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Rapport entre les classes

La France, simple décoration prête au crash

Les jeux sont faits ! En février 2024, on peut dire que plus rien ne sert à rien, qu’il n’y a plus qu’à attendre ce qui va se passer. Et les choses sont simples. Soit la France n’est que ce qu’elle est, c’est-à-dire pas grand chose, un territoire de petits-bourgeois rêvant de vivre replié sur eux-mêmes, sur leur couple et leur « bien-être », en ne prenant aucune responsabilité et en râlant sur tout.

Alors, les Jeux olympiques de l’été 2024 seront un succès bourgeois, et aux élections européennes, l’extrême-Droite obtiendra un très bon score. Les bourgeois gagnent encore et toujours, le peuple vote à l’extrême-Droite pour que ce soit moins brutal, moins « mondialisé », et c’est tout.

Paris continuera d’être le centre des plus riches, le reste du pays le territoire de ceux qui le sont moins, beaucoup moins ou pas du tout, mais cela ne change rien à l’affaire. La France tourne, Mondial Relay distribue, le capitalisme tourne et la Russie est chaque jour davantage l’objectif militaire.

Soit c’est l’autre option, et tout ce que la France a charrié historiquement sur le plan de la lutte de classes connaît une émergence subite. Finies les stupidités comme la pseudo protestation contre la réforme des retraites, la répétition en version nihiliste de la révolte des banlieues, ou bien les agriculteurs capitalistes prenant le masque de « paysans » en protestation.

Non, si c’est l’autre option, alors cela y va vraiment. Il y a réappropriation de tout : du patrimoine de la lutte et de la conscience du prolétariat, des valeurs de la Gauche historique. Le rapport entre les classes se voit modifié, la contradiction entre bourgeoisie et prolétariat se redessine, les gens s’alignent sur des perspectives de classe.

Du jour au lendemain, des connaissances aussi ardues que celles sur Spinoza, le Capital de Karl Marx ou le matérialisme dialectique se voient étudiées, assimilées, du jour au lendemain par on ne sait qui, sorti d’on ne sait où. L’Histoire réapparaît, c’est le glissement de terrain dans l’Histoire française, et on passe du nihilisme médiocre à des consciences intenses, aiguës, tendues.

Ce n’est plus Paris qui reste le centre, cette ville embourgeoisée à tous les degrés, mais la France en tant que formation historique à bout de souffle, devant passer à « autre chose ».

Dialectiquement, les deux options sont possibles. Pour l’instant toutefois, c’est le scénario à l’américaine : les villes « civilisées » votent à « gauche » pour profiter de la « mondialisation » et les campagnes « barbares » votent à droite, car elles n’en peuvent plus de la déstructuration du pays.

Il faut beaucoup d’efforts pour se sortir de là et les gens n’ont rien fait. Ils ne vont pas commencer non plus maintenant, c’est trop tard. Non, maintenant, il n’y a plus que le crash qui va jouer. Naturellement, chaque personne se dit que ce crash n’arrivera pas, tout tiendra, d’une manière ou d’une autre, comme ça l’a toujours fait.

Sauf que non. La France d’aujourd’hui n’a rien à voir avec celle d’il y a cinq ans, qui elle-même est foncièrement différente de celle d’il y a dix ans, et pareil à l’horizon de 15, 20, 25, 30 ans ! L’essor inexorable du capitalisme entre 1989 et 2020 a fondamentalement modifié le cadre des choses – même si le capitalisme n’a quant à lui pas changé de nature.

Les petits-bourgeois peuplant la France ont-ils réussi à être tellement corrompu que plus rien n’est possible, à part râler, éventuellement sur les réseaux sociaux ? Ou bien les choses vont mal tourner, révélant en 2024 le crash ?

Tout déraille, tout le monde fait semblant que ça tienne, cela continuera-t-il de suffire pour que les s’enfoncent et s’enfoncent, sans effondrement général ? Ou bien y aura-t-il un ressort, un saut dialectique, une déchirure historique ?

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Rapport entre les classes

La révolution sera t-elle une prise de conscience?

Quand on bascule dans le camp de la Révolution, on pense souvent deux choses. On se dit ou bien que les gens ne savent pas, ou bien qu’ils ne comprennent pas les enjeux du monde. Il s’agirait alors de « faire prendre conscience » sur tel ou tel évènement, telle ou telle problématique, etc.

Hier, alors que la grande masse des paysans ne savaient pratiquement ni lire, ni écrire, l’enjeu était bien de briser cette arriération pour mieux casser la dépendance au curé ou au notable. Il fallait en « prendre conscience » et quoi plus de simple quand la vie quotidienne était elle-même si pénible, si difficile ? En même temps, les difficultés de la vie, l’analphabétisme rendaient la tâche malaisée.

Aujourd’hui, il y a un fait inverse et tout à fait palpable : il n’y jamais eu autant peu de gens analphabètes dans le monde et pourtant les mouvements révolutionnaires n’ont jamais été aussi faibles. Alors qu’on comptait environ 12 % de personnes alphabétisées dans le monde en 1820, il y en a 87 % en 2021.

Il s’agit donc de réfléchir en sens inverse : et si les gens savaient ? Et si les gens avaient finalement compris les choses, au moins dans leur globalité ? Question inconfortable car cela place l’idée du « militant » dans un désert politique.

Évidemment, l’aliénation produit par le quotidien capitaliste ne permet pas de comprendre réellement les choses pour tout un chacun. Mais dans la société de consommation développée, il est évident que l’aliénation, c’est la « conscience » de ne pas vouloir comprendre et non plus simplement la seule dépossession de soi.

Ou plutôt : la dépossession de soi a atteint un tel niveau, une telle profondeur que tout processus conscient est lui-même subsumé par la marchandisation.

En réalité, cela montre que les choses avancent toujours plus vers la Révolution, car ce sont tous les espaces de la vie qu’il va s’agir de transformer.

