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Guerre

Vers la guerre: le coup d’État pro-Islam et pro-Russie au Mali

Le coup d’État militaire au Mali s’appuie sur une mobilisation islamiste pour mettre en place un régime pro-Russie. On est dans la redistribution des cartes dans le cadre de la compétition entre grandes puissances.

L’ultra-gauche française a vivement salué les rassemblements de masse contre Ibrahim Boubacar Keïta, le président du Mali, notamment en raison du fait qu’ils ont été accompagnés de slogans hostiles à la présence française. Il faut pour cela une grande naïveté, car c’était évidemment une mise en scène, avec une démagogie absolument typique de tels pays.

Ce qu’il y avait derrière, c’est le mouvement de l’islamiste Mahmoud Dicko, un imam qui a annoncé qu’il retournait à la mosquée à la suite de la victoire du coup d’État militaire du 20 août 2020. Le président sortant était lui-même issu d’un coup d’État en 2012.

Mahmoud Dicko est un salafiste ; formé en Arabie Saoudite, il est désormais considéré comme lié au Qatar. Le coup d’État militaire a été rendu possible grâce au passage du mouvement islamiste de Mahmoud Dicko, le Coordination des mouvements, associations et sympathisants, dans le Mouvement du 5 juin-Rassemblement des Forces Patriotiques, lançant la contestation à la fin juin 2020.

Il représente les forces néo-féodales du Mali, un pays de vingt millions d’habitants qui était avant 1991 dans l’orbite soviétique et française, pour ne plus devenir que française. Mais l’on sait que la France a du mal à maintenir son pré carré. La situation est d’autant plus instable que ce pays misérable, avec 4 des 20 millions de Maliens travaillant à l’étranger, a été construit artificiellement par le colonialisme.

Il y a une quinzaine d’ethnies en concurrence, le pays a été initialement membre de la Fédération du Mali avec le Sénégal, il y a eu une grande rébellion touareg et islamiste au début des années 2010, avec en conséquence notamment l’Opération Serval puis Barkhane de l’Armée française dans la région, avec en plus du Mali le Burkina Faso, la Mauritanie, le Niger et le Tchad.

> Lire également : Opération Barkhane: l’armée française s’enlise, Emmanuel Macron exige le soutien africain

Le nouveau régime s’est d’ailleurs empressé de dire qu’il n’avait rien contre la présence militaire française. Pourquoi alors cette révolution de palais ? Il y a deux principales raisons.

La première, c’est la dimension internationale. L’opération Barkhane implique des forces françaises, mais également dans une bien moindre mesure américaine, canadienne, britannique, allemande, estonienne, danoise, tchèque. Mahmoud Dicko est lié au Qatar.

Le chef du coup d’État militaire, le colonel Assimi Goïta, a été formé par la France, l’Allemagne, les États-Unis. Le colonel Malick Diaw, organisateur du coup d’État, et le colonel Sadio Camara, l’instigateur de celui-ci, ne sont revenus au Mali qu’une semaine avant le coup d’État : ils étaient en Russie depuis le début de l’année, pour une formation militaire dans les institutions militaires à Moscou !

Et le premier ambassadeur reçu par les putschistes, organisés en Comité national pour le salut du peuple, a été… l’ambassadeur russe. On notera que des accords de défense avec la Russie ont déjà été signés par les pays voisins : le Burkina Faso, la Mauritanie, le Niger, le Tchad. Avec le Mali ces pays forment le G5 Sahel ; avec le coup d’État, la boucle est bouclée. On l’aura compris, on se situe dans le cadre d’un repartage du monde amplifié par la crise mondiale ouverte en 2020.

La seconde raison de ce coup d’État militaire, c’est que le régime malien est à bout de souffle. Il est clairement inféodé à la France, corrompu et sans aucune perspective alors que le pays est une poudrière depuis quelques années. La sortie de la crise au moyen de l’Islam pour « unifier » le pays sur une nouvelle base est l’espoir entretenu à l’arrière-plan de cette révolution de palais.

Y a-t-il ici une alliance franco-russe, ou bien la Russie a-t-elle pris le dessus ? Dans tous les cas, ce sont les gens du peuple au Mali qui vont en payer le prix et dans tous les cas on a une accélération du militarisme et des tensions menant à la guerre.

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Guerre

Turquie: la Gauche française doit avoir le courage du pacifisme

Emmanuel Macron se fait chef de guerre en déployant des arguments et des moyens militaires contre la Turquie et ses visées expansionnistes. En face, Recep Tayyip Erdoğan explique que la France agit comme un « caïd » et mobilise de manière nationaliste au nom des « droits de la Turquie ». C’est une escalade militariste typique et le rôle de la Gauche est de s’y opposer fermement, au nom de la paix, au nom de l’amitié entre les peuples, au nom de la lutte des classes.

Après la pénétration turque au large de l’île grecque de Kastellorizo, Emmanuel Macron a décidé de renforcer la présence militaire française dans la zone. Jeudi 13 août, ce sont deux avions Rafale B, le porte-hélicoptères amphibie Tonnerre (en route vers Beyrouth) ainsi que la frégate La Fayette, qui ont participé à un exercice avec la marine grecque dans le sud est de la mer Égée, précisément là où sont les navires turcs.

Le ministère français des armées a expliqué :

« [La] présence militaire [française] a pour but de renforcer l’appréciation autonome de la situation et d’affirmer l’attachement de la France à la libre circulation, à la sécurité de la navigation maritime en Méditerranée et au respect du droit international ».

Le ministre turc des Affaires étrangères Mevlüt Cavusoglu a réagi de manière virulente, en répondant que :

« La France, en particulier, devrait cesser de prendre des mesures qui accentuent les tensions. Ils n’obtiendront rien en se comportant comme des caïds ».

Il faut bien voir ici que la Turquie ne considère pas avoir une visée agressive. Elle n’a jamais reconnu les accords internationaux faisant de la zone en question un territoire grecque et considère être légitime.

Recep Tayyip Erdoğan présente ainsi les choses à la télévision turque :

« Revendiquer une souveraineté maritime en se servant de l’île de kasteloriso située à 2 kilomètres des côtes turcs ne peut s’expliquer rationnellement ou avec bon sens.

Vous savez à quelle distance se situe la Grèce ? 580 kilomètres ! J’invite à nouveau la Grèce à respecter les droits de la Turquie. »

Un accrochage avec un navire grec a déjà eu lieu jeudi 13 août et la Turquie en parle de manière ultra-offensive, menaçant de faire payer « au prix fort » toute attaque contre son navire de prospection l’Oruç Reis.

Pour la France, il y a bien sûr en jeu les intérêts du groupe Total, à qui entre autre la Grèce a promis des accès aux gisements gaziers de la mer Égée convoités par la Turquie. Mais cela n’est qu’un aspect de la situation, qui n’est pas simplement « géopolitique », mais concerne le capitalisme dans son fonctionnement même.

La France est une puissance en perdition qui s’enfonce économiquement, mais aussi socialement et culturellement. Pour compenser, elle s’imagine pouvoir peser militairement, en étant en quelque sorte le bras armé de l’Union européenne. C’est le principe du nationalisme pour qui la guerre est une voie de sortie à la crise, comme une étape obligée pour maintenir l’ordre capitaliste qui a besoin d’expansion.

Dans cette perspective, et alors qu’Emmanuel Macron met régulièrement sur la table la question d’une alliance militaire européenne, les tensions entre la Grèce et la Turquie sont considérées comme une occasion à ne pas manquer.

En arrière plan, il y a la question libyenne où le gouvernement officiellement reconnu par l’ONU est allié à la Turquie et reconnaît l’espace maritime revendiqué par la Turquie, alors que la France soutient ouvertement une fraction adverse.

Il y a aussi le Liban où la France aimerait profiter de la catastrophe de Beyrouth pour retrouver de son influence dans le cadre de sa politique arabe, alors que la Turquie accuse le président français de vouloir « rétablir l’ordre colonial ». Le président turc se voit pour sa part en leader du monde sunnite, avec une ligne ultra-réactionnaire s’appuyant directement sur le féodalisme pour servir son expansionnisme néo-ottoman.

On a là tous les ingrédients pour un embrasement guerrier très dangereux, que la Gauche doit absolument dénoncer et refuser. La pandémie de covid-19, qui n’en finit plus de commencer, nous montre à quel point l’humanité a une destinée commune ; les peuples du monde ont bien mieux à faire que perdre du temps, de l’énergie et des vies dans la guerre.

> Lire également : Vers la guerre: les tensions grandissantes entre la Grèce et la Turquie en méditerranéenne

La Gauche en France, en Grèce et en Turquie, doit se lier d’une puissante fraternité pour dénoncer ses gouvernements respectifs et les intérêts du capitalisme qui mènent à une escalade guerrière dévastatrice. Il faut de toute urgence construire le camp de la paix, en renouant avec l’internationalisme fondateur de la Gauche historique.

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Guerre

Vers la guerre: les tensions grandissantes entre la Grèce et la Turquie en méditerranée

Cela fait plusieurs mois que la Grèce et la Turquie s’écharpent publiquement et violemment sur la question de leurs eaux territoriales, alors que des gisements gaziers ont été découverts. L’escorte d’un bateau de prospection turc par des navires militaires lundi 10 août 2020 a été vécue comme une véritable provocation par la Grèce, qui en retour déploie ses troupes avec l’appui militaire de la France.

Les relations entre la Grèce et la Turquie sont historiquement tendues, on le sait. La Grèce ayant gagné son indépendance en affrontant l’Empire ottoman, son identité comme État moderne repose sur la confrontation avec son voisin. Au début du siècle précédent, le génocide pontique (500 000 grecs massacrés par le régime turc en quête de pureté ethnique, dans la même logique que le génocide arménien) et les transferts de population dans les deux sens ont durablement marqué tant la Turquie que la Grèce.

Les deux pays ont en commun un nationalisme très fort, les uns rêvant de la « Grande idée » (une grande Grèce, étendant davantage son territoire), les autres rêvant, comme Recep Tayyip Erdogan, de reconstituer l’Empire ottoman.

La Grèce, c’est bien connu, est constituée d’un très grand nombre d’îles en mer Égée, et c’est là une autre sujet de tensions entre les deux pays. En effet, il y a un désaccord sur la propriété des eaux territoriales. Ces zones maritimes étant potentiellement riches en hydrocarbures, la Turquie entend y mener des activités de prospection minière, empiétant sur la zone officiellement attribuée à la Grèce. En 1987, Andreas Papandreou, premier ministre socialiste, avait momentanément retiré son pays de l’OTAN, dont la Turquie est également membre, dans le cadre d’une montée des tensions que l’on retrouve aujourd’hui. Son successeur, Constantin Simitis, avait lui aussi été confronté à cette même situation.

