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«Convention de la Droite»: l’affirmation d’un néogaullisme conquérant avec Marion Maréchal comme figure de proue

Une partie de la Droite française se reconstitue autour d’un néogaullisme conquérant et farouchement opposé à la Gauche, en visant l’hégémonie dans son propre camp. C’est précisément dans ce cadre que s’inscrira la « Convention de la Droite », prévue le 28 septembre à Paris en présence de Marion Maréchal et d’Eric Zemmour, ainsi que d’un certain nombre de personnalités importantes de la Droite conservatrice et de l’extrême-Droite.

C’est le magazine L’incorrect qui organise cette convention avec les associations « Racines d’Avenir » (un mouvement issu des Républicains et destiné à la jeunesse) et « Cercle Audace » (un réseau issu du Front national et tourné vers l’union « des Droites »).

Doivent y participer tout autant des personnalités de LR comme Xavier Breton, député de l’Ain, que des personnalités du Rassemblement national comme Gilbert Collard, Robert et Emmanuel Ménard, ainsi que bien sûr que le prétendu électron libre Marion Maréchal. On y trouvera même un dirigeant de l’UDI / Nouveau Centre, Fabrice Haccoun, ainsi qu’un certain nombre de personnes liées au quotidien traditionnel de la Droite, Le Figaro.

Il y a depuis ces dernières années un grand bouillonnement au sein de la Droite française, qui voit converger avec la Droite traditionnelle des nationalistes liés d’une manière ou d’une autre à l’ancien FN et au mouvement identitaire. Cette « Convention de la Droite » doit être une étape importante dans la constitution de ce nouveau front néogaulliste, dont Marion Maréchal et son entourage immédiat apparaissent de plus en plus comme la force centrifuge.

Qui sont les organisateurs ?

Les trois organisateurs, Erik Tegnér, François de Voyer et Jacques de Guillebon, sont tous très proches de l’ancienne députée du Vaucluse et ont comme objectif commun le rassemblement de la Droite dans une perspective nationaliste.

Erik Tegnér, membre de LR, se présente comme « démineur d’une alliance populistes & conservateurs ». Il avait organisé l’année dernière lors de sa campagne pour la direction des Jeunes Républicains une réunion avec des figures très diverses allant de Romain Espino de Génération Identitaire à Nicolas Dupond-Aignan de Debout la France, en passant par le néogaulliste Paul-Marie Coûteaux, ancien proche et conseiller de Marine Le Pen, dont on disait qu’il serait le ministre de la Culture.

C’est la même rengaine pour François de Voyer, dirigeant du cercle Audace, qui a été candidat du RN aux dernières législatives et qui reçoit des figures aussi diverses que le très conservateur Jean-Frédéric Poisson ou le néogaulliste Henri Guaino, ancien conseiller spécial de Nicolas Sarkozy. François de Voyer avait accompagné Marion Maréchal aux États-Unis lors de son discours devant les conservateurs américains.

Jacques de Guillebon, un catholique traditionaliste, est lui aussi un fervent partisan d’une union allant de LR aux identitaires. Il est le président du conseil scientifique de l’ISSEP, l’École de Marion Maréchal, ainsi que le directeur de L’incorrect. Cette revue avait organisé l’an dernier un débat contre « mai 68 », dont la convention de cette fin septembre sera une sorte de prolongement.

> Lire également : Marion Maréchal contre « mai 68 »

Une grande ambition est ouvertement affichée puisqu’il est ni plus ni moins question de « victoire face à Emmanuel Macron en 2022 ». Alors que la Droite traditionnelle est éparpillée, sans chef de file, travaillée au corps par le centrisme et le libéralisme, les tenants d’une Droite conservatrice et farouchement antilibérale entendent s’affirmer et disposer de l’hégémonie en rassemblant jusqu’à l’extrême-Droite.

« L’alternative au progressisme »

Eric Zemmour, qui inaugurera les débats, est ici une figure de choix puisqu’il représente cette Droite que l’on dit décomplexée, assumant de s’en prendre ouvertement à la Gauche et de prôner un discours réactionnaire. « L’alternative au progressisme » sera d’ailleurs le thème principal de cette convention, au sens où bien entendu il s’agit de briser la Gauche en l’assimilant au « progressisme » d’Emmanuel Macron.

