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Éviction de Steeve Briois : la fin du « rêve » national-social

Le Rassemblement national met Hénin-Beaumont de côté.

Fraîchement élu président du Rassemblement national, Jordan Bardella, a recomposé son bureau exécutif, l’organe décisionnel du parti. L’éviction de ce bureau exécutif de Steeve Briois, maire depuis 2014 d’Hénin-Beaumont dans le Pas-de-Calais, est particulièrement marquante.

C’est en effet lui qui a ancré Marine Le Pen dans ce territoire populaire depuis le début des années 2010, au point de la faire élire députée du département. Le « nord », et particulièrement cette ville d’Hénin-Beaumont, a représenté pour le Front national devenu Rassemblement national tout un symbole, et même une stratégie à part entière.

Il s’est agi d’un tournant social entièrement assumé, en captant la base prolétaire et petite-bourgeoise d’un territoire « périphérique » avec un discours nationaliste à prétention sociale. Loin des grandes métropoles technocratiques et modernistes donc, loin de la Droite traditionnelle et de la Gauche bobo.

De fait, Marine Le Pen a siphonné des pans entiers de l’électorat de la Gauche, mais surtout elle a coupé l’herbe sous le pied de la Gauche historique avec cette orientation. Localement, c’est une véritable catastrophe tellement ce mouvement a été, et est encore, puissant.

Immédiatement après son éviction du bureau exécutif du Rassemblement national, Steeve Briois a réagi avec des mots très durs à l’encontre de son parti, l’accusant de se tourner unilatéralement vers la Droite :

« Je ne peux qu’y voir un rabougrissement, et j’espère que le Rassemblement national n’est pas en train de céder au grand compromis nationaliste, cette stratégie d’union des droites radicales, qui a échoué à la présidentielle, plutôt que de l’ensemble des patriotes de droite comme de gauche ».

De fait, il considère que son éviction marque « un début de purge contre ceux qui défendent la ligne sociale », au profit de courants « droitards » qu’il qualifie d’identitaires et intégristes. On comprendra qu’il s’agit là de la ligne portée par Eric Zemmour et Marion Maréchal.

Cette nouvelle orientation du Rassemblement national, si elle s’avère réelle, sera forcément une bonne chose pour la Gauche historique. Elle ouvrira à nouveau l’espace qu’elle a odieusement abandonné au nationalisme.

Le prix à payer en revanche sera très cher, car il y aura forcément une radicalisation très forte de la Droite, qui va chercher à avancer tel un rouleau compresseur dans le contexte de crise, pour non plus séduire les classes populaires, mais les annihiler puis les écraser.

Il y a là probablement une nouvelle phase politique qui se dessine en France, et il s’agit d’être à la hauteur. La fin du « rêve » national-social en mode Hénin-Beaumont est une occasion à ne pas rater, mais il va falloir travailler dur pour être à niveau.

Car la Gauche historique part de loin, de très loin, et il y a toute à reconstruire. Et ce n’est pas avec le populisme de La France insoumise et son racolage lamentable sur le racisme et l’immigration qu’on arrivera à quelque-chose.

Il va falloir une sévère remise en cause, à tous les niveaux, pour se mettre à la hauteur des exigences. Cela va être rude, très rude, et dans un contexte toujours plus explosif. Cela va être un grand déchirement intérieur !

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PSE Bridgestone: une victoire pour les ouvriers, une défaite pour la classe ouvrière

Les ouvriers se défendent de manière corporatiste et la perspective de classe est à zéro.

L’usine Bridgestone de Béthune emploie 863 personnes et les capitalistes japonais qui la possèdent ont décide de la fermer il y a cinq mois de cela. Bridgestone, qui fabrique des pneus et fait un chiffre d’affaires de 17 milliards d’euros, considère que l’usine n’est pas rentable.

Un Plan de Sauvegarde de l’Emploi vient d’être signé, avec des acquis pour les licenciés. L’entreprise japonaise va mettre 80 millions d’euros en plus des 110 millions prévus normalement.

Cela donne déjà pour les salariés 46 500 euros plus 2500 euros par année d’ancienneté ; en moyenne, les licenciés repartent avec 106 000 euros.

