4 avril un débat télévisé dédié à l’élection européenne lors de « L’Émission politique »

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La réponse du PCF à Génération-s et Benoît Hamon

Le PCF a rendu public sa réponse à Génération-s et Benoît Hamon, à la suite de la proposition de votation citoyenne pour unifier la Gauche pour les élections européennes de 2019.

La voici :

A l’attention de Benoît Hamon et de la direction de Génération.s

Cher·e·s Amis,

Par voie de presse puis dans un courrier, Benoît Hamon, au nom de Génération.s, vient d’inviter les différentes forces de gauche à s’engager collectivement, en vue des élections européennes, dans une « votation citoyenne pour l’Union ». De leur côté, les animateurs et animatrices de Place publique ont rendu publique une proposition de « dix combats communs ».

C’est l’occasion, pour le Parti communiste français, de vous redire dans quel état d’esprit il aborde le moment présent.
Vous ne l’ignorez pas, notre inquiétude est grande devant la situation de la gauche, à quelque cent jours du scrutin des européennes, alors que le pays traverse une crise sociale et démocratique sans précédent.

Les exigences populaires sur les salaires, les retraites, le pouvoir d’achat, les services publics, la justice fiscale, la lutte contre l’évasion fiscale et les inégalités, l’écologie, la transition de nos modèles économiques appellent d’amples rapports de force pour faire reculer les logiques concurrentielles, financières, de déréglementation qui dominent aujourd’hui la construction européenne.
Oui, pour y parvenir, tout doit être fait pour porter haut la colère qui s’exprime en France et en Europe. Oui, il faut unir le plus grand nombre possible de forces et de citoyen·ne·s pour combattre la politique du pouvoir en place, pour reconquérir notre souveraineté face aux décisions prises par les gouvernements, par Bruxelles et par la BCE.
Oui, il est urgent de rompre avec la logique de traités européens qui donnent la priorité à la finance et creusent un déficit démocratique nourrissant les tentations de la haine et du repli, pour construire de nouvelles politiques de solidarité et d’égalité s’opposant aux choix présentement mis en œuvre.

Cela exige de la clarté dans les réponses portées et une forte envie d’union.

Puisque nous échangeons à propos de l’échéance électorale du 26 mai prochain, il n’est tout de même pas inutile de rappeler que c’est la complaisance d’une partie des forces de gauche envers des traités libéraux enfermant l’Europe entière dans l’austérité perpétuelle qui a conduit la gauche, dans son ensemble, au désastre présent.

Ensemble, c’est cette page qu’il conviendrait de tourner résolument.

C’est le sens des propositions que nous formulons, pour notre part. Et c’est l’objectif que poursuit la liste conduite par Ian Brossat, dont nous avons mis la candidature à disposition comme tête d’une liste portée par large rassemblement pluraliste.
La campagne qu’il mène actuellement avec ses colistiers et colistières s’efforce de se faire l’écho des aspirations de notre peuple, et les candidat·e·s, dont nombre ne sont pas adhérents du PCF, ont pour première qualité d’être à l’image de la diversité des combats qui se mènent aujourd’hui dans tout le pays.

Sur le fond comme sur la forme, la proposition de « votation citoyenne » ne nous semble pas permettre la clarté nécessaire à l’unité et à la reconquête. Quant à l’offre des « dix combats communs», il y manque des questions essentielles, et aujourd’hui centrales, dans les mobilisations sociales, quand bien même nous y retrouvons des propositions qui nous sont chères.

Comment promouvoir une nouvelle vision de l’Europe tournant sans ambiguïté le dos à ce qui s’est fait jusqu’alors en son nom, comment remobiliser à gauche des millions de femmes et d’hommes qui ont perdu confiance au fil des renoncements passés, à partir d’une liste dont le programme évacuerait des points cruciaux ? À commencer par la nécessaire bataille pour de nouveaux traités capables de répondre aux besoins des peuples d’Europe et de s’opposer pratiquement à ceux qui existent, dont on sait les conséquences désastreuses pour les populations… Ou encore l’engagement des député·e·s élu·e·s à siéger dans le même groupe au Parlement européen, afin de donner toute leur force aux propositions qu’ils·elles auront auparavant défendues ensemble devant les électeurs…

C’est sur ces questions que nous butons. C’est à partir d’elles que l’union pourrait déjouer l’impasse du face-à face organisé entre les libéraux et l’extrême droite.

Nous ne nous satisfaisons nullement de l’éparpillement actuel. Si nous entendons répondre avec efficacité à la profondeur des exigences populaires, l’union suppose que nous énoncions ensemble le sens de notre présence future au Parlement européen. À partir d’un engagement clair et concis, tous les débats de construction d’une liste commune pourraient effectivement s’ouvrir.
Nous l’avons déjà dit maintes fois, nous le répétons, tout en étant engagés dans la campagne, nous sommes à tout moment disponibles aux initiatives et rencontres qui permettraient un rassemblement pluraliste, dans la clarté et en pleine transparence devant le pays, de toutes les forces ayant en commun de vouloir s’émanciper de la logique de traités que les peuples rejettent de plus en plus.