Il s’agit de réduire la Gauche à la prétendue Gauche devenue post-moderne, post-national, entièrement libérale culturellement, etc.

« L’heure est au réveil et à la reconquête » dit ainsi le texte de présentation qui parle directement de « stratégie conquérante ». Il s’agit pour ces gens de prendre le pouvoir, selon la considération que Marine Le Pen a échoué dans sa tentative, que la Droite traditionnelle est trop perméable au libéralisme et que rien ne vaut un grand élan nationaliste, pétri d’anticapitalisme version catholico-romantique, mais en même temps libéral économiquement, pour réussir.

La critique du libéralisme dans les mœurs, dans le prolongement des grandes mobilisations national-catholiques contre le mariage homosexuel (et aujourd’hui contre la PMA et la GPA) est le dénominateur commun de toute cette Droite, qui voit bien qu’elle a un boulevard de par la faiblesse extrême de la Gauche historique (celle qui n’est pas passée sur le terrain de ce libéralisme ultra-individualiste pour qui chacun doit consommer comme il veut). Il s’agit pour eux de s’appuyer sur ces questions pour mobiliser la société française afin de servir un néogaullisme dans le cadre de la tendance à un repartage du monde, jusqu’à la guerre.

C’est la version française des populismes mondiaux, en concurrence avec les autres options françaises du populisme que représentent principalement Marine Le Pen avec le Rassemblement national et Jean-Luc Mélenchon avec la France insoumise. C’est très proche de la stratégie du FPÖ autrichien, qui a pareillement les identitaires comme sas idéologique de formation et d’incubation des idées de « révolte » par la Droite.

Un populisme « gilets jaunes »

La question des gilets jaunes est donc ici très importante, afin de se présenter comme populaire, en fait populiste. La vidéo de présentation à la manière hollywoodienne de cette « Convention de la Droite » fait très fort dans ce « lyrisme » gilet jaune anti-Macron, affirmant que « le Peuple gronde » et que « la France se réveille ».

Marion Maréchal avait fait de même dans sa tribune publiée suite à l’annulation de son invitation à la réunion de rentrée du Medef, elle qui a soutenu les gilets jaunes depuis le début et jusqu’au bout. Elle y évoquait « le chef d’entreprise, l’artisan, le commerçant, les ménages usent leurs forces à financer le puits sans fond d’un chômage structurel, d’une immigration délirante et extrêmement coûteuse qui vient profiter des largesses de notre système social, ou de privilèges bien installés dont l’existence ne se justifie plus ».

Sa perspective est clairement un néogaullisme agressif ; elle cite d’ailleurs ouvertement De Gaulle dans sa tribune, ce qui est relativement nouveau de sa part :

« [De Gaulle] ne se soumettait pas à je ne sais quel diktat capitaliste, il n’était pas non plus obsédé par une vision comptable du remboursement de la dette : il agissait en patriote soucieux de l’indépendance française. »

Le ton est ouvertement nationaliste et va-t-en-guerre, pavant la voie à la militarisation totale :

« Notre pays ne peut malheureusement pas se contenter de vivre sur ses acquis en regardant désabusé la disparition progressive de la classe moyenne et la relégation croissante des classes populaires.

L’avenir appartient aux nations indépendantes qui déploient une véritable stratégie industrielle, qui refusent la colonisation économique de puissances étrangères dans des secteurs stratégiques comme l’industrie de défense ou l’agriculture, qui défendent leur souveraineté notamment numérique, qui favorisent les produits fabriqués sur leur territoire, qui protègent leurs ressources par une écologie concrète et non idéologue, qui orientent l’investissement vers l’innovation et l’éducation. »

Une convention très importante

La « Convention de la Droite » servira à discuter de cette orientation néogaulliste, afin de déterminer stratégiquement le chemin de la marche au pouvoir, qui passe inévitablement par l’union des forces de la Droite.

