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Hommage à Samuel Paty… et attaque coordonnée fanatique à Vienne

La crise de civilisation s’impose partout. Alors qu’en France l’hommage à Samuel Paty s’est tenu sobrement mais avec dignité, une attaque coordonnée islamiste frappait Vienne. L’époque est prise de spasmes.

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C’est une bien belle lettre de Jean Jaurès que le gouvernement a fait lire par les enseignants à leurs élèves, à l’occasion de l’hommage à Samuel Paty, l’enseignant assassiné par un fanatique islamiste. Cela souligne la force de la question de l’éducation dans notre pays, une véritable tradition nationale avec, surtout, la figure de l’enseignant visant à élever le niveau des élèves sur le plan moral. L’engagement du professeur qui veut bien faire, sans briser les esprits mais en les faisant avancer, est quelque chose de connu et d’apprécié dans notre pays.

Non pas que tous les professeurs soient ainsi, très loin de là, ni que l’Ecole telle qu’elle existe soit agréable et épanouissante. Mais justement il y a quelques figures émergeant toujours, ici et là, faisant qu’on se souvient avec émotion de tel ou tel enseignant, qui s’est donné pour les élèves. La lettre de Jean Jaurès est donc bien choisie et on sait d’ailleurs à quel point Jean Jaurès fut un ardent républicain et un orateur extraordinaire. La finesse de ses propos, le choix méticuleux des termes et du ton, la vivacité dans la répartie… font qu’il était pratiquement un représentant de l’esprit français.

Jean Jaurès était, également et évidemment, un socialiste, de l’aile droite historiquement, ce qui ne change rien au fond car les socialistes sont en France en général des républicains de Gauche, éloignés des traditions pro-marxistes social-démocrates allemande, russe, autrichienne, bulgare, etc. On ne peut donc guère parler de récupération par le gouvernement et de toutes façons la question n’est pas du tout là. Ce qui compte, c’est de voir l’honneur du professeur, du passeur de savoir face au fanatisme.

On doit ici qualifier d’abject les diverses critiques anti-gouvernementales cherchant la petite faille pour un populisme vraiment déplacé. Profiter d’un tel événement pour accuser le ministre de l’Éducation de prôner une réforme du baccalauréat que Jean Jaurès aurait réfuté, comment dire… C’est absurde. Les terribles attentats dans la capitale autrichienne montrent d’ailleurs où est le problème.

Les attaques coordonnées dans le centre de Vienne en Autriche, en différents endroits, visant à tuer, à blesser, à terroriser, montrent que le mal est profond, qu’à côté de la machinerie capitaliste détruisant la planète on a des crises de folies réactionnaires meurtrières.

Le fanatisme islamiste est le produit d’une époque sans cœur ni esprit, où tout esprit constructif, démocratique, s’efface devant un marché capitaliste tout puissant accompagné de poches de romantismes ultra-réactionnaires idéalisant un passé romancé. Comment affirmer la Culture, la Connaissance, la Démocratie dans un tel cadre historique ? Là est le défi de notre époque et évidemment, seul le Socialisme peut porter cela.

Lire également : La lettre de Jean Jaurès aux instituteurs et institutrices

Le drapeau de la Démocratie, du peuple organisé au niveau de la société, de l’État, est la condition impérative pour sortir d’une crise de civilisation toujours plus folle. La peur et la réflexion se combinent dans des situations nouvelles, inquiétantes et d’envergure. Il faut contribuer à être à la hauteur des questions, il faut savoir souligner les bonnes réponses. Il faut être là. Qui se met de côté dans une telle époque n’a pas saisi ce qui se passe – mais comment ne peut-on pas le saisir ?