Il faut bien voir que la majorité des expériences socialistes au siècle dernier ont eu lieu dans des pays arriérés, en majorité composés de paysans liés en grande partie à un quotidien répétitif basé en partie sur l’auto-suffisance.

La révolution se devait de passer par l’objectif socialiste du fait que la classe ouvrière était la seule classe sociale en mesure de porter le processus de formation nationale extirpé de son enveloppe féodale. L’enjeu prioritaire était la lutte contre le poids du féodalisme et, dans une perspective résolument démocratique, l’élévation du niveau d’éducation.

Forcément dans un tel schéma de vie, la révolution ne pouvait que passer par le stade d’une « prise de conscience » : il faut bien savoir pourquoi l’on se bat, au-delà même du fait d’améliorer son immédiat quotidien. Et quand il est parlé de savoir les choses, on parle de comprendre l’Histoire et ses modalités, d’appréhender sa dynamique et ses protagonistes, de se penser soi-même protagoniste etc.

Cela était encore vrai dans des pays comme la France de 1871. Raison pour laquelle Karl Marx a dit que les insurgés de la Commune de Paris « partaient à l’assaut du ciel ». La métaphore n’est pas que littéraire, elle représentait un cheminement historique évident, avec une classe ouvrière en cours de formation et péniblement émancipée d’une paysannerie rivée à la vie quotidienne d’ancien régime.

Il a fallu encore plusieurs décennies à la bourgeoisie française pour élever le niveau culturel de la paysannerie française et finir par l’arrimer à sa République. La voie socialiste de cette étape ayant échoué avec la faillite des héritiers de la Commune de Paris qui refusèrent le marxisme au profit de bricolages idéologiques.

Toujours est-il que le drapeau rouge, le marteau et la faucille, l’Internationale étaient autant de symboles qui illustraient l’idée que la révolution, c’était un peuple faisant l’Histoire en connaissance de cause. Aller parler de cela à un ouvrier aujourd’hui, il pourra trouver cela intéressant, mais espérer que cela le raccorde au fil historique de la lutte des classes est voué à l’échec.

Évidemment, tout cela est fort différent pour les pays du tiers-monde, où la question nationale encore non résolue rend nécessaire la prise de conscience d’un fil historique perdu… Comment par exemple régler la question ukrainienne sans passer par la connaissance du processus historique de formation de sa nation ? Tout comme la libération nationale palestinienne ne peut faire l’économie d’une prise de conscience de la trajectoire historique des peuples et nations constituées dans cette zone géographique, pour ne prendre que des exemples actuels.

Dans les nations riches constituées de longue date par contre, le capitalisme ce sont des ouvriers maniant des machines et procédures toujours plus complexes, des employés de service utilisant des réseaux informatiques sophistiqués, tout cela dans un mode de vie confortable exigeant donc des niveaux de connaissances et d’analyse plus qu’élevés.

De fait, ce sont des des gens épuisés par une vie quotidienne rythmée par les impératifs marchands d’un capitalisme pleinement développé à tous les niveaux de la vie.

Ce n’est donc pas que les gens ne veulent pas savoir, c’est qu’ils ne peuvent pas vouloir savoir les choses, bien qu’ils aient des dispositions cognitives plus importantes que le paysan du XIXe ou l’ouvrier des années 1920.

On ne peut être un protagoniste conscient dans telles conditions historiques. La révolution intervient alors dans un contexte de fatigue morale et psychique mais avec des capacités cognitives plus qu’approfondies.

Cette contradiction ne peut qu’impliquer des décrochages subjectifs sans « prise de conscience » vers l’engagement révolutionnaire mais dans une quête révolutionnaire en négatif, dont le carburant n’est rien d’autre que le crash généralisé de l’ancien monde.

Et c’est une réflexion incontournable à ce sujet dont nous avons besoin, aussi.

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La vraie question: la révolution sera-t-elle passive?

En apparence, demander si une révolution peut être passive n’a aucun sens. Une révolution, c’est l’irruption de forces armées prenant le pouvoir et modifiant le cours des choses. Il n’y a rien de plus actif. L’opposition entre socialistes et communistes, au début du 20e siècle, reposait sur la question de la dimension de ce côté actif. Les socialistes, quasiment tout le temps opportunistes en tout cas pour les cadres, prévoyaient une action peu active et à long terme, alors que les communistes étaient pour se précipiter, parfois trop et trop souvent.

Le problème est qu’alors que se termine le premier quart du 21e siècle, on ne voit des gens « actifs » nulle part. Jamais dans le monde le nombre de révolutionnaires n’a été aussi faible. Et leur dimension marginale sur le plan des idées et de la culture est parallèle à ce nombre si faible. Si l’on prend les soixante dernières années, il n’y aura jamais eu aussi peu de guérilla de gauche dans les pays du tiers-monde (ou même dans les pays « développés »), aussi peu d’organisations révolutionnaires de gauche dans le monde en général, aussi peu de contestations lancées par des révolutionnaires.

Ce qui existe par contre, c’est un syndicalisme, d’une part, afin de préserver ou conquérir des acquis parce qu’il faut bien vivre. Et, de l’autre, un populisme qui passe par les réseaux sociaux, par le militantisme étudiant, par les discours LGBT et l’écriture inclusive. La théorie, c’est que si on parvient à mobiliser un petit pourcentage de gens, l’opinion publique bascule. Ce qui compte donc, c’est le « réseau », comme le dit Jean-Luc Mélenchon de La France insoumise le 5 octobre 2023 : « l’agora moderne, la place centrale moderne, c’est le réseau ».

Nous avons concrètement un monde de gens passifs faisant semblant d’aller bien et une poignée d’agités emplissant les réseaux sociaux et des partis politiques ou des mouvements contestataires avec très peu d’adhérents ou de participants.

Le 21e siècle est pourtant plein de défis et la révolution apparaît comme inéluctable. Doit-on alors s’imaginer que les gens vont reformer des organisations de gauche, de vastes mouvements, bien structurés, bien solides ? En admettant même que ce soit possible, il est évident qu’il n’y a de toutes façons pas le temps, ni l’énergie psychique.