Il y a donc un moment très important dans l’actualité politique de notre pays, avec des forces réactionnaires synthétisant au moins deux décennies de divergences et de propositions issues de différents courants. L’heure est pour eux maintenant à l’unité, pour la conquête du pouvoir.

La Gauche doit considérer cela avec le plus grand sérieux et la plus grande attention, puisqu’il s’agit de la principale menace politique à moyen et long terme. Elle doit s’organiser dans cette perspective et mobiliser les classes populaires contre ce nationalisme et la tendance à la guerre dont il profite et à laquelle il participe de plein pied.

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France : l’extrême-droite en tête des Européennes de 2019

Pour la seconde fois, l’extrême-droite est en France en tête des Européennes. Et le tête de liste, Jordan Bardella, a 23 ans ! Avec Marion Maréchal, il appartient à un mouvement de fond, celui de la constitution de cadres dirigeants. C’est la marche vers le pouvoir qui s’orchestre. L’avenir va amener des situations politiques d’une tension extraordinaire.

Après le débat du second tour des présidentielles, Marine Le Pen avait été enterrée par les médias et les commentateurs superficiels de la politique. Elle aurait été trop agressive, trop incapable de nuance, trop décalée. Quelle naïveté ! C’était un ballon d’essai pour voir jusqu’où il était possible d’aller. Elle a compris que les Français ne voulaient pas sortir de l’Union Européenne, mais elle a su en même temps se positionner pour le long terme comme la critique la plus radicale de sa forme actuelle.

D’où le résultat à ces Européennes de 2019, avec pratiquement un quart des électeurs. C’est un chiffre énorme. Énorme parce qu’il est stable, porté politiquement par un courant politique organisé et structuré, qu’il fédère encore et toujours des secteurs populaires entiers. Dans le Pas-de-Calais, si populaire, c’est 38 % des voix, soit le double de la liste suivante, celle de la liste de soutien à Emmanuel Macron, battue d’ailleurs au niveau national. Et cela aussi c’est significatif.

Le Rassemblement National se profile de plus en plus comme le principal mouvement d’opposition, le seul capable de fédérer, de par son poids, une alternative politique. La Droite va céder toujours davantage à son appel, à ses pressions. Bloquée par le Centre, elle va chercher des alliances à l’extrême-droite, tel un besoin vital, ne serait-ce que sur le plan électoral.

Et parlons de l’effet gilets jaunes. On se demandait à qui allait profiter leur mouvement. Eh bien voilà, on le sait désormais. Car on se doute bien que les gens pro-gilets jaunes n’ont pas voté EELV. Ils se sont abstenus ou bien basculent dans la dénonciation d’extrême-droite. Tous ceux qui ont prétendu le contraire doivent se remettre profondément en question. Ils n’ont servi qu’à encore plus déboussoler, désorienter, contribuer à ce que les thèses nationalistes s’installent.

Et appelons quand même ici que LFI, l’ultra-gauche et encore bien d’autres nous promettaient une grande révolte sociale à l’échelle du pays, un bouleversement sans précédent ! Ces gens-là ont été une catastrophe pour la Gauche.

Alors que faire ? La réponse est simple : repartir à la conquête des masses neutralisées par l’extrême-droite. C’est un travail gigantesque. Car, déjà il faut être capable de proposer des choses de gauche aux gens. C’est loin d’être simple. Il faut retrouver les valeurs de la Gauche. Il faut être en mesure de les diffuser. C’est un double travail énorme.

Mais, en plus, il va falloir réussir à briser la démagogie sociale et nationaliste de l’extrême-droite. Et là franchement, cela rajoute un obstacle immense. Comment va-t-on réussir à démolir ce qui est désormais une tradition dans une large partie de la population ? Et une tradition grandissante, s’amplifiant partout, qui plus est ? La Gauche va ici devoir disposer d’un très haut niveau intellectuel, culturel, moral !