Aujourd’hui, parallèlement à la reconversion en mosquée de la basilique Sainte-Sophie, à Istanbul (perçue comme une nouvelle provocation islamo-ottomane par la Grèce et son Église orthodoxe puissante) c’est encore une fois à travers cette question des eaux territoriales et de la prospection minière que le conflit se fait sentir.

La Turquie a en effet délibérément provoqué Athènes en envoyant l’Oruç Reis, un navire d’exploration chargé de mener des études sismiques, dans une des zones que la Turquie revendique comme sienne. Le 11 août, le régime a augmenté la pression en annonçant qu’il allait accorder des permis d’exploration et de forage dans de nouvelles zones de la Méditerranée orientale d’ici la fin du mois. L’Oruç Reis était, quant à lui, à 83km à l’intérieur de la zone maritime grecque, escorté de sept frégates militaires. En réaction, le gouvernement grec a placé ses forces armées en état d’alerte et des unités de la marine et de l’armée de l’air ont été mobilisées dans cette zone.

La Grèce, bien évidemment, dénonce une attaque de sa souveraineté et une menace pour la paix. Le premier ministre de droite, Kyriakos Mitsotakis, demande un sommet d’urgence de l’Union européenne. La Commission européenne se dit très préoccupée et affiche son soutien à la Grèce et à Chypre (d’autant plus concernée par les agressions turques que l’île elle-même est en partie contrôlée par la Turquie), tandis que l’Otan (dont les deux pays font partie) appelle à la résolution des tensions dans le calme.

Tout ceci fait également suite aux deux accords signés par les deux États avec leurs alliés respectifs pour réaffirmer leurs droits maritimes. La Turquie a signé un accord avec la fraction libyenne qu’elle soutient (le gouvernement officiel) dans le conflit dans cette région dont elle espère tirer profit. La Grèce, pour sa part, a signé avec l’Égypte du maréchal Sissi. C’est dans cette recherche d’alliés que la Grèce se tourne naturellement vers l’Union européenne, et Emmanuel Macron a annoncé le renforcement de la présence militaire française en méditerranée orientale, envoyant sur place deux chasseurs Rafale et deux bâtiments de la marine nationale.

Une fois de plus, l’appât du profit (motivé ici par les récentes découvertes de vastes gisements gaziers en Méditerranée orientale) mène toute une région du monde au conflit armé dont on peut être certain que les populations locales pâtiront. On le voit également, le conflit ne concerne pas que la Grèce et la Turquie mais également Chypre et les alliés respectifs de ces pays, dont la France. La Turquie est particulièrement agressive et expansionniste ces dernières années, puisqu’on la retrouve directement ou indirectement en Syrie, Irak, Libye, Azerbaïdjan (cet État de plus en plus pro-turc a relancé les tensions avec l’Arménie voisine) mais également aux portes de l’Union européenne, où l’utilisation cynique des vagues de migrants constitue pour la Turquie un moyen de pression. On a également vu, dans Beyrouth dévastée, des manifestations appelant la Turquie à la rescousse, ses partisans faisant officiellement allégeance à Erdogan.

> Lire également : La Turquie célèbre le traité de Lausanne par une prière musulmane à la Hagia Sophia

Ce pays constitue donc la menace principale pour la paix, mais il ne faudrait pas pour autant s’imaginer que ses opposants soient des anges. La France, la Russie, l’Allemagne, les États-Unis, le Royaume-Uni, etc. : tous ces pays connaissent la même tendance à la guerre et au renforcement de leur impérialisme. C’est donc bien d’un mouvement pacifique international dont on a besoin d’urgence. Et cela commence en France, où il faut dénoncer les va-t-en-guerre qui sont déjà émoustillés à l’idée que la France affronte Erdogan.

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Écologie

«et même végétariens» (1926)

Willi Eichler (1896-1971) est une importante figure socialiste allemande. Membre de l’Union internationale de la jeunesse socialiste, il est à ce titre exclu des rangs des socialistes et rejoint ensuite l’ISK (Union de Lutte Socialiste Internationale), une petite structure entre les socialistes et les communistes, qui appelle notamment à leur union aux élections de juillet 1932.

Fuyant le nazisme, il est plein de désillusions et finit par se ranger culturellement, abandonnant son orientation alternative. Il rejoint alors les socialistes en Allemagne de l’Ouest.

L’extrait suivant provient de « Même végétarien », publié en 1926 par l’ISK.

« Les membres de l’union de la jeunesse sont fous, ils sont abstinents [de tout alcool] et même végétariens ». C’est ce qu’a formulé en passant un éminent membre du Parti social-démocrate d’Allemagne au sujet de l’Union de la jeunesse internationale (IJB).

« Même végétariens » – qui n’entend pas le dédain de ces paroles, qui ne devine pas concrètement le haussement d’épaules de regret et de pitié de l’homme politique moderne qui ne comprend pas que, alors qu’il y a de si grandes tâches auxquelles l’humanité est confrontée, on s’adonne de telles « bizarreries » comme le végétarisme et l’abstinence (…).

Qu’a le mode de vie végétarien à faire avec la lutte des socialistes ? Le socialisme, cela signifie la société sans exploitation – libre de toute exploitation. L’exploitation est possible de différentes manières : le capitaliste exploite le prolétaire, celui-ci très souvent sa femme et ses enfants ; l’Église se tient comme collègue du régime et aide par l’intermédiaire de l’exploitation spirituelle qu’elle fait tourner à ce que se maintienne le système contemporain d’exploitation sociale.

Ce qu’il y a de commun à toutes ces sortes d’exploitation repose dans le mépris des intérêts d’autres êtres vivants, dans le fait de léser leurs intérêts – bref, qu’en raison d’un rapport de violence, ils soient abusés d’eux pour des fins personnelles (…).

Mais certains demanderont, les animaux ont-ils des intérêts ? La réponse ne peut qu’être : regardez les animaux. Qui a une fois observé les animaux sait qu’ils ont des intérêts, car les animaux ont bien sûr la possibilité de nous faire part sans ambiguïté de leurs intérêts.

Il est vrai qu’il leur manque le langage, mais il en ressort qu’ils ne peuvent pas nous mentir. Un passage à l’abattoir nous enseigne assez (…).

Dans l’abattoir, il y a – lui-même déplorable victime d’exploitation – le boucher : sale, gluant, fumant de sang frais de haut en bas, son expression faciale ne montre que la grossièreté, du cynisme et du sadisme.

Le voir se tenir à côté du bœuf et n’hésiter ne serait-ce qu’un instant à lequel des deux, s’il fallait choisir, mérite le coup fatal sur la nuque, ce n’est pas avoir de cœur dans la poitrine (…).

Oui, même le prolétaire, qui est abusé à un point tel qu’il est envoyé à l’abattoir pour humains pour les objectifs impérialistes, qui est assassiné « sur le champ d’honneur », meurt au moins avec la conception, même totalement fausse, d’un but plus élevé, que ce soit la protection de la patrie, de la famille ou la « culture ».

L’animal d’abattoir, à l’opposé, perd avec sa vie ce qu’il possède de plus cher, et comme dit simplement pour un loisir culinaire humain. Ce n’est par là aucune consommation d’être massacré de manière « humaine », même si c’est sur le coup moins douloureux. Est-ce que les prolétaires appellent à une exploitation humaine ? Ou bien notre lutte n’est-elle pas justement pour qu’il n’y ait plus aucune exploitation ?

Et si on parle de l’exploitation en tant que tel, alors on a soi-même pas le droit d’exploiter ; et même : justement les exploités sont les plus en situation de ressentir les tourments des animaux.

Si l’on voit ces tourments, et on les voit si on ouvre les yeux, alors on a le devoir de les faire cesser, au moins autant qu’on le puisse à ce moment-là. Et le pouvoir d’une personne va au moins assez loin pour être végétarien, c’est-à-dire, pour sa part, de se tenir loin du meurtre.

Je dis « au moins », car en vérité c’est encore bien trop peu (…). Qui ne se prononce pas au moins pour cette exigence honteusement modérée ne prend pas au sérieux la liquidation de l’exploitation (…).

Tant que nous exploitons nous-mêmes, nous perdons le droit à demander à d’autres de ne pas nous exploiter. Nous arrêtons alors d’être socialistes. Qui pense jusqu’au bout l’exigence d’une société sans exploitation devient végétarien.

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Politique

Beyrouth: une explosion meurtrière dans un pays déjà à l’agonie

L’explosion survenue après un incendie sur le port de Beyrouth mardi 4 août a été puissante et dévastatrice, à l’image de l’immense crise dans laquelle s’enfonce le pays depuis plusieurs mois. Le bilan accablant d’au moins 73 morts et 3700 blessés, en plus de la destruction de toute une partie de la capitale, ne fait qu’enfoncer encore plus un Liban déjà à l’agonie.

Le souffle de l’explosion de 2750 tonnes de nitrate d’ammonium dans le port de Beyrouth a été particulièrement violent et les fumées qui s’en dégagent visibles depuis Chypre, à 200 km de là. Les rues les plus proches ont été dévastées avec de nombreux écroulements. Quasiment toutes les vitrines des quartiers Hamra, Badaro et Hazmieh ont volé en éclat, marquant toute cette partie de la ville jusqu’à plusieurs kilomètres du port.

L’impact a été tellement fort que des voitures ont été soulevées, des airbags déclenchés, des gens projetés en l’air dans leur propre appartement, des portes d’habitations arrachées jusqu’à très loin du port. Il y a même un navire militaire dépendant de l’ONU qui a été endommagé, faisant des blessés graves sur l’embarcation.

Le chef de la Croix-Rouge libanaise a parlé de « morts et des blessés partout, dans toutes les rues et dans tous les quartiers, qu’ils soient proches ou éloignés de l’explosion ». Dans la soirée, alors que les premières opérations de sauvetage sous les décombres étaient à peine lancées, le ministère de la santé libanais annonçait que les hôpitaux de la ville étaient déjà saturés, les milliers de blessés affluant en masse.

Triste coïncidence, mais terriblement significative, un grand mouvement social des infirmiers était prévu ce mercredi 5 août 2020, suite aux vagues massives de licenciement dans les hôpitaux. Ceux-ci croulent sous les dettes depuis plusieurs mois, sans aides de l’État, devant par exemple se fournir en mazout sur le marché noir pour produire l’électricité que le réseau public ne leur fournit plus, ou seulement par intermittence.

