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Nouveaux EPR: le communiqué du Réseau Sortir du nucléaire

Emmanuel Macron a annoncé vouloir relancer massivement l’énergie nucléaire en France.

Le communiqué du Réseau sortir du nucléaire :

« 14 nouveaux EPR ? L’irresponsabilité en marche ! Un projet antidémocratique, hors de prix, et un leurre dans la lutte contre le changement climatique

Communiqué du 10 février 2022

Lors d’un show grandiloquent avec une mise en scène gaullienne, Emmanuel Macron vient d’officialiser son intention de construire 6 à 14 nouveaux réacteurs en France dans les décennies à venir, tout en remettant en question les fermetures déjà prévues. Nous appelons à la mobilisation contre cette relance qui, non contente de faire perdurer le risque nucléaire pendant des décennies, constituerait une impasse totale face à l’urgence climatique.

Un fait accompli inacceptable

En une dizaine de minutes, le président-candidat a annoncé un programme pharaonique de relance tous azimuts du nucléaire : 6 à 14 nouveaux réacteurs, prolongation de l’ensemble du parc, projets de petits réacteurs modulaires, reprise des études sur la 4ème génération… En fin de mandat, il réalise ainsi un carton plein pour répondre à tous les désirs de la filière.

En mettant la population devant le fait accompli de ces annonces, Emmanuel Macron fait preuve d’un immense mépris pour la démocratie. Cela fait des années que le gouvernement, dans l’opacité la plus totale, menait ses tractations avec EDF en vue de la construction de ces réacteurs. À aucun moment il n’a été envisagé de soumettre aux citoyen·nes ou à leurs représentant·es ces projets, qui relèvent d’un choix de société et enfermeraient notre pays pour encore près d’un siècle dans une voie dangereuse et aberrante.

Le débat public annoncé, suivi d’une concertation parlementaire pour réviser la Programmation Pluriannuelle de l’Énergie, apparaît comme une procédure légale de pure forme qui n’aurait aucunement vocation à remettre en question le projet du président-candidat.

Les nouveaux réacteurs ne sont pas « incontournables », mais une perte de temps face à l’urgence climatique !

Présenter ce projet pharaonique comme incontournable est aussi révoltant que fallacieux. De manière mensongère, Emmanuel Macron prétend que ces constructions massives et toutes ces prolongations seraient indispensables pour atteindre la neutralité carbone, « oubliant » que les travaux de RTE avaient démontré voici quelques mois que cet objectif pouvait aussi être atteint grâce au 100 % renouvelable et ce sans remettre en question la sécurité d’approvisionnement.

Le bourbier sans fin de l’EPR de Flamanville, ses 11 ans de retard, ses coûts phénoménaux et son avalanche de malfaçons, n’ont donc pas servi de leçon pour que la France décide de reproduire cette sinistre aventure en 14 exemplaires ? Qui peut sérieusement croire que la filière nucléaire, lourdement endettée, récemment marquée par de multiples affaires de malfaçons et de fraudes et par une perte de compétence et une fragilité pointées par l’Autorité de sûreté nucléaire, se remettrait magiquement en ordre de marche pour fournir autant de réacteurs en temps et en heure, sans défauts, retard ni surcoût ?

Comment peut-il tenir un tel discours alors qu’un document interne de la Direction Générale de l’Énergie et du Climat, dévoilé par le média Contexte.com en octobre, montre précisément que ces nouveaux réacteurs ne pourraient pas sortir de terre dans les délais indiqués, ce qui rend caducs les scénarii reposant sur cette relance ?

Tabler sur ces nouveaux réacteurs, lents à construire, vulnérables aux retards et aléas de toutes sortes, revient tout simplement à mettre en péril nos échéances d’atteinte de la neutralité carbone ! Il s’agirait là d’une perte de temps impardonnable et d’un inacceptable gaspillage d’argent public, au détriment des économies d’énergie et des énergies renouvelables, dont les coûts sont pourtant bien inférieurs à ceux du nouveau nucléaire.

