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Refus de l’hégémonie

Zelensky à Paris pour l’accord France-Ukraine

Le 16 février 2024 après-midi, la France a signé un accord militaire historique avec le régime ukrainien, alors que le matin un accord du même type a été signé entre l’Ukraine et l’Allemagne. Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a tout fait dans la journée.

Cela est décidé en toute opacité, sans que le Parlement français ne s’en émeuve d’ailleurs. Tout le monde est aligné sur la superpuissance américaine.

Si la France était déjà largement engagée dans l’hostilité à la Russie, elle est maintenant officiellement liée au régime nationaliste ukrainien, et surtout à un accord militaire ouvertement dirigé contre la Russie.

Il s’agit ni plus ni moins que d’une préparation politique et juridico-pratique à un engagement militaire direct de la France contre la Russie.

Cet engagement se produira très certainement en partenariat avec la Roumanie (des accords étant déjà signés), alors que l’Allemagne s’engagera au niveau de la Pologne. Un accord pour un « corridor » militaire entre l’Allemagne, les Pays-Bas et la Pologne, facilitant le passage des troupes et du matériel, a déjà été signé le 30 janvier 2024 (l’armée néerlandaise est également déjà un satellite de l’armée allemande).

Lors du discours qui a suivi immédiatement cette signature, Emmanuel Macron a eu des mots très forts contre la Russie, racontant au passage n’importe quoi sur la situation de ce pays (catastrophe économique, émigration massive, absence de crédibilité internationale, volonté d’agresser d’autres pays, etc.).

Il a en tous cas affirmé plusieurs choses, aux conséquences très graves diplomatiquement, indiquant un changement radical de posture de la part de la France.

La première (nous soulignons) :

« La Russie a durci ses postures agressives pas seulement contre l’Ukraine mais contre nous tous.

Aujourd’hui, c’est une nouvelle phase.

La Russie de Vladimir Poutine est devenue un acteur méthodique de la déstabilisation du monde ».

La seconde :

« Ces derniers mois des manœuvres de désinformation, de manipulation de l’information et des attaques cyber se sont systématisées et intensifiées.

La Russie a franchi plusieurs seuils à l’égard des démocraties européennes.

Ce changement de posture marque une volonté d’agression à notre endroit.

L’intensification des agressions, leur changement de nature et les seuils franchis exigent un sursaut collectif. »

Emmanuel Macron affirme donc que la Russie agresse la France. C’est là le discours d’un dirigeant préparant une guerre, c’est typiquement ce que disent tous les dirigeant avant de lancer une guerre.

Plus loin dans son discours, d’ailleurs très court, il a évoqué ouvertement le sujet de l’engagement militaire français (sous l’égide de l’Europe et de l’Otan, car la France n’est qu’une colonie américaine bien entendu).

« Si on voit les choses advenir, une nouvelle phase s’ouvrir, il faut avoir la lucidité d’ouvrir une phase de réflexion stratégique et opérationnelle. »

Une réflexion « opérationnelle », cela signifie la guerre.

Et comme pour souligner cette possibilité tout à fait concrète de la guerre française contre la Russie, Emmanuel Macron a cru bon de préciser que ce n’est actuellement pas le cas, sous-entendant que ça pourrait devenir le cas.

« Que les choses soient claires, la France n’est pas en guerre contre la Russie, ni le peuple russe ».

Toutefois, il a précisé après des engagements très fermes contre la Russie. Il a eu cette phrase particulièrement hostile, mais qui ne consiste en rien de nouveau depuis 2022 :

« Nous sommes décidés à faire échec à la guerre d’agression de la Russie contre l’Ukraine ».

Par contre, radicalisant sa position, il a dit que la France est maintenant prête à « bousculer les habitudes », à « en faire davantage », appelant à un « effort de réarmement ».

Dans cette optique, 3 milliards d’euros doivent donc officiellement être distribués à l’Ukraine en 2024, après 1,7 milliards en 2022 et 2,1 milliards en 2023 d’après le Président français.