D’ailleurs, dans l’après-midi avant l’explosion survenue sur le port de Beyrouth, des manifestants prenaient d’assaut le ministère de l’Énergie en raison de ces coupures massives d’électricité, parfois pendant 20 heures par jour dans certains quartiers. Le réseau public d’électricité perd chaque année 2 milliards de dollars et est dénoncé comme un des plus gros foyers de corruption.

À l’automne 2019, le pays a connu de grandes manifestations populaires face à la généralisation de la crise. Depuis, c’est encore pire. La monnaie libanaise a perdu 80 % de sa valeur par rapport à cet automne, les épargnant n’ont plus accès à leurs dépôts, la moindre marchandise est hors de prix… quand elle est disponible. Des choses comme les médicaments, la lessive ou encore les couches pour bébé deviennent très rares. Le troc s’est généralisé.

Le salaire d’un militaire n’équivaut qu’à 100 dollars, alors que le pays vit pratiquement que d’importations commerciales. Le Liban ne produit quasiment rien et son économie est totalement dépendante des grandes puissances et de ses voisins, tandis que de nombreuses familles vivent en partie grâce à l’argent envoyé par les émigrés, une « diaspora » de millions de personnes, souvent à l’étranger depuis plusieurs générations. On sait aussi qu’à Paris vit une oligarchie libanaise au mode de vie richissime.

Naturellement, le chaos est aussi politique avec une incapacité pour les classes dirigeantes à gouverner depuis la démission du gouvernement de Saad Hariri fin octobre. Le pays est dirigé selon un système de partition communautaire intenable, n’ayant pas d’autre perspective que la soumission aux exigences du FMI. En l’absence d’un mouvement démocratique et populaire organisé, la situation est bloquée, par incapacité à bouleverser toute la chaîne de corruption, de bureaucratie et de désorganisation généralisée.

Le 23 juillet 2020, c’est le ministre des affaires étrangères français Jean-Yves Le Drian qui est venu sur place pour exiger les mesures préalables à l’« aide » du Fonds monétaire international :

« Il est aujourd’hui urgent et nécessaire de s’engager de manière concrète dans la voie des réformes, c’est le message que je suis venu transmettre à toutes les autorités libanaises. »

Ces scandaleux propos de mise sous tutelle ne se ressentent que plus douloureusement aujourd’hui. les Libanais, avec les Palestiniens, ont toujours été les premières victimes dans la région des prétendus accords de paix maintenant en réalité une chape de plomb sur les peuples et la notion même de démocratie.

Le Liban, ce petit bout d’Orient à peine plus grand que la Corse avec officiellement 5,5 millions d’habitants, paye directement sa situation historique, n’étant au fond qu’un terrain d’affrontement entre puissances mondiales et locales, avec un main-mise de grandes familles issues de la féodalité.

Créé de toute pièce par la France en 1920 dans le cadre de son mandat sur les provinces syriennes après le démantèlement de l’Empire Ottoman, il n’a jamais été en mesure de connaître un véritable développement national, avec un fractionnement religieux extrême. De ce fait, des parties entières de son territoire échappent encore aujourd’hui à toute autorité centrale, l’aspect le plus connu récemment étant le sud du pays avec la main-mise du Hezbollah.

La France, puissance en perdition, ne parvient plus à y maintenir ses positions. Symbole de cela, l’effondrement de l’enseignement chrétien francophone, concernant des centaines de milliers d’élèves.

L’explosion de cet entrepôt du port de Beyrouth où était stockée 2750 tonnes de nitrate d’ammonium est ainsi terriblement exemplaire de la situation dramatique du Liban, comme de tout le Moyen-Orient. Ces matières explosives étaient là depuis 2014, cela était tout à fait connu, la proximité du bâtiment étant évité pour cette raison, etc. Mais en l’absence d’une autorité politique efficace, démocratique et au service du peuple, la catastrophe n’a pas été empêchée.

Que celle-ci ait eu lieu sur le port de Beyrouth est d’ailleurs un terrible symbole pour le Liban, tant le pays finalement ne fonctionne que grâce à ce port et ses importations, au cœur de la situation de crise actuelle.

L’humanité a encore beaucoup de chemin à parcourir dans sa quête d’un monde pacifique, prospère et harmonieux… Particulièrement dans cette région du monde, pourtant berceau de la civilisation. Mais rien ne sera possible tant que ce ne sera pas le peuple lui-même au pouvoir, avec des exigences démocratiques élevées, assumant tant la Raison que l’héritage historique de chaque partie de la grande famille humaine. C’est le programme du XXIe siècle sur la Terre.

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Culture Culture & esthétique

La playlist «Hier et demain»

La playlist « Hier et demain » présente des versions modernes de la musique folklorique. Si en France la musique folklorique et le folklore ont été pratiquement anéantis avec la révolution française, ce n’est pas le cas du tout dans la plupart des pays. Il y a alors un patrimoine musical, ou même plus généralement culturel, qui ne s’efface pas.

On ne parle pas ici de reconstruction artificielle comme en Bretagne, avec une langue bretonne bricolée au XXe siècle, dans le prolongement d’un drapeau calqué sur le drapeau américain. On parle d’une continuité et d’une insertion dans la culture moderne. D’ailleurs, les groupes de musique se tournant vers le folklore présentent souvent les mêmes caractéristiques :

– ils se veulent « pop » ;

– ils ont un haut niveau technique sur le plan musical ;

– ils sont ouverts sur le monde et nullement « traditionalistes » ;

– il n’y a pas de dimension identitaire et il y a des échanges culturels assumés.

Il y a évidemment des pôles. À l’un, on a des formes qui ne se distinguent pas vraiment de la musique folklorique, voire en relèvent carrément. À l’autre, on a des inspirations plus qu’autre chose, comme le groupe allemand Heilung qui va puiser de manière assez imaginaire dans le milieu eurasien de la Norvège à la Russie actuelles, avec un goût prononcé pour le chamanisme.

On aura compris le choix du nom de la playlist : en parlant d’hier, ces musiques parlent en fait de demain. Il y a un besoin de culture, de vie en communauté de manière harmonieuse. C’est là l’idéal de la Gauche. Et il va sans dire que si la Gauche oublie la culture, le « national-socialisme » interviendra ici pour dévier ces aspirations. C’est d’ailleurs le cas en Russie où, à côté de la main-mise de la religion orthodoxe sur les gens, il y a une vague très forte de paganisme mystique, identitaire et aberrant.

La playlist ne se veut évidemment nullement exhaustive ; elle est d’ailleurs principalement tourné vers l’Est et le Nord de l’Europe. C’est simplement qu’un portrait relativement unifié et la formidable richesse des musiques africaines demande une présentation spécifique.

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Société

Covid-19: une campagne britannique contre le surpoids

Le gouvernement du Royaume-Uni a présenté ce lundi 27 juillet 2020 une grande campagne contre le surpoids et l’obésité, facteur de risque important dans le cadre du covid-19. C’est un événement majeur pour la société britannique, montrant à quel point la crise sanitaire en cours bouleverse profondément le monde.

Le covid-19 n’est pas simplement une maladie de plus, relevant d’une sorte de fatalité naturelle. C’est le produit de tout un système et du mode de vie allant avec. L’alimentation de mauvaise qualité responsable du surpoids relève directement de ce mode de vie conforme au capitalisme… et favorable à l’expression de formes sévères du covid-19.

Cela avait été un phénomène flagrant au plus fort de la crise sanitaire : les personnes en réanimation étaient essentiellement des gens en surpoids (hormis d’autres types de maladie ou bien la fragilité inhérente à la vieillesse).

En France, cette information est au fond très peu connue, car le sujet du surpoids et de la mauvaise alimentation est relativement taboue. Ce n’est pas le cas aux Royaume-Uni, pour des raisons culturelles.

Comme aux États-Unis, il y a un paradoxe énorme dans le pays : dans les centre-villes, et surtout à Londres, on peut manger pratiquement la nourriture la plus saine du monde, quasiment à tous les coins de rue, pour pas cher et souvent sans viande. Pour les classes populaires vivant en dehors par contre, l’alimentation est d’une qualité pitoyable, provoquant un surpoids généralisé, qui engendre une épidémie massive d’obésité à des degrés particulièrement alarmants.

À peine entrés dans l’adolescence, ce sont déjà un enfant sur trois qui sont en surpoids ou carrément obèses dans le pays. En ce qui concerne les adultes, les chiffres sont dramatiques : 63% ne sont pas dans une situation saine vis-à-vis de leur poids et 28% sont carrément obèses.

Alors que la crise du covid-19 n’en finit plus, le sujet est donc particulièrement brûlant dans le pays. L’agence sanitaire a publié samedi 25 juillet 2020 une étude affirmant que les obèses ont 40 % de risques supplémentaires de mourir de la maladie.

Une grande campagne « better health » (meilleur santé)  a donc été lancée et elle est radicale.

Toute publicité pour la malbouffe est interdite (y compris sur internet) avant 21h pour préserver les enfants, le nombre de calories des repas (qui n’est pas forcément un bon indicateur par ailleurs) doit être rendu public pour toutes les grandes enseignes de restauration, les supermarchés n’ont plus le droit de faire des promotions sur aliments considérés comme de mauvaise qualité. Autrement dit, il est dorénavant interdit de présenter des friandises ou des sodas devant les caisses au supermarché.

C’est un changement extrêmement profond, qui en dit très long sur la catastrophe sanitaire en cours, d’autant plus que la mesure est prise par un gouvernement censé être favorable avant tout au business. Rien que pour les friandises aux caisses, il faut bien voir que cela change drastiquement l’organisation de nombreux magasins où l’on fait pour ainsi dire la queue à la caisse au milieu d’un rayon friandises…

En arrière-plan, il y a la situation personnelle du premier ministre, en soins intensifs après avoir été touché par le covid-19, qui impute régulièrement son hospitalisation à son surpoids. Il a failli mourir (après avoir relativisé honteusement la pandémie pendant des semaines) et cela a provoqué un électrochoc dans le pays.

En 2019 encore, Boris Johnson avait affirmé qu’il reviendrait sur la taxe « boissons sucrées » d’avril 2018. En juillet 2020 finalement, son gouvernement a mis en place un plan massif estimé à 10 millions de livres sterling pour lutter contre le surpoids et la mauvaise nourriture. Le symbole est très fort.