Même une structure politique qui racolerait sans commune mesure (et il y a en a toujours, dans chaque pays, au moins une ou deux) se retrouverait avec des gens sans envergure, ne faisant que passer. Les gens veulent bien passer dans quelque chose, mais certainement pas y rester, et plus on augmente le niveau culturel, intellectuel, historique… plus on perd tout le monde.

Vous voyez-vous aller vers un travailleur français et lui expliquer qu’il faut une révolution bien organisée touchant les domaines de l’économie, de la politique, du social, de la psychologie, des arts, de l’écologie, du rapport aux animaux, du rapport hommes-femmes, du rapport au tiers-monde, etc. ? C’est tout simplement invraisemblable, il va vous regarder avec de gros yeux ou dire que, même si c’était souhaitable, ce n’est pas prêt d’arriver.

Le bonheur ? Un luxe. Déjà on tient, c’est déjà pas mal.

C’est en sens que la question de la dimension passive de la révolution est à saisir. Déjà, dialectiquement, il n’y a pas d’actif sans passif. Croire que les gens vont être H24 en mode contestataire, inépuisable, et ce pendant… une année, deux années, cinq années, c’est ne pas être réaliste. Il y a une dynamique actif-passif : à certains moments les gens sont actifs, à d’autres ils ne le sont pas.

D’ailleurs, voulez-vous une preuve à l’intérêt de cet article ? Eh bien voyez comment la dimension passive est déjà présente. Allez dans une grande librairie au rayon « développement personnel », comme « Les quatre accords toltèques », un bestseller. Regardez ce qui y est raconté. Vous trouverez pratiquement le même discours que la « gauche » postmoderne, les zadistes, les zapatistes, les Kurdes, La France insoumise, les anarchistes, EELV, les bobos…

Le discours qui est proposé ici, c’est que la révolution est uniquement « en soi » ou qu’elle est déjà réalisée (avec les Kurdes, les Zapatistes…) ou bien pas nécessaire (avec la « gauche » postmoderne). Ce qui compte c’est par conséquent un épanouissement subjectiviste toujours individuel, une « paix intérieure » et un rapport différent aux autres. C’est de la fiction, car il n’y a aucune analyse scientifique de rien. Mais on se sent subversif en écrivant des mots spirituels sur les murs des toilettes des bars bobos au look délabré chic.

Tout cela, c’est une vaste occupation du terrain « passif » à travers une pseudo bienveillance, dont l’idéologie LGBT est le fer de lance. C’est la niaiserie amicale, masque des rapports ultra-individualistes consuméristes. « Oh, I love you so much » dit le capitaliste américain à sa prochaine victime.

Tout cela pour dire que la révolution n’aura pas forcément lieu là où on le pense. Il ne faut pas regarder uniquement ce que font les gens, ni même ce qu’ils ne font pas. Il faut regarder là où ils placent leur énergie psychique, là où ils ne la placent pas. C’est ce que font d’ailleurs les préfets. En France, un préfet a comme tâche surtout de surveiller les tendances et de voir s’il n’y a pas une partie de la population qui se prend d’engouement dans telle ou telle direction. Si c’est vain, l’État le tolère, sinon il réprime, et dans tous les cas il surveille.

C’est cet engouement qui passe les mailles du filet du 24 heures sur 24 du capitalisme qui doit être notre boussole. C’est quelque chose de passif et d’actif, et c’est seulement ça qui peut avoir un sens. Tout ce qui est lié aux institutions est cuit, carbonisé. Tout ce qui s’insère « activement » dans la société, les gens n’y croient plus et sont trop individualisés.

Il est toujours dit qu’après la révolution, il y a aura un bouleversement culturel, on changerait les mentalités, il se passerait une « révolution culturelle » comme l’ont appelé les Chinois. En fait, elle va désormais avoir lieu avant, dans des mouvements de rupture, qui peuvent être contradictoires.

On peut avoir une révolution avec des prolétaires urbains exigeant d’accéder aux marques de mode de valeur… et des prolétaires loin de la métropole qui méprisent cette course pour eux à l’éphémère. Les uns peuvent-ils être appelés actifs, les autres passifs ? Non, bien entendu, il y a une dialectique dans tout ça.

Ce qui compte, c’est de voir que la recomposition du prolétariat dans le capitalisme français qui se déclasse ne prendra pas une forme « syndicale », « populiste », mais se déroulera en autonomie avec les institutions et les vieux styles de travail. Le prolétariat va se recomposer en se détachant du capitalisme… il le fera activement et passivement. Perdre l’un des deux côtés, c’est rater ce qui va se passer et se passe déjà !

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Rapport entre les classes

Comment les gens vont-ils se remettre en cause?

Partons du principe que le capitalisme va être ébranlé de telle manière que les gens vont devoir se remettre en cause. On peut dire que le processus est même déjà en cours, même si c’est lent, très lent. Comment les gens vont-ils le vivre?

Essayons de résumer à grands traits la vie d’une personne vivant en France. Il y a deux aspects, la vie privée et la vie professionnelle. Les deux sont liés, naturellement, prenons les toutefois comme les deux aspects formant cette personne. Il y a d’un côté la famille : on est en couple ou on veut l’être, du moins on fréquente plus ou moins des gens proches, des amis chers. Il y a de l’autre le travail, avec l’exigence de gagner de l’argent pour vivre.

Même si le travail prend dans les faits la part belle dans une vie, disons que c’est 50/50 pour une personne. A moitié, on travaille ; à moitié, on a sa vie privée.

Si on était syndicaliste, on résumerait la contestation au monde du travail. C’est évidemment ridicule. Fidèle à la Gauche historique, nous considérons que la vie privée et la vie au travail sont deux choses différentes, mais se rejoignant, c’est un tout.

En 2023, la chose est évidente pour qui est un peu sérieux. le 24h sur 24 du capitalisme en atteste. L’ouvrier syndicaliste peut prétendre être contestataire, mais s’il est chasseur il se révèle en réalité être une composante de la France capitaliste. Le professeur gréviste peut s’imaginer rebelle, cependant le contenu de ses cours est entièrement formaté par l’esprit capitaliste par l’intermédiaire du ministère.

