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Vie quotidienne

Le « player » et le « user »

Savez-vous pourquoi les gens se comportent de manière ignoble, mais pensent bien faire ? Tout simplement, parce qu’ils pensent qu’il y a pire. Il y a deux expressions en anglais qui aident à très bien comprendre la question.

En anglais, le mot « user » désigne un utilisateur. Mais il peut désigner celui qui utilise, au sens de quelqu’un qui manipule, qui profite. Le « user » utilise les gens dans son entourage afin d’en abuser.

Le mot « player » désigne un joueur. On peut cependant employer le terme pour désigner quelqu’un qui se divertit en profitant de son entourage, mais sans autre perspective que passer le temps. Il ne cherche pas à abuser : c’est juste qu’il refuse tout esprit de conséquence.

Les gens, dans le 24 heures sur 24 du capitalisme, sont tous des joueurs. Chacun agit en player, s’imaginant libre dans ses choix et menant sa vie comme « bon lui semble ». En réalité, le capitalisme les a totalement façonnés et ils sont comme des figures de baby-foot. On les manipule comme on veut et chaque joueur du baby-foot s’imagine : oh c’est moi qui ait décidé d’agir, et j’agis !

Et si jamais on lui reproche d’être un individualiste, de ne s’engager en rien, il répondra : mais je ne fais rien de mal, moi ! Car il a en tête la figure du « user ». Ne se considérant pas comme un « user », ne cherchant pas ouvertement, subjectivement à manipuler, le « player » considère que, par conséquent, ce qui suit son action ne le regarde pas, sauf s’il en a envie.

Les gens qui balancent leurs mégots par terre, qui abandonnent du plastique dans une forêt, qui achètent du foie gras, qui commandent des choses inutiles sur Amazon… diront tous la même chose. A leurs yeux, ils ne font rien de mal ! La preuve, ils ne veulent pas faire le mal. S’ils ne veulent pas faire le mal, ils ne sont pas responsables. Le « player » est innocent. C’est le « user » qui est coupable. CQFD.

Ce qu’on a là, ce n’est pas simplement de la mauvaise foi. C’est toute une vision du monde sur la base de la consommation de marchandises. La consommation est passive dans sa forme, et elle apparaît comme allant de soi. Comment quelque chose allant de soi et qu’on fait passivement pourrait être quelque chose de mal ?

Fort de cet état d’esprit, le « user » agit dans la vie, il se précipite, il profite des vanités de la vie quotidienne dans le capitalisme. Et, faible de cet état d’esprit, il s’effondre psychologiquement lorsque ce qui se passe ne correspond plus à son style de vie.

C’est particulièrement vrai pour la question de la romance. Seul le socialisme peut rétablir la romance, ou plus exactement l’établir historiquement au niveau mondial, au niveau des masses mondiales. Car le « player » est incapable d’aimer. Le « user » ne veut pas aimer : il veut tromper. Le « player », lui, ne se pose pas la question. Il vit en suivant des impulsions qui lui semblent les siennes. Sauf qu’elles sont en réalité celles qui lui sont fournies par la société de consommation.

C’est là où on retombe sur l’image des joueurs d’un baby-foot. Ils sont bornés. Ils ne peuvent pas gérer un changement qualitatif dans les événements.

Si on ne comprend pas cette nature de « player » des gens vivant dans le capitalisme, façonnés par le capitalisme, on ne peut pas les comprendre du tout. On ne peut pas comprendre comment ils sont dépassés, humainement dépassés. Une humanité façonnée par les réseaux sociaux n’est pas à même d’affronter sa vie intérieure.

Encore est-il qu’il serait unilatéral d’attribuer tous les malheurs du monde aux réseaux sociaux. Facebook, Instagram, TikTok, Twitter… poussent les gens dans une certaine direction. La réciproque est toutefois également vraie. Si ces réseaux ont eu du succès, c’est qu’ils répondaient aux attentes des gens. Si Tinder a eu du succès, ce n’est pas en forçant les gens à nier le romantisme. C’est tout simplement parce que les gens niaient le romantisme à la base. Tinder n’a fait que refléter une société où on choisit, où on « sélectionne ».

Dans un tel panorama, une personne qui agit comme « user » a toute sa place. Un « user », c’est simplement un « player » qui a franchi le pas. D’où la fascination permanente pour les figures criminelles, fictives ou réelles, les Pablo Escobar, les Tony Montana de Scarface, etc.

Car, au fond, le « player » sait qu’il n’est qu’une figure de baby-foot, et il envie le « user » de tenter de modifier les règles du jeu, de vivre « pleinement ». L’utopie capitaliste du « player », c’est le monde criminel du « user ».

Que faire avec des gens pareils ? Eh bien le socialisme n’a jamais prévu que deux options. Un « user » doit être éliminé de la société, un « player » doit être rééduqué. Il n’y a pas d’autres options. Il n’est pas possible de céder à des gens qui se considèrent dans leur « bon droit ».

