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Guerre

La Turquie célèbre le traité de Lausanne par une prière musulmane à la Hagia Sophia

Le 24 juillet 1923, le Traité de Lausanne scellait le sort de l’Empire ottoman, démantelé et donnant, pour l’Anatolie, la Turquie. Le 24 juillet 2020 le président turc a retransformé en mosquée le musée de la Hagia Sophia, une ancienne basilique devenu mosquée puis musée.

On parle beaucoup du régime « libéral », voir « démocratique » de la Turquie de Mustapha Kemal. Mais rien que son surnom, Atatürk, le « père des Turcs », en dit long sur un régime qui, en réalité, est né sur le sang des Arméniens de Turquie et dans l’oppression des Kurdes, avec en toile de fond une absence de réforme agraire. La Turquie a ainsi été « laïque » mais surtout un pays dominé en toile de fond par l’armée et entièrement vassalisé par les États-Unis qui en a fait une plaque tournante de l’OTAN.

La Gauche a été pourchassée, ses militants torturés, enlevés et tués, emprisonnés, alors que des coups d’État militaire nombreux venaient rétablir « l’ordre » le cas échéant. Le régime de Recep Tayyip Erdogan a ceci de différent qu’il est religieux, mais c’est un simple aléa historique. C’est que pour justifier l’expansionnisme turc, seule la référence à l’empire ottoman est valable.

Rappelons qu’historiquement cet empire a soumis les populations arabes pendant de longs siècles (ainsi que de nombreux peuples européens). Il a été un concurrent des puissances européennes, faisant deux fois le siège de Vienne. Les fameux croissants viennois sont une référence à la victoire sur l’envahisseur musulman, l’empire ottoman étant en effet le « califat », dont l’effondrement en 1918 a donné naissance à l’islamisme.

Et lorsque le Traité de Lausanne a été mis en place en 1923, le sultan l’a accepté, mais pas « Atatürk ». Recep Tayyip Erdogan est ainsi dans le prolongement d’un régime laïc pour qui toutes les langues du monde viennent du turc et autres fadaises ultra-nationalistes.

Recep Tayyip Erdogan va simplement plus loin qu’Atatürk, car la situation est différente. Lorsqu’Atatürk fait en 1934 un musée de la Hagia Sophia à Istanbul, il en avait besoin pour en faire un symbole d’unité nationale. La Hagia Sophia (soit Sainte Sophie ou Sagesse de Dieu) est une basilique du VIe siècle établi par l’Église catholique orthodoxe ; elle avait ensuite été transformée en mosquée à la chute de Constantinople en 1453.

En la « neutralisant », Atatürk appuyait une « modernité » étatique. En en refaisant une mosquée, Recep Tayyip Erdogan prolonge cette modernité jusqu’à l’expansionnisme. Fini de se tourner vers l’intérieur pour écraser les incessantes rébellions de la Gauche ou des nombreuses minorités, dont principalement les Kurdes. Désormais, la Turquie se tourne vers l’extérieur.

C’est pour cela qu’elle a appuyé l’État islamique, c’est pour cela qu’elle a mené une provocation extrêmement grave envers des bateaux de guerre français, alors qu’en même temps elle appuie les provocations azéries contre l’Arménie, où la tension est devenu extrême.

C’est pour cela aussi qu’elle a envoyé un navire de forage sur les côtes de Chypre, une manière de s’approprier un territoire marin, ce qui rend la Grèce folle de rage. D’ailleurs, alors que la Hagia Sophia redevenait une mosquée, toutes les cloches des églises grecques ont sonné. Le chef de l’Église en Grèce, l’ultra-réactionnaire archevêque Iéronymos, a qualifié la transformation « d’acte impie souillant » et a affirmé qu’«  aujourd’hui est un jour de deuil pour toute la chrétienté ».

On notera que le nom du navire de forage est « Fatih ». C’est le nom du quartier d’Istanbul où il y a la Hagia Sophia, car il englobe la partie historique de Constantinople, justement conquis par Mehmet le conquérant (soit en turc Mehmed Fatih).

Comme on le voit on est dans la symbolique à tous les niveaux, une symbolique outrancière, néo-féodale, qui va avec l’augmentation de 16 % cette année du budget de la Défense turque et l’augmentation de 335 % en dix ans de l’autorité des Affaires religieuses.