Précision ici une chose très importante. Cette prise de position française (qui est la même que celle des deux autres grands vassaux américains que sont le Royaume-Uni et l’Allemagne), intervient à un moment très particulier où l’Ukraine connaît une situation très difficile sur le plan militaire.

L’annonce le 17 février 2024 de la prise d’Avdiïvka par la Russie (l’Ukraine parle de son côté d’un retrait volontaire et sans conséquence…) est un moment marquant. C’était une position stratégique de l’armée ukrainienne depuis 2014, contre les régions séparatistes. La stratégie russe d’attrition, d’encerclement minutieux et de pilonnages de cibles très précises porte ses fruits, alors que le matériel occidental offert à l’Ukraine ne permet pas de faire de différence.

Il ne peut maintenant plus y avoir que deux solutions : soit l’Ukraine périclite rapidement, et il y aura des négociations, soit ce sera l’escalade, avec un engagement militaire directe de l’occident.

C’est précisément ici qu’intervient l’accord militaire signé entre la France et l’Ukraine, avec ses conséquences immenses. Pour dire les choses très simplement, cet accord consiste à faire comme si l’Ukraine était membre de l’Otan, tout autant qu’elle prépare son adhésion.

On l’aura compris, cela engage mutuellement les deux pays en cas de conflit futur, ou d’escalade. C’est plus qu’une alliance, c’est la formation d’un bloc militaire. On sait ici très bien qu’il s’agit du bloc occidental, dirigé par la superpuissance américaine, avec en ligne de mire la superpuissance chinoise.

L’Allemagne et le Royaume-Uni ont signé le même type d’accord avec l’Ukraine.

Toujours est-il que cela est maintenant très concret, avec des engagements signés noir sur blanc. De manière générale, il est question du soutien militaire mutuel entre les deux pays, dans la perspective de l’Otan, ainsi que d’une dénonciation aussi forte que systématique de la Russie.

Ce passage est typique :

« Le Participant français contribuera au développement des capacités de protection des infrastructures critiques de l’Ukraine, y compris par des moyens militaires, en donnant la priorité, sans s’y limiter, aux capacités modernes de défense aérienne.

Les Participants envisageront des programmes conjoints d’enseignement et de formation pour les spécialistes de la protection des infrastructures critiques. »

Surtout, l’alliance militaire totale pour l’avenir est gravée dans le marbre, obligeant pratiquement l’engagement directes des deux partie en cas de nouveau conflit :

« En cas de future agression armée russe contre l’Ukraine, à la demande de l’un ou l’autre des Participants, les Participants mèneront des consultations dans les 24 heures pour déterminer les mesures nécessaires pour contrer ou dissuader l’agression.

Dans ces circonstances, et conformément à ses obligations légales et constitutionnelles, le Participant français fournira à l’Ukraine une assistance rapide et soutenue en matière de sécurité, des équipements militaires modernes dans tous les domaines, selon les besoins, et une assistance économique ; il imposera des coûts, économiques notamment, à la Russie et consultera l’Ukraine sur ses besoins dans le cadre de l’exercice de son droit à la légitime défense consacré par l’article 51 de la Charte des Nations unies. »

Forcément, il n’est pas précisé en quoi consisterait une « nouvelle agression armée russe contre l’Ukraine »… Au passage, il est bien préciser que l’assistance doit se faire dans les deux sens.

« Les Participants s’efforceront de faire en sorte que les capacités militaires de l’Ukraine soient d’un niveau tel qu’en cas d’agression militaire extérieure contre la France, l’Ukraine soit en mesure de fournir une assistance militaire efficace. Les modalités, le format et la portée de cette assistance seront déterminés par les Participants. »

Enfin, ou surtout, l’accord interdit de faire à l’Ukraine toute négociation de paix. L’Ukraine est entièrement vassalisées par la France (qui est elle-même un vassal américain) pour servir de chair à canon contre la Russie.

