La situation fait froid dans le dos.
La psychiatrie a de moins en moins de moyens, dans une société toujours plus marquée par la folie. Comme en plus la source du problème – le capitalisme – n’est pas vu, la situation empire. Dans une société toujours plus cynique, cela produit des brutalités, pour se débarrasser rapidement des problèmes (ou plutôt des gens eux-mêmes), en mode marche ou crève.
C’est contre ces brutalités que s’élève cette tribune parue dans Le Parisien.
Il faudrait ici une Gauche puissante pour faire une véritable enquête, un réel travail de fond, comme dans les années 1970.
Les assises de la santé mentale et de la psychiatrie se tiendront les 27 et 28 septembre sans que certains thèmes majeurs n’y soient abordés.
La honte en psychiatrie, c’est l’inflation des contentions physiques (l’équivalent des camisoles de jadis) et des isolements psychiatriques. Cette honte est celle des professionnels qui attachent et qui enferment, faute de mieux. Cette honte est celle des usagers et de leurs familles qui vivent des situations indignes et traumatisantes. Attacher et isoler redouble et aggrave les isolements psychiques et sociaux des personnes déjà fragilisées par leurs troubles psychiques.
L’inflation des contentions s’est faite progressivement à mesure que les moyens matériels, physiques et humains s’amenuisaient. Le contrôleur général des lieux de privation de liberté le rappelle à longueur de rapports.
Cette inflation a aussi été permise par une dé-formation des professionnels en psychiatrie qui, plutôt que de soulager les grandes angoisses avec des paroles et du lien en plus des traitements chimiques, s’est appuyée sur des procédures standardisées et déshumanisées telles qu’elles sont actuellement valorisées dans les hôpitaux.
En juin 2020, le Conseil constitutionnel a demandé au gouvernement de revoir une première fois le contrôle des prescriptions de contention et d’isolement pour se mettre en conformité avec la loi. Toute contention et isolement nécessitant l’intervention du juge des libertés.
Le ministre de la Santé a fait passer ce texte de loi réformant le contrôle des isolements et contentions dans la loi de financement de la sécurité sociale en 2020…
Ce qui n’a pas grand-chose à voir avec le thème, celui que tout citoyen peut se faire attacher à un lit de force de plus en plus souvent aux urgences, dans les Ehpad et en psychiatrie !
Au printemps 2021, pour la deuxième fois, le Conseil constitutionnel a déclaré inconstitutionnel la loi édictée par le gouvernement six mois plus tôt !
Et pour la deuxième fois, aucun débat national concernant ce qu’attacher et enfermer veut dire dans notre pays. Dans les pratiques, il est évident qu’attacher quelqu’un de force à un lit n’est jamais thérapeutique.
Ce n’est pas et ce ne sera jamais un soin, au mieux c’est une mesure d’empêchement d’une atteinte physique à l’intégrité d’une personne. Enfermer quelqu’un dans une chambre n’est pas non plus un soin en tant que tel, il est ce qui peut permettre que des soins démarrent quand les personnes sont trop mal pour supporter le contact avec elle-même et avec autrui.
L’enfermement peut être une amorce de ce qui permettra les soins, si la relation humaine est l’organisateur des soins. Des associations de familles tel que le fil conducteur psy appellent à une abolition de la contention.
Certain pays comme l’Islande l’ont déjà fait. Sans volonté politique d’envergure et sans une obligation de moyens pour les hôpitaux psychiatriques visant à enrayer ce phénomène délétère, les sangles et les portes continueront de se resserrer et de se fermer sur nos concitoyens. Il est urgent qu’un débat national s’ouvre sur la question.
