L’explication est limpide.
La définition du fascisme donné par Olivier Faure est, grosso modo, celle d’Albert Camus bien plus que celle de la Gauche historique, mais elle converge tout de même avec elle. C’est une prise de position résolue et absolument nette, faisant la preuve que même réformiste et composé d’élus, le Parti socialiste porte en lui des choses positives, à l’opposé des populistes post-gauche de La France Insoumise et autres ultras.
Olivier Faure contribue ici positivement à poser le curseur, il indique une tendance politique par un apport en termes de position. Il souligne bien que l’actualité, ce sont les crises.
C’est de la politique et cela montre le sens politique du Parti socialiste (le discours parle même de lutter contre ceux « qui placent l’Etat au service du capital », s’appuie de manière fondamentale aux Francs-Tireurs Partisans Main d’Oeuvre Immigrée pourtant communiste, fait référence au roman Aden Arabie de Paul Nizan alors communiste où est dit le fameux « J’avais vingt ans. Je ne laisserai personne dire que c’est le plus bel âge de la vie »…).
Le Parti socialiste voit bien qu’il y a une barre à Gauche qui est nécessaire, qui est possible, qui a besoin d’être posé rationnellement pour se mettre en place. C’est bien qu’il porte quelque chose!
Voici la vidéo, puis le texte du discours, fait en clôture du Conseil national du Parti socialiste, avec en gras la partie particulièrement marquante.
« Chers camarades,
Nous venons aujourd’hui de clore notre congrès. Je vous remercie toutes et tous de votre implication pour mener à bien ce long processus qui s’achève avec la désignation de l’équipe de direction.
Sa vocation, son ambition, sont d’accompagner les prochains mois, les campagnes présidentielle et législatives et, au- delà, de continuer la renaissance de notre formation politique.
Dans quelques jours, nous désignerons celle ou celui qui nous représentera lors de la prochaine élection présidentielle.
Comme Pierre vient de le rappeler, nous avons, conformément au vote unanime du congrès, veillé à ce que chacun puisse communiquer la semaine prochaine en direction de l’ensemble des militants, par écrit sous la forme d’une profession de foi détaillée, et sous la forme d’un long échange vidéo.
Et à partir du 15 octobre au matin, dès que les résultats seront connus, nous entrons en campagne !
Dans la nuit, nous ferons partir à l’impression un premier tract de campagne et les premières affiches avec l’identité de celle ou celui que nous aurons élu·e.
Les camarades du Secrétariat national se mettront immédiatement en mouvement. En lien avec l’équipe de campagne du candidat, nous mettrons en place une équipe opérationnelle qui fera le lien avec l’ensemble des fédérations.
Dès réception des premiers outils de campagne, physiques et numériques, nous organiserons une première semaine de mobilisation. Sur les marchés, dans les gares, sous les préaux, nous montrerons que nous entrons dans le débat avec la ferme volonté de défendre des positions claires dans un moment de confusion.
Le 23 octobre, nous organiserons la convention d’investiture à Lille où nous serons accueillis par Martine Aubry et la fédération du Nord.
La période exige beaucoup de nous. Sans doute plus encore qu’au cours du demi-siècle passé.
Nous enchaînons les crises. Les Français en font l’expérience douloureuse sur le plan social, économique, démocratique, écologique, sanitaire.
Dans cette France qui se cherche un destin, la question identitaire est venue remplir un vide de sens et s’est imposée dans les médias.
Le polémiste Éric Zemmour est sur toutes les antennes. Et c’est par lui que je voudrais entamer mon propos. Non pas pour contribuer, à mon tour, à en faire le centre de toutes les attentions, mais pour dénoncer avec force la place qui lui est faite. Dans la compétition que se livrent les médias, la course à l’audience a remplacé le devoir d’informer, le buzz s’est substitué aux idées. Les jeux du cirque ont leur règle : sans outrance, pas d’existence.
Alors désormais, on fait salon avec monsieur Zemmour, on discute volontiers de ses saillies racistes comme s’il s’agissait d’opinions défendables puisqu’elles sont enveloppées dans la soie de l’érudition.
Alors je le dis, puisque personne ne le dit. Éric Zemmour est un fasciste.
Je sais qu’en prononçant ces mots, certains me répondront qu’il ne faut pas exagérer. Après tout, Zemmour n’a quand même pas proposé d’ouvrir des camps de concentration.
Ces réflexions font écho à ces phrases d’Umberto Eco prononcées à l’occasion du cinquantième anniversaire de la libération de l’Europe : « le fascisme est toujours autour de nous, parfois en civil. Ce serait tellement plus confortable si quelqu’un s’avançait sur la scène du monde pour dire : je veux rouvrir Auschwitz.