On va vers la guerre, à grande vitesse, et la Grèce n’attend que cela, car elle est également aux mains des militaires. Il faut se souvenir ici que le gouvernement de Gauche d’Aléxis Tsípras (du parti Syriza), qui a duré de 2015 à 2019, avait comme allié un petit parti nationaliste, symbole de la soumission à l’armée.

De toutes manières, tout le monde partout se prépare à la guerre : le capitalisme à bout de souffle implique des tentatives de sortie de crise par l’expansion. On a ici à l’horizon un affrontement gréco-turc, avec un soutien sans doute direct de la France et de la Russie à la Grèce. La politique de la canonnière est de retour.

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Société

Un exemple de croyance religieuse en le monde

Karl Marx a dit que la religion est l’opium du peuple… oui mais il souligne bien que d’un côté c’est une fuite, de l’autre un appel à donner du contenu dans un monde sans contenu. Voici un exemple catholique orthodoxe, la démarche de cette version du catholicisme assumant ouvertement toute une approche mystique.

L’extrait suivant est tiré d’un document de l’Église orthodoxe d’Estonie au sujet de l’eucharistie. Si pour un anarchiste les propos qui y sont tenus sembleront totalement incohérents, par contre pour qui a la perspective de la Gauche historique, tout apparaîtra comme évident à comprendre.

« ‘‘Dans mon Royaume, dit le Christ dans le canon des matines orthodoxes du Jeudi saint, je serai Dieu et vous serez Dieu avec moi’’ (4e Ode du 3e Tropaire).

Car l’homme est à l’image de Dieu ; il est appelé à une ressemblance qui est une participation réelle à la vie divine. L’homme n’est vraiment homme qu’en Dieu.

L’homme n’est vraiment homme que déifié, puisque « Dieu est devenu homme pour que l’homme devienne Dieu en lui  » (saint Athanase), puisque l’homme est un animal appelé à devenir Dieu.

L’exigence de s’unir à la source de vie qui fait notre être même ne peut être qu’un événement à l’intérieur de l’Esprit, l’avènement de l’Esprit en l’homme est toujours théomorphique : Dieu l’a créé à son image.

Tout vient de Dieu. L’expérience de Dieu vient aussi de Dieu, car Dieu est plus intime à l’homme que lui-même.
Dès lors, chercher Dieu par-dessus tout, c’est amorcer par l’acte de foi un dialogue liturgique générateur d’unité à l’image du Christ, dans lequel ont convergé une fois pour toutes l’expérience de l’homme par Dieu et celle de Dieu par l’homme. Par essence donc, l’homme est un être liturgique.

S’il participe à la vie divine, sa communion se fait à travers une vaste célébration liturgique qui englobe tout le cosmos. Si cette ouverture sur tout ce qui est créé n’existait pas, il n’y aurait pas d’amour possible auquel l’homme prît part concrètement par l’acte liturgique principal, c’est-à-dire la prière, ce centre duquel toute autre action puise sa force et est rendue valide.

C’est à cause de cela que le mystère de la personne humaine devient lieu théologique par excellence, en ce sens que créé à l’image de Dieu, il ne peut se comprendre qu’à la lumière du dogme trinitaire.

Le dogme de la Trinité, cœur de la théologie orthodoxe, devient, de ce fait, la clé de l’anthropologie où l’Ecriture, qui ne perd rien de sa dimension de l’histoire, reçoit un sens eucharistique. C’est parce que le fait divin, c’est-à-dire la Parole, fait irruption dans sa propre existence que l’homme devient « être liturgique ».

Dès lors, l’Evangile ne se limite pas à définir les rapports qui régissent les liens entre le Sauveur et le monde ; il nous fait pénétrer au centre même d’une autre dimension, une relation de divino-humanité qui est aussi relation filiale entre le Père céleste et son Fils unique, l’Esprit Saint étant pour sa part le souffle qui porte les mots et qui ne se laisse saisir et sentir que conjointement avec le Christ.

La divino-humanité s’ouvre au cœur de l’histoire par l’Incarnation du Verbe (…).

C’est pourquoi la théologie orthodoxe sera avant tout une théologie de célébration où l’homme devient le prêtre du monde, le grand célébrant de l’existence. »