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De la FI au RN, Andréa Kotarac : l’inévitable convergence des populismes

De la France insoumise au Rassemblement national, il n’y a qu’un pas et on n’est pas étonné que celui-ci soit franchi par Andréa Kotarac. Le conseiller régional Auvergne-Rhône-Alpes a appelé hier soir à voter pour la liste conduite par Jordan Bardella pour les Européennes, alors qu’il a été membre de l’équipe de campagne de Jean-Luc Mélenchon en 2017 et qu’il était jusqu’à hier membre de la France insoumise.


Cela n’est pas une surprise, tellement l’orientation d’Andréa Kotarac était nationaliste. Celui-ci n’a pourtant pas été exclu de la France insoumise le mois dernier après sa petite escapade avec des fachos en Crimée, largement médiatisée. On imagine que le mouvement de Jean-Luc Mélenchon, malgré quelques divergences internes, voulait garder pour lui celui qui incarnait la ligne « pro-Russe », ouverte à la Russie, à une alliance entre la puissance française et la puissance russe, contre les États-Unis.

Ce « choix » de la Russie est partagé tant par Marine Le Pen que par Jean-Luc Mélenchon. On relèvera d’ailleurs qu’en fin de soirée hier, alors que le compte Twitter de Jean-Luc Mélenchon n’avait pas encore réagi à l’annonce d’Andréa Kotarac, il y était question de la Russie justement, avec une citation du meeting en cours à Besançon :

« Beaucoup de ceux qui sont dans cette salle ont voulu faire l’Europe pour la paix. Et aujourd’hui, on nous entraîne dans la guerre avec la Russie. Nous, nous parlons une langue universelle : plus d’écoles pour nos enfants, donc plus de professeurs ! »

Andréa Kotarac semble donc avoir fait le choix de l’orignal à la copie, en rejoignant le parti de Marine Le Pen . Il a présenté son ralliement, en direct à la télévision, par la volonté de faire « barrage » à Emmanuel Macron :

« J’appelle à voter pour la seule liste souverainiste, qui met en avant l’indépendance de la France, et qui est la mieux à même de faire barrage à Emmanuel Macron, de faire barrage à ce rouleau compresseur anti-social qu’est Emmanuel Macron : cette liste c’est celle de monsieur Bardella ».

Son propos nationaliste était accompagné de cette immonde verbiage populiste, anti-politique, faisant de la haine personnelle un argument :

« Ma mission personnelle c’est de faire en sorte que librement, en tant qu’homme libre, je fasse baisser le plus bas possible le score de LREM, mais vraiment le plus bas possible, c’est-à-dire au niveau du charisme de Nathalie Loiseau. »

Ce genre de propos à la « gilets jaunes », cette puanteur de l’esprit, est typique de l’extrême-droite et a en effet toute sa place au Rassemblement national de Marine Le Pen.

Le soutien d’Andréa Kotarac à la liste conduite par Jordan Bardella a d’ailleurs été préparé en amont pour que la convergence soit totale. En même temps que l’annonce à la télévision, il y en a eu une autre, en ligne, d’un entretien dans la revue Éléments à paraître en kiosques vendredi.

Cette revue représente une sorte d’avant-garde intellectuelle du fascisme en France. Son but a été durant ces dernières années de promouvoir et de définir un altermondialisme de droite, qui a été assumé tout autant par Marine Le Pen, de manière institutionnelle, que par les franges les plus radicales de l’extrême-droite, de manière plus virulente et culturelle.

Les quelques extraits trouvables en ligne sont sans ambiguïtés, montrant un positionnement farouchement contre la Gauche et l’esprit de la Gauche.

Personne n’imaginera qu’Andréa Kotarac se soit métamorphosé du jour au lendemain : ses considérations anti-Gauche ont largement cours à la France insoumise.

Cela commence d’ailleurs à faire beaucoup, après l’hostilité anti-allemande de Jean-Luc Mélenchon, le populisme assumé de François Ruffin, le rejet ouvert de la Gauche par Alexis Corbière – et son entretien à Valeurs actuelles, ou encore le départ de Djordje Kuzmanovic pour lancer un nouveau mouvement nationaliste.