Cela n’a rien d’anecdotique, cela prouve à quel point le monde n’est plus le même, à quel point la situation a changé dans tous les domaines, en profondeur, augurant des bouleversements sociaux-culturels majeurs dans les temps à venir.

L’obésité et le surpoids dans les classes populaires sont une horreur du 20e siècle, produites par un capitalisme soumettant chaque moment de la vie aux profits des grandes entreprises. Mais la vie se révolte, et elle est de plus antagonique avec le capitalisme. Le capitalisme lui-même le constate, mais il ne peut pas se rebeller contre lui-même…

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Politique

Le fiasco du rassemblement parisien pour George Floyd

Appelé par SOS Racisme et rassemblant peu de monde autour des principales figures de la Gauche, le rassemblement d’hier en hommage à Georges Floyd s’est fait sur une base libérale-démocrate, dans un esprit d’universalité très parisien, très franc-maçon, très journalistique.

Symboliquement et humainement, il n’y a aucune raison de ne pas participer à une célébration en l’honneur d’une victime américaine d’un crime raciste. Seulement, il faut savoir raison garder et ne pas prétendre que la France serait les États-Unis, que la planète serait déjà unifiée et que les pays ne connaissent pas encore et toujours des situations très différentes.

C’est cette lourde erreur – de type chrétien humaniste, franc-maçonne, intellectuelle cosmopolite – qu’ont fait les dirigeants de la Gauche en venant au rassemblement parisien en solidarité avec George Floyd, alors que ses funérailles se déroulait aux États-Unis.

Dominique Sopo, le président de SOS Racisme, à l’initiative du rassemblement, résume bien toute cette construction intellectuelle :

« Nous nous battons pour que plus jamais il n’y ait à poser le genou pendant 8 minutes et 46 secondes, parce que nous sommes en 2020 et lorsque nous disons que nous sommes les pays des Droits de l’homme, lorsque nous disons que la civilisation est aboutie dans nos pays, et bien il faut le montrer. Il faut être exigeant et faire en sorte que ni aux États-Unis, ni en France, ni ailleurs, il n’y ait de Georges Floyd, ou il n’y ait de personnes qui décèdent parce qu’elles sont passées, malheureusement, sous les coups, de ceux qui encore une fois estimaient que leur couleur de peau ou que leur religion était un crime. »

La facture pour une telle démarche hors-sol, c’est qu’il n’y avait que 2500 personnes, malgré l’appel de La France insoumise, Europe Ecologie-Les Verts, le PCF et le Parti socialiste, ainsi que la présence de leurs têtes de proue Jean-Luc Mélenchon, Yannick Jadot, Fabien Roussel et Olivier Faure.

Et toute la Gauche appelait : en plus de ces partis, on a la CGT, l’UNSA, la FSU, l’UNEF, le syndicat des avocats de France, le MRAP, la LDH, la LICRA, l’UEJF… Autant dire que la Gauche politique est d’une faiblesse complète, et qu’elle est même réduite à une Gauche libérale-démocrate, sans base populaire, qui fait ici acte de témoignage.

La facture a également un second aspect : le mépris complet de la part des postmodernes racialistes. Le collectif « La vérité pour Adama » a appelé à ne surtout pas participer au rassemblement, tout comme l’activiste Taha Bouhafs. On est ici dans une approche qui est celle des « Indigènes de la République », qui fut celle du MIB (Mouvement de l’Immigration et des banlieues) et de par ses fondements identitaires, il n’y a aucune place pour un rapport positif avec la Gauche et le mouvement ouvrier.

D’ailleurs, Christine Taubira s’est empressée d’encore trahir. Cette femme de centre-droit, que la Gauche a présenté comme une humaniste alors que cela a toujours été une carriériste et une opportuniste, s’est empressée de saluer le collectif « La vérité pour Adama » au moment même où celui-ci rejetait la Gauche.

À l’émission Quotidien de TMC – où la veille les invités étaient de Koh-Lanta – Christine Taubira a qualifié Assa Traoré, qui dirige le collectif « La vérité pour Adama », de « chance pour la France », reprenant l’expression employée par l’extrême-Droite pour se moquer de manière ironique et sordide des immigrés.

C’est tout à fait Christine Taubira, historiquement responsable de l’arrivée de Jean-Marie Le Pen au second tour des présidentielles, et qui d’ailleurs a été ministre de la justice : comment peut-elle ensuite dénoncer un système dont elle a été elle-même une pièce-maîtresse ?

On voit ici comment la Gauche s’est faite pourrir de l’intérieur par des gens comme elle, totalement extérieure au mouvement ouvrier. Et comment aussi, à l’extérieur, des forces petites-bourgeoises identitaires et communautaristes tente de la remplacer. La réponse doit être ainsi un retour au source, une réaffirmation de la Gauche historique.

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SOS Racisme appel à un rassemblement hommage à George Floyd

Voici l’appel de SOS Racisme, signé par plusieurs organisations de gauche ou liées à la Gauche.

« SOS Racisme appelle à un rassemblement solennel en mémoire de George Floyd.

Les obsèques de George Floyd, assassiné le 25 mai à Minneapolis par un policier, se dérouleront ce mardi 9 juin à 18h, heure de Paris.

SOS Racisme appelle au rassemblement, place de la République à Paris, à 18h, pour qu’un hommage solennel soit rendu à la mémoire de ce dernier en ce jour de recueillement.
Nous soutenons les marches et manifestations qui se déroulent actuellement aux USA, en France et ailleurs en faveur des droits civiques et contre la haine raciste.

Soyons nombreux Place de la République mardi prochain, dans la plus grande dignité, pour nous tenir symboliquement aux côtés de la famille de George Floyd et envoyer au monde un message de fraternité, de solidarité et de refus du racisme.

Votre présence signifiera aussi un rappel de notre détermination à combattre, ici, le racisme dans la police et dans tout autre secteur.

Nous demandons aux participants de venir impérativement avec un masque et de respecter les règles sanitaires en vigueur.

Avec : Confédération Générale du Travail (CGT), Fsu – Engagé-es au quotidien, UNSA, Europe Écologie-Les Verts, EÉLV Île-de-France, La France Insoumise , PCF – Parti Communiste Français, Parti Socialiste, FAGE – Fédération des Associations Générales Etudiantes, Jeunes Ecologistes, Les Jeunes Insoumis·es, Les Jeunes Génération-s, Ligue des droits de l’Homme, VOX Populi (Clichy-sous-Bois), Comité Marche du 23 Mai 1998, Asiagora, Jalons Pour La Paix, CCAF France, Crefom, Cifordom Asso, Syndicat des avocats de France, Conseil Démocratique Kurde en France (CDK-F), UNEF le syndicat étudiant, Le Cran, Coup de Soleil, Mouvement Jeunes Communistes de France (MJCF), MRAP, Union des Etudiants Juifs de France [ UEJF ], La Ligue de l’enseignement, MJS – Mouvement des Jeunes Socialistes, Collectif VAN, Union Nationale Lycéenne – UNL, EÉLV Île-de-France, SOS homophobie »

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Politique

Comment l’affaire George Floyd indique que les États-Unis sont en crise totale

Il faut porter un regard sérieux sur les États-Unis, à rebours donc des populismes de gauche français trop enclins à faire de la France des États-Unis en miniature avec le même racisme, la même misère, les mêmes problématiques identitaires communautaires ou de « genre », etc. La crise qui se révèle, c’est celle d’un pays bien différent de la France et qui se révèle également à bout de souffle, mais d’une autre manière.

Si l’on regarde l’ampleur des arrestations aux États-Unis, on se dit que les émeutes qui y ont eu lieu n’ont pas une réelle envergure, qu’on a simplement une poussée de révolte conséquente à un acte plein d’injustice et de cynisme de la part de la police.

Ce serait là un raccourci. Les condamnations pénales américaines sont d’une ampleur bien autre qu’en France et le filet social est faible ou nul. Par conséquent, se lancer dans une telle bataille reflète qu’au fond de la société américaine, il s’est passé quelque chose.

C’est une rupture avec l’idéalisme d’Obama et l’image États-Unis modernes et en transformation. L’élection de Trump avait déjà été une réponse populiste, cette fois on a une réponse en termes de lutte de classe. Et ce qui l’a permis, il ne faut pas se leurrer, c’est la crise du coronavirus et ses conséquences économiques.

Le système économique américain profite d’une vaste précarité qui se survit à elle-même car les gens à la marge de la classe ouvrière trouvent des emplois ici ou là, leurs salaires misérables permettant des vagues permanentes d’initiatives capitalistes.

La crise du coronavirus a enrayé la machine pour les couches les plus pauvres. La conséquence en est une incertitude complète pour ces couches marginalisées. Ce sont elles, souvent noires (ou latinos), qui ont saisi l’affaire George Floyd, en comprenant ce que cela symbolise : leur propre écrasement.

C’est un retour de la lutte des classes et c’est cela qui a provoqué un électro-choc aux États-Unis, comme on le voit au moyen d’un critère national très spécifique : la dramatisation. Les États-Unis, ainsi que certains autres pays tels la Suède mais avec des différences bien entendu, se veulent des pays ensablés dans leur stabilité, dans leur bulle.

Les attentats du 11 septembre ont justement été une lecture pragmatique inversant cette conception, ce qui n’est pas étonnant de la part d’islamistes qui sont le produit inversé des États-Unis. Cela a très bien « fonctionné » au sens où la réponse a été le psychodrame national, si l’on met bien entendu de côté que cette action était en soi spectaculaire mais sans autre contenu qu’un idéalisme religieux assassin.

L’affaire George Floyd est un même psychodrame national. C’est désormais ancré dans l’Histoire, parce qu’il y avait tous les ingrédients pour une convergence d’un esprit de soulèvement contre la situation. Donald Trump, par son style et sa décadence complète, annonçait déjà la fin d’une époque.

Les États-Unis sont en roue libre et il n’y a plus de perspective, tout est trop atomisé, fragmenté, déstructuré. D’ailleurs, on parle là-bas de « communauté » et même plus au sens strict de société : un quartier est une « communauté », les noirs sont une « communauté », il y aurait une « communauté » LGBT, bref on l’a compris l’ultra-libéralisme a réduit la vision du monde à des affinités électives.

La « gauche » postmoderne reflète tout cela et en France on sait qu’elle a conquis une hégémonie, lessivant les valeurs de la Gauche historique, du mouvement ouvrier. La CIA et Google célèbrent les LGBT, mais ce serait « révolutionnaire » en soi d’en relever !

