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L’extrême-Droite conquiert le Nord-Isère

C’est un symbole de l’avancée du nationalisme.

La sixième circonscription de l’Isère est une zone connue pour l’implantation de l’extrême-Droite dans ce département voisin du Rhône et de la métropole lyonnaise.

Ce qui frappe lorsqu’on regarde les choses de manière générale, c’est comment Grenoble est une ville gagnée par les classes moyennes, ou bobos, liées à la dynamique de la NUPES, avec notamment Eric Piolle comme maire depuis 2014, alors que le Nord du département, bien plus populaire, voire ouvrier, enregistre des scores élevés pour l’extrême-Droite.

On y retrouve des villes comme Pont-de-Chéruy qui compte un peu plus de 5 000 habitants et attire de nombreuses familles ouvrières venues de la région lyonnaise, attirées par la possibilité d’accéder à un pavillon avec jardin, ce qui n’est pas possible dans la périphérie de la grande ville.

Elles viennent ainsi y chercher la tranquillité des campagnes, loin du bruit et de l’insécurité propre aux grandes villes, la banlieue lyonnaise étant située à 30km. Une partie des gens continue ainsi à travailler dans l’agglomération lyonnaise, tout en vivant à la campagne iséroise.

Nous avions d’ailleurs déjà largement présenté la situation à propos des élections municipales 2020 dans l’article « Municipales: la pression de l’extrême-Droite en Isère » dans lequel il était remarqué comment le Nord-Isère était une campagne populaire où existe un certaine base pour l’activisme néo-nazi sur fond de renforcement du vote pour le camp de l’extrême-Droite traditionnelle.

C’est au cœur de cette zone, à Charvieu-Chavagneux que le 6 novembre 2021 Eric Zemmour est venu dédicacer son livre devant 2 400 sympathisants, avec l’accord du maire de la ville Gérard Dézempte, issu de la Droite traditionnelle mais ayant basculé à l’extrême-Droite lors de l’élection présidentielle 2017. D’ailleurs, les trois directeurs de cabinets de Gérard Dézempte sont tous proches de Marion Maréchal et de l’ISSEP, son école lancée en 2018 à Lyon.

C’est donc en toute logique que le Rassemblement National a placé un de ses cadres locaux, Alexy Jolly. Élu conseiller municipal dans le bastion PCF d’Echirolles mais aussi à la métropole grenobloise, également conseiller régional depuis 2021 et responsable départemental du RN de l’Isère, Alexis Jolly n’a cessé de chasser sur le terrain de la Gauche historique pour s’implanter.

Et sans une Gauche précisément ancrée dans ses fondamentaux, le boulevard était énorme dans cette 6e circonscription iséroise acquise aux idées populistes depuis les années 1960, notamment avec le passé activiste poujadiste porté par Gérard Nicoud du CIDUNATI.

Dans les petites villes du Nord-Isère, Marine Le Pen a obtenu des scores élevés lors du second tour de l’élection présidentielle, avec par-exemple 54,70 % à Charvieu-Chavagneux, 50,40 % à Chavanoz, 50,60 % à Pont-de-Chéruy, 49, 20 % à Morestel ou encore 55, 80 à Salagnon.

Le terrain était donc plus que propice et finalement Alexis Jolly devient le premier député Rassemblement National de l’Isère, avec pratiquement 51 % des suffrages exprimés. L’extrême-Droite progresse donc sensiblement puisque le maire de Charvieu-Chavagneux, Gérard Dézempte, faisait 15 022 voix au second tour de l’élection législative en 2017, Alexis Jolly gagnant 3 645 voix avec 18 667 voix en 2022.

Et il faut voir à quel point la député sortante, candidate de la majorité présidentielle Cendra Motin est à côté de la plaque, en déclarant :

J’y vois un message adressé à la majorité de la part des électeurs. Pour moi, c’est plus un message de désespoir, de colère et un une demande d’attention. C’est plus tout cela qu’un vrai message d’accord avec le parti de Marine Le Pen.

C’est là un discours stéréotypé, qui voit les classes populaires comme incapables de faire un choix allant dans une direction donnée, mais devant forcément être marqué par l’emprise émotionnelle et le misérabilisme.

Or, justement le drame, c’est qu’il y a là un choix, certes fait en faveur d’un candidat aux propositions nationalistes démagogiques, mais qui se veut rationnel et constructif.