De la France insoumise au Rassemblement national, les populismes convergent, car ils disent la même chose, ont le même style et surtout, la même finalité : rejeter la Gauche, la contourner, l’éliminer.

À la Gauche d’être à la hauteur, pour faire barrage donc, non pas simplement à Emmanuel Macron, mais à toute cette ambiance nauséabonde dans le pays, issue de la Droite. Il faut un Front populaire, une large unité de la Gauche sur les bases de son héritage historique, en assumant le Socialisme contre le fascisme.

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Marine Le Pen utilise l’écologie pour son nationalisme

Afin de satisfaire au besoin d’argumentation justifiant le nationalisme, Marine Le Pen développe désormais le thème du protectionnisme comme seul vecteur réel de l’écologie. Seule la nation saurait se confronter à « la logique marchande des mondialistes ».

La Gauche assumera-t-elle la reconnaissance de la nature ? Sera-t-elle en mesure de prendre en compte de manière authentique, complète, la question animale ? Il y a là deux défis, et si c’est l’échec, alors l’extrême-droite profitera d’un élan sans pareil, tout comme en Allemagne dans les années 1930.

Marine Le Pen est, en effet, malheureusement, parvenue à une synthèse tout à fait moderne de l’option fasciste sur le plan des idées. Elle n’a évidemment pas fait cela toute seule, mais cela doit être justement d’autant plus une source d’inquiétude.

Cette synthèse vient d’être formulée lors d’une réunion publique à Mormant, en Seine-et-Marne. Elle n’y a pas parlé que des Européennes, mais également des municipales, régionales et départementales ; elle considère que c’est une seule vaste séquence. Joviale, elle a souligné que le Rassemblement National se présentait comme la seule alternative à Emmanuel Macron.

Cependant, là n’est donc nullement l’essentiel : il y a désormais la nouvelle idéologie du Rassemblement National, le grand argumentaire pour aller jusqu’à la victoire. En voici les principaux éléments.

Il y aurait un lien entre la protection de l’environnement et le nationalisme : préserver son pays, dans un cadre « immémorial », c’est maintenir l’équilibre nécessaire à la nature.

Elle parle de « la logique marchande des mondialistes », d’ « orgie marchande », de « l’abondance factice qui anéantit la planète ». Elle dit qu’il faut en finir avec cette « société qui congédie les valeurs naturelles et détourne les individus-rois du sens de l’intérêt collectif ». En tant que « parti localiste », le Rassemblement National serait seul capable de protéger l’environnement.

C’est là l’affirmation d’un argument « biologique » pour justifier le nationalisme, qui serait le seul garant d’une protection face à la « société de « l’hyperconsommation » qui s’étend au niveau planétaire. Elle a lourdement insisté justement sur ce concept d’hyperconsommation, le consommateur étant un « hamster » devenu la proie des « multinationales ». « Le système a réinventé Descartes : je consomme donc je suis », dit-elle.

Cela veut dire que Marine Le Pen assume un discours anticapitaliste romantique très développé, digne des années 1930. On a passé un cap : à l’extrême-droite de Jean-Marie Le Pen, « facho réac » et provocateur, succède une ligne fasciste relevant entièrement de la tradition française, celle du « retour à la terre ».

C’est là le produit implacable du débat du second tour des présidentielles. On s’est beaucoup moqué, avec erreur, de la position « caricaturale » de Marine Le Pen. Car, dans les faits, elle a fait un rentre-dedans ouvert sur le plan des idées ; elle a fait une véritable proposition stratégique de rupture complète.

La France l’a alors refusée, espérant en la modernisation d’Emmanuel Macron. Mais la proposition ressort d’autant plus fortement maintenant qu’Emmanuel Macron a ouvertement échoué. Loin d’être carbonisée politiquement, Marine Le Pen est toujours présente et se profile toujours plus au centre de la vie politique.

Il y a toutefois pire encore. Marine Le Pen a longuement parlé de la souffrance animale, les animaux étant victimes des multinationales en quête de profit, mais aussi de l’abattage halal. Elle tape là sur un thème où la Gauche a gravement failli ; ici aussi, elle a un boulevard. Soit la Gauche se met à niveau, soit elle se fera broyée.