Cette atomisation américaine s’accompagne toutefois de monopoles surpuissants et d’un gigantesque complexe militaro-industriel. Pour maintenir la baraque et continuer le « rêve américain », il y a donc la tendance à la guerre et l’ennemi est déjà identifié : c’est la Chine.

On assiste à un tournant mondial et les États-Unis, principale puissance du monde depuis 1918, superpuissance gendarme du monde depuis 1945 (avec l’URSS ultra-militariste des années 1960-1980, puis seule), se retrouvent au cœur de celui-ci. C’est le début de sa fin.

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Politique

Les États-Unis au bord du précipice

« Les États-Unis au bord du précipice » : c’est le titre de la Une du Washington Post alors que le pays connaît une crise qui ramène aux années 1990 ou plus encore aux années 1960. La crise sanitaire et la crise économique ont mené à l’explosion une société empêtrée dans une violence généralisée. L’empire américain commence à tomber comme un château de cartes.

Les États-Unis sont particulièrement touchés par la crise économique consécutive à la crise sanitaire du Covid-19, alors que la crise de 2008 avec déjà frappé durement toute une frange populaire du pays.

Cela a beau être la première puissance mondiale, la plus riche, la situation y très difficile déjà à la base comme on le sait, avec des inégalités terribles, un système de santé défaillant, des mafias rongeant le pays, une violence généralisée à tous les niveaux, un communautarisme exacerbé, une défaillance complète dans le système éducatif et la culture en général, etc.

Le meurtre de George Floyd a dans un tel contexte mis le feu aux poudres. Âgé de 46 ans, un policier lui a coupé la respiration en maintenant son genou sur son coup pendant 8 minutes et 46 secondes, sous les yeux des passants estomaqués, et alors que l’homme à terre hurlait qu’il n’arrivait pas à respirer. Le policier en question était déjà concerné par 18 plaintes en raison de son comportement violent.

L’intervention faisait suite à la dénonciation par un commerçant de l’usage supposé d’un faux billet de 20 dollars, dans un quartier populaire de Minneapolis. Autant dire qu’on reconnaît bien la folie du système américain, ultra violent, avec un système pénitentiaire gigantesque, une militarisation générale de la société, une fuite en avant dans la déchéance culturelle qui confine à la folie furieuse.

Et, dans ce contexte, il y a le racisme, qui a profondément reculé mais dispose de solides bastions, notamment dans certaines polices, comme à New York. Personne n’a été dupe sur la dimension raciste du meurtre de George Floyd.

Il y a eu, heureusement, une explosion populaire, signe que tout n’est pas perdu dans un pays plus qu’à la dérive. Des manifestations accompagnées d’émeutes ont éclaté dès le lendemain, dénonçant un crime raciste et une violence policière systématique à l’encontre des personnes noires dans le pays.

Jeudi dernier, le poste de policer dont était originaire le groupe de policiers intervenants, qui ont été licenciés, avait été évacué par les forces de l’ordre en prévision d’une mobilisation populaire, puis effectivement incendié dans la nuit. Depuis, la ville s’est embrasée pendant toutes la semaine dernière, menant à l’intervention de la garde nationale alors que les émeutes se sont développées…

Et généralisées à tout le pays avec des manifestations dans 140 villes du pays et plus de 4000 personnes arrêtées dans une trentaine de villes différentes, dont près d’un millier à Los Angeles. C’est peu, mais en fait la mobilisation a débordé un régime américain ne sachant pas exactement encore quoi faire à part essayer de bloquer la diffusion des initiatives.

La capitale Washington a décrété un couvre-feu, ainsi que la ville de New-York et de très nombreuses autres villes. La Garde nationale a été déployée dans une quinzaine d’États. Le président Donald Trump a quant à lui parlé dans la semaine de tirer à balle réelle sur les manifestants en raison des pillages, assumant une posture martiale et ouvertement brutale.

Inversement, des personnalités notamment sportives, des grandes marques comme Nike, des religieux, des policiers… prennent ouvertement le parti des manifestants. On a même, aujourd’hui mardi, un « Black Out Tuesday » (mardi où l’on arrête tout) organisé par les grandes maisons de disque Sony Music, Warner Music Group et Universal Music, ainsi que de nombreux labels indépendants, en faveur de « changements significatifs » dans la société.

Cependant, de telles initiatives limitent la question à celle du racisme et appelant de manière ininterrompue à l’arrêt des violences. Difficile de ne pas voir en effet que la toile de fond est celle d’un système à bout de souffle.

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Société

La terrifiante situation des enfants «GPA» en Ukraine

106 enfants attendent leur mère qui ne l’est pas, car leurs mères à eux a servi pour l’industrie de la GPA. Le confinement montre parfaitement le caractère anti-naturel et criminel de ce marché capitaliste.

106 enfants « stockés » comme des télévisions attendant leur exportation, et avec une surproduction comme cela arrive sur les marchés : avec la fermeture des frontières due à la crise sanitaire, les naissances s’accumulent.

L’Ukraine, pays terriblement pauvre et avec une partie occupée par la Russie, révèle au monde des images terribles produites par un capitalisme sans limites. Ces enfants « accumulés » sont une terrible insulte à la dignité, à la vie.

Le CoRP, Collectif pour le Respect de la Personne, a publié ce tableau tout à fait éclairant sur le prix et les différents choix possibles pour une « GPA » en Ukraine.


Récemment, avant le confinement, il y a eu des problèmes à la naissance d’un bébé et l’homme ayant fait la commande n’est même pas venu. L’enfant a été bringuebalé de foyer en foyer avant de mourir. Est-ce là la dignité ? Est-ce là le respect de la vie ? Naturellement, on devine que ceux acceptant les élevages d’animaux acceptent logiquement que les bébés soient produits pareillement, en masse, de manière encadrée par le marché.

Le CoRP a d’ailleurs noté que le commissionnaire présidentiel ukrainien pour les droits de l’enfant, Mykola Kuleba, vient de protester contre cette situation des enfants « en attente ». Sur Facebook il dit même que :

« La naissance d’un enfant loin de sa mère n’est pas naturelle. En ce sens, l’Ukraine devient un supermarché international en ligne pour les bébés. »

C’est que tout cela est intenable. Jamais une opinion publique ne peut accepter une chose pareille. La PMA, la GPA, toutes ces élucubrations produites par le marché au service du consommateur roi, produisent des horreurs et si les gens n’y font pas attention, car ils sont prisonniers du libéralisme, lorsque cela leur pète à la figure ils prennent conscience et se révoltent. Chassez le naturel, il revient au galop.

L’Ukraine est, avec cette affaire, sur la bonne voie pour l’abandon de la GPA. Le caractère scandaleux de cette histoire est bien trop grand. Le capitalisme n’a pas réussi à hypnotiser les gens dans une telle situation, son visage ignoble a été révélé de manière bien trop flagrante.

Cela doit nous galvaniser pour une opposition ferme et intraitable à la PMA et à la GPA, à la généralisation du consommateur roi défaisant les réalités naturelles comme bon lui semble, c’est-à-dire en réalité comme bon cela semble au marché.

La réalité est la réalité. Lors d’une situation de crise, cela s’impose au-delà de toute machine à illusions.

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Politique

Confinement et immigration: les économies torpillées du Mexique, du Salvador, du Honduras

Au lieu de prôner une humanité unifiée, les libéraux prônent le droit à immigrer comme on le souhaite. C’est là le reflet des intérêts du capital et cette émigration contribue à la dépendance économique de pays entiers.

Aux États-Unis, la question de l’immigration semble évidente : les Républicains seront contre et les Démocrates pour, et les Démocrates seraient de Gauche. En réalité, les Démocrates sont de droite libérale, les Républicains de Droite conservatrice. Et il est facile de voir qu’une large partie de la Gauche française s’est transformée en « Démocrates » à l’américaine.

L’immigration est en effet un puissant outil pour le capitalisme, qui exerce ainsi une pression maximale sur les salaires, tout en empêchant le développement des pays d’émigration. Les forces vives des pays peu développées sont pompées : c’est le brain drain, avec les gens les plus éduqués qui sont littéralement importés dans les pays riches.

Mais il y a aussi les gens voulant ardemment travailler afin de subvenir aux besoins de leurs familles, à quoi s’ajoutent ceux croyant au rêve américain (ou britannique, allemand, français, etc.). Ces gens se retrouvent pris au piège. Ils sont aliénés ou bien, lorsqu’ils ont conscience qu’ils sont devenus dépendants d’un capitalisme despotique, ils sont broyés. Certains font carrière, bien entendu, et ils contribuent puissamment alors à l’idéologie capitaliste, tout en devenant des bourgeois arrivistes avec un esprit de nouveau riche.

Il ne s’agit nullement donc de simples parcours individuels, les conséquences sont catastrophiques à une grand échelle, comme le montre justement les désordres actuels dans l’économie aux États-Unis en raison de la crise sanitaire. En effet, le confinement partiel bloque une partie de l’économie et il s’avère que des pays voient une partie importante de leur propre économie dépendre des envois d’argent depuis les États-Unis.

L’année dernière, 17 % de l’économie salvadorienne consistait en des envois d’argent par des émigrés partis aux États-Unis. Le chiffre monte à 20 % pour le Honduras ; il est d’autour de 10 % pour le Guatemala. Pour le Mexique, le chiffre est de 3 %, mais ici il ne faut pas sous-estimer l’importance de ces quelques pour cents, car son montant est de 34 milliards de dollars.

Le président mexicain Andrés Manuel López Obrador a lui-même fait un appel aux émigrés pour leur demander de ne pas cesser l’envoi d’argent à leurs familles au pays. C’est dire à quel point le Mexique est ébranlé, ce qui révèle sa dépendance.

D’ailleurs, il en est de même pour le Sénégal où il est estimé que 9,1 % du PIB provient des transfert d’argent par les émigrés, ou encore dans l’ouest du Mali où il est estimé que 20 % des dépenses des familles proviendrait de ces transferts d’argent. La crise sanitaire pose exactement les mêmes problèmes pour ces pays, avec des baisses de transferts drastiques constatées par les opérateurs.

Qui plus est, comme on le sait le point de vue libéral voit les choses sous l’angle des individus, mais en réalité l’émigration consiste simplement en le départ de communautés. L’émigration a ainsi été massive depuis la région mexicaine du Michoacan ; pour elle, les envois depuis les États-Unis forment 11,6 % de l’économie, soit 3,4 milliards de dollars. Ici, une région entière se voit torpillée.