Et en général les Français peuvent éventuellement se dire contre le gouvernement ou le président, il n’en reste pas moins que 58% des ménages sont propriétaires de leur logement, ce qui les ramène immanquablement dans le camp de « l’ordre ».

Naturellement, cette question du logement relève aussi d’un besoin de « vivre bien » et ce qui est naturel est manipulé par le capitalisme. Cela ne change rien malheureusement au fait que les gens, idéalement, veulent un travail assuré pour le restant de leur vie et la propriété de leur logement, et que c’est leur seul horizon. Si le capitalisme peut ajouter à cela de la consommation sur Amazon et des vacances exotiques, des divertissements comme des séries toujours nouvelles et le moyen de mettre un peu de côté… c’est parfait.

C’est là qu’on voit que la vie privée et la vie au travail se confondent tout à fait pour les gens. Un couple, c’est toujours un projet de vie, avec l’achat d’un logement ou la gestion d’une propriété. Il y a une dimension calculatrice qui est vraiment prégnante. Cela fait que lorsque les gens travaillent, ils sont amenés à toujours raisonner plutôt en capitaliste, avec l’optique d’amasser du capital et d’investir.

Concrètement, rien n’est plus terre à terre qu’un Français de la fin du premier quart du 21e siècle. Tout est toujours soupesé et la dimension monnayable est toujours de la partie. Devant toute chose, le Français se demande : qu’est-ce que je vais bien pouvoir en faire?

Avec tout ça, on peut donc répondre à la question : comment les gens vont-ils se remettre en cause? En effet, ils ne vont pas se remettre en cause. Il n’y a que les faits qui peuvent les remettre en cause. Cela n’a rien de nouveau dans l’Histoire de l’Humanité : celle-ci a toujours été en retard, ses conceptions reflétant après coup un changement déjà lancé.

Néanmoins, on aurait pu se dire qu’au 21e siècle, l’humanité aurait plus de maturité, qu’elle saurait avoir de la distance sur elle-même. Eh bien, non. Et surtout pas dans une France qui est l’un des pays les plus riches du monde, avec des gens biberonnés au 24h sur 24 du capitalisme. Ce n’est pas la vie facile, toutefois c’est la vie dans les marchandises et c’est suffisant pour corrompre.

On ne modifie pas une corruption : celle-ci se brise, ou pas. Avec la crise économique commencée en 2020, la décadence des mentalités, la course effrénée à la guerre mondiale… Cette corruption va s’effacer. Mais cela ne sera pas une « remise en cause ». Ce qui fait que cela plus aisé pour les Donald Trump à la française, les gilets jaunes et autres nostalgiques, que pour nous qui voulons l’avenir.

Tant qu’il y aura une possibilité de confort, les Français resteront focalisés dessus. Et ils céderont aux sirènes du « retour en arrière » autant que possible.

Cela rend d’autant plus important la nécessité de prévoir un plan de recomposition de classe. Comment le prolétariat va-t-il se reconstituer comme classe à travers la crise? Comment faire en sorte que le processus réussisse, sans que la petite-bourgeoisie en perdition ou la bourgeoisie nationaliste n’entraîne avec elle des prolétaires encore largement corrompus?

Rien que la guerre occidentale contre la Russie montre bien comment la bourgeoisie sait employer des moyens indirects pour faire miroiter le retour d’une belle situation économique, par le renforcement de la puissance française à l’échelle mondiale. La bataille pour le repartage du monde est un vrai levier pour corrompre. C’est comme cela que même la classe ouvrière allemande a été corrompue dans les années 1930 par les nazis.

Le défi de la « remise en cause » qui n’en sera pas une va se révéler toujours plus exigeant, et il aura toujours plus d’ampleur. C’est une question fondamentale de notre époque !

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Nouvel ordre

La révolution, c’est le sursaut de civilisation

La conscience d’autrui n’est pas possible dans une société qui ne le permet pas. Ainsi, dans la société tribale de chasseurs-cueilleurs, les rapports avec l’extérieur sont très limités, et lorsqu’ils surviennent, ils prennent la forme de la méfiance, voire d’une défiance en l’absence de confiance.

Confiance dans la société et stabilisation de la vie sociale sont la base même de la civilisation qui trouve à s’exprimer à travers la succession des modes de production.

Le mode de production capitaliste a été ici un formidable stabilisateur de la vie quotidienne et, en élargissant à tous les niveaux la division sociale du travail, il a également participé à la diffusion générale de la confiance dans les relations interpersonnelles.

Mais on l’aura compris, survient en creux la question de la lutte des classes.

La civilisation est toujours portée par un mode de production à travers une classe, passée de dominée à dominante, avant d’entrer elle-même en décadence, incapable de porter et de continuer la civilisation et finisse par cela même renversée.

Une révolution est toujours une expression de la continuation de la civilisation, menacée d’effondrement du fait que son ancien support historique, la classe dirigeante, s’est transformée en classe historiquement dépassée.

Cette continuation s’exprime de manière dialectique et non mécanique : ce n’est pas simplement le fait que les « riches ont tout et les pauvres rien », mais que les travailleurs d’un mode de production donné (esclaves, paysans asservis, travailleurs salariés) contribuent activement à un niveau de raffinement dont il sont exclus du fait du rapport d’exploitation-aliénation.

Quand les esclaves de l’Égypte romaine extraient le granit nécessaire aux somptueuses colonnes du panthéon de Rome, ils participent à bâtir une architecture d’un grand raffinement bien qu’ils soient eux-mêmes placés dans des conditions en-deçà du niveau de civilisation.

Et la majorité des esclaves dans l’Empire romain étaient issus des peuples barbares qui, au Ve siècle, le mèneront à la chute sans pour autant avoir, à cette époque, les moyens matériels immédiats pour faire continuer la civilisation (qui trouvera son chemin dans l’Islam).