Évidemment, c’est de la démagogie. Marine Le Pen considère qu’il faut rejeter les « khmers verts », qu’il faut refuser toute taxe liée à l’écologie, affirmant que la France fait partie des pays les plus vertueux, etc. Les éoliennes seraient une escroquerie écologique, les panneaux solaires des produits chinois à refuser, le nucléaire quelque chose de très bien, etc.

Mais vu le niveau de conscience du peuple, toute cette démagogie peut porter, et on sait même déjà : elle va porter. Il appartient à la Gauche de se mettre à niveau et d’assumer l’Utopie nécessaire pour convaincre le peuple de partir dans la direction du grand changement nécessaire. Sans le Socialisme comme drapeau et objectif, ce sera la peste prune qui l’emportera !

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Marine Le Pen déroule son populisme dans l’Émission politique

Marine Le Pen était à l’honneur hier soir de l’Émission politique sur France 2. Elle a pu y dérouler son populisme nationaliste, s’installant de plus en plus comme figure de l’opposition en France, dans une sorte de grand face-à-face avec Emmanuel Macron entretenu par Emmanuel Macron lui-même.

Beaucoup de constats exprimés de manière vindicative, peu de contenus concrets assumés sérieusement. Voilà comment on pourrait résumer la prestation de Marine Le Pen hier sur le plateau de France 2 dans une émission de deux heures trente qui lui était entièrement consacrée.

Cela est bien sûr le propre du populisme, où ce qui compte n’est pas le fond mais la forme, pour apparaître comme voulant changer les choses sans n’avoir jamais besoin d’expliquer comment on change les choses.

L’écologie ? Il faut changer ce « système mondialiste », mais il ne faut surtout pas accabler la France qui serait un des pays les plus « vertueux » du monde en la matière, avec des « résultats exceptionnels en termes d’émission de CO2 ». Le problème viendrait en fait surtout de l’étranger, des autres pays.

La redistribution des richesses ? D’accord, mais elle n’est pas « en guerre contre les riches », plutôt « en guerre pour les Français les plus modestes ». C’est la même chose sur les frontières où chacun peu comprendre ce qu’il veut puisqu’elle dit vouloir les renforcer tout en prônant un « pragmatisme », pour laisser entrer « ce qui est positif ».

On a eu la même chose à propos de la Police, où elle explique que le Gouvernement pratiquerait une grande répression contre le mouvement des gilets jaunes, mais que par contre il faudrait respecter l’ordre et l’uniforme.

C’est pratique, c’est d’ailleurs tout à fait conforme aux gilets jaunes, qui « râlent » mais ne veulent surtout pas avoir à assumer de choix politiques, de grands changements. Il faut bien voir ici comment le mouvement des gilets jaunes facilite grandement la tâche du Rassemblement national sur le plan politique. Un exemple très concret de cela a été au début de l’émission quand elle a rétorqué à une proposition de taxe par le gouvernement que les gilets jaunes étaient à la base un mouvement d’opposition aux impôts et aux taxes, qu’il ne fallait donc pas le faire.

En répondant ainsi, elle peu satisfaire tant une base populaire apolitique aux revenus modestes, que l’électorat traditionnel de la Droite, souvent plus bourgeois, qui afflue de plus en plus vers elle. L’ouverture à la Droite était d’ailleurs très flagrante pendant l’émission, en appuyant sur les questions sécuritaires, en assumant totalement l’origine identitaire (c’est-à-dire d’extrême-droite) du Directeur de la campagne européenne Philippe Vardon, en expliquant que les gilets jaunes avaient été « expulsés des rond-points par l’extrême-gauche », etc.

Cependant, en deux heures et trente minutes d’émission, alors que se profilent les élections européennes, Marine Le Pen n’a jamais véritablement expliqué des projets ou mesures concrets, présenté un programme par rapport à la question européenne.

On ne sait toujours pas depuis le débat au second tour de l’élection présidentielle, si elle veut ou non sortir de l’euro, sortir de l’Union européenne, sortir de tel ou tel traité, en signer de nouveaux, etc.

