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Refus de l’hégémonie

De la destruction de Gaza à l’attaque contre le Hezbollah

Depuis la crise ouverte en 2020, la tendance à la guerre est irrépressible. Elle ne peut pas être arrêtée, seulement renversée. Elle ne tient pas à des figures « agressives », comme le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou. C’est un phénomène objectif, où chaque puissance se lance dans l’escalade pour avoir une meilleure place dans la bataille pour le repartage du monde.

Le Hamas a lancé les hostilités le 7 octobre 2023, dans une action aussi criminelle que suicidaire. Le prix à payer est en effet la destruction de Gaza par un ennemi bien plus puissant militairement, le Hamas étant simplement une organisation religieuse pratiquant le terrorisme anti-populaire. Combien y a-t-il de morts ? On ne le sait pas, autour de 100 000 sans doute, avec Gaza très largement détruit.

L’État israélien n’attendait évidemment que cela, car il pratique lui aussi la même surenchère, la même escalade. Il compte pareillement mettre le feu. Aussi y a-t-il eu l’attaque contre les chefs du Hamas en plein Téhéran, le 31 juillet 2024, une provocation très claire. Aussi y a-t-il eu l’offensive contre le Hezbollah au Liban, avec l’explosion provoquée les 17 et 18 novembre 2024 de bipeurs et de talkies-walkies de membres du Hezbollah, suivie de vastes bombardements visant les infrastructures et la direction de cette organisation pareillement religieuse et terroriste, en plein Beyrouth, le 28 septembre 2024.

La mort de Hassan Nasrallah est ici la provocation ultime de l’État israélien, qui se croit à l’abri de tout en raison du soutien militaire américain et de la supériorité technologique. C’est littéralement un suicide, avec en toile de fond une remise en cause profonde de l’armée, très révélatrice.

L’armée israélienne, Tsahal, se veut en effet l’armée la plus éthique du monde. Historiquement, elle a toujours affirmé que jamais elle ne mettrait de civils en danger, même si les cibles étaient très importantes. Même si c’était en soi de la propagande, cette règle jouait au moins officiellement, et elle a totalement disparu au fur et à mesure, depuis les années 1990.

Cela est si vrai qu’il y a même eu des directives pour bombarder des voitures du Hamas le 7 octobre 2023, alors qu’il était su qu’il y avait probablement des israéliens kidnappés dans celles-ci. On imagine la suite pour la destruction de Gaza et les bombes sur Beyrouth. La mort de civils n’est pas seulement considérée comme un dégât collatéral, c’est accepté tel quel. C’est représentatif de la fuite en avant.

Si le Hamas est condamné historiquement, l’État israélien l’est tout autant, comme le Hezbollah, car ce sont des structures semi-féodales, qui n’existent qu’en liaison avec des rapports de force mondiaux dans le cadre d’une compétition pour l’hégémonie mondiale. La société israélienne est extrêmement pauvre et sous la domination des monopoles : telle est la réalité derrière la façade de modernité technologique. La société palestinienne est dans un cul-de-sac historique, la société libanaise est à l’agonie.

Tant qu’il n’y aura pas de refus de l’hégémonie des grandes puissances, mais également des puissances régionales, les peuples de cette région seront les jouets de la superpuissance américaine, de l’Arabie Saoudite et de l’Iran, ou encore de la Turquie. Le Proche-Orient est une poudrière, avec une situation comme dans les Balkans avant la guerre de 1914-1918.

Le monde entier commence à devenir une poudrière même, car l’économie mondiale ne tourne plus assez, la machine s’enraye, il faut la conquête par l’impérialisme. Seuls ceux qui tombent dans les pièges des tenants de l’hégémonie pensent qu’il faut soutenir un protagoniste contre un autre, tel réactionnaire contre tel réactionnaire.