Telle est, à nos yeux, la seule manière de rendre possible la construction d’une autre Europe, anti-austéritaire et de progrès social, démocratique et féministe, fondée sur un nouveau modèle de développement durable, associant librement des peuples et des nations souverains, actrice de la paix dans le monde parce qu’elle se dégagerait de sa trop longue soumission à l’Otan.
Ce débat-là, nous le voulons, et nous le croyons toujours possible.

Paris, le 13 février 2019

Fabien ROUSSEL
Secrétaire national de Parti communiste français

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Congrès du PCF : le texte de base commune de l’opposition remplace celui de la direction

Les adhérents du PCF avaient jusqu’à hier pour choisir un texte servant de base commune en vue du congrès extraordinaire le moi prochain. En optant pour le texte alternatif « Pour un manifeste du Parti communiste du XXIe siècle » mené par André Chassaigne, ils ont sanctionné la direction de Pierre Laurent et les orientations prises ces dernières années.

André Chassaigne

Le résultat du vote a mis en avant un texte d’opposition qui va dans le sens de la sauvegarde à tout prix du « parti ». Le contexte est celui de la bataille du PCF pour sa survie dans le cadre de la recomposition de la Gauche, et beaucoup considèrent qu’il y a péril en la demeure.

Dans le fond, ce qui y est dit par l’opposition n’est pas très différent de la base commune qui était proposée par la direction. Les divergences concernent surtout des choix stratégiques et politiques.

Le texte de la direction avait déjà été adopté avec difficulté au Conseil National par 49 sur 91 votants et 168 membres, montrant de nombreuses tensions internes. Cette fois, il a été rejeté largement par la base des militants avec seulement 11 461 votes (38%) contre 12 719 voix (42%) pour le principal texte d’opposition.

La proposition alternative « Pour un printemps du communisme », qui représente une minorité favorable à La France Insoumise, a réuni pour sa part 3 607 votes (12%) et celle de la minorité « orthodoxe » intitulé « PCF : Reconstruire le parti de classe », a réunit 2 385 voix (8%).

> Lire également : « Communisme » : le congrès extraordinaire du PCF de novembre 2018

Ce que reproche la base à la direction, c’est surtout d’avoir affaibli le PCF et de risquer sa déliquescence. Le choix de l’alliance avec Jean-Luc Mélenchon dans le cadre du Front Gauche a en effet surtout servi de tremplin à des ambitions personnelles.

L’absence d’un candidat « communiste » au profit de Jean-Luc Mélenchon lors des dernières élections Présidentielles a ensuite été vécue comme un échec terrible par un certain nombre de militants. Le très faible score aux dernières élections législatives (2,72%) n’est ainsi pas tant compris comme un échec sur le plan idéologique mais le résultat de mauvais choix incarnés par Pierre Laurent.

Celui-ci pourrait d’ailleurs démissionner avant même le congrès qui aura lieu fin novembre. Plusieurs fédérations très fortes ont en effet largement voté contre la direction, notamment dans le Pas-de-Calais, qui est la plus importante :

– Le Val de Marne (2343 inscrits) avec 446 votes pour la base commune et 770 pour le « manifeste du XXIe siècle »
– Le Nord (2679 inscrits) avec 307 votes pour la base commune et 1020 pour le « manifeste du XXIe siècle »
– Le Pas-de-Calais (2876 inscrits) avec 51 votes pour la base commune et 1414 pour le « manifeste du XXIe siècle ».

Il faut remarquer par contre que la direction a été très soutenue dans deux fédérations importantes :

– La Seine-Saint-Denis (2096 inscrits) avec 826 votes pour la base commune et 221 pour le « manifeste du XXIe siècle »

– Les Bouches-du-Rhône (2470 inscrits) avec 855 votes pour la base commune et 534 pour le « manifeste du XXIe siècle

Si cette mise en minorité de la direction représente quelque-chose d’important, il serait erroné de considérer pour autant que cela est un immense coup de tonnerre au sein du PCF. Il s’agit surtout d’une expression de la base réclamant des garanties quant à la sauvegarde de la structure et des traditions qu’elle représente, ou qu’elle s’imagine qu’elle représente.

Le texte vainqueur est surtout celui qui est le plus conforme à ce que représente culturellement et traditionnellement le PCF depuis la fin du XXe siècle.

Pour autant, les deux « tendances » ne devraient justement pas former de tendances, mais s’unir pour proposer une nouvelle base commune de discussion en vue du congrès. L’idée étant de maintenir coûte que coûte l’unité, comme l’a expliqué le président de la Fédération Loire-Atlantique Aymeric Seassau :

« Il va falloir rapprocher les deux textes arrivés en tête […]. Il y a des ponts et des intentions comparables… Chacun a conscience que le PCF est un outil précieux et je pense que tout le monde aura à cœur de préserver le parti.»

