Catégories
Politique

Manifestations du 17 septembre: le folklore syndicaliste est un échec et surtout une erreur

La crise économique attendue pour cette rentrée se fait déjà ressentir, avec notamment déjà des grands plans sociaux annoncés. Les syndicats pourraient être très utiles dans cette période, dans la mesure où ils devraient être des lieux d’expression de la conscience populaire face aux restructurations, à la pseudo-rationalisation de la production. Mais ce n’est pas avec le folklore syndicaliste qu’on attire les gens et à ce titre, les très faibles manifestations de la « journée d’action » du 17 septembre sont plus qu’un échec, elles sont carrément une erreur ou même une faute.

Ce qu’il y a de pire pour le syndicalisme, c’est de ne pas exister. C’est exactement ce qui se passe actuellement et cela n’a rien de nouveau : pendant des années et des années, la bourgeoisie a graissé la patte aux dirigeants syndicaux, de la CGT à FO en passant par la CFDT, afin qu’ils se maintiennent comme une petite caste, sans aucune base, sans réel ancrage de masse. C’était il est vrai déjà dans la matrice d’un syndicalisme français, volontiers syndicaliste révolutionnaire, tenant du coup de force substitutiste. Le syndicalisme de masse n’existe pas historiquement en France, à part en 1936 ou dans l’immédiat après-guerre.

En temps de crise comme c’est le cas désormais, une telle situation est très utile pour la bourgeoisie : il n’y a plus qu’à ignorer les syndicalistes si on en a pas besoin. C’est exactement ce qui s’est passé : les médias au sens large ont systématiquement ignoré la mobilisation du 17 septembre dans les jours précédents et le jour même, les manifestations n’ont été abordées qu’au passage, de manière anecdotique, pour disparaître dans la soirée.

Sur le site du Figaro, le premier journal en ligne en France, dans la soirée, on ne trouvait même rien sur les manifestations du jour. Pareil sur le site du Monde, du Parisien et de la plupart des titres locaux.

On a même la chaîne Canal +, en pleine déliquescence, qui se permet dans la journée du 17 septembre cet odieux titre, d’un mépris abject pour les travailleurs :

Le syndicalisme est ainsi mis sur le même plan que le virus par des bourgeois ne supportant pas que la marche du capitalisme soit troublée. C’est de la lutte des classes au sens le plus strict et il est ici vraiment terrible que cette lutte ne soit menée que par la bourgeoisie, sans aucun répondant ouvrier pour l’instant. Les syndicalistes ne sont simplement pas à la hauteur, la question étant politique.

La CGT prétend qu’il y avait 10 000 personne à la manifestation parisienne, ainsi que quelques milliers ici et là dans les grandes villes. Outre que ces chiffres sont gonflés, de par l’habituel cinéma syndicaliste, tout cela est, même si c’était vrai, extrêmement faible. Ce qui est en jeu actuellement, ce qui est nécessaire, c’est la mobilisation de plusieurs millions de travailleurs, avec une affirmation sociale très forte et très claire : celle de ne pas vouloir payer la crise.

C’est le minimum. Et on voit le problème : les syndicalistes proposent quelque chose de mou et ramènent quelques milliers de personnes, alors qu’il faudrait des millions de gens, sur une base dure ! Face à la crise, si on ne veut pas que le peuple paie, alors il faut aller chercher chaque travailleur là où il est, sans relâche, de manière systématique, et pas pour lui proposer du folklore, mais bien pour affirmer : la bourgeoisie doit payer la crise. C’est le mot d’ordre qui a du sens par excellence aujourd’hui !

Mais cela nécessite un travail de fond, dont ne veulent certainement pas les dirigeants actuels des syndicats, car ces gens croient encore beaucoup trop dans le capitalisme, ils espèrent encore beaucoup trop des miettes que la bourgeoisie avait à leur offrir. Mais tout ceci est fini, une vaste crise s’annonce et pas simplement économique. La crise est aussi morale, culturelle, sociale, sécuritaire, ainsi que, bien-sûr, sanitaire.

Pour aborder tout cela, pour faire face à un telle actualité historique, il faut une Gauche très forte, solidement ancrée sur ses bases idéologiques dont le cœur est la lutte des classes. Cette Gauche n’existe pas, ou de manière extrêmement faible et isolée, tandis que la fausse gauche occupe le terrain et fait diversion avec de fausses actualités (le racialisme, les prétendues violences policières, les prétendues oppression vestimentaires des jeunes filles dans les lycées, le prétendu racisme d’un joueur de l’OM, la prétention comme quoi l’insécurité serait inventée par la Droite, etc.)