C’est là que l’Histoire de la civilisation se lie à la lutte des classes de manière dialectique, et non mécanique : il ne suffit pas de renverser une classe décadente pour continuer la civilisation, faut-il encore en avoir les moyens sociaux, politiques et culturels.

À ce titre, la révolution soviétique représente un sursaut de civilisation. Elle sauve le raffinement de l’être humain, ayant basculé dans la violence généralisée, le pourrissement de l’âme, la décadence absolue de la première guerre mondiale. Il suffit de relire ce passage du célèbre article « Socialisme ou barbarie » écrit en 1915 par Rosa Luxemburg pour voir la portée civilisationnelle d’Octobre 1917 :

« Souillée, déshonorée, pataugeant dans le sang, couverte de crasse ; voilà comment se présente la société bourgeoise, voilà ce qu’elle est.

Ce n’est pas lorsque, bien léchée et bien honnête, elle se donne les dehors de la culture et de la philosophie, de la morale et de l’ordre, de la paix et du droit, c’est quand elle ressemble à une bête fauve, quand elle danse le sabbat de l’anarchie, quand elle souffle la peste sur la civilisation et l’humanité qu’elle se montre toute nue, telle qu’elle est vraiment. »

Car il faut bien s’imaginer que si historiquement tout appareil d’État est affaire de conditionnement social en vue de faire correspondre la psyché des gens avec une vie plus stable, plus pacifiée, quel sens cela a t-il dans une tranchée pleine de boue, dévastée et sous le feu d’une artillerie avec des obus produits à la chaîne ?

De la mission civilisatrice, l’État en est revenu à sa seule fonction de « domination de classe », dilapidant le meilleur de la civilisation dans les prétentions étroites d’un capitalisme ayant atteint son stade impérialiste. La civilisation exige alors de bâtir un nouvel Ordre pour sauvegarder la civilisation : c’est le sens des Soviets.

C’est pourquoi face à l’effritement de la civilisation, il y a toujours deux options : l’une conservatrice qui veut rétablir l’ordre pourrissant mais qui a porté autrefois l’élan, et l’autre, révolutionnaire, qui vise l’établissement d’un nouvel Ordre fondé sur la cohérence, l’harmonie, la rationalité à tous les étages. Il faut relire cet interview d’un membre de la Gauche prolétarienne en 1970, dont les propos sonnent juste actuellement :

« Dès qu’on refuse la société actuelle, sous les prétextes les plus divers, on se figure qu’on est maoïste alors que ce n’est pas ça. Une société communiste c’est bien plus contraignant qu’une société capitaliste.

C’est plus facile à supporter qu’une société capitaliste, parce que c’est plus juste, mais pour l’instant c’est pas le cirque : il ne faut pas compter là-dessus pour faire tout ce qu’on voudra.

Moi, c’est ce que je souhaite parce que le capitalisme, c’est aussi le désordre. On exploite mal les richesses. Personne n’en profite. Il y a des gens qui crèvent à côté de richesses inexploitées. Il y a des parties de la France inondées de constructions et d’autres désertiques.

Toutes ces conneries-là, c’est le désordre, et pour moi, le communisme c’est l’ordre. »

La révolution c’est la capacité de la classe exploitée à s’organiser pour s’approprier le meilleur de la civilisation et le faire se continuer historiquement en l’enrichissant de nouveau.

On comprend donc que si la question de la propriété des moyens de production est importante – il faut bien avoir les moyens matériels pour réaliser la civilisation, l’enjeu central est avant tout le pouvoir d’État – il faut surtout avoir les moyens administratifs et policiers pour sauvegarder puis élever la civilisation.

Car, en réalité, limiter la révolution à la transformation de la propriété des moyens de production, c’est rester dans une forme de gauchisme qui limite la révolution à une « émancipation sociale » et non pas à la continuation-élévation de la civilisation, qui relève forcément de la question du pouvoir d’État.

Si la civilisation est un processus qui se déroule dans les interstices culturels des rapports sociaux, elle est avant tout conditionnée et garantie par l’appareil d’État.

L’État est en première instance l’expression de la complexification de la société, et en cela la garantie de relations sociales pacifiées et raffinées grâce aux règles et lois qu’il impose. En dernière instance, il est l’expression d’une classe qui en domine une autre. L’État est donc à la fois une garantie universelle et en même temps une expression spécifique, conjoncturelle, reliée à une classe.

C’est la raison pour laquelle la continuation de la civilisation prend la forme à un moment donné de l’Histoire de la violence qui vise en remplacement d’un État par un autre.

Car la révolution ce n’est pas simplement le processus de transformation d’une classe exploitée et dominée en une classe dominante, c’est aussi et surtout le passage d’une classe dirigée à une classe dirigeante. Et pour diriger, il faut orienter, fournir un axe, une perspective. Cela ne peut que relever de la civilisation en tant que condensée du meilleur de l’Humanité dans les mœurs, dans les manières de vivre.

Mise en valeur de Pouchkine en URSS

Il a bien fallu la violence révolutionnaire à la fin du XVIIIe siècle pour que le processus de civilisation ne s’éteigne pas dans une élite aristocrate toujours plus repliée sur elle-même, s’appropriant le meilleur du raffinement royal pour mieux le dilapider dans la décadence.

Lorsque la noblesse d’épée, l’aristocratie terrienne d’ancien régime entre en décadence aux alentours du XVIe siècle, l’avant-garde de la bourgeoisie s’est déjà solidement implantée dans l’appareil administratif de la monarchie, lui donnant sa forme absolutiste.

C’est qu’elle s’apprête à devenir une classe dirigeante et à assumer la continuité de la civilisation : les bourgeois lettrés manient le droit et le code romain, cet héritage de la civilisation leur ouvrant la voie à l’administration de l’État moderne.

C’est la raison pour laquelle Lénine a tant insisté sur le rôle de la conscience et de l’idéologie car en s’appropriant le meilleur de la culture et de la science, la classe ouvrière acquiert une conscience de classe qui doit exprimer une supériorité par rapport à la bourgeoisie décadente.