La question qui se pose par contre est celle de la tête de liste de Ian Brossat pour les prochaines élections européennes. La position qu’il représente à propos de l’Union Européenne, qu’il défend de manière sociale-libérale, est ouvertement critiquée dans le texte « Pour un manifeste du Parti communiste du XXIe siècle ».

> Lire également : Ian Brossat du PCF et la défense de l’Union européenne

On peut en effet y lire de manière assez tranchée :

« Il faut en finir avec la construction européenne actuelle conçue au service de la domination du capital, avec en son cœur la BCE soutenant les marchés financiers, les multinationales et les grands capitaux monopolistes. Loin de la promesse d’une Europe de coopération et d’unité des peuples, on lui doit un chômage colossal, la désindustrialisation, l’agriculture familiale sacrifiée, la mise en cause des services publics et l’austérité généralisée, l’autoritarisme, le martyre du peuple grec, une fragmentation entre le nord et le sud, des fractures internes à chaque pays. »

Le texte reproche à la direction de ne pas avoir mené de véritable débat sur le sujet :

« Un choix a prévalu depuis plusieurs congrès : transformer radicalement l’Union européenne et ses traités ; agir pour une refondation de la construction européenne avec des propositions alternatives. Il s’est agi de se situer sur le terrain européen et de se saisir de l’aspiration à une construction européenne, tout en considérant que le terrain national est fondamental et que ce sont bien les exigences du capital qui modèlent la construction européenne.
Des camarades pensent qu’on ne peut pas la transformer et qu’il faut affirmer le droit pour chaque nation de désobéir aux traités jusqu’à sortir de l’Union européenne si nécessaire pour respecter la souveraineté populaire. Ils et elles considèrent qu’il faut rendre caduques les institutions européennes, afin de construire un autre modèle de coopération en Europe et dans le monde, libéré des outils institutionnels que se sont donnés les fondateurs de l’Union européenne faite par et pour le capital. La nation reste pour ces camarades le terrain privilégié de la lutte des classes.
De fait, la position du PCF a profondément évolué durant les années 90 et depuis. Mais ces choix ont été faits sans un débat suffisamment large, et la bataille tenace qu’ils appelaient n’a pas été véritablement menée.
Cela souligne l’insuffisance grave du travail collectif qui aurait dû être initié par les directions nationales successives en même temps que leur incapacité à prendre des initiatives d’action sur ces enjeux.
Pourtant, l’actualité en fait chaque jour la démonstration, la responsabilité des pays européens est devenue considérable pour une véritable coopération mondiale de co-développement avec les pays pauvres, les émergents et pour la paix.
Nous refusons de céder aux sirènes du fédéralisme. Nous combattons la fuite en avant dans l’intégration renforcée sous la houlette du duo Merkel-Macron. Nous refusons une Europe forteresse. Une autre construction européenne est nécessaire, face à l’agressivité de l’impérial-libéralisme des États-Unis, pour relever des défis colossaux : le chômage, la concurrence exacerbée, la dictature du dollar et de la finance mondiale, le réchauffement climatique, le recul de la biodiversité, les migrations de survie massives, les fractures sociales et territoriales, la paix… C’est indispensable pour contrecarrer les pertes de souveraineté effectives engendrées par la mondialisation capitaliste, promouvoir les nations de façon ouverte dans l’égalité et le respect de leur diversité. »

Cependant, il ne faut pas s’imaginer que le PCF va se déchirer sur cette question. Cela fait plusieurs années déjà que le PCF accompagne la Gauche postmoderne et postindustrielle sur un certains nombres de thématiques sociétales. L’apparition de Ian Brossat n’est que l’aboutissement de ce processus. De nombreux points de vues libéraux sont assumés, comme par exemple sur la question de l’immigration, avec ces derniers jours un soutien total à l’association « SOS Méditerranée » et son navire « l’Aquarius ».

> Lire également : La fausse gauche et les migrants de l’Aquarius

Pendant que les militants finissaient de voter pour un texte de base commune hier, les deux figures que sont Ian Brossat (représentant la direction) et Andrée Chassaigne (représentant l’opposition) se présentaient ensemble au Sommet annuel de l’élevage à Clermont Ferrand. Cela symbolise une volonté d’unité et de relativiser le résultat du vote.

Le PCF réussira-t-il malgré ces tensions à se maintenir comme force importante de la Gauche, avec ses 50 000 adhérents ? Ou bien va-t-il devenir de plus en plus une relique du passé, se maintenant contre contre vents et marrées avec une présence seulement anecdotique à Gauche, malgré ses 50 000 adhérents ?