Il s’agit du point 14, intitulé « Redevabilité ».

« Les Participants réaffirment leur engagement à tenir la Fédération de Russie pour responsable des pertes ou des dommages causés à des personnes et à des entités, ainsi qu’à l’État ukrainien, du fait des actes internationalement illicites qu’elle a commis en Ukraine ou contre l’Ukraine, y compris son agression en violation de la Charte des Nations Unies.

Les Participants réaffirment qu’il ne doit pas y avoir d’impunité pour les crimes de guerre et autres atrocités et que la Fédération de Russie doit en assumer la responsabilité juridique, notamment en réparant tout dommage causé par de tels actes, ce qui contribuera également à dissuader de futures agressions et à soutenir la résilience de l’Ukraine. 

Les Participants s’efforceront de demander des comptes aux responsables de crimes de guerre et d’autres crimes internationaux, commis en Ukraine ou contre l’Ukraine dans le contexte de la guerre d’agression de la Russie, conformément au droit international, notamment en soutenant les travaux du bureau du procureur général de l’Ukraine et de la Cour pénale internationale afin de garantir que les allégations de crimes de guerre fassent l’objet d’enquêtes complètes et équitables menées par des mécanismes juridiques indépendants, efficaces et robustes.

Les Participants poursuivront leur engagement au sein du « Groupe sur les options pour la création d’un tribunal sur le crime d’agression contre l’Ukraine ». »

Nous sommes à l’aube d’une troisième guerre mondiale, et la France, notre pays, participe activement à l’escalade menant à ce conflit. Il faut dénoncer l’escalade militaire, il faut dénoncer l’Otan, il faut saboter les plans militaire français de guerre contre la Russie !

Telle est l’actualité réelle, principale, essentielle de notre époque. Tout se définit par rapport à ça !

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Refus de l’hégémonie

Navalny : du RN à LFI, tous pour la guerre contre la Russie

Décédé le 16 février 2024, Alexeï Navalny était un homme politique russe sur une ligne brutalement populiste et nationaliste, qui a eu un tournant pro-Union européenne et pro-Otan. Il est alors devenu la principale figure de l’agitation pro-occidentale en Russie durant les années 2010.

C’est pourquoi toutes les forces politiques françaises le pleurent, depuis Marine Le Pen jusqu’à Jean-Luc Mélenchon. La France est entièrement aux mains du capitalisme occidental et de son objectif qui est l’affrontement militaire avec la Russie pour se l’approprier. En perdant Alexeï Navalny, elles perdent leur espoir d’un soulèvement interne pro-occidental en Russie.

Alexeï Navalny lors d’une manifestation à Moscou en 2012, wikipédia

C’est que les forces libérales en Russie sont totalement déconnectées de la réalité russe et le plus souvent composées de gens habitant en occident. Leur impact, leur influence, leur marge de manœuvre sont totalement nulles. Avec Alexeï Navalny, cela devait changer. Une alliance devait permettre de concrétiser un assemblage de forces, absurde mais efficace, pour chercher à modifier le régime.

Alexeï Navalny a ainsi obtenu 27,2% des voix aux élections municipales de Moscou en 2013. Quant à ses propres opinions politiques, il les a passés sous silence alors, afin d’émerger comme figure de proue d’une contestation appelant à un tournant « occidental ». C’est la raison pour laquelle tous les médias occidentaux n’ont cessé depuis de l’encenser.

Alexeï Navalny en procès en 2021, photo d’Evgeny Feldman, wikipédia

En fait, pour insister dans l’analyse, l’alliance n’est pas si absurde, car Alexeï Navalny était un nationaliste russe au sens ethnique (et raciste) du terme. Il pouvait donc converger avec la logique occidentale (et nationaliste ukrainienne) de démantèlement de la Fédération de Russie.