Alors que nous nous acheminons vers un monde plus incertain, marqué par les phénomènes climatiques extrêmes, l’urgence devrait être de tabler sur un système énergétique sobre, renouvelable et résilient. Pas sur la relance d’une technologie complexe, dangereuse, vulnérable aux aléas et productrice de déchets ingérables (à propos desquels, bien opportunément, il ne touche pas un mot par ailleurs) !. Où seraient construits ces 14 nouveaux réacteurs ? Sur des littoraux menacés de submersion ? Sur des cours d’eau dont le débit deviendra trop bas ?

Des fermetures rayées d’un trait

En un clin d’oeil, Emmanuel Macron a ordonné la prolongation de l’ensemble du parc au-delà de 50 ans de fonctionnement, revenant sur les fermetures déjà prévues dans le cadre de la Programmation Pluriannuelle de l’Énergie et prévues par la loi. Là encore, le mépris total et l’aveuglement prévalent. Qui peut croire à la faisabilité d’un tel projet, mené en parallèle des nouvelles constructions et exigeant des travaux lourds et inédits sur tous les réacteurs ? Alors qu’EDF a déjà des difficultés à assurer une maintenance correcte de ses installations, que se multiplient les arrêts imprévus de réacteurs et que la découverte de défauts de corrosion porte déjà la disponibilité du parc à un minimum historique ? Rappelons par ailleurs que les cuves des réacteurs français n’ont pas été conçues pour une utilisation au-delà de 40 ans et que dans le monde, seule une poignée de réacteurs a actuellement dépassé les 50 ans !

Nous refusons d’être condamné·es à la relance du nucléaire !

Emmanuel Macron, président en campagne, n’est malheureusement pas le seul à faire allégeance au lobby de l’atome. Parmi la majorité des candidat·es à l’élection présidentielle, la surenchère règne : c’est à qui construira le plus de réacteurs petits ou gros, à qui reviendra sur des fermetures déjà annoncées voire tentera de ressusciter des sites déjà fermés, quitte à multiplier les promesses bidons. La défense du nucléaire tient lieu de totem masquant le vide souvent abyssal de leurs engagements sur l’environnement et le climat.

Cette surenchère apparaît profondément hors sol, alors que l’immense majorité des Français·es, à des degrés plus ou moins prononcés, s’avoue préoccupée par le risque nucléaire et que 58% seraient prêt.es à voter pour une personne engageant le pays dans la sortie du nucléaire. À quel prix se fera cette relance qui ne bénéficiera qu’aux industriels du secteurs ? En taillant dans quels budgets pour y prélever l’argent public nécessaire ?

Nous appelons à la mobilisation générale contre cette fuite en avant et ce fait accompli. Ruineux, dangereux, perte de temps face à l’urgence climatique, ces projets démentiels doivent être stoppés !« 

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«Le réacteur n°1 de Fessenheim s’arrête enfin: un arrêt qui doit ouvrir le bal des autres fermetures!»

Voici le communiqué commun du Réseau « Sortir du nucléaire » et des associations Stop Fessenheim, CSFR, Stop Transports-Halte au Nucléaire et Citoyens Vigilants des Environs de Fessenheim :

« Le réacteur n°1 de Fessenheim s’arrête enfin : un arrêt qui doit ouvrir le bal des autres fermetures !

Enfin ! Après 8 ans de reports et de marchandages, le réacteur n°1 de la centrale nucléaire de Fessenheim doit fermer ce 22 février, suivi le 30 juin par le réacteur n° 2. Nous nous réjouissons de cette avancée, résultat de plus 50 ans de mobilisation dans la vallée du Rhin et partout en France.

Vieille, enchaînant les pannes, vulnérable par son implantation en zone sismique et en contrebas du grand canal d’Alsace : la centrale nucléaire de Fessenheim cumulait les risques. Sa fermeture était un impératif pour éviter un accident. À la mi-2020, l’Alsace sera enfin débarrassée du risque nucléaire actif [1] et pourra aborder l’avenir avec plus de sérénité… sans pour autant être plongée dans le noir (comme le rappelle RTE), ni voir ses émissions de CO2 monter en flèche ! Cette fermeture rendra d’ailleurs la région plus résiliente face au changement climatique, les eaux du Rhin cessant d’être réchauffées par les rejets de la centrale.