Aux yeux des ouvriers votants, ce qui compte, c’est que le candidat nationaliste puisse garantir la tranquillité des choses, qu’il préserve un cadre de vie fraîchement conquis, bref qu’il garantisse la continuité de mentalités prolétariennes prisonnières d’un rêve bourgeois sans pour autant être des bourgeois…

De fait, l’élection d’Alexy Joly, premier député RN de l’Isère, atteste de la recomposition en cours de la Droite et de l’extrême-Droite, avec un Rassemblement National qui s’implante comme une force en mesure de proposer une solution considérée comme crédible par les éléments stabilisés de la classe ouvrière.

Et plus généralement, lorsqu’on connaît l’activisme des franges ultra de l’extrême-Droite autour du secteur, on voit se dessiner un modèle franquiste, avec des éléments marginaux activistes s’activant dans l’ombre du travail institutionnel d’une grande force national-conservatrice qu’est le RN.

C’est une leçon de l’époque.

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Municipales: la pression de l’extrême-Droite en Isère

L’Isère est un département d’Auvergne-Rhône-Alpes situé entre Lyon et les Hautes-Alpes. Scindé entre un nord plutôt à Droite et le sud plutôt à Gauche, l’Isère a comme préfecture une métropole « dynamique », Grenoble.

Le problème est que si Grenoble est une ville à Gauche, aux traditions ouvrières relativement fortes, le Nord-Isère est la nouvelle place forte de classe ouvrière avec une extrême-Droite bien établie.

Succieu, Torchefelon, Flachères, Bourgoin-Jallieu, La Bâtie Division, cinq villes du Nord-Isère qui ont en commun d’avoir accueilli un concert néonazi depuis 2013.

En septembre 2014, une croix gammée et un tag antisémite sont découvert sur la façade d’un coiffeur de Bourgoin-Jallieu.

En août 2016, c’est la mosquée de la Tour-du-Pin qui est la cible d’un incendie, qui s’avéra être l’œuvre de militants d’extrême-Droite, dont un ancien élu du groupe « Échirolles Bleu Marine ».

Nul besoin d’aller plus loin pour comprendre que le Nord-Isère est soumis à une intense activité fasciste. Si elle repose sur des groupuscules très minoritaires, il n’en reste pas moins certain qu’il y a dans cette région tout un contexte social et culturel propice au fourmillement de l’extrême-Droite.

Or, aux dernières élections européennes, LREM est arrivé largement en tête en Isère et EELV rafle la majorité des suffrages à Grenoble, Meylan, Voiron. C’est qu’en fait l’Isère est, comme ailleurs, un département divisé entre la ville et la campagne.

L’agglomération grenobloise a une contre-culture développée et un état d’esprit festif et solidaire porté par les étudiants issus des campagnes savoyardes voisines. Grenoble, c’est en quelque sorte l’opposé de Lyon, cette ville arrogante alimentée par une bourgeoisie hautaine issue des Mont-d’Or. Cette opposition est visible dans le football avec d’une côté les supporters grenoblois du « Red Kaos 94 » et de l’autre, les supporters lyonnais des « Bad Gones » et « Lyon 1950 ».

À Grenoble, c’est donc logiquement Eric Piolle qui dirige la municipalité, dans une vaste coalition de gauche qui repose essentiellement sur cette culture propre à la ville. Cette coalition a d’ailleurs annoncé qu’elle se représentait pour les élections de mars 2020.

Mais d’un autre côté, on a les petites villes ouvrières, notamment celles du Nord-Isère, encerclées par la gigantesque métropole lyonnaise et Grenoble. Avec une tradition industrielle tournée vers l’automobile, l’agglomération de Pont-de-Chéruy est constituée de ménages ouvriers, avec une partie issue de l’immigration maghrébine des années 1960 ayant accédée au « rêve pavillonnaire ».

Or, voici les scores du RN dans cette agglomération aux dernières élections européennes : 40,8 % à Chavagneux, 37, 54 % à Chavanoz, 34, 83 % à Saint-Romain-de-Jalionas, 33,6 % à Pont-de-Chéruy, 32,93 % à Tignieu-Jameyrieu, 25,3 % à Crémieu.

C’est dire comment l’extrême-Droite est implantée dans les mentalités de ce territoire. À quelques encablures de Lyon, c’est la Gauche qui devrait normalement être dominante dans cet espace stratégique.