C’est une somme extrêmement conséquente, cinq fois la somme légale pour vingt ans d’ancienneté. Elle a d’ailleurs comme but la signature de l’accord, chaque salarié recevant la moitié et devant signer une déclaration d’abandon de toute poursuite contre Bridgestone pour recevoir l’autre moitié.

Il faut noter que c’est la même approche d’arrosage financier qui a été à l’œuvre chez Ford à Blanquefort en Gironde et Michelin à La Roche-sur-Yon en Vendée, alors que les Goodyear à Amiens -Nord avaient dû batailler juridiquement pendant sept années pour que le même dispositif existe.

Mais ce n’est pas tout. Pour Bridgestone Béthune, il y a également un dispositif de pré-retraite pour une centaine de salariés avec prise en charge d’une durée de sept ans, ou bien une allocation de 75% du salaire brut ainsi qu’un congé de reclassement de 21 à 24 mois.

Cet accompagnement dispose également de l’appui de la bourgeoisie elle-même, notamment du très droitier Xavier Bertrand, le président de la région des Hauts-de-France (avec le Nord, le Pas-de-Calais et la Picardie), qui a salué le PSE :

« Les indemnités versées par Bridgestone ne sont que justice, l’attitude exemplaire des salariés et de leurs représentants a été déterminante. Ce n’est qu’une 1ère étape. Nous devons tout faire pour les aider à retrouver un emploi et trouver un ou des repreneurs pour le site. »

Les salariés ont en effet été exemplaires… pour le capitalisme. Ils se sont comportés comme des gens de n’importe quelle entreprise, cherchant à défendre leurs intérêts individuels. Ils n’ont jamais politisé, chercher à donner de l’envergure à leur démarche.

Ils se sont comportés comme des ouvriers américains, vivant leur vie, car ayant les moyens de la mener, et essayant de la continuer tant bien que mal, sans rouler sur l’or, mais dignement.

Sur le papier, ce n’est pas critiquable. Sur le fond, c’est une faillite historique, une déroute totale de la classe ouvrière française. On ferme une usine ? D’accord, financez-nous socialement individuellement et cela ne pose pas de soucis. L’impact sur l’industrie ? Sur la réalité locale ? Sur la classe ouvrière qui continue de subir la pression ? Tout cela n’existe simplement pas.

Quant à la dignité – des ouvriers, de Bridgestone, de Béthune – n’en parlons pas. Voici le communiqué de presse de Bridgestone du 21 juin 2011 :

Bridgestone célèbre le 50ème anniversaire de l’usine de Béthune

Le 11 juin, Bridgestone célébrait les 50 ans de son usine de production de pneumatiques Tourisme de Béthune. Plus de 2 300 visiteurs de la communauté locale se sont présenté à la journée Portes Ouvertes qui marquait cet événement. Ils ont eu le privilège de participer à une visite guidée du site, de découvrir une exposition sur l’histoire de l’usine et d’assister à la cérémonie officielle.

Parmi les représentants locaux figuraient Jean-Michel Bédécarrax, sous-préfet de Béthune et Stéphane Saint-André, maire de Béthune. Bridgestone Europe était représenté par Ryutaro Ishii, Senior Vice President Manufacturing, et Yoshihiko Fujimoto, Vice President HR Europe & Corporate Affairs.

A son inauguration en 1961, l’usine de Béthune était un investissement vital et capital pour l’emploi de la région Nord de la France qui traversait alors une crise douloureuse liée à l’arrêt de l’activité minière. En 50 années, l’usine a produit plus de 241 millions de pneumatiques et employé 8 700 personnes dont certaines d’entre elles issues de trois générations de la même famille. Le site est aujourd’hui l’employeur le plus important de Béthune et le troisième employeur industriel du département du Pas de Calais.

« Nous sommes heureux que tant de résidents locaux soient venus pour cette occasion. Cela prouve l’importance de la place occupée par l’usine de Béthune dans cette communauté » a déclaré Bruno Capron, directeur général de l’usine.

Au début, l’usine de Béthune produisait 4 000 pneumatiques Firestone par jour et employait 640 personnes. Sa capacité de production s’est considérablement intensifiée pour atteindre, en 1973, 12 500 pneus par jour. En 1991, après l’acquisition mondiale de Firestone par Bridgestone, l’usine a produit son premier pneu Bridgestone. La production journalière était de 22 000 pneus.