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Société

La lettre de Jean Jaurès aux instituteurs et institutrices

Voici la lettre de Jean Jaurès, publiée dans La Dépêche, journal de la démocratie du midi, le 15 janvier 1888 :

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« Aux Instituteurs et Institutrices

Vous tenez en vos mains l’intelligence et l’âme des enfants ; vous êtes responsables de la patrie. Les enfants qui vous sont confiés n’auront pas seulement à écrire et à déchiffrer une lettre, à lire une enseigne au coin d’une rue, à faire une addition et une multiplication. Ils sont Français et ils doivent connaître la France, sa géographie et son histoire : son corps et son âme. Ils seront citoyens et ils doivent savoir ce qu’est une démocratie libre, quels droits leur confère, quels devoirs leur impose la souveraineté de la nation. Enfin ils seront hommes, et il faut qu’ils aient une idée de l’homme, il faut qu’ils sachent quelle est la racine de toutes nos misères : l’égoïsme aux formes multiples ; quel est le principe de notre grandeur: la fierté unie à la tendresse.

Il faut qu’ils puissent se représenter à grands traits l’espèce humaine domptant peu à peu les brutalités de la nature et les brutalités de l’instinct, et qu’ils démêlent les éléments principaux de cette œuvre extraordinaire qui s’appelle la civilisation. Il faut leur montrer la grandeur de la pensée ; il faut leur enseigner le respect et le culte de l’âme en éveillant en eux le sentiment de l’infini qui est notre joie, et aussi notre force, car c’est par lui que nous triompherons du mal, de l’obscurité et de la mort.

Eh quoi ! Tout cela à des enfants ! —Oui, tout cela, si vous ne voulez pas fabriquer simplement des machines à épeler. Je sais quelles sont les difficultés de la tâche. Vous gardez vos écoliers peu d’années et ils ne sont point toujours assidus, surtout à la campagne. Ils oublient l’été le peu qu’ils ont appris l’hiver. Ils font souvent, au sortir de l’école, des rechutes profondes d’ignorance et de paresse d’esprit, et je plaindrais ceux d’entre vous qui ont pour l’éducation des enfants du peuple une grande ambition, si cette grande ambition ne supposait un grand courage. […]

Sachant bien lire, l’écolier, qui est très curieux, aurait bien vite, avec sept ou huit livres choisis, une idée, très générale, il est vrai, mais très haute de l’histoire de l’espèce humaine, de la structure du monde, de l’histoire propre de la terre dans le monde, du rôle propre de la France dans l’humanité. Le maître doit intervenir pour aider ce premier travail de l’esprit ; il n’est pas nécessaire qu’il dise beaucoup, qu’il fasse de longues leçons ; il suffit que tous les détails qu’il leur donnera concourent nettement à un tableau d’ensemble. De ce que l’on sait de l’homme primitif à l’homme d’aujourd’hui, quelle prodigieuse transformation ! et comme il est aisé à l’instituteur, en quelques traits, de faire sentir à l’enfant l’effort inouï de la pensée humaine ! […]

Je dis donc aux maîtres, pour me résumer : lorsque d’une part vous aurez appris aux enfants à lire à fond, et lorsque d’autre part, en quelques causeries familières et graves, vous leur aurez parlé des grandes choses qui intéressent la pensée et la conscience humaine, vous aurez fait sans peine en quelques années œuvre complète d’éducateurs. Dans chaque intelligence il y aura un sommet, et, ce jour-là, bien des choses changeront. »

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Guerre

Les militaires et le vote pour l’extrême-Droite : une vraie cohérence

Les casernes soutiennent massivement l’extrême-Droite. Cela n’étonnera pas les gens de Gauche, qui savent que contrairement à la police, la logique militariste prime totalement chez les soldats, les gendarmes, les sapeurs-pompiers. Leurs traditions sont puissantes encore et c’est inévitable : c’est là le cœur de l’État, son noyau dur. Il relève donc de la réaction anti-ouvrière et anti-Gauche la plus virulente.

Escadron de cavalerie de la garde républicaine. Quartier des Célestins - 14 juillet 2012 (wikicommons)

La Fondation Jean Jaurès est à l’origine de l’enquête « Pour qui votent les casernes ? », dont elle fournit les résultats en ligne. Pour trouver des réponses, les bureaux de vote de quelques communes ont été choisis de manière précise : ceux étudiés relèvent des zones où le personnel militaire et leurs familles ont une hégémonie significative.

L’étude vaut le coup d’œil pour tous les gens qui ont une caserne dans leur environnement proche. C’est un effet un facteur d’influence très important, un véritable foyer de nationalisme et de militarisme. Le vote pour l’extrême-Droite est hautement révélateur et un argument utile pour démasquer la « neutralité » fictive des militaires.