> La base commune de la direction : « Le communisme est la question du XXIe siècle »

> La nouvelle base commune : « Pour un manifeste du parti communiste du XXIème siècle »

> Le texte de l’opposition « orthodoxe » : « PCF : reconstruire le parti de classe. Priorité au rassemblement dans les luttes »

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La « gauche » postindustrielle en panique devant Aufstehen

L’émergence d’Aufstehen en Allemagne pose un réel souci à une gauche française passée avec armes et bagages dans le camp des valeurs postindustrielles et postmodernes. Un retour aux sources sur le plan des valeurs comme le propose Aufstehen ne peut que déplaire fortement à une gauche française pour qui le seul combat, c’est supprimer toute norme.

En 1931, la SFIO faisait une proposition de loi exigeant que les entreprises n’embauchent pas plus de de 10 % de travailleurs étrangers. C’est qu’à l’époque, la Gauche savait que les entreprises préféraient une main d’œuvre immigrée corvéable à merci, car sans conscience de classe, sans capacité d’organisation, sans niveau culturel élevé, plutôt que des travailleurs s’inscrivant dans un parcours historique bien déterminé.

C’est la raison pour laquelle la « gauche » postindustrielle et moderne est en panique complète devant l’initiative allemande d’Aufstehen, qui a avant-hier officialisé ses positions. Le Monde parle d’une « gauche antimigrants », Libération d’un « mouvement qui reprend les accents de l’extrême-droite sur la question migratoire », le Huffpost parlant d’une « gauche radicale et anti-migrants ».

Dans une de ses brèves publiées hier affirmant que Aufstehen serait « à plat ventre devant des idées réactionnaires », Lutte Ouvrière a présenté comme suit ce mouvement :

« Sahra Wagenknecht, députée Die Linke, classé à l’extrême-gauche au Bundestag allemand, vient d’annoncer la création du mouvement Aufstehen (Debout) avec comme axe politique la limitation du nombre de migrants et de réfugiés. »

Avant-hier, c’est Ian Brossat qui pour le PCF se lançait dans une attaque du même type, assimilant de manière ouverte migrants et réfugiés :

« En Allemagne, certains représentants politiques empruntent une pente dangereuse. C’est le cas de Sarah Wagenknecht, ancienne présidente du groupe Die Linke (gauche radicale) au Bundestag, qui vient de créer un mouvement populiste anti-migrants, « Aufstehen ».

Honte à elle et à tous ceux qui, se prétendant de gauche, adoptent un discours anti-migrants. Je salue nos camarades de Die Linke qui ne cèdent pas à cet appel à adopter le même discours que l’extrême droite s’agissant des questions migratoires.

Faire des réfugiés les boucs émissaires de la crise est une ignominie sans nom. Pendant ce temps-là, les capitalistes qui pratiquent le nomadisme sur fond de dumping social et fiscal dans une totale impunité peuvent continuer à délocaliser et à broyer vies et territoires en toute tranquillité.

Les progressistes d’Europe ont mieux à faire que plagier les arguments éculés de l’extrême droite selon lesquels les étrangers nous volent notre pain ou font baisser nos salaires. Il nous faut au contraire consacrer notre énergie à trouver des issues positives à la crise de l’accueil que vit l’Europe depuis trois ans.

C’est ce à quoi s’emploie le PCF, en proposant d’une part d’ouvrir des voies légales pour permettre l’arrivée en bonne condition des réfugiés qui fuient la guerre et la misère, et d’autre part qu’une clé de répartition européenne impose à l’ensemble des vingt-sept de prendre part à l’accueil et au devoir de solidarité.

Ian Brossat, chef de file du PCF pour les élections européennes »

On peut remarquer que Ian Brossat parle ici de capitalistes pratiquant le nomadisme, un terme classique du national-socialisme, les capitalistes étant assimilés aux Juifs censés être des « nomades ».

Cependant, il faut surtout noter qu’en réalité et contrairement aux propos de Ian Brossat, Sarah Wagenknecht se prononce en faveur de l’accueil des réfugiés, faisant simplement et logiquement la distinction entre ceux-ci et les migrants.

De toutes façons, la question des réfugiés ou des migrants, contrairement à ce que laissent entendre toutes ces réactions, n’est absolument pas centrale dans le positionnement d’Aufstehen. C’est un thème important, néanmoins ce n’est pas du tout un axe politique, comme le prétend Lutte Ouvrière.

Et pour cause ! Aufstehen, qui a dépassé les 110 000 personnes s’inscrivant dans sa démarche, n’est pas un parti politique. C’est un mouvement transversal unissant le maximum d’initiatives pour développer des thèmes sociaux et pacifistes, afin de renforcer la Gauche en demandant aux partis de prendre en compte les points de vue exprimés.

Le texte fondateur et introductif rendu public avant-hier explique ainsi simplement que les écarts de richesse sont devenus immenses en Allemagne, alors qu’il y a davantage de richesses, et qu’on est ainsi ramené aux différences sociales de l’époque de l’empereur Guillaume.