Aujourd’hui, les pneumatiques Tourisme de haute performance, y compris les pneumatiques Hiver, représentent 75 % de la production. Avec un effectif de 1 300 personnes, la capacité de production est désormais de 25 000 pneus/jour.

10 ans après, l’usine ferme, cela s’arrête là, parce que les capitalistes l’ont décidé. Cela en dit long sur le caractère artificiel de la vie quotidienne dans le capitalisme, façonné comme idéologie pour les intérêts de l’accumulation.

Et les ouvriers l’acceptent, aussi simplement que cela ? Telle est la corruption par le capitalisme en France.

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Appel: «Nous, les Hauts-de-France !»

Voici un appel salutaire pour l’Union de la Gauche pour les Hauts-de-France aux élections régionales de mars 2021. Certains y verront avec regret l’absence d’une écologie tournée vers les animaux (et pas seulement réduite à la question de la limitation des rejets de CO2), d’autres esprits chagrins diront avec justesse sans doute que l’Aisne, l’Oise et la Somme cela a un nom : la Picardie.

Cela étant, c’est une initiative unitaire qui, si elle parvient réellement à porter quelque chose, serait une contribution réelle pour aider la Gauche à sortir du pétrin dans lequel elle est.

« 🥁 NOUS LES HAUTS-DE-FRANCE !

Nous les Hauts-de-France est un mouvement de citoyennes et de citoyens qui souhaitent ouvrir une nouvelle ère pour notre région. Venus de l’Aisne, du Nord, de l’Oise, du Pas-de-Calais et de la Somme, nous mettons en commun nos richesses, nos expériences et notre désir d’action pour être les moteurs de la transformation économique, écologique et démocratique qui redonnera aux Hauts-de-France la première place dans la France du XXIème siècle !

📢 NOTRE APPEL :

Des cités populaires aux grands ports du Nord, du cœur des métropoles aux territoires frontaliers, de la Baie de Somme aux plaines agricoles et au bassin minier, des bords de l’Escaut, à ceux de l’Aisne et de l’Oise, nous sommes fiers de notre région, les Hauts-de-France, de son histoire plurielle, souvent meurtrie, et de sa culture singulière, toujours chaleureuse.

Nous appelons à l’unité de projet et d’action pour changer son avenir qui s’assombrit.

Il n’est de richesse que d’hommes. Pourtant notre région est frappée d’une crise de vitalité : elle se vide et se dépeuple. Alors qu’elle comptait plus de 6 millions d’habitants en 2015, les Hauts-de-France sont désormais en voie de rétrécissement avec une population totale qui est passée sous les 6 millions d’habitants et qui perd, cette année, sa troisième place au niveau national en termes démographiques. Les territoires ruraux sont les premiers touchés. La faute à une politique régionale qui a négligé l’attractivité économique, environnementale et culturelle et a laissé partir nos talents.

Notre région est en mauvaise santé. Elle est malade de la pollution de l’air, des sols et des sous-sols. Naître dans les Hauts-de-France c’est, aujourd’hui, avoir l’espérance de vie la plus faible de tout l’Hexagone. En rupture avec les majorités précédentes, aucune politique de santé d’envergure n’a été mise en place durant cinq ans à l’échelle régionale pour lutter contre cette mortalité précoce. La prévention est faible, les déserts médicaux s’étendent, les maternités ferment, les hôpitaux sont saturés et la région regarde ailleurs.

Notre région continue de souffrir, plus que d’autres, d’un chômage massif et de taux records de précarité et de pauvreté, dévastateurs pour la cohésion sociale. Dans ce domaine le Président de Région semble faire mais en réalité fait semblant. La politique de la région en matière d’emploi est une gabegie financière et un échec économique. Gabegie financière car la région a dupliqué, sans aucune coordination et sans résultat probant, le service public national de l’emploi en créant un avatar régional de Pôle emploi. Proch’emploi c’est Pôle emploi en moins : pas d’accompagnement des demandeurs d’emploi, une simple mise en relation et un nombre de retours à l’emploi au niveau régional artificiellement gonflé par des entrées nombreuses en contrats d’apprentissage courts et donc peu professionnalisants. La région ferait mieux de promouvoir des solutions innovantes comme, par exemple, un outil bancaire public régional finançant des projets utiles créateurs d’emplois, à partir de critères écologiques et sociaux forts. Dans le même temps, la formation initiale a été délaissée avec notamment un sous-investissement de la région dans les lycées.

