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Le Medef veut forcer le déconfinement et provoque la colère des pro-Macron

Le président du Medef a appelé à forcer les choses et à faire payer la crise aux travailleurs. Cela rend fou furieux les grands capitalistes représentés par Emmanuel Macron qui sont illico intervenus pour protéger leur représentant.

C’est une tempête dans un verre d’eau capitaliste. Il n’est évidemment pas facile de se retrouver dans ce verre d’eau plutôt invisible avec des petits capitalistes et des gros, différents clans, différentes factions aux intérêts divers et variés. Mais la crise étant présente, il faut abattre les cartes. Il faut en effet des options à mettre sur la table, et il n’y en a pas tant que cela, il n’y en a que trois :

a) on continue comme avant ;

b) on galvanise socialement on ne sait pas trop comment mais on y va prudemment ;

c) on rentre dans le tas en exigeant une unité nationale vigoureuse et militarisée.

La dernière option est bien entendu représentée par Marion Maréchal, ainsi que Marine Le Pen. Elles ne cessent de dérouleur leurs discours et on peut être certain que leur travail de sape est efficace. Ce sont cependant les deux autres factions qui sont concernées ici.

La première, c’est celle de la bourgeoisie prise en grand, avec de multiples ramifications, avec plus ou moins d’unité, etc. Le Figaro en est le vecteur idéologique. Et dans ce journal, à l’occasion d’une interview, le dirigeant du Medef, le syndicat patronal, est allé droit au but. Geoffroy Roux de Bézieux a dit qu’il fallait reprendre le travail le plus vite possible, qu’il fallait retrouver la normalité à marche forcée :

« L’important, c’est de remettre la machine économique en marche et de reproduire de la richesse en masse, pour tenter d’effacer, dès 2021, les pertes de croissance de 2020. »

Naturellement, il faut que quelqu’un paie tout cela. Ce sera les travailleurs :

« Il faudra bien se poser tôt ou tard la question du temps de travail, des jours fériés et des congés payés pour accompagner la reprise économique et faciliter, en travaillant un peu plus, la création de croissance supplémentaire. »

On aurait tort cependant de penser que c’est là l’expression de la bourgeoisie en général. Ainsi, la revue Challenges, un très important porte-parole du milieu économique, a littéralement dézingué le président du Medef. Pour que les choses soient bien comprises, il s’agit d’un éditorial. Le titre a été choisi comme une savante provocation : « Quand le président du Medef Geoffroy Roux de Bézieux se caricature tout seul ».

Cette réponse du dimanche à 12 avril à l’interview du Figaro du 11 n’y va pas par quatre chemins. Il faut un « Grenelle social », une unité nationale. On se moque du Figaro, « quotidien de la droite bourgeoise et du monde des affaires » et du « prêt-à-penser libéral » du patronat.

La raison de tout cela, c’est que la France est socialement à deux doigts d’exploser :

« Depuis le choc du coronavirus, une fracture s’est encore creusée.

D’un côté, des travailleurs anonymes, dont une partie fut gilets jaunes, qui assurent les activités indispensables à la collectivité et prennent ainsi des risques; de l’autre, en seconde ligne pourrait-on arguer, les « confinés », souvent des cadres qui contribuent eux aussi, depuis leur domicile et en télétravail, à ce que l’économie ne sombre pas tout à fait.

Mais ceux-là, admettons-le, sont plus « conforts », sinon plus tranquilles.

A l’abri, contrairement à tous les exposés précités, sans oublier les démunis, reclus, eux, dans des conditions souvent éprouvantes. Deux France, voire trois, qu’on ne peut traiter comme si rien ne s’était passé. »

Par conséquent, le patronat doit céder et l’éditorial se conclut par un appel à une remise au pas :

« Il faudra bien que ce fameux « capital » en passe par une baisse de ses rémunérations au profit du travail. Autrement dit, si Emmanuel Macron entend que « ça reparte vraiment », et pourquoi répétons-le ne le voudrait-il pas, il lui faudra à l’exemple du général De Gaulle, faire plier le patronat. L’archéo-patronat… »

Il faut être ici très intelligent, très subtil. En effet, il ne s’agit pas d’un éditorial appelant à un coup de force militariste : l’extrême-Droite y est ouvertement dénoncé. Et s’il y a des revendications sociales prononcées, on est dans Challenges, et il y a un appel à Emmanuel Macron qui doit être le grand dirigeant mettant le patronat au pas !