Les signataires
Dr Mathieu Bellahsen, psychiatre ; Dr Georges Yoram Federmann, psychiatre ; Martine Houlier mère de patiente schizophrène ; Jean-Philippe PERNET, Infirmier ; Laurence Bloch, maman d’une jeune adulte autiste, directrice d’hôtel ; Dr Mathilde Hamonet, interne en psychiatrie ; Yves Gigou, infirmier et auteur ; Malia Klein, psychologue clinicienne ; Clément Vaissié, étudiant en médecine, ancien infirmier en psychiatrie ; Dr Anne Enot, pédopsychiatre ; Dr Patrick Chemla, psychiatre ; Association signataire : le Fil conducteur Psy d’usagers et de soignants ; Dr Valérie Houot, psychiatre ; Dr Jean Paul ; Chardon, psychiatre ; Frédéric Pierru, sociologue ; Dr Elisabeth Lisack, pédopsychiatre ; Dr Tristan Garcia Fons, pédopsychiatre ; Dr Loriane Bellahsen, psychiatre ; Dr Parviz Denis, psychiatre ; Dr Pascale Rosenberg Psychiatre ; Dr Guy Dana, Psychiatre ; Dr Martin Pavelka, pédopsychiatre ; Linda De Zitter, psychologue clinicienne ; Cécile Neffati, psychologue ; Dr Yoann Loisel, psychiatre ; Benjamin Royer, psychologue clinicien ; Dr Anne Enot, pédopsychiatre ; Céline Matthieussent, psychologue clinicienne ; Dr Franck Drogoul, psychiatre ; Dr Hervé Bokobza, psychiatre ; Dr Virginie Cruveiller, pédopsychiatre ; Clélia Gasquet, maîtresse de conférence en géographie de la santé ; Dr Christian Sueur, psychiatre addictologue ; Céline Masson, psychanalyste, professeur des universités ; Dr Martine Garrigou, psychiatre ; Thérèse Petitpierre, psychologue ; Dr Veronique Egal, psychiatre ; Annie Topalov, psychologue clinicienne ; Christian Topalov, sociologue ; Marie Pascale Chevance Bertin, psychanalyste ; Dr Olivier Labergère, psychiatre ; Frédéric Mougeot, sociologue ; Dr Olivier Boitard, psychiatre ; Dr Pierre Zanger, Psychiatre ; Dr Maud Mainfroy, psychiatre ; Dr Pierre Paresys psychiatre ;Dr Catherine Nourry psychiatre retraité ; Dr Jean-Loup Lebreton, psychiatre ; Dr Eliane Calvet, psychiatre ; Marie-Jean Sauret, professeur émérite de psychopathologie clinique ; Dr Jean-Pierre Bouleau, psychiatre ; Dr Jean-Michel Delaroche, psychiatre ; Claire Ballongue, psychologue ; Aurore Gribos, psychologue ; Baptiste Garreau, psychologue clinicien ; André Bitton, retraité, président d’une association d’(ex-)usagers de la psychiatrie ; Dr Marie Allione, psychiatre ; Didier Donstetter, psychologue clinicien psychothérapeute ; Bénédicte Louvet, interne en psychiatrie ; Jenna Madarbaccus, psychologue ; Dr Philippe Gasser, psychiatre ; Michel Bruno, psychologue clinicien ; Pr Pierre Delion, pédopsychiatre, professeur émérite ; Dr Pascal Boissel, psychiatre ; Dr Djamila Mebtouche, psychiatre ; Dr Michele Zann, psychiatre ; Dr Pedro Serra, psychiatre ; Laure Thiérion, psychologue clinicienne ; Marie-Noëlle Godet, psychologue clinicienne; Dr Anne Groussin, psychiatre ; Dr Benoit Blanchard, pédopsychiatre ; Dr Catherine Laval, pédopsychiatre ; Jérôme Costes, infirmier en psychiatrie ; Dr Sandrine Deloche, pédopsychiatre ; Dr Laurent Delhommeau, pédopsychiatre ; Dr Anne Kummer, psychiatre ; Adeline Antier éducatrice spécialisée, cheffe de service éducatif ; Virginie Périlhou, infirmière en psychiatrie ; Patrick Estrade, infirmier en psychiatrie ; Florence Hourquebie, Infirmière ; Dr Paul Machto, psychiatre ; Maximilien Valente, interne de psychiatrie ; Marguerite Compagnat, psychologue ; Dimitri Talbot, cadre de santé ; Dr Michel Montes, psychiatre ; Dr Geneviève Hénault, psychiatre ; Fanny Lung, sociologue directrice de la SOFOR ; Catherine Skiredj Hahn, sociologue ; Dr Chantal Potart, psychiatre ; Dr Alexandra De Seguin, psychiatre ; Olivier Esnault, infirmier de secteur psychiatrique ; Dr Catherine