Un autre aspect est évidemment que le capitalisme permet l’immigration mais ne permet pas l’accès aux soins de manière aisée. Seule la France, parmi les grands pays capitalistes, a ici une politique d’ouverture systématique, afin de renforcer son secteur de la santé et d’éviter des problèmes de santé contaminant toute la population depuis des zones immigrées particulièrement dense, telle la Seine-Saint-Denis. Dans les autres pays la situation est catastrophique. Les immigrés ont peur pour leur santé, à juste titre, n’ayant pas de couverture sociale en ce domaine ; d’autres, lumpenprolétarisés, se voient devenir malades, devenant des vecteurs du covid-19 de par leur situation misérable.

L’immigration correspond en fait parfaitement au chaos capitaliste : chacun fait ce qu’il veut comme il veut, sans aucune considération pour la collectivité. Comment l’Inde aura-t-elle des médecins si tous ses médecins de qualité émigrent pour faire carrière ? Comment le Mexique pourra-t-il se développer si les États-Unis pompent sa force de travail et le place dans une situation de dépendance ?

On ne peut pas comprendre le terrible ancrage du Front national, aujourd’hui du Rassemblement national, dans les zones ouvrières, sans voir qu’il ne s’agit pas de confondre les immigrés et l’immigration, d’assimiler la misère individuelle des immigrés à l’immigration comme outil du capital. Le mouvement ouvrier a toujours souligné d’ailleurs la différence entre ces deux aspects. Et il n’a jamais considéré que l’internationalisme des ouvriers consistait, comme les anarchistes, à demander à ce que les frontières tombent… dans le cadre du capitalisme.

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Culture Culture & esthétique

Playlist «soviet wave»

La chute de l’union soviétique en 1991 s’est accompagnée d’une vague de brutalité et d’une corruption massive, étouffant la société toute entière. Née dans les années 1990, la génération qui a franchi sa vingtième année dans les années 2010 est marquée par une enfance socialement et moralement troublée.

C’est l’essor d’un capitalisme russe issu de l’ancien appareil militaire d’État, s’appropriant tout ce qu’il peut, notamment en priorité la rente gazière et pétrolière, et laissant prospérer des activités décadentes auparavant réprimés (comme par exemple la banalisation de la prostitution, des drogues…).

Dans cette ambiance de déliquescence culturelle, PPK, un groupe de musique électronique très actif entre 1999 et 2003 et entre 2010 et 2011, a joué le rôle d’incubateur d’un style combinant une esthétique rétrofuturiste nostalgique de l’URSS, essentiellement abordée à travers la conquête spatiale, à des mélodies de synthétiseurs surfant sur la cold wave anglaise des années 1980.

Dans les années 2010, la génération née dans les années 1990 s’est appropriée ce style culturel donnant lieu à une grande vague musicale nommée la « soviet wave », un mélange de post-punk, de cold wave et de musique électronique fondée sur la nostalgie de l’URSS.

Il y a une progression de ce phénomène dans les grandes villes de Russie mais aussi dans l’ancienne ère soviétique (Ukraine, Lettonie…), que l’on trouve dans les très nombreuses playlist de « doomer music », le mouvement s’élargissant au-delà, avec par exemple le groupe italien « Soviet soviet ».

Un « doomer » (traduire par « condamné ») est une jeune personne précaire qui sombre dans une profonde tristesse sans pour autant tomber dans la violence misogyne des « incels ». Il est plutôt découragé, bloqué par une mélancolie existentielle, mais sans développer une rancœur. La « soviet wave » est une expression directe de l’état d’esprit « doomer » d’une génération Z, née après 1997, qui ne se reconnaît ni dans la ringardise des « boomer » (génération papy-boom) ni dans l’optimisme naïf des « bloomer ».

Il y a là un phénomène musical et culturel très intéressant à saisir dans le contexte de la société russe post-soviétique dominée par une oligarchie rentière anti-démocratique, et dans laquelle la jeunesse cherche, tant bien que mal et sans y parvenir, une nouvelle perspective pour l’avenir.

Voici la playlist :

Voici les titres de la playlist :

  1. Nürnberg – Adny (Minsk)
  2. дурной вкус – пластинки (Mauvais goût – Enregistrement / Saint Pétersbourg)
  3. Ploho – Город устал (« La ville est fatiguée » – Novorsibrisk)
  4. Где Фантом? – Это так архаично (Où est le fantôme ? –C’est tellement archaïque / Oufa)
  5. Molchat doma – Volny (Maisons silencieuses – Vagues / Minsk)
  6. Перемотка – Стреляй (Rembobiner – Tirer/Chasser / Yekaterrinburg)
  7. Стыд – Одинокий гражданин (Honte – citoyen solitaire / Tomsk)
  8. Nürnberg – Biessensounasc
  9. PXWLL – Лето (été, Riga, Lettonie)
  10. Улица Восток – Дурак (Vostok street – Fool / Kiev)
  11. Soviet soviet – Ecstasy
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Politique

Biélorussie, pays martyr: le sens du défilé pour le 9 mai 2020

La Biélorussie a été à deux doigts d’être anéantie par l’Allemagne nazie, qui voulait rapidement la vider pour la coloniser. Le pays a été pratiquement détruit, tout en ayant été à la pointe du mouvement des partisans. Le 9 mai 2020 apparaissait donc comme un horizon concrètement incontournable.

La plupart des Français ne savent pas où est la Biélorussie, à vrai dire ils ne savent pas forcément que ce pays existe. À la limite certains auront-ils remarqué que le personnage de film John Wick est un assassin biélorusse, la série de films jouant sur le cliché plus ou moins vrai du Russe mélancolique fonctionnant comme un rouleau compresseur quand on l’ennuie. Aujourd’hui, plutôt que de Biélorussie, on parle d’ailleurs plutôt du Bélarus, dans le passé on employait par contre l’expression de Russie blanche.

L’origine du nom de ce pays d’aujourd’hui 10 millions d’habitants, dont la capitale est Minsk, est assez obscur : on ne sait pas trop si cela la relie à la Russie – soulignons que les Biélorusses et les Ukrainiens sont à la fois Russes et pas du tout – ou bien si c’est pour désigner la partie russe qui n’a pas été sous domination tatare. Rappelons en effet qu’au-delà des fantasmes postmodernes sur les « blancs » dominateurs, une large partie des pays de l’Est et du Sud Est ont été dominé longtemps par les Mongols, les Tatars, les Turcs, à quoi on peut ajouter les Hongrois.

Aujourd’hui, la Biélorussie, ou le Bélarus, est une dictature où le régime fait ce qu’il veut, étant un satellite russe, avec à la tête du pays Alexandre Loukachenko, qui est au pouvoir depuis 1994. Autant dire qu’être un opposant dans un tel pays exige un vrai sens de l’héroïsme par rapport à ce qu’on risque physiquement. Le pays a défrayé la chronique ces dernières semaines par son refus ostensible et unique de ne pas prendre en compte le covid-19.

Cela tient, en fait, pas seulement à une lubie d’un président qui, de toutes façons, n’en fait qu’à sa tête. Mais pas seulement : il y a également une vision de l’adversité historique qui est très particulière. Cela se lit dans le fait que la Biélorussie ait maintenu le défilé à l’occasion du 75e anniversaire de la victoire sur le nazisme. En effet, l’invasion nazie, pour la Biélorussie, c’est 9 200 villages anéantis dont 600 en même temps que tous leurs habitants, 1,2 millions de logements détruits, Minsk et Vitebsk anéantis à 80 %, 380 000 personnes déportées pour le travail forcé.

La Biélorussie a perdu 25 % de sa population, dont 800 000 Juifs assassinés par les nazis. Les objets et les bâtiments du patrimoine historique et culturel de la Biélorussie ont été réduit à néant, à très peu d’exceptions près. Les groupes de partisans ont essaimé tout le pays et l’héroïsme a été une norme, comme la résistance de la forteresse de Brest. Très difficile, par conséquent, de contourner la célébration du 75e anniversaire de la victoire.

Cette expérience explique-t-elle le refus de faire face au covid-19 en tant que tel ? Il y aurait ici à creuser, à méditer. Surtout, il faut se rappeler que les peuples n’ont pas les mêmes expériences, le même parcours. On le voit très bien quand on voit comment les Français ont été individualistes dans une large mesure dans cette crise sanitaire, alors que les Grecs, un peuple connu pour sa vivacité et aussi malheureusement sa pauvreté, a été d’une discipline exemplaire, en raison d’un grand sens des responsabilités populaires.

Il ne s’agit nullement de hiérarchiser ni de faire un fétichisme des différences. Il s’agit de comprendre que tout s’explique par l’histoire, par les rapports entre les classes, par la culture du pays à travers tout cela. Si on ne voit pas cela, on ne peut pas corriger le tir et aller vers le mieux.

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Politique

«Déclaration internationale de Partis communistes pour le 8 mai»

Cette déclaration a été signée, pour faire simple, par ce qui reste du mouvement communiste se définissant positivement par rapport à l’URSS dans les années 1980. En France, elle a été signé par le PCF (qui ne le diffuse apparemment pas), par le PCRF (issu de l’URCF, une scission de gauche du PCF des années 1990) et par le PRCF (la gauche du PCF, très liée aux tendances les plus contestataires de la CGT).

« Déclaration internationale de Partis communistes pour le 8 mai

Au nom de la liberté, de la paix et de la vérité,

Contre le fascisme et la guerre !

La victoire sur le fascisme nazi pendant la Seconde Guerre mondiale est un événement majeur de l’Histoire, dont le souvenir doit être préservé et défendu face aux tentatives répétées de falsification historique visant à nous faire oublier le rôle décisif joué par l’Union soviétique des Républiques socialistes, par les communistes et par les antifascistes du monde entier.

Généré par le capitalisme, le fascisme nazi était la manifestation la plus violente et terroriste du capital monopoliste. Il était responsable du déclenchement de cette guerre d’agression et de pillage qui a fait près de 75 millions de morts, dont environ 27 millions de citoyens soviétiques, et des souffrances et horreurs incommensurables des camps de concentration nazis. Les peuples ne peuvent pas non plus oublier les pages sombres, comme les bombardements atomiques d’Hiroshima et de Nagasaki par les États-Unis, sans aucune justification militaire, qui représentaient une démonstration de puissance et de leurs ambitions hégémoniques mondiales.

La Seconde Guerre mondiale (1939-1945) est le résultat de contradictions inter-impérialistes de plus en plus aiguës et, en même temps, de l’intention de détruire le premier État socialiste, l’URSS, qui s’est notamment exprimée dans le soutien et la connivence entre le Royaume-Uni, la France et les États-Unis, avec le réarmement et l’ambition expansionniste de l’Allemagne nazie.