On l’aura compris : cet éditorial représente les intérêts de grosses fortunes, évidemment celles qui ont permis à Emmanuel Macron d’être élu président de la République en montant un mouvement du jour au lendemain. Ce sont des grands capitalistes et à ce titre, extérieurs au capitalisme traditionnel.

Ils peuvent donc exiger que celui-ci paie la crise. Mieux vaut cela que l’instabilité en pressurisant les travailleurs encore plus ! Ce refus d’aller dans le sens de l’extrême-droite tient à la base économique de ces grands capitalistes. Ils ne sont pas dans la tradition des monopoles français, ni économiquement, ni culturellement ; ils relèvent du business international. Ils ne peuvent donc pas appeler à une unité nationale, au nationalisme, au militarisme.

Mais leur sort est scellé, comme dans les années 1930. Le capitalisme tend à la guerre et le business international, flottant au-dessus des nations allant au militarisme, se fait violemment mettre au pas. Il n’y a pas de sortie libérale internationale, seulement la destruction avec le fascisme ou l’avenir avec le socialisme.

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Marion Maréchal à l’université d’été du Medef

Le Medef, le syndicat patronal, a décidé d’organiser une première université d’été en tant que telle. C’est une volonté de son dirigeant Geoffroy Roux de Bézieux, un représentant de la Droite dure. Nulle surprise donc à ce qu’il y invite Marion Maréchal, ni à ce que cela se déroule à l’hippodrome de Paris-Longchamp.

La Droite décide de plus en plus de faire la sainte-alliance des forces conservatrices et des forces populistes, exactement comme ce fut le cas en Allemagne, en Italie, en Espagne, durant les années 1930.

Ce qui est véritablement marquant dans la présence annoncée par L’Express de Marion Maréchal à l’université d’été du Medef, c’est le titre de la table ronde à laquelle elle participera. Celle-ci s’intitule en effet :

« La grande peur des mal pensants, pourquoi les populistes sont populaires. »

Il s’agit là en effet d’une allusion très précise, que bien entendu les journalistes n’ont pas remarqué, de par leur inculture. Le titre de la table ronde fait en effet allusion à un essai de Georges Bernanos, publié en 1931, La Grande Peur des bien-pensants. La thèse qui y est défendue est la même que celle du polémiste Eric Zemmour en ce moment : par intérêt matériel, les forces conservatrices sabordent la tradition, abandonnent le pays et les responsabilités, etc.

Le second grand essai de Georges Bernanos marque au contraire une rupture avec son approche précédente. Dans Les Grands Cimetières sous la lune, publié en 1938, Georges Bernanos exprime son dégoût pour la barbarie du franquisme qui, pourtant, sur le plan des valeurs, lui correspondait totalement. Dans la foulée, Georges Bernanos soutiendra la France libre, abandonnera son antisémitisme forcené, tout en restant un idéaliste.

L’idéalisme n’est pas ce qui intéresse le Medef, ni la Droite, ni l’extrême-Droite. C’est l’esprit de l’essai de 1931 qui l’intéresse, avec cette volonté d’unifier toutes les forces totalement opposées à la Gauche et de promouvoir une dénonciation nationale-catholique de « l’argent ».

C’est qu’on devine qu’avec Emmanuel Macron, son ultra-individualisme économique et sa dialectique culturelle de la légalisation (la PMA pour toutes, le MMA, le cannabis à moyen terme, etc.), il y a un boulevard pour une lecture disant qu’avant, c’était mieux. Le chaos du capitalisme se voit ici opposé, dans le principe, à son propre fantôme. Le passé est censé rattraper et corriger l’avenir.

Normalement, le Front populaire s’oppose tant aux libéraux qu’aux conservateurs. Mais en France, la Gauche a été totalement contaminée par le libéralisme. Google promeut autant que possible la démarche LGBTQ+, cinquante gares de la SNCF pavoisent aux couleurs arc-en-ciel tout comme de nombreuses ambassades américaines dans le monde… et il faudrait leur faire confiance ? Allons, qui peut avoir autant de naïveté ?

Nous sommes coincés entre le marteau libéral et l’enclume conservatrice ; on a déjà Emmanuel Macron, on a désormais Marion Maréchal qui se profile. Et tout risque d’être emporté par une telle opposition ignoble qui vise à dévier le peuple vers le chauvinisme agressif, le protectionnisme au service du capitalisme national, l’esprit corporatiste comme seul horizon.