Rien que cette allusion culturelle à l’empire, à la hiérarchie aristocratique littéralement fantastique décrite admirablement en 1914 dans le roman de Heinrich Mann Le Sujet de l’Empereur, place Aufstehen dans le camp antifasciste, inacceptable pour la Droite. Il faut se souvenir que le drapeau du IIIe Reich reprend directement les couleurs du second Reich (le noir, le blanc et le rouge).

Et ce sont les profiteurs, ceux qui ici sont pour Emmanuel Macron des « winners », qui sont dénoncés :

« Ce sont avant tout les grandes entreprises et leurs propriétaires qui sont les gagnants de la mondialisation, du libre-échange, de la privatisation et du marché commun européen. Pour les riches, la promesse « Europe » a été remplie. Qui dispose de hautes qualifications et est mobile peut utiliser les nouvelles libertés.

A l’opposé de cela, exactement la moitié de la population en Allemagne a un salaire réel plus faible qu’à la fin des années 1990. Beaucoup de gens concernés voient en la permissivité et l’immigration avant tout une concurrence accrue et des emplois mal payés. Pour les employés des pays de l’Est travaillant dans les abattoirs allemands ou les soins pour personnes âgées, c’est également avant tout l’exploitation qui est devenue sans limites.

Et pendant que les monopoles s’arrosent de grandes dividendes, les plus pauvres se disputent pour les restes.

Depuis que l’État social ne fournit plus de sécurité suffisante, beaucoup se battent seuls pour eux-mêmes. Qui perd son job ou bien est mis à l’écart par de longues maladies se retrouve rapidement tout en bas (…).

Les dangers globaux grandissent. Dans les rapports internationaux, la loi du plus fort militairement remplace toujours plus les négociations et la diplomatie. Les guerres sont menées de manière effrénée, afin d’obtenir des matières premières convoitées ou bien d’élargir des zones d’influence géopolitique. Cela est particulièrement vrai des États-Unis. »

Pacifisme assumé et orientation sociale complète, telle est la logique d’Aufstehen, et il saute aux yeux que sa dirigeante, Sahra Wagenknecht, s’appuie sur la tradition socialiste allemande.

L’objectif de Sahra Wagenknecht n’est cependant pas un bouleversement social, mais un État social réparateur des liens sociaux. C’est un réformisme assumé, désireux de revenir aux traditions social-démocrates des années 1970.

Un tel projet est-il viable aujourd’hui? En tout cas, on ne peut qu’être étonné que la France Insoumise de Jean-Luc Mélenchon ait salué la naissance officielle d’Aufstehen. La démarche populiste de « la FI » n’a rien à voir avec la tentative de libérer la parole populaire et Aufstehen ne prône pas comme les Insoumis une géopolitique agressive, bien au contraire.

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Ian Brossat du PCF et la défense de l’Union européenne

Ian Brossat sera le chef de file du PCF pour les prochaines élections européennes avec une position social-libérale qui n’est pas celle de la classe ouvrière. Sa ligne est de défendre l’Union européenne en expliquant que celle-ci pourrait être différente, plus sociale et moins libérale, avec un accent mis sur la défense de l’immigration.

L’Union européenne, c’est un grand marché organisé par des capitalistes pour faire du capitalisme, qui s’est structuré avec des institutions antidémocratiques. Si la Gauche n’avait pas autant abandonné la classe ouvrière, il serait impossible pour elle de ne pas rejeter franchement un tel projet.

Ian Brossat représente un tel recul de la culture ouvrière du PCF que sa position consiste aujourd’hui à carrément défendre l’Union européenne.

Lors d’un passage à la radio, il a exprimé cela de manière très nette :

« Je ne suis pas favorable à une sortie de l’Union européenne, mais je suis favorable à ce que l’Europe porte autre chose qu’une politique libérale. »

Il n’y a pourtant aucune raison pour la Gauche de ne pas vouloir sortir de l’Union européenne. C’est même relativement un détail dans le cadre d’une conquête d’un pouvoir démocratique et populaire, tellement c’est évident qu’il faut faire complètement autre chose.

La classe ouvrière a résolu depuis très longtemps cette question : la lutte et la conquête du pouvoir ont lieu dans le cadre national, mais la bataille doit s’organiser au niveau international. Il n’a jamais été question de s’organiser conformément aux alliances conclues entre les classes dirigeantes des différents pays.

Assumer de manière unilatérale le thème de l’« Europe », c’est par définition trahir l’internationalisme ouvrier. Il n’y a absolument aucune raison pour la Gauche de se lier moins au peuple algérien, qui ne fait pas partie de l’« Europe », qu’au peuple néerlandais, par exemple.

A moins bien entendu de n’être qu’un outil pour valoriser le capitalisme à visage humain, qui serait tellement idéal que tout le monde devrait venir y vivre… Ian Brossat correspond entièrement à cela, pour sa version parisienne. Jamais Paris ne s’est aussi embourgeoisé que ces dernières années, mais Ian Brossat est là pour maintenir la fiction d’un Paris engagé, populaire, écologiste, etc.