Il faut dire qu’elle a été bien aidée par des intervenants tous plus caricaturaux les uns que les autres, qu’elle pouvait souvent laisser parler de longs moments sans intervenir, tellement cela servait son propos par miroir inversé.

Que cela soit Jacques Attali, d’une mauvaise foi ahurissante sur son libéralisme, le youtubeur « Hugo Décrypte », qui fait Science po et dit exactement la même chose que les journalistes classiques, la Maire PCF d’Aubervilliers, qui s’écoutait parler de manière hystérique, l’ancien Président du conseil italien, un avatar de Macron avec l’accent exotique en direct depuis Londres. La palme revient bien sûr à la ministre des Affaires européennes dans son style « premier de la classe », qui de manière grand-guignolesque a conclu l’émission en prétendant qu’elle avait eu un déclic pendant son échange avec Marine Le Pen et qu’elle souhaitait maintenant être tête de liste pour le parti présidentiel aux élections européennes !

Très bien. Elle aura fait son petit numéro après avoir été « incollable » sur ses dossiers. Sauf qu’elle n’a jamais obligé la présidente du Rassemblement National à parler politique sur le fond, à exprimer ses points de vue en profondeur. Cela est en fait très utile à Emmanuel Macron, qui de son côté s’imagine pouvoir simplement lui opposer les gens qui sont « raisonnables » et transi par le populisme.

Cela est un jeu très dangereux, cela revient à ouvertement jouer avec le feu, et l’Histoire au XXe siècle fût malheureusement d’un grand enseignement à ce sujet. Il y a péril en la demeure, littéralement. La Gauche a le devoir de comprendre ce danger, de saisir l’urgence qu’il y a à s’organiser contre ce face-à-face périlleux entre libéraux européens et populistes nationalistes. Il faut tout faire pour l’unité de la Gauche contre l’éparpillement qui mène tout droit à la catastrophe.

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Le « Rassemblement National » de Marine Le Pen

Ce week-end avait lieu à Lille le congrès de « refondation » du Front National, après l’échec de Marine Le Pen au second tour de l’élection présidentielle de 2017. Ce congrès visait à renouveler une ligne stratégique pour les années à venir, notamment en vue des élections européennes de 2019 mais aussi et surtout en vue des élections présidentielles de 2022.

Seulement 500 personnes environ se sont déplacées afin de protester, signe de la banalisation de l’extrême-droite, mais également de l’effondrement de la gauche dans une ville censée en être un bastion. Il ne reste plus que la sincérité, ce qui est déjà pas mal.

Malheureusement, l’extrême-droite sait organiser ses mutations nécessaires. Le renouvellement du Front National passe essentiellement par un changement du nom du parti et la proposition de changement est désormais là avec « Rassemblement national ».

Au-delà du fait que ce nom ait des accointances avec l’ancien mouvement collaborationniste de Marcel Déat, le « Rassemblement National Populaire » actif de 1941 à 1944, ce nom comporte un axe stratégique important.

Marine Le Pen a toujours eu comme stratégie, depuis 2011 et la reprise du FN, la conquête du pouvoir. Avec la déroute du second tour de 2017, il est clair que les critiques internes ont été très fortes, débouchant d’ailleurs sur la sortie de l’aile de « gauche » représentée par Florian Philippot en septembre 2017, aboutissant à la formation des « Patriotes ».

Plus que l’aile« gauche », c’est surtout un réservoir de cadres capables de diriger l’État qui sont partis du parti d’extrême droite. Marine Le Pen s’est alors trouvée coincée : ou bien maintenir la ligne « social-nationaliste » tout en trouvant une solution au déficit de cadres de son parti, ou bien revenir à la ligne du « canal historique », avec Bruno Gollnish en arrière-plan.

La présence du théoricien ultra-conservateur Steve Bannon lors du congrès montre la solution choisie. Cet ancien conseiller de Donald Trump est l’idéologue d’une droite se voulant décomplexée et capable de poser une alternative culturelle.