Dans l’étude, il est constaté que le vote pour le Rassemblement National fait dans les zones à prédominance militaire grosso modo entre 8 et 17 % de plus que la normale. Et vues les zones, cela donne donc parfois du plus de 40 %. Et l’étude remarque surtout que le phénomène s’accentue. Il y a une sorte de passage, bagages en main, d’une large partie de l’armée dans le camp de l’extrême-Droite.

De fait, l’armée a en effet toujours eu un tropisme naturel pour la « remise en ordre », dans un sens évidemment non socialiste. L’étude le rappelle de manière d’ailleurs bien plus que maladroitement. On a ainsi des remarques pseudos-sociologiques, qui doivent faire retourner Jean Jaurès dans sa tombe, comme par exemple ici au sujet des gendarmes :

« En premier lieu, on n’entre pas dans la gendarmerie totalement par hasard. On peut penser que les membres de ce corps adhèrent plus que d’autres aux valeurs d’ordre, de patriotisme, d’autorité et de discipline traditionnellement portées par la droite.

En second lieu, le fait d’appartenir à un escadron plonge le militaire dans une ambiance très particulière. Il vit avec sa famille au contact de ses collègues au sein de la caserne, ceci renforçant la cohésion de groupe. L’esprit de corps, le poids du groupe et de ses valeurs sont donc omniprésents durant le travail comme au repos ce qui a sans doute des effets sur la façon dont les gendarmes mobiles et leurs proches se forgent leurs opinions. Leur vision du monde et leurs conceptions de la société sont enfin sans aucun doute influencées par la nature et la réalité quotidienne de leurs missions. Assurer le maintien de l’ordre lors des manifestations de rue, patrouiller dans des cités sensibles, intervenir en cas de coups durs ou d’émeutes et participer à la répression de la délinquance constituent un quotidien très éloigné de celui d’un électeur « moyen ». »

Le militaire ne serait donc pas un réactionnaire et il ne faudrait pas le dénoncer comme l’a fait Jean Jaurès. Il faudrait le comprendre, le pauvre, son travail est bien difficile et la population est si non compréhensive par rapport à cette rude tâche ! L’étude mentionne même les attentats islamistes pour « justifier » un tournant en faveur de l’extrême-Droite… C’est vraiment la honte. Que des gens tenant de tels propos puissent se revendiquer de Gauche, et même s’imaginer de Gauche, c’est incroyable.

Surtout que l’étude voit bien que la tendance à l’appui à l’extrême-Droite est toujours plus marquée et va avec le fait que le vote à Droite disparaît pratiquement en faveur de celui de l’extrême-Droite, avec un phénomène de vases communicants. Ce phénomène est constaté en métropole, comme en Corse ou au bureau de vote d’Abu Dhabi. Il est vrai pour les militaires des différentes armées (air, terre, mer), comme pour les gendarmes.

Cela signifie qu’on a déjà dans l’armée cette confluence Droite / extrême-Droite que des forces sociales puissantes appellent de ses vœux en France, pour réaliser des ambitions nationalistes et militaristes de conquête et de domination.

Celui pour qui une telle étude est un coup rude, c’est Emmanuel Macron, qui lui prétend que sa vision moderniste est la plus à même pour faire triompher la France. On voit bien – et c’est logique – que l’armée ne le suit pas. Car l’armée française est par définition pour une centralisation bureaucratique, autour d’un pouvoir personnel fort, ce qu’on appelle un « chef ».

La France a une longue tradition de coups d’État militaire et la cinquième république est elle-même née ainsi. La rencontre entre la Droite et l’extrême-Droite visera clairement une telle acquisition du pouvoir également, pour avoir les coudées franches pour réaliser ses « grandes ambitions ».

Cela rappelle à quel point l’armée française est un ennemi de la Gauche dans sa nature même, dans sa substance même. Une vraie force de Gauche dans le pays ne pourrait que vouloir, inévitablement, la démanteler, la remplacer par une armée du peuple. C’était déjà l’exigence de Jean Jaurès, mais il était trop idéaliste pour se poser la question de savoir comment le réaliser dans les faits.