Ce qui compte, c’est le peuple, ce sont les masses, c’est le drapeau rouge. Sans cela, le Proche-Orient continuera à subir les coups et contrecoups de la bataille pour le repartage du monde, le sang continuera d’être versé et cela de manière toujours plus importante.

Nous vivons une époque incendiaire ; le feu de la guerre se propage dans toutes les zones particulièrement instables, mais à terme tout le monde est concerné, puisque c’est la troisième guerre mondiale qui se met en place.

Ni Hamas, ni Israël : ni Pékin, ni Washington, voilà un slogan juste. Dans le cadre de l’effondrement du capitalisme dans la barbarie, il faut porter le drapeau rouge de la civilisation !

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Guerre

Liban: Emmanuel Macron s’imagine au temps du mandat français au Proche-Orient

L’État français est en perdition dans son propre pays, il ne pèse plus vraiment dans le monde et sa dette publique abyssale le rend très vulnérable sur le plan économique. Mais cela n’empêche pas la France de donner des leçons au monde entier, comme Emmanuel Macron à propos du Liban. En vérité, le Liban court à sa perte et la France l’aide à s’y précipiter.

Après la terrible catastrophe du port de Beyrouth, le président français Emmanuel Macron s’est sentie investi d’une mission : relancer l’État libanais. Cela avait l’apparence d’une carte facile à jouer pour la France, une puissance devenue moyenne qui s’imagine encore grande. La catastrophe de Beyrouth a ému le monde entier, alors Emmanuel Macron s’est dit qu’il pouvait apparaître comme un grand chef d’État en intervenant au Liban.

Près de deux mois après la catastrophe du 4 août 2020, c’est un échec diplomatique cuisant. Le président du Liban Michel Aoun, qui n’est président de pas grand-chose, a même expliqué ce dimanche 27 septembre à propos de l’impossibilité de former un gouvernement : « Nous allons en enfer. »

En effet, le pays s’enfonce, comme le reste du Proche-Orient. La destruction de quartiers entiers de la capitale fut une catastrophe de trop pour le Liban, rongé par la corruption et les divisions communautaires/religieuses. Et comme dans le même temps l’instabilité est mondiale, avec notamment la crise sanitaire du covid-19 qui accompagne et s’accompagne d’une crise économique, un petit pays comme le Liban ne tient plus.

Le président français apparaît alors complètement décalé dans son discours condescendant du 27 septembre 2020, expliquant avoir « pris acte de la trahison collective » (des dirigeants du pays). Emmanuel Macron pointe « l’entière responsabilité » des partis politiques libanais, qui ne parviennent pas (ou ne souhaitent pas) à se mettre d’accord sur un cabinet gouvernemental et une feuille de route gouvernementale.

Il a même menacé, sans que l’on sache d’où il tenait son mandat, de façonner lui-même un gouvernement pour le Liban :

« S’il n’y a aucune avancée sur le plan interne, alors nous serons obligés d’envisager une nouvelle phase de manière très claire et de poser la question de confiance: est ce qu’un gouvernement de mission sur la base de la feuille de route est encore possible ? Ou est-ce qu’il faut à ce moment-là changer la donne et aller peut-être dans une voie plus systémique de recomposition politique au Liban? »

Tout cela est extrêmement ridicule, car c’est de la fiction, du cinéma, un très mauvais cinéma. Emmanuel Macron s’imagine peut-être à l’époque du mandat français au Proche-Orient après la Première guerre mondiale, lorsque la France était une grande puissance coloniale s’arrogeant le contrôle de la Syrie (ou en tous cas ce qui fut appelé la Syrie). Mais la France ne pèse plus grand chose et cela fait déjà très longtemps qu’elle n’a plus la main au Liban, qui a même dégagé la langue française de sa constitution. Il n’y a rien d’étonnant à ce qu’Emmanuel Macron ne parvienne à rien pour forcer à la formation d’un gouvernement au Liban.

