Marine Le Pen participait avec d’autres dirigeants d’extrême-droite européens ce samedi 18 mai 2019 au grand meeting de campagne de Matteo Salvini, à Milan. Tout l’enjeu de ces élections pour le Rassemblement national, outre le fait d’obtenir un meilleur score que la liste soutenue par Emmanuel Macron, est de parvenir à constituer un large groupe nationaliste au parlement européen. Il s’agit de travailler l’Union européenne depuis l’intérieur et la faire exploser au profit d’alliances entre les nationalismes.
Devant des milliers de personnes rassemblées place du Duomo à Milan, le ministre de l’Intérieur de l’Italie et dirigeant de la très puissante Liga, Matteo Salvini, a réuni les dirigeants de onze autres partis d’extrême-droite européens.
Se sont ainsi succédé avant lui à la tribune Weselin Mareschki de Volya en Bulgarie, Boris Kollár de SME RODINA en Slovaquie, Tomio Okamura du SPD Tchèque, Jaak Madison de l’EKRE en Estonie, Gerolf Annemans du Vlaams Belang en Belgique, Anders Vistisen du Parti du peuple danois, Laura Huhtasaari du Parti des Finlandais, Jörg Meuthen de l’AfD en Allemagne, Georg Mayer du FPÖ en Autriche, Geert Wilders du PVV aux Pays-Bas et, donc, Marine Le Pen du Rassemblement national en France.
Toutes ces organisations sont appelées à rejoindre le groupe parlementaire Europe des nations et des libertés (ENL) de la Liga italienne, du FPÖ autrichien, du Vlaams Belang flamand et de Rassemblement national français, afin de peser ensemble malgré les divergences sur des questions essentielles. Ces divergences sont secondaires dans le cadre du parlement européen puisque ces formations ont toutes le même objectif qui est de saper l’Union européenne au profit de leurs propres nationalismes.
Il a donc été question de lutter contre la Gauche, d’« Europe des nations » s’opposant à l’Union européenne. Marine Le Pen n’a pas été en reste sur ces thèmes, qui forment le cœur de la campagne de la liste du Rassemblement national conduite par Jordan Bardella.
Le « projet » programmatique du Rassemblement national pour les élections européennes est ainsi intitulé « Pour une Europe des nations et des peuples » et consiste en une critique très appuyée du fonctionnement actuel de l’Union européenne. Il y est question de « bilan désastreux », de « fonctionnement opaque, anti-démocratique et punitif » et de renégociation des Traités actuels.
Alors qu’elle avait parlé d’« UERSS » le premier mai dernier, Marine Le Pen a encore appuyé la critique populiste de l’Union européenne ce samedi à Milan, en dénonçant une :
« oligarchie sans repères, sans racines, sans âme, qui nous dirige avec, pour seule ambition, la soumission et la dilution de nos nations » qui « fait souffler sur l’Europe les vents mauvais de la mondialisation sauvage ».
S’il pouvait s’agir il y a quelques années de quitter l’Union européenne, il est considéré maintenant qu’il est plus simple de la renverser de l’intérieur, en s’appuyant sur des alliances avec d’autres pays.
Cela est d’autant plus vrai que le thème de l’« Europe » est important pour ces différents nationalismes, qui appuient leurs propres romantismes nationaux sur l’idée d’une civilisation européennes liée à la chrétienté, ce thème classique de la Droite. La critique de l’Union européenne s’accompagne donc de la mise en avant de ce qui est appelé l’« Europe des nations ».
Marine Le Pen a ainsi expliqué que l’Europe est la « fille d’Athènes et de Rome, de la chrétienté et des Lumières », ou encore « la fille des bâtisseurs du Duomo et de Notre-Dame de Paris, de Léonard de Vinci et de Jeanne d’Arc » et qu’elle « ne trouve sa force, et donc demain sa puissance, que dans les nations qui la composent ».
Ce romantisme pan-européen n’est bien sûr qu’un prétexte pour servir les différents romantismes nationaux : il n’y aura plus d’« Europe » qui tiendra le jour où les différentes alliances s’affronteront, car la tendance est à la guerre.
Les contradictions sont très forte et chacun voudra à un moment tirer son épingle du jeu. Il faut bien voir que les partis présents hier à Milan ont des opinions très divergentes sur la Russie ou encore que la critique de l’Allemagne constitue souvent un thème nationaliste mobilisateur, notamment en France. Il en est de même pour le Royaume-Uni, pourtant « européen », mais dont les forces nationalistes entendent franchement faire bande à part de leurs homologues continentaux, et inversement.
En attendant, la collusion était totale hier entre Marine Le Pen et Matteo Salvini, qui ont la même perspective de puissance indépendante pour leur pays, passant par une alliance avec la Russie.
La dirigeante du Rassemblement national a ainsi « prêté » symboliquement la Marseillaise aux italiens, disant même quelques mots dans leur langue, reprenant le slogan de la Liga « la révolution du bon sens », avant que Matteo Salvini ne lui emboîte le pas en faisant une apparition spectaculaire galvanisant la foule dans la suite directe de sa conclusion :
« Nous vivons un moment historique. Vous pourrez dire à vos petits enfants, « j’y étais ». Un moment que nous attendons depuis longtemps et qui, enfin, se réalise, sous le ciel bientôt bleu d’Italie. Nous voulons vivre en France comme des Français, en Italie comme des Italiens, en Europe comme des Européens. Allons enfants des Patries, le jour de gloire est arrivé ».
L’Europe est traversée par un puissant mouvement de fond populiste, qui prend de plus en plus la forme de nationalismes agressifs et fascisants, dont la Liga et le Rassemblement national sont des fers de lance, avec le FPÖ autrichien ou encore le Fidesz de Viktor Orbán, mais aussi le Brexit au Royaume-Uni, etc.
Le résultat de ces élections européennes, tant en France qu’à l’échelle de l’Union européenne, posera un grand défit à la Gauche, aux gauches de chaque pays : celui d’éviter que l’Histoire ne se répète, en faisant cette fois triompher partout les fronts populaires.
Les gauches italienne et française, de part l’importance des mouvements nationalistes de leur pays menés par Matteo Salvini et Marine Le Pen, ont dans cette perspective une responsabilité historique de la plus haute importance. La Gauche a besoin d’unité, en assumant les traditions historiques du mouvement ouvrier, pour mobiliser en masse face aux nationalismes menaçants. Le Socialisme est le seul rempart possible à la pseudo « Europe des nations », mais réelle « Europe » des nationalismes et de la guerre.