La figure de Navalny permettait tout à fait le discours comme quoi la Russie est une dictature depuis toujours, un empire « moscovite » pratiquant la violence aveugle, etc. L’objectif est très clair ici, c’est la destruction de la Russie comme nation. Alexeï Navalny voulait terminer président ou dictateur d’une petite « Moscovie » instaurée par l’occident.

Sondage en ligne du Figaro œuvrant à la propagande belliciste

Alexeï Navalny, profitant des appuis libéraux pro-occidentaux, avait cherché à taper où cela fait mal, afin d’obtenir un succès dans les masses. Il avait pour cette raison fait de la lutte contre la corruption son thème de prédilection.

C’est alors que les « mésaventures » arrivèrent. Il écope notamment de cinq ans de camp avec sursis en juillet 2013 pour… détournement d’argent, et en 2020 il part se faire soigner à Berlin, selon les occidentaux en raison d’un empoisonnement avec un produit neurotoxique militaire russe.

Revenu en Russie en janvier 2021, le sursis fut révoqué, ce qui provoqua des manifestations (avec 10 000 arrestations). L’occident tenta de lui sauver la mise en lui accordant le « prix Sakharov de défense de la liberté de pensée » en octobre 2021.

La réponse fut qu’il a ensuite été considéré comme coupable d' »escroquerie » et « outrage à magistrat », avec en mars 2022 une peine de 9 ans de prison. Un an plus tard, c’est la condamnation pour « extrémisme » à 19 ans de prison, et l’emprisonnement dans la colonie pénitentiaire de Kharp, dans l’Arctique russe, où il est décédé.

La mort d’Alexeï Navalny, juste avant l’élection présidentielle de mars 2024, a été le point culminant de toutes les années 2010, années où le régime russe s’est débarrassé en pratique à la fois de toutes les structures libérales, mais aussi de toutes les structures nationalistes racistes pourtant très puissantes.

Alexeï Navalny lors d’une manifestation à Moscou en 2017, photo d’Evgeny Feldman, wikipédia

La mort d’Alexeï Navalny douche les espoirs occidentaux, alors qu’en plus l’armée russe commence à prendre le dessus dans son conflit militaire avec le régime ukrainien. D’où la vague complète de propagande dénonçant la Russie comme le mal absolu, afin d’accorder à l’occident toutes les qualités.

Les deux grandes figures du libéralisme ont été en première ligne : le président français Emmanuel Macron a expliqué que « dans la Russie d’aujourd’hui, on met les esprits libres au goulag », et le premier ministre canadien Justin Trudeau a déclaré que le président Vladimir Poutine était « un monstre ».

Et derrière la critique libérale, il y a surtout le fait de faire la guerre à la Russie. Emmanuel Macron a ouvertement parlé de guerre avec la Russie, présentée naturellement comme à l’origine de l’agression.

« La mort de Navalny nous a tous bouleversés. Elle rappelle de la plus tragique des manières la dureté du régime du Kremlin.

La Russie est entrée dans une nouvelle phase. Une phase d’agression à l’égard des pays européens. Et de durcissement dans son pays où une forme d’impunité s’est installée : tuer les opposants et interdire les autres candidats. »

Le responsable britannique des Affaires étrangères, David Cameron, a affirmé que « Poutine doit rendre des comptes pour ce qui s’est passé, personne ne doit douter de la nature épouvantable de son régime ». Son homologue américain, Antony Blinken, a expliqué que  « la Russie est responsable de cette situation ».

La première ministre italienne, Georgia Meloni, a parlé d’un « nouvel avertissement pour la communauté internationale ». Et c’est un bon exemple, car elle est d’extrême-Droite et alignée sur l’Otan. C’est bien ce qui se passe, en France également.