Hélas la vie n’est pas aussi simple. Le fascisme est susceptible de revenir sous les apparences les plus innocentes. Notre devoir est de le démasquer, de montrer du doigt chacune de ses nouvelles formes, chaque jour dans chaque partie du monde ».
S’il n’y eut qu’un seul nazisme, il est possible de jouer au fascisme de mille façons. Et c’est à ce travail de reconnaissance que nous invitait ce grand humaniste il y a déjà trente ans. Il fixait ainsi les caractéristiques du fascisme primitif :
– Le culte de la tradition : la vérité a été annoncée une fois pour toutes. On ne peut que continuer à interpréter son obscur message,
– Le refus du modernisme, c’est-à-dire le rejet de l’esprit de 1789, du siècle des Lumières, conçu comme le début de la dépravation,
– La suspicion envers le monde intellectuel,
– Le désaccord présenté comme une trahison,
– L’exacerbation de la peur de la différence,
– L’instrumentalisation des frustrations individuelles et l’appel aux classes moyennes épouvantées par la pression de groupes sociaux inférieurs,
– La nationalité comme privilège de gens à qui on signifie qu’ils sont assiégés,
– La dénonciation d’un complot qui vient de l’intérieur,
– La vie présentée comme une guerre permanente,
– Le culte de l’héroïsme étroitement lié à celui de la mort,
– Puisque la guerre permanente et l’héroïsme sont des jeux difficiles à jouer, le transfert de la volonté depuissance sur les questions sexuelles. Avec à la clé le mépris des femmes et la condamnation des mœurs non conformistes,
– Un leader, interprète du peuple et de la volonté commune, en lieu et place d’un parlement présenté comme corrompu.
Voilà la définition du fascisme.
Que nous manque-t-il pour comprendre ce qui s’installe sous nos yeux, au grand jour ?
Ses nouveaux admirateurs me rétorqueront que ces caractéristiques s’appliquent aussi bien à l’islamisme radical. Oui, l’islamisme radical est un fascisme. Mais on ne combat pas une forme de fascisme par une autre forme de fascisme !
On l’affronte avec les valeurs de ceux qui sont morts pour la France. Morts pour que l’on puisse continuer à vivre ensemble quelles que soient nos convictions religieuses ou civiques, nos origines, ou nos prénoms.
Il n’y a pas plus français que ces prénoms : Missak, Spartaco, Szlama, Celestino… Ils le sont par le sang versé. Ils étaient la France quand le maréchal Pétain collaborait dans la honte, livrait des juifs, hommes, femmes et enfants, français ou étrangers.
Alors je sais que d’autres vont lever les yeux au ciel et, bardés de leur impuissance, me diront : à quoi bon employer les grands mots, ressortir l’affiche rouge et les visages hirsutes du groupe Manouchian ? De toute façon, la dénonciation, ça ne marche plus.
Mais je ne suis pas venu vous parler de dénoncer, mais de combattre !
Et le combat, ça commence par mettre des mots sur des idées, sur des faits, « pour ne pas ajouter aux malheurs du monde » pour reprendre Camus.Le combat, ça commence par le refus de la banalisation. Le refus de céder à ce que l’on croit être l’esprit du temps. Le refus de débattre poliment des propos d’un raciste récidiviste. Le refus de suivre une pente que l’on croit facile.
Oui, je sonne l’alerte.
Je sonne l’alerte parce que je ne veux pas que les plus jeunes puissent mettre un signe d’équivalence entre ce que nous disons et ce que disent les fascistes. Je ne veux pas que le travail de mémoire, l’éducation des générations après- guerre, tout ce travail pour que le pire ne soit plus notre avenir, soit réduit à néant.
Je sonne l’alerte parce que je vois la droite – canal historique – emboiter le pas de l’extrême droite.
Parce qu’elle est incapable de se distinguer d’Emmanuel Macron qui applique son programme économique et social, elle se lance dans une surenchère folle. Au lieu de bâtir des digues, elle n’ose déjà plus dire comme monsieur Jacob, qu’Éric Zemmour est raciste.
Madame Pécresse veut réviser la Constitution, monsieur Bertrand a pour priorité d’abaisser la majorité pénale, et même le placide monsieur Barnier en vient à contester les institutions européennes et à réclamer un « électrochoc de sécurité ».
Avant, on avait les « chocs », choc de simplification, choc de compétitivité, choc de confiance, etc. Visiblement, c’était trop peu.
Pas plus tard qu’hier, c’est le vice-président des mal nommés Républicains qui évoquait une « épuration ethnique » en cours dans les banlieues !
Voilà, je m’agace et m’indigne de voir cette droite qui se dit républicaine s’oublier par peur d’être siphonnée. Oui, la République est en danger quand ses défenses immunitaires faiblissent par lâcheté ou par calcul.
C’est à ce moment de la discussion que d’autres encore me diront, « tu as raison. L’heure est grave et le péril est grand. Il faut donc se protéger derrière un rempart. Et le seul rempart connu, c’est Emmanuel Macron ».