Le Liban, comme toute la région du Proche-Orient, et finalement comme presque partout dans le monde, réuni en fait tous les ingrédients pour une situation de guerre. Et pas seulement de guerre civile comme ce fut le cas entre 1975 et 1990. Le monde a déjà beaucoup changé depuis le 20e siècle et les grandes recompositions qui ont lieu actuellement ne sont que le reflet de tensions en profondeurs entre différents pays, différentes puissances, grandes, petites, moyennes, ne voulant pas sombrer, voulant s’étendre, etc. Les divisions au Liban ne sont que le reflet de ces divisions à plus grande échelle, par exemple entre la France (via des dirigeants politiques chrétiens maronites) et l’Iran (via les dirigeants politique musulmans chiites du Hezbollah), avec en arrière plan le jeu de la superpuissance américaine dans son affrontement avec la Chine dans ses efforts pour devenir une superpuissance.

La situation est terrible pour la population du Liban, mais la France ne l’aide en rien : elle ne fait que jouer sa carte dans le grand échiquier mondiale, dans une situation de crise généralisée qui mène toujours plus ouvertement à la guerre. Tel est le triste panorama où le peuple est toujours perdant.

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Politique

Beyrouth: une explosion meurtrière dans un pays déjà à l’agonie

L’explosion survenue après un incendie sur le port de Beyrouth mardi 4 août a été puissante et dévastatrice, à l’image de l’immense crise dans laquelle s’enfonce le pays depuis plusieurs mois. Le bilan accablant d’au moins 73 morts et 3700 blessés, en plus de la destruction de toute une partie de la capitale, ne fait qu’enfoncer encore plus un Liban déjà à l’agonie.

Le souffle de l’explosion de 2750 tonnes de nitrate d’ammonium dans le port de Beyrouth a été particulièrement violent et les fumées qui s’en dégagent visibles depuis Chypre, à 200 km de là. Les rues les plus proches ont été dévastées avec de nombreux écroulements. Quasiment toutes les vitrines des quartiers Hamra, Badaro et Hazmieh ont volé en éclat, marquant toute cette partie de la ville jusqu’à plusieurs kilomètres du port.

L’impact a été tellement fort que des voitures ont été soulevées, des airbags déclenchés, des gens projetés en l’air dans leur propre appartement, des portes d’habitations arrachées jusqu’à très loin du port. Il y a même un navire militaire dépendant de l’ONU qui a été endommagé, faisant des blessés graves sur l’embarcation.

Le chef de la Croix-Rouge libanaise a parlé de « morts et des blessés partout, dans toutes les rues et dans tous les quartiers, qu’ils soient proches ou éloignés de l’explosion ». Dans la soirée, alors que les premières opérations de sauvetage sous les décombres étaient à peine lancées, le ministère de la santé libanais annonçait que les hôpitaux de la ville étaient déjà saturés, les milliers de blessés affluant en masse.

Triste coïncidence, mais terriblement significative, un grand mouvement social des infirmiers était prévu ce mercredi 5 août 2020, suite aux vagues massives de licenciement dans les hôpitaux. Ceux-ci croulent sous les dettes depuis plusieurs mois, sans aides de l’État, devant par exemple se fournir en mazout sur le marché noir pour produire l’électricité que le réseau public ne leur fournit plus, ou seulement par intermittence.

D’ailleurs, dans l’après-midi avant l’explosion survenue sur le port de Beyrouth, des manifestants prenaient d’assaut le ministère de l’Énergie en raison de ces coupures massives d’électricité, parfois pendant 20 heures par jour dans certains quartiers. Le réseau public d’électricité perd chaque année 2 milliards de dollars et est dénoncé comme un des plus gros foyers de corruption.

À l’automne 2019, le pays a connu de grandes manifestations populaires face à la généralisation de la crise. Depuis, c’est encore pire. La monnaie libanaise a perdu 80 % de sa valeur par rapport à cet automne, les épargnant n’ont plus accès à leurs dépôts, la moindre marchandise est hors de prix… quand elle est disponible. Des choses comme les médicaments, la lessive ou encore les couches pour bébé deviennent très rares. Le troc s’est généralisé.