Notre région a aussi été privée d’ambition écologique alors même que les Hauts-de-France devraient être l’avant-poste d’une écologie sociale exigeante et populaire. Exigeante car la reconstruction écologique du pays implique de mettre la région au travail pour assurer la bascule dans un monde sans carbone. Populaire car l’écologie du quotidien c’est celle qui libère les habitants de la région des embouteillages sur leur trajet domicile-travail en leur offrant des solutions de transport en commun publiques, riches et diversifiées et en réduisant drastiquement le nombre de camions sur les routes par le ferroutage et le transport fluvial. C’est aussi celle qui permet de faire baisser la facture de chauffage par la rénovation thermique des logements et qui assure à tous une alimentation saine et de qualité. C’est enfin celle qui encourage le « vivre et travailler au pays » par le recours au télétravail, négocié avec les salariés, en assurant le financement de la construction d’espaces de travail partagés publics à proximité du lieu de résidence.

Nous, élus, citoyens volontaires, femmes et hommes libres, nous refusons que notre région continue de s’effacer et soit prisonnière de dogmes libéraux et d’un modèle de pensée, de gouvernance et de gestion périmés. Nous voulons redevenir la locomotive du pays, une région exemplaire pour son excellence sociale, environnementale, culturelle, numérique. Une région qui mise sur ses atouts et notamment son industrie mise en action pour accompagner les transitions à venir.

Nos priorités sont claires. Il s’agit de surmonter la crise sanitaire, économique et sociale issue de l’épidémie de la COVID-19, d’éviter la catastrophe climatique et d’empêcher le grand bond en arrière démocratique que constituerait la conquête de notre région par le Rassemblement national.

Pour ce faire, nous nous engageons dans la création d’un mouvement citoyen, de la gauche et de l’écologie, unitaire, qui portera les espoirs d’une reconstruction environnementale et sociale aux élections régionales de 2021 et permettra le dépassement des rivalités de personnes.

Nous les Hauts-de-France ! sera le lieu de l’enthousiasme collectif, du travail civique, du débat et de l’action pour l’avenir de notre Région et de ses habitants.

Rejoignez-nous !

✍️ LES PREMIERS SIGNATAIRES :

Thierry AURY (PCF, 60), Eric BOCQUET (PCF, 59), Jean-Louis BRICOUT (PS, 02), Thierry BROCHOT (EELV, 60), Rémi Cardon (PS, 80), Dominique CLINCKEMAILLIE (EELV, 60), Damien Carême (EELV, 59), Delphine DAMIS-FRICOURT (Generation.s, 80), Marie-Laure DARRIGADE (LFI, 60), Yves DAUDIGNY (PS, 02), Karima Delli (EELV, 59), Antoine DETOURNE (Generation.s, 62), Vincent DHELIN (EELV, 59), Jean Bruno GORNY (citoyen engagé à Hénin-Beaumont, 62), Frédéric FAUVET (militant associatif, 80), Martine Filleul (PS, 59), Brigitte Fournié-Turquin (EELV, 02), Aurélien GACK (LFI, 62), Aurélien GALL (PCF, 02), Michelle Greaume (PCF, 59), Jacky Hénin (PCF, 80), Thomas Hennequin (PS, 02), Patrick Kanner (PS, 59), Benjamin LUCAS (Generation.s, 80), Roxane LUNDY (Generation.s, 60), Christian MANABLE (PS, 80), Bastien MARGUERITE (PS, 62), Alain MOREAU (Responsable associatif, 02), Alexandre Ouizille (PS, 60), Fabien Roussel (PCF, 59), Laurence Rossignol (PS, 60), Émilie THÉROUIN (EELV, 80), Marine Tondelier (EELV, 62), Karine TROTTEIN (PCF, 59), François VEILLERETTE (militant écologiste, 60), Sarah ZEROUALI (citoyenne engagée dans une association étudiante d’accès aux droits, 59).

➜ Découvrez notre l’appel et les premiers signataires :
https://nousleshautsdefrance.fr/ »