On ne peut comprendre le rejet par la social-démocratie historique des attentats individuels, représentatifs d’un retour aux temps des seigneurs féodaux où des individus « se font justice », « défendent l’honneur des pauvres » sur le mode d’une « vengeance de classe » qui n’a aucun sens du point de vue de la civilisation.

C’est là d’ailleurs un précieux critère pour faire le tri quant à la violence qui s’exprime dans la société.

La violence relève de la civilisation lorsqu’elle s’impose d’emblée comme une violence d’État, du moins à prétention étatique. S’opposer à un chauffard, à un trafiquant de drogue, à des incivilités en tous genres, c’est faire preuve du sens de l’État. La violence qui a le sens de l’État, c’est celle qui porte en elle la perspective d’un Ordre qui sait sauvegarder les règles de la vie courante, les bonnes mœurs.

De manière plus collective, la violence révolutionnaire représente le condensé d’un nouvel Ordre en cours de formation qui cherche à s’imposer pour sauver le raffinement, le beau et le bon et le généraliser à tous.

On ne peut pas comprendre la victoire soviétique contre le nazisme sans saisir cet aspect civilisationnel. Car la force de l’URSS, ce ne fut pas seulement que le peuple laborieux s’était émancipé socialement, mais qu’il avait accédé à l’ordre socialiste.

Mieux, l’élévation générale du niveau culturel et intellectuel de la classe ouvrière à travers sa scolarisation et l’alphabétisation généralisée, mais également tout le travail culturel éducatif a fait du peuple un participant actif de la civilisation.

Cela se lit bien dans la construction du métro de Moscou dans les années 1930, mais aussi dans les nombreux abribus pour autocars qui se veulent une expression esthétique avancée.

De fait, la défense d’un tel ordre revêtait une dimension historique et morale capitale, indomptable, face à un régime nazi célébrant le glauque et le baroque.

La défense de la civilisation comprise dans un sens révolutionnaire revêt l’aspect d’un programme politique en soi car il est possible et nécessaire de décliner l’envergure classique-civilisationnelle à l’ensemble des champs des rapports sociaux : en art donc, mais aussi dans le langage, les manières de manger, de s’exprimer, de se déplacer.

Il est possible et nécessaire d’en faire un étendard de sa vie quotidienne : les exploités sont le rempart à la décadence, car ils méprisent un ordre qui vacille et fait se diluer progressivement les acquis de la civilisation. Il faut se vivre comme un rempart et un défenseur de cette dernière.

À l’aune du déni des effets la pandémie et du réchauffement climatique, de la tendance à une nouvelle guerre mondiale, de l’effritement des règles de vie au quotidien, de la mocheté des villes, de la nullité dans les arts, de la compression des sensibilités : Socialisme pour la civilisation ou barbarie.

« Nous sommes placés aujourd’hui devant ce choix : ou bien triomphe de l’impérialisme et décadence de toute civilisation, avec pour conséquences, comme dans la Rome antique, le dépeuplement, la désolation, la dégénérescence, un grand cimetière ; ou bien victoire du socialisme, c’est-à-dire de la lutte consciente du prolétariat international contre l’impérialisme et contre sa méthode d’action : la guerre.

C’est là un dilemme de l’histoire du monde, un ou bien – ou bien encore indécis dont les plateaux balancent devant la décision du prolétariat conscient. Le prolétariat doit jeter résolument dans la balance le glaive de son combat révolutionnaire : l’avenir de la civilisation et de l’humanité en dépendent. »

Rosa Luxemburg, Socialisme ou barbarie, 1915
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Vie quotidienne

Le « player » et le « user »

Savez-vous pourquoi les gens se comportent de manière ignoble, mais pensent bien faire ? Tout simplement, parce qu’ils pensent qu’il y a pire. Il y a deux expressions en anglais qui aident à très bien comprendre la question.

En anglais, le mot « user » désigne un utilisateur. Mais il peut désigner celui qui utilise, au sens de quelqu’un qui manipule, qui profite. Le « user » utilise les gens dans son entourage afin d’en abuser.

Le mot « player » désigne un joueur. On peut cependant employer le terme pour désigner quelqu’un qui se divertit en profitant de son entourage, mais sans autre perspective que passer le temps. Il ne cherche pas à abuser : c’est juste qu’il refuse tout esprit de conséquence.

Les gens, dans le 24 heures sur 24 du capitalisme, sont tous des joueurs. Chacun agit en player, s’imaginant libre dans ses choix et menant sa vie comme « bon lui semble ». En réalité, le capitalisme les a totalement façonnés et ils sont comme des figures de baby-foot. On les manipule comme on veut et chaque joueur du baby-foot s’imagine : oh c’est moi qui ait décidé d’agir, et j’agis !

Et si jamais on lui reproche d’être un individualiste, de ne s’engager en rien, il répondra : mais je ne fais rien de mal, moi ! Car il a en tête la figure du « user ». Ne se considérant pas comme un « user », ne cherchant pas ouvertement, subjectivement à manipuler, le « player » considère que, par conséquent, ce qui suit son action ne le regarde pas, sauf s’il en a envie.

Les gens qui balancent leurs mégots par terre, qui abandonnent du plastique dans une forêt, qui achètent du foie gras, qui commandent des choses inutiles sur Amazon… diront tous la même chose. A leurs yeux, ils ne font rien de mal ! La preuve, ils ne veulent pas faire le mal. S’ils ne veulent pas faire le mal, ils ne sont pas responsables. Le « player » est innocent. C’est le « user » qui est coupable. CQFD.

Ce qu’on a là, ce n’est pas simplement de la mauvaise foi. C’est toute une vision du monde sur la base de la consommation de marchandises. La consommation est passive dans sa forme, et elle apparaît comme allant de soi. Comment quelque chose allant de soi et qu’on fait passivement pourrait être quelque chose de mal ?