Et comme le droit c’est celui de consommer autant qu’on le pourra dans un occident repu… la corruption est totale et il n’y a rien à faire, à part se fonder sur l’hypothèse d’un décrochage généralisé. Ce décrochage a d’ailleurs déjà commencé. La crise commencée avec le covid-19 ne s’arrête pas et ne s’arrêtera plus. C’est la fin d’un mode de vie.

Et dans cette fin, les gens vont devoir apprendre à découvrir et à rejeter les valeurs propres à la figure du « player », et à combattre celles du « user ». Ce qu’on appelle révolution est obligatoirement une formidable autocritique. C’est une autocritique libératrice, car on se libère d’un carcan. C’est la cessation de l’esprit borné, des sensations limitées, de l’emprisonnement dans les apparences exigées par le capitalisme.

Mais c’est une autocritique tout de même.

Quelle forme prendra cette autocritique ? Ce sera par la reconnaissance de la réciprocité, de l’interaction, de la dialectique. Tout est en interaction. La conception d’un individu isolé, coupé du monde, séparé de tout le reste par une muraille infranchissable, doit être brisée, en soi. Il faut tuer l’ego.

Le 24 heures sur 24 du capitalisme célèbre l’ego. Le 24 heures sur 24 sans le capitalisme s’en débarrassera. Et entre les deux, ce qui va jouer, c’est la capacité à avancer en ce sens. Il faut supprimer le capitalisme dans la réalité matérielle, ainsi que dans les esprits, et la combinaison de ces deux aspects est la substance même de ce qu’on appelle la révolution.

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Culture

2 Bal & Mystic – La Sédition (1997)

Dans les années 1990, la culture de la Gauche était encore largement présente dans les cités HLM. Ce clip du morceau La sédition (issu de la BO de Ma 6T va crack-er, un film sans intérêt), assume un point de vue révolutionnaire communiste avec une grande fraîcheur.

C’est une jeunesse prolétaire très branchée, dont on comprend tout de suite les exigences culturelles, qui assumait alors de vouloir changer le monde et de s’en prendre à la bourgeoisie !

Voici le clip suivis des paroles :

« 2 Bal & Mystic – La Sédition

Rien ni personne ne pourra étouffer une révolte.
Tu as semé la graine de la haine, donc tu la récoltes.
Les rebelles et les rebuts ont tous opté pour le boycott.
Faisons en sorte que les aisés nous lèchent les bottes.
Traînons plus bas que terre ceux qui l’ont déjà fait.
Rendre le mal par le mal n’est pas bon en effet, mais…

La rage et la frustration empêchent à la réflexion.
Est-ce Dieu ou le diable qui guide toutes nos actions?
Sache que derrière nous il y a Beauval ainsi que les l’Ilettes.
Tous les départements du 01 au 77.

G accompagné de D accoudés de Mystik réagissent.
Notre tendance à l’extrémisme est poussée par le lest de la justice.
Strictement hardcore, la jeunesse est désespérée.
Elle est hardcore, et rien ne pourra l’arrêter.

Quoiqu’il arrive, nous saurons aussi nous défendre.
Car tu ne doutes que tout vient à point à qui sait attendre.

La sédition est la solution, révolution.
Multiplions les manifestations, passons à l’action.
La sédition est la solution, révolution.
Multiplions les manifestations, maintenant dégainons.

L’explosion de toutes les cités approche.
D’abord des gens fâchés qui n’ont pas la langue dans la poche.
Faisant partie d’un parti d’avant-garde guidé
Par des principes visant à renverser la société.

Juste pour le plaisir, je répète:
Ma 6Tva crack-er, une révolution complète.
Je prends plaisir au vacarme,
Aux fracas des vitres quand tout crame.

Les cris des jeunes deviennent des armes, qui désarment.
Das Booga, relève le gant, quand il le faut devient brigand.
Cramer le système est mon slogan.

Le sheitan fusionne avec les 2 Bal Nigga.
On additionne les forces pour faire
Face à la menace de l’état bourgeois.
La lutte des classes dans la masse, tu sens l’angoisse.

Cours très vite petit poulet, trace.
Le chacal de Beauval à l’affût de ta face.
Il faut lutter, affûter pour faire chuter le pouvoir en place.

La sédition est la solution, révolution.
Multiplions les manifestations, passons à l’action.
La sédition est la solution, révolution.
Multiplions les manifestations, maintenant dégainons.

Tise cette liqueur, ma milice est en sueur.
Forcé de bouger sur le beat indiqué par ailleurs.
J’effleure une folie meutrière.
Jusqu’à ce que Babylone prenne peur.