On sait qu’en France, on lit souvent que le Rassemblement national ou La France insoumise seraient opposés à l’Otan ou à la superpuissance américaine. C’est totalement faux, ils se sont alignés, et ce depuis le début du conflit en Ukraine. Les forces jouant sur le nationalisme s’alignent immanquablement sur les intérêts nationaux bourgeois, et comme la France est désormais un satellite de la superpuissance américaine…

Jordan Bardella, à la tête du Rassemblement national avec Marine Le Pen, a publié le message suivant sur X/Twitter :

« Alexeï Navalny est mort dans la prison de l’Arctique où il purgeait une peine de 19 ans pour son opposition au régime. C’est une nouvelle tragique pour tous les défenseurs des droits humains et des libertés fondamentales. »

Marine Le Pen a salué sobrement Navalny comme un « militant politique engagé dans la défense de la démocratie »; elle avait tenté de profiter du soutien de la Russie (qu’elle avait également obtenu en un certain sens, notamment avec un prêt bancaire), alors elle évite d’en faire trop. Mais son alignement sur la superpuissance américaine et l’Otan est totale.

Jean-Luc Mélenchon a lui aussi salué Navalny, « au-delà des désaccords ». Une bonne expression pour signifier l’Union sacrée autour des intérêts de l’occident.

Alexeï Navalny était un nationaliste associé au libéralisme, que pouvait-on attendre d’un type pareil, qui espérait simplement parvenir au pouvoir en « Moscovie » par la main-mise occidentale sur la Russie dépecée ?

C’est là qu’on voit la convergence générale avec les visées impérialistes occidentales de la part de tout le personnel politique français, et également de la société française, corrompue par la société de consommation.

Il a été dit ici et il est donc répété : oui, la France est en guerre avec la Russie, une guerre dirigée par la superpuissance américaine, et à l’arrière-plan l’actualité réelle sur le plan mondial, c’est la confrontation entre les superpuissances américaine et chinoise.

Toute l’agitation française en faveur de Navalny est à la fois une contribution à la marche vers la guerre mondiale de repartage du monde et un reflet de cette guerre déjà installée dans le paysage.

Il faut assumer la position de la Gauche historique et affirmer que l’ennemi est dans notre propre pays. Pour la défaite de l’Otan – et la déroute de l’Occident !

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Refus de l’hégémonie

L’Ukraine veut annexer une partie de la Russie

Cette fois, c’est officialisé. Le régime ukrainien compte annexer les régions de Belgorod, de Briansk,de Koursk, de Voronej et de Rostov, ainsi que le kraï de Krasnodar. C’est officialisé par un décret présidentiel.

Nous avions déjà parlé de la carte – en fait, nous avons même été les seuls à le faire –  qu’on trouvait dans les bureaux de Kyrylo Boudanov, le directeur du renseignement militaire ukrainien.

Cette carte montre justement le découpage de la Russie en plusieurs zones, avec une partie à l’ouest annexée par l’Ukraine.

Kyrylo Boudanov, par ailleurs, nie dans une interview au Financial Times du 20 janvier 2024 que l’Ukraine se retrouve dans une situation militairement catastrophique. Il faut dire que c’est là un quotidien britannique au service de la grande bourgeoisie du pays ; il appelle ainsi à confisquer tous les avoirs russes en Europe !

C’est Robert Zoellick, ancien Secrétaire d’État adjoint des États-Unis et président de la Banque Mondiale, qui se charge de cette mission d’évangélisation en ce sens. Il dit : les contribuables risquent de râler, par contre si on prend l’argent russe, c’est une manière « élégante » de combattre la Russie.

C’est une fuite en avant belliciste, et le régime de Kiev, cette marionnette au service des Etats-Unis (et de la Grande-Bretagne) a donc justement d’officialisé la carte de Boudanov. L’Oukase présidentiel n°17 du 22 janvier 2024 affirme que des territoires appartenant à la Russie sont en fait historiquement ukrainiens.

On notera que les nationalistes ukrainiens exigeaient déjà cela en 2014, comme ici repris par des soutiens français.