Fort de cet état d’esprit, le « user » agit dans la vie, il se précipite, il profite des vanités de la vie quotidienne dans le capitalisme. Et, faible de cet état d’esprit, il s’effondre psychologiquement lorsque ce qui se passe ne correspond plus à son style de vie.

C’est particulièrement vrai pour la question de la romance. Seul le socialisme peut rétablir la romance, ou plus exactement l’établir historiquement au niveau mondial, au niveau des masses mondiales. Car le « player » est incapable d’aimer. Le « user » ne veut pas aimer : il veut tromper. Le « player », lui, ne se pose pas la question. Il vit en suivant des impulsions qui lui semblent les siennes. Sauf qu’elles sont en réalité celles qui lui sont fournies par la société de consommation.

C’est là où on retombe sur l’image des joueurs d’un baby-foot. Ils sont bornés. Ils ne peuvent pas gérer un changement qualitatif dans les événements.

Si on ne comprend pas cette nature de « player » des gens vivant dans le capitalisme, façonnés par le capitalisme, on ne peut pas les comprendre du tout. On ne peut pas comprendre comment ils sont dépassés, humainement dépassés. Une humanité façonnée par les réseaux sociaux n’est pas à même d’affronter sa vie intérieure.

Encore est-il qu’il serait unilatéral d’attribuer tous les malheurs du monde aux réseaux sociaux. Facebook, Instagram, TikTok, Twitter… poussent les gens dans une certaine direction. La réciproque est toutefois également vraie. Si ces réseaux ont eu du succès, c’est qu’ils répondaient aux attentes des gens. Si Tinder a eu du succès, ce n’est pas en forçant les gens à nier le romantisme. C’est tout simplement parce que les gens niaient le romantisme à la base. Tinder n’a fait que refléter une société où on choisit, où on « sélectionne ».

Dans un tel panorama, une personne qui agit comme « user » a toute sa place. Un « user », c’est simplement un « player » qui a franchi le pas. D’où la fascination permanente pour les figures criminelles, fictives ou réelles, les Pablo Escobar, les Tony Montana de Scarface, etc.

Car, au fond, le « player » sait qu’il n’est qu’une figure de baby-foot, et il envie le « user » de tenter de modifier les règles du jeu, de vivre « pleinement ». L’utopie capitaliste du « player », c’est le monde criminel du « user ».

Que faire avec des gens pareils ? Eh bien le socialisme n’a jamais prévu que deux options. Un « user » doit être éliminé de la société, un « player » doit être rééduqué. Il n’y a pas d’autres options. Il n’est pas possible de céder à des gens qui se considèrent dans leur « bon droit ».

Et comme le droit c’est celui de consommer autant qu’on le pourra dans un occident repu… la corruption est totale et il n’y a rien à faire, à part se fonder sur l’hypothèse d’un décrochage généralisé. Ce décrochage a d’ailleurs déjà commencé. La crise commencée avec le covid-19 ne s’arrête pas et ne s’arrêtera plus. C’est la fin d’un mode de vie.

Et dans cette fin, les gens vont devoir apprendre à découvrir et à rejeter les valeurs propres à la figure du « player », et à combattre celles du « user ». Ce qu’on appelle révolution est obligatoirement une formidable autocritique. C’est une autocritique libératrice, car on se libère d’un carcan. C’est la cessation de l’esprit borné, des sensations limitées, de l’emprisonnement dans les apparences exigées par le capitalisme.

Mais c’est une autocritique tout de même.

Quelle forme prendra cette autocritique ? Ce sera par la reconnaissance de la réciprocité, de l’interaction, de la dialectique. Tout est en interaction. La conception d’un individu isolé, coupé du monde, séparé de tout le reste par une muraille infranchissable, doit être brisée, en soi. Il faut tuer l’ego.

Le 24 heures sur 24 du capitalisme célèbre l’ego. Le 24 heures sur 24 sans le capitalisme s’en débarrassera. Et entre les deux, ce qui va jouer, c’est la capacité à avancer en ce sens. Il faut supprimer le capitalisme dans la réalité matérielle, ainsi que dans les esprits, et la combinaison de ces deux aspects est la substance même de ce qu’on appelle la révolution.

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Culture

2 Bal & Mystic – La Sédition (1997)

Dans les années 1990, la culture de la Gauche était encore largement présente dans les cités HLM. Ce clip du morceau La sédition (issu de la BO de Ma 6T va crack-er, un film sans intérêt), assume un point de vue révolutionnaire communiste avec une grande fraîcheur.

C’est une jeunesse prolétaire très branchée, dont on comprend tout de suite les exigences culturelles, qui assumait alors de vouloir changer le monde et de s’en prendre à la bourgeoisie !

Voici le clip suivis des paroles :

« 2 Bal & Mystic – La Sédition

Rien ni personne ne pourra étouffer une révolte.
Tu as semé la graine de la haine, donc tu la récoltes.
Les rebelles et les rebuts ont tous opté pour le boycott.
Faisons en sorte que les aisés nous lèchent les bottes.
Traînons plus bas que terre ceux qui l’ont déjà fait.
Rendre le mal par le mal n’est pas bon en effet, mais…

La rage et la frustration empêchent à la réflexion.
Est-ce Dieu ou le diable qui guide toutes nos actions?
Sache que derrière nous il y a Beauval ainsi que les l’Ilettes.
Tous les départements du 01 au 77.

G accompagné de D accoudés de Mystik réagissent.
Notre tendance à l’extrémisme est poussée par le lest de la justice.
Strictement hardcore, la jeunesse est désespérée.
Elle est hardcore, et rien ne pourra l’arrêter.

Quoiqu’il arrive, nous saurons aussi nous défendre.
Car tu ne doutes que tout vient à point à qui sait attendre.

La sédition est la solution, révolution.
Multiplions les manifestations, passons à l’action.
La sédition est la solution, révolution.
Multiplions les manifestations, maintenant dégainons.

L’explosion de toutes les cités approche.
D’abord des gens fâchés qui n’ont pas la langue dans la poche.
Faisant partie d’un parti d’avant-garde guidé
Par des principes visant à renverser la société.