C’est cela qu’on retrouve à travers le changement de nom. Il a été compris que, comme en Autriche ou récemment en Italie, seule une grande alliance avec les forces de droite conservatrice est à même de porter l’extrême droite, ou une partie, au pouvoir.

Nicolas Dupont-Aignan de « Debout la France » ne s’y est d’ailleurs pas trompé puisqu’il a proposé à Laurent Wauqiez (Les Républicains) et à Marine Le Pen un « programme commun », justifiant le fait que sans union aucune force de droite ne « gagnerait seule ». Thierry Mariani, député Les Républicains et ancien proche de Nicolas Sarkozy, s’est lui aussi montré favorable à une telle union.

Des secteurs de la droite « nationale » l’ont compris : seule une grande alliance nationale-conservatrice peut mener à la conquête du pouvoir. Alors qu’une grande partie du centre a été absorbé par La République en Marche d’Emmanuel macron, l’opposition est actuellement portée par le populisme de gauche de la France Insoumise de Jean-Luc Mélenchon.

La droite et l’extrême droite, en pleine recomposition, se cherche un cap. Mais le problème essentiel de cette fondation d’une grande alliance nationale-conservatrice c’est le poids des appareil politiques et le manque de cadre du côté du FN (qui a l’ascendant sur le reste des forces). De plus, la pression exercée à la fois par « Les Patriotes » par en haut et « Bastion Social » par en bas compliquent la situation.

Laurent Wauquiez, président des Républicains, bloque une telle alliance en voulant retenter la stratégique de Nicolas Sarkozy de « pomper » les bases du FN. Mais Marine Le Pen, a au fond le même espoir inverse : pomper les bases de droite radicalisée, et déçues par l’affairisme des Républicains. Les têtes d’appareil bloquent toute alliance permettant à la droite conservatrice d’avoir sa majorité électorale, et au FN d’avoir un réservoir de cadres.

Là où tout va peut se jouer c’est dans la constitution ou non d’un mouvement d’opposition à la modernisation de la loi de bioéthique en pleine année de commémoration des 50 ans de Mai 68.

 

Victoire de Gubernatis, la présidente de la « Marche pour la Vie », qui a rassemblé 10 000 personnes en janvier 2018 contre le droit à l’avortement et contre la PMA, a d’ailleurs déclaré dans le média identitaire « Boulevard Voltaire » que « la PMA sera au cœur de la vie politique en 2018 » (sous-entendu en lien avec la révision de la loi de bioéthique).

« Rennaissance Catholique », est un des groupes catholiques conservateurs, participants à cette « marche pour la vie », oriente d’ailleurs son université d’été de juillet 2018 sur le thème « 1968-2018, une révolution silencieuse ». Des questions abordées comme « la religion du multiculturalisme », « les droits de l’Homme contre les Nations », « la dictature des juges », etc., laissent clairement apparaître la proximité avec l’extrême droite dans sa tradition contre-révolutionnaire anti-lumières et anti-progrès.

On le comprend aisément : seule une mobilisation nationale-conservatrice peut débloquer le verrouillage des appareils incapables d’une alliance. C’est dans le creuset d’un tel mouvement, dans la pression et l’unification des bases populaires à la fois celles conservatrices et réactionnaires, qu’une grande alliance « de sommet » peut se former.

Ce serait une forme de « Front Populaire » de droite, comme pied de nez terrible à l’apathique des forces de gauche, incapable de faire front commun tout en critiquant les aspects « libéral-libertaire » de mai 68.

Marine Le Pen a très bien saisi l’importance de ce futur moment en axant justement toute une partie de son discours sur une critique de l’esprit « libérale-libertaire » de Mai 68, débouchant sur la « marchandisation du vivant » (sous-entendu explicite à la PMA, GPA). Elle a également ciblé le transhumanisme.

C’est là la base d’une dénonciation culturelle du capitalisme au moyen du conservatisme. Le Rassemblement National se positionne de manière à anticiper les futures alliances électorales, mais aussi un possible futur grand mouvement d’opposition conservatrice anti-gouvernement. C’est là un danger réel qui se profile à moyen terme.