En commémorant le 75ème anniversaire de la Victoire historique du 8 mai 1945, les partis communistes et ouvriers soussignés, certains de relayer les sentiments et les aspirations des travailleurs et des peuples du monde entier :

- rendent hommage à tous ceux qui ont donné leur vie sur les champs de bataille contre les hordes nazies-fascistes et en particulier à l’héroïsme des mouvements de résistance et des combattants antifascistes, ainsi qu’au peuple héroïque soviétique et à l’Armée rouge, dirigée par le Parti communiste, dont la contribution, écrite dans des pages héroïques telles que les batailles de Moscou, de Léningrad et de Stalingrad, a été décisive pour la victoire sur la barbarie ;

- considèrent que la victoire sur l’Allemagne nazie et ses alliés dans le Pacte anti-Komintern a été réalisée grâce à la contribution décisive de l’URSS, à la nature de classe du pouvoir soviétique avec la participation des masses populaires, au rôle de premier plan du Parti communiste, à la supériorité affichée par le système socialiste. Cette victoire est un énorme héritage historique du mouvement révolutionnaire.

- mettent en valeur les avancées remarquables dans l’émancipation sociale et nationale des travailleurs et des peuples, avancées rendues possibles par la victoire et l’avancement des forces du progrès social et de la paix, étendant la sphère du socialisme dans les pays d’Europe, d’Asie et d’Amérique latine ; cette victoire a créé les conditions pour l’avancée du mouvement ouvrier dans les pays capitalistes, le développement rapide du mouvement de libération nationale et la liquidation des empires coloniaux qui en a résulté ;

- dénoncent et condamnent les campagnes visant à minimiser, déformer et même nier le rôle de l’URSS et des communistes dans la défaite du fascisme nazi et aussi à blâmer injustement et faussement l’Union soviétique pour avoir déclenché la Seconde Guerre mondiale, à supprimer les responsabilités du grand capital et des gouvernements à son service dans la promotion et la montée du fascisme et dans le déclenchement de la guerre, à blanchir et réhabiliter le fascisme, tout en détruisant les monuments et la mémoire de l’armée soviétique libératrice, en promouvant l’anticommunisme et en criminalisant les communistes et d’autres antifascistes ;

- dénoncent et condamnent les résolutions anticommunistes de l’UE et la falsification historique calomnieuse qui tente d’assimiler le socialisme au monstre fasciste ;

- soulignent que les secteurs les plus réactionnaires et agressifs de l’impérialisme voient de plus en plus le fascisme et la guerre comme une « sortie » de l’aggravation de la crise du système capitaliste, dont le caractère inhumain devient particulièrement évident lorsque, même face à la très grave épidémie de Covid-19, l’impérialisme, les États-Unis, l’OTAN, l’UE et ses puissances capitalistes alliées, poursuivent une politique criminelle de blocus et d’agression contre les pays et les peuples ;

- considèrent que la lutte pour la paix, le progrès social et le socialisme sont indissociables, et s’engagent à rechercher une action commune plus forte de la classe ouvrière, des travailleurs et des peuples du monde, des forces politiques engagées dansla lutte contre le fascisme et contre l’impérialisme, contre les agressions impérialistes et la guerre.

La situation à laquelle sont confrontés les travailleurs et les peuples du monde souligne l’importance de renforcer la lutte contre l’impérialisme, pour la souveraineté des peuples et l’indépendance des États, pour les droits des travailleurs et des peuples. Il faut dépasser de manière révolutionnaire le système capitaliste, un système qui engendre le fascisme, la guerre, les injustices, les dangers et les contradictions du présent. Comme il y a 75 ans, c’est aujourd’hui la lutte des communistes et de tous ceux qui sont confrontés à l’exploitation et à l’oppression capitalistes qui ouvrira la voie à l’avenir pour l’humanité.

Communist Party of Armenia
Communist Party of Australia
Party of Labour of Austria
Communist Party of Bangladesh
Communist Party of Belarus
Communist Party of Belgium
Communist Party of Brazil
Communist Party of Britain
New Communist Party of Britain
Communist Party of Canada
Communist Party of Chile
Colombian Communist Party
Socialist Worker’s Party of Croatia
Communist Party of Cuba
Communist Party of Bohemia and Moravia
The Progressive Party of the Working People – AKEL
Communist Party in Denmark
Egyptian Communist Party
Communist Party of Finland
French Communist Party
Pole of Communist Revival in France
Communist Revolutionary Party of France
Unified Communist Party of Georgia
German Communist Party
Communist Party of Greece
Hungarian Worker’s Party
Communist Party of India (Marxist)
Communist Party of India
Tudeh Party of Iran
Iraqi Communist Party
Communist Party of Ireland
Workers’ Party of Ireland
Communist Party of Israel
Italian Communist Party
Party of the Communist Refoundation – European Left (Italy)
Workers’ Party of Korea
Communist Party of Luxembourg
Communist Party of Malta
Popular Socialist Party – National Political Association (México)
Communist Party of Mexico
New Communist Party of the Netherlands
New Communist Party of Aotearoa (New Zealand)
Communist Party of Macedonia
Communist Party of Norway
Communist Party of Pakistan
Palestinian Communist Party
Paraguayan Communist Party
Peruan Communist Party
Philippine Communist Party (PKP – 1930)
Portuguese Communist Party
Communist Party of the Russian Federation
Union of Communist Parties – CPSU
Communist Party of the Soviet Union
New Communist Party of Yugoslavia
Communist of Serbia
South African Communist Party
Communist Party of Spain
Communist Party of the Peoples of Spain
Communists of Catalonia
Galizan People’s Union
Communist Party of the Workers of Spain
Galician Nationalist Bloc
Communist Party of Sri Lanka
Sudanese Communist Party
Communist Party of Swaziland
Communist Party (Switzerland)
Syrian Communist Party
Communist Party of Turkey
Communist Party of Ukraine
Communist Party USA
Communist Party of Venezuela »

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Guerre

Le dossier des services secrets américano-britanniques dénonçant la Chine

Un dossier de plusieurs services secrets a prétendument « fuité » et dénonce violemment la Chine. Il s’agit en réalité d’une expression de l’offensive américaine pour justifier la guerre contre la superpuissance ennemie.

Nous allions à la guerre sino-américaine et nous y allons désormais encore plus. La crise sanitaire accélère l’urgence de la compétition au niveau international et cela d’autant plus que les États-Unis sont en mauvaise posture et qu’ils ont un boulevard de propagande contre la Chine qu’ils peuvent accuser de tous les maux.

Le dossier « fuité » est d’autant plus une offensive idéologique qu’il est une œuvre commune des services secrets américain, britannique, australien, néo-zélandais, canadien. Il va de soi que les trois derniers services secrets concernés sont largement dépendants des deux premiers et que l’hégémonie revient de toutes façons aux États-Unis.

Le dossier, qui fait 15 pages, dit que la Chine aurait menti au sujet de l’ampleur de la crise sanitaire. Elle aurait caché ou détruit des documents au sujet de celle-ci. La Chine aurait masqué tant la transmission entre humains que son ampleur.

Ce dossier n’est évidemment pas reconnu officiellement par les pays l’ayant produit, qui cependant en sous-main en reconnaissent toutes les thèses. C’est une opération de guerre psychologique : la haine de la Chine doit augmenter toujours plus pour justifier la guerre. On a ici la superpuissance américaine qui veut garder sa place face au concurrent chinois et des pays comme la Grande-Bretagne comptent en profiter, tout comme le Canada, ainsi que l’Australie et la Nouvelle Zélande qui sont proches géographiquement de la Chine.

Il va de soi que le conflit sino-américain est monstrueux et doit être récusé comme une horreur. Tant la superpuissance américaine que la Chine, une superpuissance relative mais clairement allant à la guerre, doivent être dénoncés. Le « coup » de propagande américain doit être dénoncé, mais cela ne suppose évidemment pas qu’on s’aligne sur la Chine, un régime terroriste.

On notera pourtant qu’une partie de la Gauche française est ouvertement ici passée dans le camp « pro-chinois ». Il ne s’agit pas du tout des maoïstes, qui rejettent évidemment violemment la Chine depuis 1976, mais de toute la scène marxiste-léniniste de la gauche du PCF. La Chine serait un pays construisant le socialisme, favorable à la paix, etc.

Un communiqué commun a même été signé juste avant le premier mai en ce sens (par le Rassemblement Communiste, le PRCF, les JRCF, le CISC, l’ANC, le collectif communiste, les Éditions prolétariennes). Dans « Halte à l’intox antichinoise et aux menaces des dirigeants impérialistes occidentaux contre la République Populaire de Chine », on a un éloge de la gestion chinoise de la crise, présenté comme un modèle dans une première phrase d’une rare longueur, la dernière présentant les cibles à critiquer :

« Confrontées au discrédit populaire qui frappe les gouvernants néolibéraux des Etats-Unis, de l’UE et de ses Etats-membres (au premier rang desquels le gouvernement français), toutes plus incapables les unes que les autres de traiter la crise sanitaire, inquiètes de voir la République populaire de Chine, la République socialiste du Vietnam ou la République de Cuba, tous rescapés du camp socialiste, obtenir des résultats remarquables dans la lutte contre le virus, rageuses de voir que les Italiens, les habitants des Antilles, etc. accueillent avec gratitude l’aide des médecins cubains, chinois et vénézuéliens ainsi que l’envoi de matériel sanitaire fourni par la Chine et la Russie, cherchant en permanence de nouveaux prétextes pour augmenter les dépenses de l’OTAN, prêtes à tout pour attirer dans une fallacieuse « union sacrée » les couches populaires qu’elles exposent sans vergogne à la contagion, les oligarchies capitalistes ont engagé une ignoble campagne médiatique visant à calomnier la Chine populaire en l’accusant d’être la principale fauteuse de pandémie alors qu’elle en fut la première victime et qu’elle a, dès qu’elle l’a pu, transmis au monde entier ses observations scientifiques (notamment le séquençage du virus) et ses résultats thérapeutiques (…).