Pas peur d’y perdre la peau, OK pour dérailler les inspecteurs.
Regardant droit devant moi, élaborant mon phrasé de guerre.
Préparez le cimetière, « bleu l’enculé » ira en enfer.

Ouvre la porte de la guerre civile, et rentre avec fietré.
Car les droits de l’homme sont laissés à la porte d’entrée à jamais.
Sachez que ma rage est loin d’être passagère.
Face au « Commando numéro 3″, explique ce que tu comptes faire.
Car lorsque des chiens mordent mon frère,
Ces derniers sont en droit de les abattre.
Donc je check la muselière.

Celui qui s’en tire n’est pas le flambeur,
Mais celui qui a des tripes.
Donc, pour une fois, soyons à la hauteur de nos lyrics.
Du sang à 300% pour gé-chan la vision du champ.
Dorénavant, et dès maintenant, à toi de choisir ton camp.

La sédition est la solution, révolution.
Multiplions les manifestations, passons à l’action.
La sédition est la solution, révolution.
Multiplions les manifestations, maintenant dégainons. »

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Société

L’alliance des vieux fuyant le monde et des jeunes se l’accaparant

Oui, la révolution est possible ! Elle va être l’alliance des vieux maintenant le flambeau en fuyant un monde anti-culturel et des jeunes s’appropriant le monde pour qu’il devienne à la hauteur de leur exigence d’épanouissement.

Si on a plus de trente ans, on se retrouve confronté à des responsabilités. Le travail, le logement, la famille… viennent, au minimum, encadrer des vies quotidiennes finalement toujours plus répétitives, ennuyeuses, fastidieuses.

Les meilleurs cherchent un refuge. Un style de musique, une activité sportive, un créneau culturel particulier… n’importe quoi fait l’affaire, du moment qu’on fuit la stupidité du monde et le caractère soporifique d’une société faisant de BFMTV et de TF1 des monstres sacrés.

Mais que peut-il y avoir de commun, par exemple, entre un cinquantenaire écoutant de la musique industrielle, se façonnant une actualité culturelle avec des vieux groupes comme Cabaret Voltaire, SPK, Throbbing Gristle ou Nurse with wound, avec des adolescents ne sachant même pas que cela puisse exister ?

C’est que justement, la jeunesse connaît un tournant. Elle sait qu’il est possible d’avoir accès à toute la musique, tous les films, toutes les images, tous les jeux vidéos, toutes les retransmissions de sport, voire toutes les informations. Cependant, c’est toujours plus difficile de par la domination des monopoles qui verrouillent l’accès. Il y a là quelque chose de fâcheux. Il y a encore quelques années, cela pouvait être difficile, mais il y avait l’attrait du nouveau. Là tout est devant eux.

Les jeunes veulent donc s’approprier le monde. Et les plus de trente ans qui n’ont pas cédé aux exigences du conformisme capitaliste entendent le changer. Leur alliance est donc objective et si jamais elle se transforme en unité subjective, alors tout peut changer. Évidemment, les vieux doivent cesser un certain snobisme… surtout que la jeunesse est smart comme jamais. Évidemment, les jeunes doivent apprendre à faire des efforts prolongés sur le plan psychique pour découvrir la vraie richesse culturelle… Cela va exiger des efforts hors du commun.

Au final, pourtant, on peut espérer que chacun y trouve son compte. De toutes façons, comment les choses pourraient-elles changer sinon ? On voit bien qu’il y a là quelque chose de très fort, une vraie contradiction. Celle-ci est par ailleurs accentuée par la crise climatique, qui force les événements à s’accélérer. Et comme en plus les grands pays capitalistes, à force d’être en compétition, vont vers la guerre pour procéder au repartage du monde, qu’ils espèrent en leur faveur…

C’est tout un monde qui s’écroule, celui des trente glorieuses. Fini le capitalisme qui urbanise et qui permet, au moyen d’une voiture, de se faire un petit chez soi dans une vie encadrée et protégée socialement, alors que le développement économique permet d’acheter plus, de disposer d’une meilleure santé. Tout ce petit monde n’aura été qu’une parenthèse, la vie reprend son cours et l’odieux visage du capitalisme réapparaît pour ce qu’il a toujours été : un opportuniste qui peut faire de bonnes choses uniquement contraint et encore, pour une durée limitée.

C’est à se demander ce qu’ont cru les Français pendant si longtemps. Pensaient-ils vraiment que tout resterait pareil ? Que le monde ne changerait pas ? Que le capitalisme permet à chacun de profiter comme il l’entend ? Les gilets jaunes sont vraiment une naïveté et une réaction qui, dans la société de l’avenir, seront vus comme une capitulation totale sur le plan de la pensée, comme une psychose de gens ayant cru leurs propres mensonges. Peut-être est-ce cela : les Français aiment se raconter des histoires, et apprécient de les entendre, comme des enfants.