Juste pour le plaisir, je répète:
Ma 6Tva crack-er, une révolution complète.
Je prends plaisir au vacarme,
Aux fracas des vitres quand tout crame.

Les cris des jeunes deviennent des armes, qui désarment.
Das Booga, relève le gant, quand il le faut devient brigand.
Cramer le système est mon slogan.

Le sheitan fusionne avec les 2 Bal Nigga.
On additionne les forces pour faire
Face à la menace de l’état bourgeois.
La lutte des classes dans la masse, tu sens l’angoisse.

Cours très vite petit poulet, trace.
Le chacal de Beauval à l’affût de ta face.
Il faut lutter, affûter pour faire chuter le pouvoir en place.

La sédition est la solution, révolution.
Multiplions les manifestations, passons à l’action.
La sédition est la solution, révolution.
Multiplions les manifestations, maintenant dégainons.

Tise cette liqueur, ma milice est en sueur.
Forcé de bouger sur le beat indiqué par ailleurs.
J’effleure une folie meutrière.
Jusqu’à ce que Babylone prenne peur.

Pas peur d’y perdre la peau, OK pour dérailler les inspecteurs.
Regardant droit devant moi, élaborant mon phrasé de guerre.
Préparez le cimetière, « bleu l’enculé » ira en enfer.

Ouvre la porte de la guerre civile, et rentre avec fietré.
Car les droits de l’homme sont laissés à la porte d’entrée à jamais.
Sachez que ma rage est loin d’être passagère.
Face au « Commando numéro 3″, explique ce que tu comptes faire.
Car lorsque des chiens mordent mon frère,
Ces derniers sont en droit de les abattre.
Donc je check la muselière.

Celui qui s’en tire n’est pas le flambeur,
Mais celui qui a des tripes.
Donc, pour une fois, soyons à la hauteur de nos lyrics.
Du sang à 300% pour gé-chan la vision du champ.
Dorénavant, et dès maintenant, à toi de choisir ton camp.

La sédition est la solution, révolution.
Multiplions les manifestations, passons à l’action.
La sédition est la solution, révolution.
Multiplions les manifestations, maintenant dégainons. »

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Société

L’alliance des vieux fuyant le monde et des jeunes se l’accaparant

Oui, la révolution est possible ! Elle va être l’alliance des vieux maintenant le flambeau en fuyant un monde anti-culturel et des jeunes s’appropriant le monde pour qu’il devienne à la hauteur de leur exigence d’épanouissement.

Si on a plus de trente ans, on se retrouve confronté à des responsabilités. Le travail, le logement, la famille… viennent, au minimum, encadrer des vies quotidiennes finalement toujours plus répétitives, ennuyeuses, fastidieuses.

Les meilleurs cherchent un refuge. Un style de musique, une activité sportive, un créneau culturel particulier… n’importe quoi fait l’affaire, du moment qu’on fuit la stupidité du monde et le caractère soporifique d’une société faisant de BFMTV et de TF1 des monstres sacrés.

Mais que peut-il y avoir de commun, par exemple, entre un cinquantenaire écoutant de la musique industrielle, se façonnant une actualité culturelle avec des vieux groupes comme Cabaret Voltaire, SPK, Throbbing Gristle ou Nurse with wound, avec des adolescents ne sachant même pas que cela puisse exister ?

C’est que justement, la jeunesse connaît un tournant. Elle sait qu’il est possible d’avoir accès à toute la musique, tous les films, toutes les images, tous les jeux vidéos, toutes les retransmissions de sport, voire toutes les informations. Cependant, c’est toujours plus difficile de par la domination des monopoles qui verrouillent l’accès. Il y a là quelque chose de fâcheux. Il y a encore quelques années, cela pouvait être difficile, mais il y avait l’attrait du nouveau. Là tout est devant eux.

Les jeunes veulent donc s’approprier le monde. Et les plus de trente ans qui n’ont pas cédé aux exigences du conformisme capitaliste entendent le changer. Leur alliance est donc objective et si jamais elle se transforme en unité subjective, alors tout peut changer. Évidemment, les vieux doivent cesser un certain snobisme… surtout que la jeunesse est smart comme jamais. Évidemment, les jeunes doivent apprendre à faire des efforts prolongés sur le plan psychique pour découvrir la vraie richesse culturelle… Cela va exiger des efforts hors du commun.

Au final, pourtant, on peut espérer que chacun y trouve son compte. De toutes façons, comment les choses pourraient-elles changer sinon ? On voit bien qu’il y a là quelque chose de très fort, une vraie contradiction. Celle-ci est par ailleurs accentuée par la crise climatique, qui force les événements à s’accélérer. Et comme en plus les grands pays capitalistes, à force d’être en compétition, vont vers la guerre pour procéder au repartage du monde, qu’ils espèrent en leur faveur…

C’est tout un monde qui s’écroule, celui des trente glorieuses. Fini le capitalisme qui urbanise et qui permet, au moyen d’une voiture, de se faire un petit chez soi dans une vie encadrée et protégée socialement, alors que le développement économique permet d’acheter plus, de disposer d’une meilleure santé. Tout ce petit monde n’aura été qu’une parenthèse, la vie reprend son cours et l’odieux visage du capitalisme réapparaît pour ce qu’il a toujours été : un opportuniste qui peut faire de bonnes choses uniquement contraint et encore, pour une durée limitée.

C’est à se demander ce qu’ont cru les Français pendant si longtemps. Pensaient-ils vraiment que tout resterait pareil ? Que le monde ne changerait pas ? Que le capitalisme permet à chacun de profiter comme il l’entend ? Les gilets jaunes sont vraiment une naïveté et une réaction qui, dans la société de l’avenir, seront vus comme une capitulation totale sur le plan de la pensée, comme une psychose de gens ayant cru leurs propres mensonges. Peut-être est-ce cela : les Français aiment se raconter des histoires, et apprécient de les entendre, comme des enfants.