Le problème qui s’est posé à la Gauche cependant, c’est qu’il existe une tendance dans les classes dirigeantes qui rejette l’Union européenne, en affirmant le nationalisme.

Pour ne pas être mêlée à cette tendance, la plupart des forces de Gauche, dont le PCF, ont alors adopté une position très mesurée sur la question, en critiquant les traités européens, mais en prônant de manière floue une « Europe » qui pourrait être autre chose.

On a alors eu des positions alambiquées critiquant les institutions européennes, les textes européens, les pratiques de l’Union européenne, mais ne tranchant jamais la question de manière ferme et internationaliste.

Les libéraux en ont profité pour pas été capable de boycotter le referendum et s’est laissée imposer un thème qui n’est pas le sien. C’est dans ce contexte qu’il faut comprendre la position du Parti Commumener une intense bataille idéologique sur la question de l’« Europe » et en faire un horizon indispensable pour tous ceux qui ne seraient pas réactionnaires. C’est la ligne d’Emmanuel Macron. Ian Brossat en est une force d’appoint.

Car un moment clef dans l’histoire politique de notre pays a été le référendum sur la Constitution européenne en 2005. La Gauche s’est retrouvée prise au piège, accablée par les modernistes pro-« Europe » d’un côté et torpillée par les populistes anti-« Europe » de l’autre. Qu’elle appelle à voter « oui » ou « non », elle renforçait forcément l’une ou l’autre des tendances.

La Gauche n’a pas été capable de boycotter le referendum et s’est laissée imposer un thème qui n’est pas le sien. C’est dans ce contexte qu’il faut comprendre la position du PCF aux élections européennes de 2019 avec sa liste menée par Ian Brossat.

En tant que tel, ce n’est pas nouveau pour le PCF de dire qu’il faudrait une autre « Europe ». Le parti a même déjà été très loin dans cette position, en proposant en 2014 un projet de « refondation » de l’Union européenne très élaboré.

Cependant, jamais il n’a exprimé directement un attachement à l’Union européenne telle quelle. Parler de « refondation » ou dire ne pas être favorable à une sortie, ce n’est pas exactement la même chose.

Lors de l’université d’été du PCF à Angers, sur une vidéo diffusée en direct par un membre, le chef de file aux futures élections expliquait de manière plus précise sa position :

« Si le débat se résume à ça, nous ne pouvons pas nous situer dans une alternative qui serait une alternative entre “pro” et “anti” européens parce que très concrètement, si être “pro” européen c’est être favorable à l’ensemble des traités qui régissent l’Union européenne, évidemment que nous ne sommes pas européens, mais si être “anti” européen c’est être favorable au repli national, nous ne sommes pas favorables au repli national.

De la même manière, si être partisan de l’ouverture, c’est être partisan du libre échange généralisé conduisant à faire rentrer au sein de l’Union européenne n’importe quel produit réalisé n’importe comment à n’importe quelle condition sociale et environnementale, nous ne sommes pas favorables à ça.

Mais si être partisan de la fermeture cela signifie rejeter l’accueil des migrants, évidemment que nous sommes partisans de l’ouverture, bien au contraire.

Donc, la question qui nous est posée c’est bien de faire exploser ce faux clivage qu’on cherche à nous imposer à l’occasion de cette bataille des élections européennes.

D’ailleurs, quand on s’y pose quelques instants, cette opposition est en réalité une gigantesque arnaque. Quand on regarde le fond, ils nous disent qu’il y aurait une opposition qui structurait tout entre “pro” et “anti” européens, mais enfin, quand même !”

Une telle position, qui est une justification de sa défense de l’Union européenne, passe évidemment très mal à la base du Parti Communiste Français et provoque de nombreuses tensions.

En fait, le PCF se retrouve avec Ian Brossat dépourvu d’une expression propre. Car ce qu’il dit ne consiste ni plus ni moins qu’en la position sociale-libérale traditionnelle du Parti socialiste.

Cela n’est pas étonnant de part ses fonctions puisqu’il baigne totalement dans ce milieu avec ses responsabilités à la Mairie de Paris. Quand il évoque l’élection de Bertrand Delanoë en 2001, il dit tout naturellement « on », c’est-à-dire qu’il fait partie intégrante de cette dynamique dont Anne Hidalgo est aujourd’hui l’héritière, et dont il est un porte-parole.

Il s’agit là d’une grande métropole d’un pays riches qui, comme d’autres dans le monde, se sont choisi des maires « modernes » et « ouvert d’esprit », qui se sentent à l’étroit dans les frontières nationales et font de la libre circulation des personnes un thème primordial.

Ian Brossat est lui-même un habitant de Montmartre, le quartier bourgeois-bohème de Paris par excellence. Il est « ouvert d’esprit », et d’ailleurs il explique qu’il trouve cela très bien qu’il y ait un foyer de migrants à côté de chez lui.