Mais non !
mmanuel Macron n’est pas un rempart, il est le pont-levis qui s’abaisse, année après année.
Oh ! je ne dis pas qu’il a décidé de faire entrer le loup dans la bergerie. Mais il a décidé depuis l’origine d’utiliser la peur du loup pour mieux maîtriser le troupeau. Au lieu de discuter des propositions alternatives que nous présentions, il a sans cesse cherché à valoriser l’affrontement avec les forces les plus extrêmes pour jouer le rôle du rempart.
Quel rempart contre l’obscurantisme, le nationalisme et le populisme est-il, lui qui a valorisé Bigard, Raoult, Villiers, Zemmour… ?
Tous ont eu droit aux attentions complices du chef de l’État. Mais ce n’est pas avec Bigard que l’on comprend le peuple, avec Raoult que l’on vainc la pandémie, avec Villiers que l’on évoque le destin de la France, et à Éric Zemmour que l’on demande une note sur l’immigration !
Il n’a cessé de donner des gages à la droite de la droite, en restreignant le droit d’asile, en refusant l’Aquarius, en produisant une loi sensée nous protéger du séparatisme, en passant de « la colonisation est un crime contre l’humanité » à un discours sur la « rente victimaire » des ex-colonisés.
La campagne ne fait que commencer et je suis déjà excédé.
Je n’en peux plus de ces débats rances. L’époque mérite tellement mieux que ça. Elle est formidablement enthousiasmante ! En tous cas, elle pourrait, elle devrait l’être.
Nous faisons face à des défis majeurs qui nous imposent de penser le monde qui vient.
Partout en France naissent des initiatives citoyennes, associatives. La solidarité se réinvente dans des tiers lieux. L’économie sociale et solidaire n’est plus regardée avec condescendance. Les nouvelles technologies réinventent nos manières de travailler. Le monde de l’entreprise lui-même s’interroge sur son modèle économique et, même si c’est trop lent, s’interroge sur son empreinte carbone.
L’agro-écologie, c’est-à-dire la conception de nos systèmes de production en s’appuyant sur les fonctionnalités de l’écosystème, gagne du terrain. Le monde de la culture ne s’est jamais autant démocratisé. Le rapport à la nature et au vivant fait évoluer notre conception de l’universel. Les tabous sur les violences sautent. Les victimes sortent du silence. Les femmes revendiquent leur place.
Et le débat politique devrait tourner autour d’un supposé « grand remplacement » des chrétiens par des musulmans fanatiques ? Sur la responsabilité de Vichy, débat déjà tranché par les historiens.
J’ai écouté hier la voix grave de Robert Badinter, s’interrogeant au soir de sa vie. Après avoir évoqué l’arrestation de sa grand-mère en novembre 1942 par la Milice française, il prononce ces mots « Ça me paraissait un orage emporté par les vents de l’Histoire, je n’en suis plus si sûr, aux jeunes générations d’y veiller ».
Nous ne laisserons pas Robert Badinter partir en ayant le sentiment que tout recommence. C’est à nous de veiller, de transmettre, et pour cela d’engager la France sur un projet qui fédère. La société française bouge. Elle veut du mouvement. Elle aspire à la justice.
Elle demande des comptes aux puissants.Elle demande des comptes, y compris cette semaine à l’Église catholique. Quelques cas de viols sur mineurs, c’est une honte. Des centaines de milliers de cas, couverts par une hiérarchie soucieuse de sa réputation, cela relève du crime organisé. Aucune autorité n’est incontestable. Le silence n’est plus une option.
Oui, la société bouge.
Elle réclame l’égalité, à commencer par l’égalité entre les femmes et les hommes.
À cette génération #MeToo, je dis que nous voulons en finir avec l’omerta qui a trop longtemps couvert les violences faites aux femmes. Nous ferons tomber les tabous qui pèsent sur la prise en charge de leur santé, sur leur parentalité, sur leur sexualité. Parce que oui, le privé est politique.
Nous voulons augmenter le pouvoir d’achat des Français parce qu’il est temps de leur rendre la part qui leur revient. Mais je le dis aussi, nous commencerons par les Françaises, et dans le prochain quinquennat, l’objectif doit être l’égalité salariale entre les femmes et les hommes.
Ce sont ces femmes dont on a loué les vertus de premières de corvée qui en seront les premières bénéficiaires : caissières, femmes de ménage, aides soignantes, infirmières, aides à domicile. Sans oublier ces sages-femmes qui, hier encore, n’ont eu d’autre choix que de manifester pour être payées dignement pour l’exercice de l’un des plus beaux métiers du monde…
Ouvrons les yeux ! Une société qui dévalorise les métiers de l’attention aux autres et qui, « en même temps », tolère l’évasion fiscale, diminue l’imposition des plus riches quand tous les autres s’appauvrissent, est une société en sursis.