Le syndicalisme a ici toute sa place… s’il cesse d’être du folklore et de la cogestion et qu’il vise tous les travailleurs : il faut qu’il vise à organiser tous les travailleurs, de manière unitaire, pas à parler pour eux. La « journée d’action » du 17 septembre n’a pas été du tout menée en ce sens là ; son sens premier est l’autosatisfaction. Ce qui ne sert à rien à part éduquer les bourgeois qui se lâchent toujours plus dans l’anticommunisme, l’antisocialisme, l’antisyndicalisme… Eux ayant compris les enjeux.

Catégories
Politique

La lutte des classes: une question ou une réponse?

La France est à un tournant historique. Soit elle décide de perdre son temps avec des écologistes de la dernière heure utilisant le mot « extinction » à tort et à travers, avec des anti-racistes qui ne sont que des racistes inversés, avec des syndicalistes masquant leurs privilèges derrière le bien commun… soit elle passe aux choses sérieuses et bascule dans la lutte des classes.

Cela implique naturellement de rompre avec toute une manière de vivre. Les Français en sont conscients et c’est pour cela qu’ils ne bougent pas. Ils sont pétrifiés. Ils ont pris l’habitude de poser la question de la lutte, même de la lutte des classes. Ils sont contestataires, ils savent protester. Seulement ils ont pris l’habitude de ne surtout pas faire de la lutte des classes une réponse.

Il suffit de regarder l’absence du mot bourgeoisie. Ce terme a disparu. Les gilets jaunes, contre qui protestent-ils ? Contre l’État. Qui appellent-ils à la rescousse ? L’État. Les syndicalistes, contre qui protestent-ils ? Contre l’État. Qui appellent-ils à la rescousse ? L’État. Les antiracistes version Comité justice pour Adama, contre qui protestent-ils ? Contre l’État. Qui appellent-ils à la rescousse ? L’État.

Tout cela est tout à fait exemplaire. Dénoncer les travers du capitalisme, cela passe encore. Nommer la bourgeoisie, cela, par contre, c’est impossible. Quant à toucher la notion de propriété, c’est pareillement inenvisageable. Ce qu’on touche du doigt ici, c’est la fascination française pour la petite propriété. La France est un pays de gens rêvant d’être des petits propriétaires disposant d’une large autonomie. Même les ouvriers ont été contaminés par cette approche… Surtout les ouvriers, même, de par la corruption d’un capitalisme triomphant profitant d’un tiers-monde agonisant.

Alors, bien sûr, on peut faire semblant et faire en sorte qu’il y ait un peu de casse dans une manifestation, quelques slogans anticapitalistes par-ci, quelques dénonciations des riches par-là. Cela n’en reste pas moins une comédie. Et le Covid-19, de par son ampleur sociale et sanitaire, économique et culturelle, politique et juridique, met fin à cette comédie.

Et c’est là que la France ne sait pas quoi faire. Elle a pris l’habitude de déléguer, de ne pas bouger, de ne pas prendre de responsabilités. Elle ne veut surtout pas prendre de responsabilités. Elle n’est même pas prête à prendre la responsabilité de se déresponsabiliser en confiant la responsabilité à l’extrême-Droite ou l’armée. La France n’est prête à rien.

C’est naturellement dramatique. C’est en même temps une rupture fondamentale avec toute une hypocrisie et enfin le moment où, de manière inévitable, l’Histoire reprend ses droits. Nous quittons l’époque de l’éphémère et de l’apparence, pour passer dans celle où tout devient dur, concret, solide. Et le solide, cela fait mal.

La France va avoir très mal. Décrocher d’une anesthésie générale de plusieurs décennies, cela va lui être douloureux. Les choses vont être tourmentées. Mais il y a un espoir : comme la France a l’habitude de poser la question sociale, la question de la lutte, de la lutte des classes, on est en droit de s’attendre à une réponse adéquate, enfin.

Il y a de puissants leviers historiques pour aller dans le bon sens. La Gauche historique a un patrimoine immense : si elle est en mesure de le réactiver, elle peut mettre en branle des millions de personnes, passer de rien à tout, par la lutte des classes. C’est le défi historique du moment, alors que la crise se développe toujours plus à tous les niveaux et que l’impact économique commence à être dévastateur. Il faut toute une génération à la hauteur.