Si nous nous réjouissons de cette fermeture imminente, nous dénonçons vivement l’attitude d’EDF, qui a tout fait pour la repousser et s’est livrée à tous les marchandages. Il est indécent que l’entreprise reçoive à ce titre, aux frais du contribuable, une compensation pour des dépenses dont elle aurait déjà dû provisionner le montant, ainsi qu’une indemnisation pour une électricité qu’elle n’aurait certainement pas pu produire [2]. Cette affaire a fait l’objet d’une plainte devant la Commission Européenne. EDF a par ailleurs pratiqué le fait accompli et prétexté de cette fermeture pour ne pas réaliser certains travaux de mise aux normes, qui restaient pourtant nécessaires une fois la centrale arrêtée. Coûteux travaux évités et indemnisation juteuse : l’entreprise a obtenu le beurre et l’argent du beurre !

Nous attendons avec impatience la fermeture du 2ème réacteur. Mais cette perspective ne doit pas faire oublier le sort des autres réacteurs français, à peine plus récents. A la fin de cette année, 49 réacteurs auront dépassé les 30 ans de fonctionnement, et 13 les 40 ans. Si 12 réacteurs pourraient être arrêtés d’ici 2035, 44 autres sont censés continuer à tourner, un fonctionnement à 50 ans, voire plus, étant désormais considéré comme la norme ! Nous dénonçons fermement cette prolongation de l’ensemble du parc nucléaire, au mépris de la sécurité des populations et de la sûreté des installations.

L’arrêt de Fessenheim ne doit pas être l’arbre qui cache la forêt ! Il est nécessaire et urgent que d’autres fermetures suivent, pour engager enfin la sortie du nucléaire et une transition énergétique digne de ce nom. »

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Soudures défectueuses sur le chantier de l’EPR de Flamanville

L’Autorité de sûreté nucléaire a confirmé hier que huit soudures situées à l’intérieur du bâtiment réacteur EPR de Flamanville (Manche) sont non conformes aux exigences de sûreté. La construction de cette centrale nucléaire gigantesque connaît de nombreux retard, alors qu’elle était censée démarrer en 2012.

Les défaillances sur ces soudures avaient été rendus publique l’année dernière, ce qui révélait un problème de conception très grave et très inquiétant. Elles s’ajoutent à de nombreuses anomalies en tous genres, détectées ou suspectées, qui montrent la folie de ce projet, qui devrait être abandonné immédiatement. Elle montre encore une fois l’instabilité des entreprises capitalistes, y compris dans les domaines censés être à la pointe, comme chez Boeing.

Le Réseau « Sortir du nucléaire » et l’association Greenpeace France avaient alors porté plainte à propos de ces soudures. Voici les arguments alors avancés :

« Soudures défectueuses sur le chantier de l’EPR de Flamanville : le Réseau “Sortir du nucléaire“ et Greenpeace France portent plainte

Communiqué du 18 juillet 2018

Voici quelques mois, des soudures défectueuses ont été détectées sur des tuyauteries du circuit secondaire de l’EPR de Flamanville ; plus d’un tiers d’entre elles seraient concernées. Ce 18 juillet 2018, le Réseau “Sortir du nucléaire“ et Greenpeace France déposent plainte à ce sujet contre EDF, Framatome et contre X pour 10 infractions devant le procureur de la République de Cherbourg.

En effet, les industriels ont laissé fabriquer et installer sur le chantier ces tuyauteries dont les soudures ne correspondaient pas aux exigences de sûreté, et omis d’en informer l’Autorité de sûreté nucléaire. Nous ne laisserons pas l’industrie nucléaire jouer la tactique du fait accompli !

Des soudures non-conformes sur des équipements cruciaux

Lors de la conception de l’EPR de Flamanville, EDF avait décidé que certains composants parmi les plus essentiels relèveraient du principe d’ « exclusion de rupture ». N’étant surtout pas censés rompre, ces équipements étaient supposés présenter une qualité de conception et de fabrication à toute épreuve. Leur rupture étant de ce fait supposée impossible, EDF pouvait se dispenser d’en étudier les conséquences. C’était le cas, notamment, de la cuve de l’EPR.

Or d’autres équipements sont concernés par ce principe. Après la cuve de l’EPR, ce sont des soudures du circuit secondaire, qui transfère la vapeur sous pression des générateurs de vapeur vers les turbines, qui sont concernées par un nouveau scandale.