Mais il faut dire que l’extrême-Droite ne sort pas de nulle part ici. Que cela soit dans sa variante catholique contre-révolutionnaire avec la forte implantation de la Fraternité Saint-Pie X ou sa variante poujadiste avec La Confédération intersyndicale de défense et d’union nationale des travailleurs indépendants (CIDUNATI) fondée par le petit boutiquier de La Bâtie-Montgascon, Gérard Nicoud, l’extrême-Droite a une longue et riche histoire.

C’est d’ailleurs le CIDUNATI qui organisa une grande manifestation contre l’assurance sociale en 1969, réunissant plus de 10 000 personnes à Grenoble (soutenue à l’époque par la Gauche, et notamment les maoïstes).

Or, pour les élections municipales 2020, le Rassemblement national avance sereinement ses pions sur un territoire qui semble tout ouvert à sa cause. À Bourgoin-Jallieu, c’est justement Nathalie Germain qui se présente. Née en 1966 à la Tour-du-Pin de parents militants au CIDUNATI, cette coiffeuse indépendante est également membre du conseil national du parti de Marine Le Pen.

Face à cette prétention, la Gauche est réunie autour de l’initiative de Berjallien Unis et Soldiaire (B.U.S) qui réunit le PS, le PCF, Forces Laïques et Génération-s. Gageons que cette unité à Gauche parvienne à isoler la démagogie nationaliste qui trouve ici un terrain propice à son succès.

À Chavagneux, Gérard Dézempte, élu maire en 2014 avec l’investiture de l’UMP, a basculé dans le camp de l’extrême-Droite après une lettre commune de soutien à Marine Le Pen en mai 2017, signée par les secrétaires départementaux de Debout la France (Edmond Damais) et du Rassemblement national (Thibaut Monnier).

Candidat à sa réélection, Gérard Dézempte est depuis adhérent à un micro-parti national-conservateur « Ensemble pour la France ». La mairie fut d’ailleurs recouverte de gilets jaunes à son initiative en novembre 2018, dans un état d’esprit poujadiste que n’aurait pas dédaigné Gérard Nicoud.

Trois listes RN sont également prévues dans l’arrondissement de la Tour-du-Pin. À Avenières Veyrins-Thuellin, petite ville de 7 712 habitants où le RN a obtenu 36,24 % des suffrages aux dernières élections européennes et où le mouvement des gilets jaunes a été lancé par l’Union Nationales des Indépendants Retraités du Commerce (UNIRC).

Il y a aussi Aoste, ce village de 2 873 habitants qui a voté à 37 % pour Jordan Bardella en mai 2019, que Anthony Turchetti veut tenter de gagner. Enfin, mentionnons Faverges-de-la-Tour (1 388 habitants) avec Marc Magnoux où le RN a atteint 30 % des votes.

Or, l’avancée de l’extrême-Droite ne semble pas se limiter qu’aux villes du Nord-Isère. À Echirolles, cela fait quelques années qu’elle pratique une intense pression sur cet ancien bastion ouvrier acquis au PCF. Après plusieurs divisions internes à l’extrême-Droite, Alexis Jolly va représenter le RN avec la volonté de « mettre un terme à 70 ans de communisme à Echirolles ».

De manière démagogique, il rappelle que « l’être humain a besoin d’espace de contact avec la nature pour s’épanouir » et demande un moratoire de deux ans sur toute nouvelle construction. C’est dans ce contexte de campagne électorale qu’il a réalisé une opération nettoyage du parc de la Buclée menacé de destruction.

Responsable départemental et conseiller régional, il avance plus que confiant :

« par rapport à 2014 on part vraiment pour la gagne. La gauche est totalement divisée vous avez dans la majorité des gens qui ont déjà annoncé qu’ils allaient se présenter contre le maire ».

En effet, le premier adjoint Thierry Monel (Génération-s) a annoncé sa candidature alors que Renzo Sulli, maire PCF sortant, est candidat à sa réélection.

On sait comment Lyon est un bastion de multiples groupuscules néofascistes. On comprend alors comment  la campagne nord-iséroise est un réservoir de renouvellement de ces groupuscules. Les élections municipales de mars 2020 risquent bien de fertiliser encore un peu plus ce sol pour l’extrême-Droite, y compris dans ses variantes radicales.

Plus généralement, le Nord-Isère est l’illustration de la catastrophe à Gauche, réfugiée depuis trop longtemps dans les grandes métropoles et leur vague culture « progressiste ». Elle va en payer le prix.