C’est pour cela qu’il précisait à la radio sur RMC que, bien qu’il soit contre les politiques de travailleurs détachés, « Ça ne veut pas dire qu’on ne doit pas venir. » Et il ajoutait :

« Moi ça ne me dérange pas qu’il y ai des gens de toutes nationalités qui travaillent dans nos champs. Mais ils travaillent avec un contrat français. »

On a là une expression libérale typique, dans une forme « light », mais néanmoins anti-ouvrière. C’est-à-dire qu’il souhaite faire venir de la main-d’œuvre étrangère pour faire dans les champs le « sale boulot » que les travailleurs français n’acceptent plus de faire sans rien dire.

Cela en dit long sur l’état de déliquescence de la Gauche française.

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Faire manger des crevettes aux enfants, l’utopie de la gauche pour Ian Brossat du PCF ?

Ian Brossat est quelqu’un de très actif sur Twitter. Cela lui permet de parler souvent sans avoir besoin d’avancer un contenu très élaboré. Avec des petites phrases, il pense pouvoir facilement se façonner une image de gauche, sans que cela n’engage à grand-chose dans le fond.

Parfois, quelques mots suffisent à en dire beaucoup sur la vision du monde d’une personnalité politique. C’est ainsi que dimanche soir, alors qu’il regardait probablement la télévision, celui qui est tête de liste du PCF pour les prochaines élections européennes a « tweeté »:

Quel bel horizon proposé pour la jeunesse populaire, manger des crevettes ! Outre le fait que la pêche à la crevette soit l’un des pires symboles de la destruction des océans, il y a là une perspective culturelle terrifiante.

Autant on peut imaginer que cela avait un sens dans les années 1950 de faire découvrir des produits de la mer aux enfants d’ouvriers de la banlieue parisienne, autant en 2018 cela relève de la supercherie la plus totale tellement le monde a changé depuis.

Si la plupart des enfants de Saint-Denis ne mangent pas de crevettes, c’est surtout parce qu’ils sont largement issus de l’immigration et que ce n’est pas dans leur habitude. Les crevettes ne valent pas plus cher dans un supermarché de banlieue que beaucoup d’autres produits très consommés.

La population, même dans un cité HLM, n’est pas misérable à ce point. Il faut vraiment être déconnecté des réalités de la classe ouvrière de France pour s’imaginer que la question se pose en ces termes.

Mais justement, Ian Brossat n’a pas grand-chose à voire avec la classe ouvrière. Il est un adjoint bien en vue à la mairie de Paris par Anne Hidalgo, dont il a été le porte-parole pendant sa campagne. Lui qui est depuis 2012 président de la Société d’économie mixte PariSeine (en charge du Forum des Halles et d’un certain nombre d’autres grands projets) ou bien qui est marié à un professeur de classes préparatoires du très bourgeois Lycée Louis-le-Grand.

C’est donc facile de regarder les « pauvres » de l’autre côté du périphérique s’organiser pour des vacances bas de gamme. Parce que si ces « colos » ne sont facturées que 100 euros à certaines familles, c’est bien la collectivité qui paye la différence. Ce sont les habitants eux-mêmes qui paient cela. Les riches ne paient pas leurs impôts locaux à Saint-Denis mais plutôt à Neuilly-sur-Seine ou à Paris, et d’ailleurs ils ont en général de nombreuses astuces pour éviter de les payer.

Ian Brossat n’a pas grand-chose à voir non-plus avec les traditions du parti communiste. Sinon, il ne citerait pas aussi facilement Capital sur M6. Cette émission est une sorte de condensé de ce que n’importe quel militant du PCF déteste. C’est une apologie grossière et racoleuse du business. Elle consiste à vendre du « rêve » capitaliste aux pauvres, en les prenant pour des imbéciles par ailleurs.

Car, même sans être communiste, n’importe qui ayant un minimum de culture et d’exigences culturelles ne peut qu’être horrifié par un tel contenu. Rien que le ton de la voix-off typique de ce genre de documentaire n’est pas acceptable. Il est d’ailleurs souvent moqué par les gens refusant une telle niaiserie.

Rejeter Capital sur M6, c’est la base pour quelqu’un de gauche. Et donc, on ne cite pas cette émission comme ça, au passage, sans la critiquer. À moins justement, encore une fois, d’être tellement déconnecté de la classe ouvrière qu’on en a pas compris le propos.

Car que disait ce reportage, qui est visible en « replay » sur le site de la chaîne moyennant le visionnage forcé de quelques publicités ? Il montrait cette « colo » communiste comme une vieillerie devant disparaître parce que les versions commerciales seraient mieux.

Ni plus ni moins, il s’agissait de dire que les établissements municipaux sont des gouffres financiers pour les mairies et sont ringards en termes de contenu. Capital faisait, comme c’est son rôle, la promotion du libéralisme en montrant les échecs du socialisme.