Le 22 février 2018, EDF a dû rendre public ce nouveau défaut, qui faisait l’objet d’échanges avec l’ASN depuis plus d’un an. Ainsi, lors de la préfabrication de ces soudures, en 2012 et 2013, EDF n’avait pas transmis à son sous-traitant Framatome (anciennement Areva) les prescriptions renforcées permettant d’atteindre le niveau de qualité supérieur exigé. Le problème aurait été détecté dès 2015 en usine ; l’ASN n’en a cependant été informée que début 2017. Par ailleurs, ces exigences renforcées n’auraient pas été transmises pour les soudures réalisées à partir de 2016 sur le chantier, si bien que de nouveaux défauts y ont été découverts.

Pire : le 10 avril 2018, de nouveaux défauts ont été détectés par EDF sur d’autres soudures du circuit secondaire, qui avaient pourtant été contrôlées après fabrication et déclarées conformes. Suite à une inspection, l’ASN a déclaré que « l’organisation et les conditions de travail lors des contrôles de fin de fabrication ont globalement nui à la qualité des contrôles ».

Pour l’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire, cette situation constitue une « alerte sérieuse ». Dans un avis du 11 avril 2018, pointant « des défaillances humaines et organisationnelles », « un manque de rigueur des fournisseurs » et « une insuffisance du système de surveillance mis en place par EDF », il préconise l’extension des contrôles.

Le 30 mai 2018, une nouvelle inspection de l’ASN a mis en évidence une organisation du travail pour le moins perfectible [1] concernant la mise en œuvre des contrôles. Cette affaire paraît semblable à une pelote qui n’en finirait plus de se dévider, chaque inspection révélant de nouveaux défauts et la nécessité d’étendre les contrôles à de nouveaux équipements !

De graves infractions qui doivent être sanctionnées

Le fait d’installer et utiliser des équipements sous pression nucléaire ne satisfaisant pas aux exigences essentielles de sûreté constitue un délit. Sur les tuyauteries concernées, le niveau de sûreté attendu n’est pas atteint et l’affirmation d’EDF selon laquelle « ces circuits sont aptes à assurer leur mission en toute sûreté » relève de la pure mauvaise foi. Cette irresponsabilité est d’autant plus grave au regard des caractéristiques des tuyauteries concernées, dans lesquelles circuleraient plusieurs tonnes de vapeur par minute à une pression de plusieurs dizaines de bars. Comme l’indique le cabinet indépendant WISE Paris dans une note, leur rupture serait susceptible d’entraîner un déséquilibre thermique et de réactivité dans le cœur du réacteur et d’endommager gravement les équipements environnants. Et il ne s’agit pas d’une anomalie isolée : selon l’ASN, plus d’un tiers des soudures du tuyauteries du circuit secondaire présenteraient des défauts [2] !

EDF a également commis un délit en n’informant l’ASN qu’en 2017 de défauts qu’elle avait pu constater dès 2015 en usine. Avoir attendu plus de deux ans constitue-t-il le symptôme d’un dysfonctionnement grave de l’organisation interne d’EDF ? Ou s’agit-il d’une volonté délibérée de retarder le traitement des « écarts » pour bénéficier du fait accompli, les tuyauteries étant alors installées ?

Face à des faits aussi graves et à une telle pratique du fait accompli, il est urgent de mettre un coup d’arrêt aux agissements d’EDF, d’autant que la liste des problèmes n’est sans doute pas close.

C’est pourquoi le Réseau “Sortir du nucléaire“ et Greenpeace France déposent aujourd’hui plainte pour 10 infractions. Au-delà de la nécessaire sanction d’industriels délinquants, cette plainte doit interpeller les pouvoirs publics sur l’urgence d’abandonner ce chantier catastrophique. Ce réacteur criblé de malfaçons ne doit démarrer sous aucun prétexte !

Consulter la plainte

Notes

[1] Contrôles effectués à la lampe frontale dans des lieux peu éclairés, interrogation sur la qualification des agents en charge des contrôles, etc.

[2] Voir la déclaration de Pierre-Franck Chevet, Président de l’ASN, devant laCommission d’Enquête parlementaire sur la sûreté et la sécurité nucléaire le 7 juin 2018 : « La procédure [de vérification] est en cours et nous en attendons le bilan global de façon imminente. D’après les indications dont nous disposons, environ 35 % des soudures présenteraient des défauts ». »