Cette semaine, la presse d’investigation a révélé le nouveau scandale des Pandora Papers. Après les « offshore Leaks, Luxleaks, Panama Papers, Paradise Papers »…
Et qu’apprend-t-on le lendemain ? Bruno Le Maire et les ministres des finances de l’Union européenne trouvent le moyen de réduire la liste noire des paradis fiscaux !
C’est la nausée. C’est ce que j’ai dit dans l’hémicycle et que je redis devant vous.
Chaque année, la France et l’Union européenne voient ainsi s’évader 20 % de leurs recettes au titre de l’impôt sur les sociétés. Ce que ne paient pas ces individus ou ces entreprises, ce sont tous les autres qui le paient ! Il est là le vrai ras- le-bol fiscal des Français !
La frontière entre fraude et optimisation fiscale agressive est bien mince. Toutes ces opérations ne sont pas illégales, mais elles sont immorales parce qu’elles laissent à tous les autres le soin de payer la contribution aux biens communs : hôpitaux, écoles, police, services publics…
Quand à la fraude s’ajoutent les cadeaux fiscaux sur l’ISF, la flat tax ou l’exit tax, pour ne citer que les plus célèbres, il y a de quoi bouillir.
Sur ce quinquennat, 220 milliards de cadeaux aux plus riches et d’aides aux plus grandes entreprises sans contreparties.
Les solutions existent. Nous les avons défendues. Elles ont été jusqu’ici systématiquement repoussées par le gouvernement. Nous les défendrons à nouveau dans cette élection présidentielle parce qu’il n’est pas de cohésion sociale sans justice fiscale.
Nous voulons la transition écologique. Cette transition n’est plus seulement un objectif, elle est devenue un impératif. Elle va supposer de changer nos façons de consommer, de nous déplacer, de nous loger.
Mais la transition écologique suppose aussi la justice sociale ! Sans la justice sociale, la transition n’aura pas lieu. Elle sera contestée sur les ronds-points et dans les rues.
Le prix de l’énergie augmente de façon vertigineuse. Cet hiver, il y a des familles qui vont devoir arbitrer entre se chauffer et manger. D’autres devront emprunter, non plus pour investir, mais simplement faire face à ces dépenses de la vie courante.
Le gouvernement a inventé le blocage des prix après la hausse, le parapluie après la pluie. Il concède un chèque de 100 euros quand l’augmentation représente, pour un couple avec deux enfants, 800 euros par an. Et ce chèque n’est accordé qu’aux foyers cumulant un revenu de moins de 1 800 euros par mois…
Trop peu et trop tard ! Par comparaison, le gouvernement espagnol de Pedro Sanchez a baissé de 50 % la TVA sur le gaz et l’électricité !
Les plus précaires dont le gouvernement se soucie si peu, ce sont encore ceux qui vont payer sa réforme de l’assurance chômage. Et parmi eux, d’abord les plus jeunes qui se verront priver de l’accès à l’indemnisation. Qu’il ne vienne pas ensuite nous dire que « 20 ans reste le plus bel âge de la vie ».
L’entrée dans l’âge adulte ne peut pas ressembler à un parcours du combattant, un bizutage cruel qui oblige à passer par les files des soupes populaires. C’est pourquoi nous portons l’idée d’un « minimum jeunesse ».
Ce débat sur l’assurance chômage n’est que la préfiguration d’un autre : qui va payer la facture du « quoi qu’il en coûte » ? Aujourd’hui, ce sont les chômeurs qui paient l’acompte. Demain, les retraités. Et ensuite tous les autres, les classes moyennes, les classes populaires qui règlent pour tous ceux que le gouvernement épargne.Ils sont là les débats de la présidentielle.
La justice, c’est la seule boussole possible. C’est la nôtre. Je pourrais multiplier les exemples hors de l’actualité immédiate, mais ce n’est pas le jour.
Vous l’avez compris, chers camarades, j’ai simplement hâte d’entrer en campagne. Hâte de rendre les coups. Hâte de démonter avec vous tous les discours déclinistes, défaitistes, fatalistes. Hâte de combattre les discours populistes, complotistes, nationalistes. Hâte de faire face aux néolibéraux, globalisés, qui placent l’État au service du capital, détruisent nos biens communs, refusent le partage équitable de la valeur ajoutée et ne respectent ni les hommes ni la nature.
Oui, j’ai hâte de parler aux côtés de notre candidate, ou candidat, de cette République sociale, écologique, féministe, démocratique à laquelle j’aspire. Hâte de dire avec vous toutes et tous, ce que les socialistes portent.
Tenez-vous prêts.
Le 14, tout commence.
Vive les socialistes, vive la gauche, vive la République et vive la France !