Plus que jamais, – la pandémie actuelle en est l’effarant révélateur – le capitalisme-impérialisme, ses Etats et ses institutions, parmi lesquelles l’UE, l’OTAN et l’OMC, FMI et Banque Mondiale, n’apportent plus que désorganisation, angoisse et mort. Plus que jamais, face au virus mortel du capitalisme, de l’impérialisme et de l’UE/OTAN, doit être repris le mot d’ordre de Fidel, « la patrie ou la mort, le socialisme ou mourir, nous vaincrons ». »

Il ne faut rien connaître à la Chine, le Vietnam ou Cuba pour y voir quelque chose de socialiste, des pays ayant une démarche terroriste alors que, de manière très claire, les capitalistes y accumulent les richesses. On devine évidemment ici que cela permet un anti-impérialisme à peu de frais, sans compter un soutien inévitable de la part de la Chine elle-même, d’une manière ou d’une autre.

Il ne faut pas cependant considérer qu’on a là un phénomène marginal. Ce qui est ici contaminé par une approche romantique, idéaliste, délirante même, c’est toute la gauche du PCF et donc la gauche de la CGT, bref toute la scène sociale ayant porté la bataille contre la réforme des retraites il y a quelques mois. C’est l’expression de la vision du monde du délégué syndical chauvin et bureaucratique, du nostalgique du PCF des années 1970.

Discuter avec de tels gens comme quoi – pour donner un simple exemple – manger de la viande, c’est mal, n’est même pas concevable ; ils ne verraient même pas en quoi cela a un rapport avec la gauche, ou même la politique en général. C’est une tendance réactionnaire, surfant justement sur le populisme de la lutte contre la réforme des retraites, de l’esprit CGT.

Cela n’en rend que plus nécessaire la clarté dans l’opposition à la guerre en général, le refus de toute soumission à un « bloc ».

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Le premier mai de la social-démocratie autrichienne

La distanciation totale n’a nullement empêché la social-démocratie autrichienne de prendre une initiative de grande envergure pour marquer le coup dans un contexte de crise. En assumant entièrement de se situer dans l’histoire du mouvement ouvrier et en n’utilisant aucune catégorie « postmoderne », le SPÖ tranche radicalement avec la démarche liquidatrice des socialistes français, mais même du PCF.

Le Parti Social-démocrate d’Autriche a réussi un tour de force pour le premier mai 2020. Prolongeant son initiative d’assumer un retour aux sources, il a développé une intense campagne pour le premier mai, malgré l’impossibilité de manifester. Le SPÖ a ainsi réalisé une campagne d’affichage « le premier mai, plus que jamais ! », des conférences de presse en ligne, une vidéo de plus d’une heure destiné aux « camarades », multiplié les appels, appelé les militants à envoyer des photos symboliques pour montrer l’engagement.

Légende : la tunique est celle de la Jeunesse Socialiste

Il y a même une playlist sur Soundcloud, avec des chansons d’avant 1945 au contenu donc entièrement rouge, la social-démocratie autrichienne de cette période assumant même d’être pro-URSS, qu’elle considérait comme socialiste, même si elle rejetait le bolchevisme comme modèle idéologique pour le reste du monde.

Pour ajouter dans la lecture incroyable de tout cela, chaque chanson a une présentation historique, expliquant le contexte dans le mouvement ouvrier alors.

Le SPÖ réactive tout un patrimoine qui n’attendait que cela, celui du poing levé le coude cassé, des drapeaux rouges avec les trois flèches dans le cercle… Dans la vidéo, pour leurs petits discours, les dirigeants commencent par raconter leur premier premier mai et il s’avère qu’il s’agit d’un événement datant de leur enfance, lorsque leur famille populaire les y a amenés !

La vidéo de plus d’une heure a comme particularité d’avoir été diffusé sur le site de la télévision autrichienne, car là est la particularité historique de la social-démocratie autrichienne, oscillant entre un soutien total à l’État existant et une identité totalement ancrée dans le mouvement ouvrier.

Car le SPÖ ne vaut pas « mieux » que le Parti socialiste en France. Il a été au pouvoir même encore plus longtemps, il est encore plus corrompu dans sa direction, il a soutenu pendant des décennies une cogestion étatique avec la Droite cléricale-réactionnaire.

Seulement, lorsqu’est arrivé le grand tournant, au même moment que le Parti socialiste en France grosso modo… la base ne s’est pas évaporée. Dans le Nord de la France, le PS a littéralement disparu, comme d’ailleurs dans la plupart des endroits, mais dans le Nord c’est d’autant plus choquant de par la tradition ouvrière qui y existait.

Le SPÖ a réussi à se maintenir pour deux raisons : déjà il a toujours assumé l’ensemble du parcours ouvrier, depuis 130 ans, se posant comme le prolongement, devenu réformiste. Il y a donc tout un patrimoine ouvrier présent à la base, tout un romantisme, si l’on veut. Ensuite, la ville de Vienne, historiquement ouvrière et socialiste, forme un bastion mêlant mouvements de masse, corruption importante finançant le SPÖ et les syndicats. Dans un pays où il n’y a absolument jamais de grève, le syndicat unique du pays (qui a des tendances politiques, le SPÖ étant en tête bien sûr) est richissime.

C’est une situation étrange, bien entendu. Et selon l’axe qu’on considère comme principal, on peut voir le SPÖ comme un phénomène fictif, ou bien au contraire comme une réactivation malgré tout d’une base populaire.

Cependant, si on prend la crise actuelle, on voit que le SPÖ se place admirablement bien, car il se pose comme le grand rempart social, même réformiste, face à toutes les conséquences pouvant arriver. C’est là un immense rempart au fascisme. Cela se limite en grande partie au bastion viennois, mais il n’en reste pas moins que la situation est totalement différente en France, où il n’y a pas que le Parti socialiste qui a capitulé : il y a sa base qui a fait de même, qui n’a rien reconstitué, qui s’est juste évaporé.

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Photos du premier mai de la social-démocratie autrichienne

Ne pouvant pas manifester en raison de la distanciation sociale, la social-démocratie autrichienne a demandé qu’on lui envoie des photos pour faire un petit book. Les photos sont de plusieurs types : il y a ainsi par exemple celles prises pour l’occasion ou celles reflétant un moment passé du mouvement.

Ce qu’on y voit toujours dans les choix faits, c’est une approche naïve et parfois pittoresque, mais toujours populaire, avec toujours au cœur… le Parti.

 

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Pourquoi les entreprises autrichiennes ont-elles des masques et pas l’État français?

C’est un paradoxe marquant. Depuis le 6 avril, les commerces autrichiens de la grande distribution distribuent des masques aux clients, de manière gratuite. Comment font-ils alors que l’État français souffre terriblement pour s’en procurer ?

Que ce soit au magasin bio ou au supermarché, on obtient en Autriche un masque à l’entrée. Pour ajouter au cliché autrichien de la méticulosité germanique maniaque et parfois pittoresque, il y a des désinfectants pour les mains, les barres des chariots ou des paniers en plastique qui sont désinfectés. Les clients ont parfois des masques et… n’en demandent pas un autre pour en stocker, tout en respectant la distanciation sociale.

La situation ne serait pas dramatique, on rirait presque devant un portrait si tranchant avec le mentalités françaises et les moyens français. Mais comment diable des entreprises d’un petit pays d’Europe centrale ont-elles réussies à importer des dizaines de millions de masques là où l’État français souffre le martyr en espérant être prêt le 11 mai 2020 ?

Plusieurs économistes libéraux en font un cas d’école. Ils profitent de cet exemple pour expliquer que le capitalisme est plein d’initiatives, alors que l’État est par définition bureaucratique. Par conséquent, une foule de petites entreprises réussissent de par leurs activité là où une structure centralisée échoue forcément. Lorsqu’il y a la loi mise en place, il aura donc fallu simplement quelques jours aux entreprises pour être prêtes.

C’est là un véritable conte de fée capitaliste, digne du rêve américain. Car on parle là d’un capitalisme particulièrement monopolisé. Les commerces de la grande distribution relèvent de véritables mastodontes. Spar est un monstre néerlandais de plus de 13 000 magasins dans 48 pays, dont plus de 1500 en Autriche. Rewe est un géant allemand encore plus grand, avec des supermarchés et du tourisme, pour un chiffre d’affaires de plus de 50 milliards d’euros !

Il s’avère simplement que de tels monopoles parviennent à agir davantage que l’État français. Cela correspond à une situation où quelques monopoles mondiaux s’avèrent toujours plus puissants et cela même que des États. On s’imagine même que ces États passent sous leur coupe en partie ou totalement. L’État chinois est aux mains de tels monopoles, mais aux États-Unis on sait que c’est pareil.

En Autriche, il y a pareillement un tel monopolisme. Si les rapports sociaux sont totalement pacifiés, au point qu’il n’y a jamais aucune grève, il y a une infime minorité ultra-riche, vivant dans une bulle, dont le propriétaire de Red Bull est un exemple assez représentatif. Il y a énormément des droits sociaux, un vrai capitalisme par en bas, une administration étatique efficace, mais à un autre niveau tout est corrompu, tant par les mafias que les monopoles. C’est cependant invisible, très propre, parfaitement rôdé. C’est cette situation qui explique le succès des populistes.

La France a pourtant également des monopoles. Cependant, la situation est totalement différente. En Autriche, les rapports sociaux sont pacifiés de manière totale, ce qui se concrétise sous la forme d’un deal : il n’y a jamais de grèves et en échange on accorde aux travailleurs un certain niveau de vie. C’est la même tendance en Allemagne, même si en un tout petit peu moins réussi. En France les monopoles ne sont pas dans un tel esprit de compromis. La démarche est d’arracher autant que possible, les syndicats font pareil et tout le monde s’accorde sur un compromis plus ou moins bancal.

L’Autriche de la cogestion est ainsi un enfer pour qui veut changer les rapports sociaux et la France inversement un paradis… En apparence. En réalité, une Gauche très forte existe en Autriche, avec une tradition ouvrière puissante et un prolongement sous la forme des agitations autonomes à l’extrême-gauche plus ou moins soutenu en sous-main. En France, on a l’apparence de la contestation mais tout sert en réalité une cogestion indirecte, due à la faiblesse des syndicats et à la pacification sociale ouverte.

Là où par contre la situation est différente, c’est qu’en cas de crise, forcément la cogestion ouverte encadre jusqu’au bout, tandis que dans la cogestion indirecte il n’y a pas de partenaires, pas de terrain de neutralisation des conflits sociaux. Évidemment, un petit pays comme l’Autriche, satellite de l’Allemagne, peut se permettre une telle démarche. La France, avec ses incroyables ambitions, est perpétuellement obligé de forcer, de vivre au-dessus de ses moyens.

C’est là l’arrière-plan de toute cette question des masques. Et cela montre que la situation devient toujours plus compliquée, qu’il faut une grille d’analyses bien développée pour comprendre ce qui se passe. Et ce n’est qu’un début !