Lemoine, psychiatre ; Amandine Vitra, psychologue clinicienne ; Dr Pascale Moins, psychiatre ; Audrey Valade, psychologue clinicienne ; David Thomas, travailleur social ; Estelle Gioan, psychologue clinicienne ; Dr Julien Prorel, psychiatre ; Peirangelo Di Vittorio, philosophe ; Maïder Leroux, psychologue clinicienne ; Jorhann Bouvier, interne en psychiatrie ; Aurélia Khorkoff, psychomotricienne ; Simon Jaunin, psychologue clinicien ;Dr Eliane Proca, psychiatre ; Fred Racine, documentaliste ; Dr Jocelyne Lengronne, psychiatre ; Valérie Waill-Blévis, psychanalyste ;Christine Lartigue, psychologue ;Mathilde Stentelaire, éducatrice spécialisée ; Valérie Joye, psychologue ;Dr Danielle viterbo, psychiatre ; Humberto Estevez Duran, psychologue ; Danièle Silva, psychologue clinicienne ; Dr Delphine Glachant, psychiatre ; Emmanuelle Forner, psychanalyste ; Caroline Bernard, psychologue clinicienne ; Dr Philippe Bichon, psychiatre ; Dr Charles-Olivier Pons, pédopsychiatre ; Dr Christophe du Fontbaré, psychiatre ; Elsa Benetos, interne en psychiatrie ; Edwige Landault, psychologue clinicienne ; Charlotte Barcet, psychologue ; Dr Géraldine Delcambre, psychiatre ; Patrice Marteil, psychologue clinicien ; Flore Verga, psychologue ; Myriam Naval, cadre bancaire ; Dr Emmanuel Venet, psychiatre ; Dr Pierre Jarlan, pédopsychiatre ; Liliana Gonzalez, psychologue clinicienne ; Dr Fatma Farah, psychiatre ; Céline Lefebvre-Israël, psychologue clinicienne ; Dr Paola Velasquez, pédopsychiatre ; Dr Irène Kaganski, psychiatre ; Dr Pascale Beau, psychiatre ; Élise Gauthier, psychologue clinicienne ; Charlotte Clermont , psychologue ; Da’ad de Gunzbourg, psychanalyste ; Dr Nawal Souissi, psychiatre ; Amaury Marecaux, psychologue ; Anne Bourgain, psychologue ; Sabine Hamza, psychomotricienne ; Stéphane de Crépy, psychologue clinicien ; Dr Jean-Christophe Maccotta, pédopsychiatre ; Rosangela, Ribeiro dos Santos, psychologue clinicienne ; Dr Nadia Baba, psychiatre ; Dr Maud Mainfroy, psychiatre ; Monique Zerbib, psychologue clinicienne ; Dr Yves Kaufmant, psychiatre ; Dr Anne Marie Kaufmant, psychiatre ; Brigitte Bonnel, psychologue clinicienne ; Dr Sophie Slovak, pédopsychiatre ; Dr Dominique Bertin, pédopsychiatre ; Dr Morgane Derijard-Kummer, pédopsychiatre ; Dr Fethi Brétel, psychiatre ; Dr Bruno Tournaire Bacchini, psychiatre ; Dr Jean-Pierre Martin, psychiatre ; Dr Laurine Mechali Ringenbach, psychiatre ; Dr Véronique Spahr, pédopsychiatre ; Pr Alain Vanier, psychiatre, professeur émérite des universités ; Dr Jean-Christophe Maccotta, pédopsychiatre ; Dr Roger Ferreri, psychiatre ; Dr Nathalie Lambert, pédopsychiatre ; Dr Stéphane Daure, psychiatre ; Dr Audrey Vanel, psychiatre ; Nelly Derabours, infirmière de secteur psychiatrique ; Jean-Claude Chaise, psychologue et Christine Chaise, enseignante retraitée, parents de malade psychique ; Audrey Le Quilliec, infirmière ; Michel Bruno, psychologue clinicien ; Christina Vincent, psychologue clinicienne ; Maxime Martin, psychologue clinicien ; Anne Élodie Bronisz, psychologue ; Mazet Nadine, psychologue ; Marion Minari, psychologue clinicienne ; Anaïs Ravaud, psychologue clinicienne ; Florent Gabarron-Garcia, psychologue ; Dorine Bertrand, psychologue clinicienne ; Alain Gutton, praticien en hypnose ; Charlotte Clermont , psychologue ; Anne Bourgain, psychanalyste ; Amandine Bachelery, psychopedagogue ; Elizabeth Serin, psychologue clinicienne ; Françoise Sellier, psychologue ; Cécile Pinaire, psychologue clinicienne ; Rhadija Lamrani Tissot, psychanalyste ; Sylvain Bourg, éducateur spécialisé ; Françoise Attiba, psychologue ; Olivier Brisson, psychomotricien.