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Geoffroy Roux de Bézieux à la tête du MEDEF : l’ombre d’Emmanuel Macron

Le MEDEF a un nouveau dirigeant, Geoffroy Roux de Bézieux, qui est une sacrée pointure. Il a fait fortune en montant The Phone House, puis en reprenant Virgin Mobile. Mais son père était déjà banquier ; il a grandi dans le 16e arrondissement de Paris et à Neuilly-sur-Seine.

C’est un noble (sa famille a été anobli juste avant la révolution française) et c’est un costaud : il a fait pas moins que deux ans dans les commandos de marine, passant par Djibouti et le Liban. Il fait encore du triathlon, de la boxe, de la course à pied, du vélo, etc.

Bref, c’est un cadre éprouvé, tant intellectuellement que physiquement. Et il représente les assurances, le bâtiment et les nouvelles technologies ; il a gagné les élections du MEDEF, avec 55,8 % (284 voix contre 224), face à Alexandre Saubot.
Ce dernier, président de l’Union des industries et métiers de la métallurgie, était soutenu  par les petites entreprises cherchant à faire du MEDEF une structure plus « démocratique », ainsi que par les banques et les Travaux Publics, et évidemment par l’UIMM,

Alexandre Saubot travaillait également avec Vincent Chriqui, également passé par polytechnique, qui a travaillé dans les cabinets ministériels lorsque Nicolas Sarkozy était président, puis a dirigé la fin de campagne de François Fillon en 2017.
Geoffroy Roux de Bézieux avait quant à lui choisi Dominique Carlac’h, qui travaille dans le conseil en financement et innovation industrielle et est partisane de la « nouvelle économie ».

On l’aura compris : Geoffroy Roux de Bézieux représente le même capitalisme qu’Emmanuel Macron, celui de la « nouvelle économie », qui veut libéraliser autant que possible, tandis que Alexandre Saubot représentait la ligne du « dialogue social » traditionnel entre patronat et syndicats.

Cela veut dire que la défaite d’Alexandre Saubot est aussi celle des syndicats. Prompts à se la jouer rebelle en apparence, les syndicats ont depuis longtemps trahi les idéaux de la Gauche pour devenir des courroies de transmission de l’efficacité des entreprises.

Si Geoffroy Roux de Bézieux met son plan en branle, alors leur situation va vaciller et cela avec une grande ampleur. Son discours a tout de suite mis les points sur les i :

« Le MEDEF doit changer (…). Cette campagne aura révélé une chose essentielle : la grande vitalité démocratique de notre mouvement ! Sa capacité à installer un débat exemplaire. Il y a eu le temps de la campagne et de l’indispensable expression des sensibilités. Et cette étape se termine. Maintenant est venu le temps de l’action (…).

Nous travaillons tous pour un même but : garantir la prospérité de nos entreprises et s’assurer que le développement de celles-ci profite à la société française tout entière dans un monde en totale mutation.

Ces mutations qui s’accélèrent doivent mettre fin aux oppositions inutiles, aux divisions artificielles, construites de toute pièce, qui ne servent pas notre cause : l’opposition entre fédération et territoires, entre industrie, services commerce ou construction, entre start-up, PME, ETI et grands groupes, l’opposition entre métropoles et villes moyennes (…).

Continuer le combat pour la compétitivité de nos entreprises, Augmenter nos efforts sur la formation de nos salariés, transformer le paritarisme pour obtenir une véritable autonomie de décision et de gestion, imaginer un dialogue social national qui devienne un dialogue économique et social, rénover l’organisation, la gouvernance et le financement de notre mouvement pour le rendre plus agile, devenir une organisation franco européenne, et enfin et j’allais dire surtout, se redonner du temps et des ressources pour repenser le temps long. »

C’est la ligne d’Emmanuel Macron : moteur franco-allemand pour l’Union européenne, corporatisme local pour renforcer le capitalisme à la base même, esprit libéral général à tous les niveaux (économique donc, mais aussi social, ce qui veut dire aussi culturellement).

Et il y a le chantage, consistant à dire la chose suivante : le monde change, il faut suivre le nouveau capitalisme, sinon même l’ancien perdra tout ! C’est clairement le prolongement direct de l’élection d’Emmanuel Macron à la présidence de la République et le reflet des profondes contradictions d’un capitalisme de plus en plus ébranlé.