Le salaire d’un militaire n’équivaut qu’à 100 dollars, alors que le pays vit pratiquement que d’importations commerciales. Le Liban ne produit quasiment rien et son économie est totalement dépendante des grandes puissances et de ses voisins, tandis que de nombreuses familles vivent en partie grâce à l’argent envoyé par les émigrés, une « diaspora » de millions de personnes, souvent à l’étranger depuis plusieurs générations. On sait aussi qu’à Paris vit une oligarchie libanaise au mode de vie richissime.

Naturellement, le chaos est aussi politique avec une incapacité pour les classes dirigeantes à gouverner depuis la démission du gouvernement de Saad Hariri fin octobre. Le pays est dirigé selon un système de partition communautaire intenable, n’ayant pas d’autre perspective que la soumission aux exigences du FMI. En l’absence d’un mouvement démocratique et populaire organisé, la situation est bloquée, par incapacité à bouleverser toute la chaîne de corruption, de bureaucratie et de désorganisation généralisée.

Le 23 juillet 2020, c’est le ministre des affaires étrangères français Jean-Yves Le Drian qui est venu sur place pour exiger les mesures préalables à l’« aide » du Fonds monétaire international :

« Il est aujourd’hui urgent et nécessaire de s’engager de manière concrète dans la voie des réformes, c’est le message que je suis venu transmettre à toutes les autorités libanaises. »

Ces scandaleux propos de mise sous tutelle ne se ressentent que plus douloureusement aujourd’hui. les Libanais, avec les Palestiniens, ont toujours été les premières victimes dans la région des prétendus accords de paix maintenant en réalité une chape de plomb sur les peuples et la notion même de démocratie.

Le Liban, ce petit bout d’Orient à peine plus grand que la Corse avec officiellement 5,5 millions d’habitants, paye directement sa situation historique, n’étant au fond qu’un terrain d’affrontement entre puissances mondiales et locales, avec un main-mise de grandes familles issues de la féodalité.

Créé de toute pièce par la France en 1920 dans le cadre de son mandat sur les provinces syriennes après le démantèlement de l’Empire Ottoman, il n’a jamais été en mesure de connaître un véritable développement national, avec un fractionnement religieux extrême. De ce fait, des parties entières de son territoire échappent encore aujourd’hui à toute autorité centrale, l’aspect le plus connu récemment étant le sud du pays avec la main-mise du Hezbollah.

La France, puissance en perdition, ne parvient plus à y maintenir ses positions. Symbole de cela, l’effondrement de l’enseignement chrétien francophone, concernant des centaines de milliers d’élèves.

L’explosion de cet entrepôt du port de Beyrouth où était stockée 2750 tonnes de nitrate d’ammonium est ainsi terriblement exemplaire de la situation dramatique du Liban, comme de tout le Moyen-Orient. Ces matières explosives étaient là depuis 2014, cela était tout à fait connu, la proximité du bâtiment étant évité pour cette raison, etc. Mais en l’absence d’une autorité politique efficace, démocratique et au service du peuple, la catastrophe n’a pas été empêchée.

Que celle-ci ait eu lieu sur le port de Beyrouth est d’ailleurs un terrible symbole pour le Liban, tant le pays finalement ne fonctionne que grâce à ce port et ses importations, au cœur de la situation de crise actuelle.

L’humanité a encore beaucoup de chemin à parcourir dans sa quête d’un monde pacifique, prospère et harmonieux… Particulièrement dans cette région du monde, pourtant berceau de la civilisation. Mais rien ne sera possible tant que ce ne sera pas le peuple lui-même au pouvoir, avec des exigences démocratiques élevées, assumant tant la Raison que l’héritage historique de chaque partie de la grande famille humaine. C’est le programme du XXIe siècle sur la Terre.