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Francis Ford Coppola et Martin Scorsese ont raison de dénoncer les films de super-héros

Le capitalisme fait l’éloge de l’irrationnel et exige la cessation de toute capacité de raisonnement. Incapable de créativité, il recycle de manière ininterrompue. Les films de super-héros sont un exemple reflétant parfaitement ce processus de destruction de la culture. Il est donc notable et fort heureux qu’ils soient dénoncés avec les mots justes par Francis Ford Coppola et Martin Scorsese.

Les acteurs et réalisateurs de films de super-héros ont été très choqués des propos de Francis Ford Coppola et Martin Scorsese. Ils ont évidemment dit qu’il s’agissait de grands artistes pouvant dire ce qu’ils voulaient, mais qu’ils rataient le fond de la question. Le cinéma des films de super-héros serait un cinéma nouveau, d’une autre époque qu’eux.

Tout cela est vain, ridicule. Les films de super-héros n’ont aucune profondeur ; leur scénario est élémentaire, leur irrationalisme et leur complotisme prédominant. C’est une fuite dans une bulle sans aucun contenu, totalement sucré et radicalement infantilisante.

Les propos de Martin Scorsese sur les films de super-héros sont donc confondants et il a raison :

« Je ne les regarde pas. J’ai essayé, vous savez. Mais, ce n’est pas du cinéma.

Honnêtement, la chose dont ils se rapprochent le plus, aussi bien faits soient-ils, avec des acteurs faisant le meilleur au vu des circonstances, ce sont des parcs d’attractions. »

« Ce n’est pas du cinéma dans lequel des êtres humains tentent de transmettre des émotions, des expériences psychologiques à d’autres êtres humains. »

Martin Scorsese tient des propos justes, car les super-héros sont inhumains, leur monde est une illusion. C’est une imagination sans fondement, un subjectivisme total. C’est pratiquement religieux et ceux qui les vénèrent ont le même degré de primitivisme que des païens.

Francis Ford Coppola a réagi de la manière suivante aux propos de Martin Scorsese :

« On s’attend à ce que le cinéma nous apporte quelque chose, un éclaircissement, une connaissance, une inspiration. Je ne pense pas que qui que ce soit retire quelque chose du fait de voir toujours le même film.

Martin [Scorsese] a été gentil quand il a dit que ce n’était pas du cinéma. Il n’a pas dit que c’était méprisable, c’est ce que je dis. »

Francis Ford Coppola parle là de culture, ce que précisément les défenseurs des films de super-héros ne comprennent pas, car ils préfèrent l’imaginaire, le non-réel. Ils tiennent à leur fuite.

Ken loach, qui pratique un réalisme qu’on peut trouver discutable dans son approche, a tenu des propos tout aussi parlants :

« Ils sont produits comme une marchandise, à l’image des hamburgers et n’ont rien à communiquer, ni aucune imagination à partager. Il s’agit de fabriquer un produit qui fera un profit pour une grosse compagnie – c’est un exercice cynique. »

Mais, en réalité, c’est la position de n’importe quelle personne défendant la culture. Et les films de super-héros combattent la culture.

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« Civil War » : une bande dessinée comme fuite intellectuelle et morale

Écrit par Mark Millar et dessiné par Steve McNiven, la série de comics Civil War fait se rencontrer et se confronter l’ensemble des super-héros des éditions Marvel. Publiée en 2006-2007, la série a été considérée comme l’aboutissement de toute une étape de l’histoire des éditions Marvel et a par ailleurs donné naissance en 2016 à un film hollywoodien, Captain America: Civil War.

Le principe de l’histoire est le suivant : l’État américain a décidé au moyen d’une nouvelle loi de recenser et d’encadrer les personnes ayant des super-pouvoirs et, naturellement, en raison de leur libéralisme, toute une partie des super-héros refuse de se soumettre à ce décret « fasciste ».

Les partisans de la loi, regroupés autour d’Iron Man, traquent alors les opposants à la loi, regroupés autour de Capitaine America. La « guerre civile » divise les super-héros, amis ou membres d’une même famille et la série est un grand prétexte à dénoncer les oppositions d’idées au sein d’une société.

Le ton de la série Civil War de Marvel reflète ainsi très précisément celui de la chanson du même titre du groupe Guns N’ Roses, sur l’album Use your illusions II en 1991.

Assimilant guerre en général et guerre civile, la chanson revendique le refus de toute guerre quelle qu’elle soit : « Je n’ai pas besoin de ta guerre civile / Cela nourrit le riche alors que cela enterre le pauvre / Ton pouvoir qui a faim vend des soldats / dans une épicerie humaine ».

Pour cette raison, la bande dessinée fait comme Emmanuel Macron avec son « et… et… ». Tout le monde y a raison, avec des arguments solides, d’ailleurs il y a souvent des rencontres entre responsables des deux camps, ou des gens qui changent de camp.

La religion y a souvent sa place et le thème de la rédemption est permanent, au point d’être le socle de l’histoire. Tout commence en effet par l’intervention de super-héros filmant leur combat pour une émission de télé-réalité, des « super-vilains » faisant alors sauter un quartier pour s’échapper.

La culpabilité ronge alors certains, la fin de la série elle-même se fonde sur un super-héros triomphant mais cessant le combat pour changer de camp et expier ses péchés, etc. Ce qui n’empêche pas, parallèlement, d’avoir des femmes régulièrement déshabillées, avec des poses lascives, correspondant aux clichés du sexisme.

Cette dynamique du choix, reflété par le slogan de la série « Dans quel camp êtes-vous ? », est par ailleurs censé justifier cette aberration : des amis de longue date ayant sauvé le monde s’affrontent d’un coup de manière totale, quitte à s’appuyer sur des super-vilains criminels et assassins.

C’est tellement grossier comme idée qu’il a fallu que le scénariste introduise le personnage du « punisseur » comme sorte d’élément ramenant un équilibre, ainsi qu’un complot à l’échelle mondiale de « hydra », ce que reprendra plus particulièrement le film.

Cela signifie également que le dessin se fonde uniquement sur le spectaculaire d’un côté, une recherche graphique-esthétique lors des discussions de l’autre, le tout avec l’utilisation de la science-fiction la plus massive pour ajouter au pittoresque : les super-héros récalcitrants arrêtés sont placés dans la « zone négative », un « univers » parallèle.

Cela reflète une fois de plus à quel point les comics, de par leur culte de l’élitisme et de l’irrationalisme, relève d’une idéologie fondamentalement opposée à toutes les valeurs de gauche. Tout comme l’heroic fantasy et à l’opposé de la science fiction, le monde des comics invente des problématiques qui n’existent pas, dans des mondes qui n’existent pas, et qui ne sont pas tant imaginaires que sciemment construits sur l’irrationnel, le pittoresque, la négation de la société, une lecture purement individualiste et aventurière de la société.

Civil War est d’autant plus l’aboutissement de cela que les super-héros, auparavant séparés, prétexte à des lectures divertissantes, acquièrent une vie propre, devenant une réalité sociale au point de former une société parallèle, reconnue par l’État, ayant des liens avec celui-ci, avec l’actualité de la société américaine.

Civil War se veut résolument ancré dans la société américaine en général, dans la société américaine post-11 septembre en particulier. C’est un saut qualitatif : la réalité parallèle des comics a cédé la place à la confusion entre le monde réel et le monde virtuel des comics. C’est une fuite intellectuelle, morale, culturelle, entièrement assumée.