Ce centre, au milieu de plusieurs autres centre de vacances municipaux ayant déjà fermé, avec ses installations bas de gamme et son matériel vieilli, était tout sauf une publicité pour les communistes.

Il faut vraiment toute la candeur d’un bourgeois de l’entre-soi parisien pour y avoir vu quelque chose de positif pour le PCF, simplement parce qu’une jeune fille de banlieue y mangeait des crevettes pour la première fois de sa vie.

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Les réactions de Ian Brossat du PCF à propos de l’« affaire » Benalla

Aujourd’hui il existe tellement une classe de super-riches internationaux que les grandes métropoles sont prises d’assaut. Paris, Londres, Berlin ou Vienne connaissent une explosion des loyers, une acquisition massive de logements par des étrangers aux larges moyens, une « disneylandisation » de leur centre, une invasion massive d’Airbnb, etc.

Ian Brossat, en tant qu’adjoint au maire de Paris, a accompagné ce processus cette dernière décennie. Mais il se présente en même temps comme le représentant des classes moyennes, pestant contre Airbnb, appelant à ce que les loyers cessent d’augmenter, etc.

Il faut dire qu’il est au PCF, c’est-à-dire qu’il entend bénéficier du prestige de ce qui fut pendant longtemps la plus grande force de Gauche en France.

Comme c’est pratique maintenant de prétendre lutter contre quelque chose en sachant pertinemment que c’est simplement verbal et que c’est sans valeur face au rouleau compresseur des sacs d’argent !

Mais qu’attendre d’autre de quelqu’un qui a fait le prestigieux lycée Henri IV, puis l’École Normale Supérieure avant de devenir agrégé, et marié à un professeur de classe préparatoire du lycée Louis Le Grand ?

On est ici très exactement dans la posture intellectuelle du bourgeois bien élevé se prétendant se mettre au service de la population. Cela ne peut pas réussir, mais c’est gratifiant, reconnu par les institutions comme moyen de donner l’apparence qu’il y a une protestation, rémunéré de manière effective, etc.

Et c’est vraiment un exemple caractéristique de cette posture que nous fait Ian Brossat avec l’un de ses nombreux messages sur Twitter à l’occasion de la dite affaire Benalla.

Depuis quand les communistes se soucieraient-ils de défendre l’État contre ceux qui le « haïssent » ?

Au-delà du caractère grandiloquent de ces propos auxquels lui-même ne croit certainement pas, on voit à quel point le PCF a changé de nature.

Si cela fait très longtemps qu’il a abandonné l’idée de renverser les institutions et de mettre en place un État socialiste, on peut au moins dire que le PCF était jusqu’au tournant des années 2000 une des plus grandes forces de la Gauche.

C’était une voix devant compter, censée exprimer le point de vue de la classe ouvrière et des masses populaires en générale. Parfois de manière caricaturale, mais en tous cas au moins de manière sincère pour de nombreuses personnes à sa base.

Le PCF aujourd’hui, ce n’est plus qu’un vague capital sympathie, une imagerie un peu « vintage » pour se donner l’air radical.

C’est d’ailleurs aussi le cas, parallèlement, du journal l’Humanité, que plus personne ne lit, et dont personne n’arrive à comprendre quels sont les artifices qui lui permettent de se sauver chaque année de la faillite. Mais « l’Huma » intéresse de grands groupes de la presse qui souhaitent le racheter depuis plusieurs années car c’est une marque, cela peut représenter quelque chose d’intéressant pour ceux qui sauraient en faire quelque chose avec une bonne dose de marketing.

C’est exactement la même chose avec Ian Brossat.

Il n’est pas surprenant que la principale actualité de ce dernier sur Twitter soit de participer au concert d’indignations à propos de la situation d’Alexandre Benalla. Comme s’il y avait une crise de régime. Comme s’il y avait là matière à soulever une dérive antidémocratique majeure, alors que c’est dans le fondement même de la Ve République à laquelle participent tous ces gens que de donner un pouvoir immense au Président.

Le sens de la mesure est normalement un trait caractéristique français. Les hommes et les femmes politiques sont de plus en plus des gens hors-sol, se laissant emporter par leur propre vanité, et s’éloignant des mœurs du peuple français et des traditions du pays. Ils en oublient largement le sens de la mesure et en font de tonnes pour s’imaginer avoir un rôle dans l’histoire.

Les gens comme Ian Brossat s’offrent un peu d’émotion, en trouvant sympathique de participer à un scandale à l’américaine. Le tout bien sûr avec une dramaturgie surjouée de part et d’autre, afin de combler le vide moral et culturel de notre époque.

Cela est tellement absurde que Ian Brossat se retrouve, de fait, à défendre la Ve République alors qu’historiquement, la Gauche a toujours réfuté ce régime comme étant autoritaire à la base.