Cela redeviendra une question à Gauche dans les prochaines années, de par l’Histoire tourmentée qui nous attend.

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Politique

Raphaël Glucksmann falsifie Jean Jaurès pour son premier meeting

Cherchant à faire les yeux doux aux socialistes pour son premier meeting des Européennes, Raphaël Glucksmann a cité Jean Jaurès. Mais, évidemment, il a été obligé de falsifier la citation, qui parlait effectivement bien de réforme, mais de réforme pour abolir le salariat, supprimer tout le capitalisme ainsi que la propriété bourgeoise…

Ce samedi se tenait à Toulouse un petit meeting du Parti socialiste, de Place publique et de Nouvelle donne. C’est évidemment Raphaël Glucksmann qui était attendu au tournant, après sa prestation considérée comme très faible et sans orientation lors du premier débat télévisé des élections européennes de mai 2019.

Cherchant à convaincre, il s’est lancé notamment dans une longue citation de Jean Jaurès, qu’il a bien entendu dû totalement modifier pour que cela passe. Jean Jaurès était un effet un réformiste, mais un réformiste membre du Parti socialiste SFIO et donc visant tout de même le socialisme, c’est-à-dire la socialisation des moyens de production.

Voici la citation telle que Raphaël Glucksmann l’a lue lors du meeting de Toulouse :

« Parce que le Parti socialiste est un parti de révolution, précisément parce qu’il ne se borne pas à réformer et à pallier les pires abus du régime actuel, mais veut réformer en son principe et en son fond ce régime même, il est le parti le plus activement et le plus réellement réformateur.

Il est le seul parti qui puisse donner à toute tentative partielle d’affranchissement et d’amélioration, la plénitude d’une force que rien n’arrête et que rien n’effraie. »

Raphaël Glucksmann a ensuite parlé de radicalisme et de réformisme comme étant ce qui caractérise le Parti socialiste, à l’opposé des tentatives « autoritaires » comme celle des bolcheviks. En apparence, c’est de l’anticommunisme, en réalité c’est de l’antisocialisme.

Ce n’est pas pour rien qu’au meeting, il a par ailleurs souligné que les socialistes, c’était Jaurès et Blum, mais aussi Mendès-France et Rocard. Car ces deux dernières figures n’étaient que des figures de centre-gauche, n’ayant justement rien à voir avec le Jaurès et Blum, avec les valeurs du socialisme.

Et Jaurès donc, bien qu’il n’ait jamais agi dans l’esprit de la social-démocratie allemande – avec son marxisme orthodoxe porté par Karl Kautsky – appartenait bien à un parti voulant le socialisme. Pour cette raison, Raphaël Glucksmann a été obligé de falsifier la citation de Jean Jaurès.

Voici les propos réels de Jean Jaurès, au congrès de Toulouse du Parti socialiste SFIO, en 1908 :

« Nous vous disons, précisément parce que le Parti socialiste est un parti de révolution, précisément parce qu’il ne se borne pas à réformer et à pallier les pires abus du régime actuel, mais veut réformer en son principe et en son fond ce régime même, précisément parce qu’il veut abolir le salariat, résorber et supprimer tout le capitalisme, précisément parce qu’il est un parti essentiellement révolutionnaire, il est le parti le plus activement et le plus réellement réformateur.

Précisément parce qu’il n’est pas arrêté, dans sa revendication incessante, par le droit, périmé à ses yeux, de la propriété bourgeoise et capitaliste, il est le seul parti qui puisse pousser toutes les réformes jusqu’à la réforme totale et il est le seul parti qui puisse donner à chaque réforme, à chaque tentative partielle d’affranchissement et d’amélioration, la plénitude d’une force que rien n’arrête et que rien n’effraie. »

« Abolir le salariat, résorber et supprimer tout le capitalisme », « la propriété bourgeoise et capitaliste » comme un droit périmé… Cela est bien loin de Raphaël Glucksmann et de son style grand-bourgeois Paris-New-York. C’est à l’opposé les valeurs de la Gauche historique, dont nous avons besoin aujourd’hui.