C’est une preuve de plus que le nationalisme ukrainien est l’arrière-plan du régime, de l’armée et de l’idéologie diffusée dans tous les pays.

Nous aurions aimé dire le contraire : nous avons alerté pendant six mois, avant le début du conflit, sur la menace russe pesant sur l’Ukraine, expliquant que la guerre était inéluctable.

Mais que faire, le régime ukrainien s’est révélé un pur outil américain pour détruire la Russie. C’est au suicide d’une nation auquel on assiste.

Voici un exemple ce cela avec Le Figaro et l’AFP, début janvier 2024.

Des symboles nazis tatoués

L’Ukraine paie cela très cher : des voix se sont fait entendre pour que le régime reconnaissance qu’il y a eu 500 000 soldats blessés ou morts, alors que de manière officielle il est prévu de mobiliser 500 000 soldats de plus.

On n’y échappera pas, le nationalisme ukrainien est jusqu’au boutiste, il ne veut pas « protéger » l’Ukraine, mais détruire les « Moscovites ».

Le décret signé par Vladimir Zelensky rentre dans cette narration nationaliste. Il dit en ce sens qu’il faut reconnaître que les territoires concernés en Russie sont ukrainiens, et que la Russie a commis des crimes contre les Ukrainiens: c’est la fameuse thèse délirante de l’Holodomor.

Comment les Ukrainiens ont-ils pu accepter cette thèse délirante alors qu’ils parlent pour beaucoup russe, ont de la famille en Russie, sont liés à la culture russe, cela reste la grande question et cela montre bien que le nationalisme est capable de profondément aveugler.

Puis, le décret dit qu’il faut associer ce projet aux « peuples asservis par le Russie ». C’est là où on rejoint la carte de Boudanov et le projet de dépecer la Russie, au nom d’une « décolonisation ». C’est la conception nationaliste ukrainienne comme quoi les Russes ne seraient que des « Moscovites ».

On remarquera au passage que la ligne ukrainienne est ethno-nationaliste, alors que justement la Russie se présente comme une fédération. Cela explique la scission dans l’extrême-Droite française entre les ethno-nationalistes (qui forment la quasi totalité des troupes et soutiennent à fond le régime ukrainien, et de fait l’Otan) et les conservateurs / traditionalistes rêvant d’un empire décentralisé.

Pour l’extrême-Droite française, le régime ukrainien est le fer de lance de l’occidentalisme, de la « pureté » nationale, contre le mélange des peuples, fut-ce dans une Fédération.

Voici les extraits fondamentaux du décret, avec sa construction juridico-idéologique rentrant dans le cadre du dépeçage de la Russie.

À propos des territoires de la Fédération de Russie historiquement habités par les Ukrainiens

Compte tenu du fait qu’au fil des siècles, la Russie a systématiquement commis et continue de commettre des actions visant à détruire l’identité nationale, à opprimer les Ukrainiens, à violer leurs droits et libertés, y compris sur les terres historiquement habitées par eux dans le Kouban, Starodubshchyna, le nord et l’est de Slobozhanshchyna, dans le cadre de les limites des oblasts modernes de Krasnodar Krai, Belgorod, Briansk, Voronej, Koursk et Rostov de la Fédération de Russie,

soulignant la nécessité pour la Fédération de Russie de respecter ses obligations internationales visant à garantir aux Ukrainiens vivant sur ses territoires, y compris ceux historiquement habités par des Ukrainiens de souche, le droit de recevoir un enseignement en langue ukrainienne et son libre usage civil, social, culturel et religieux droits humains, accès aux médias de langue ukrainienne, droit de réunion pacifique (…)

le Cabinet des ministres de l’Ukraine devra élaborer, avec la participation d’experts internationaux, de représentants du Congrès mondial des Ukrainiens, de scientifiques et du public, et soumettre au Conseil national de sécurité et de défense de l’Ukraine un plan d’action pour préserver la sécurité nationale, l’identité des Ukrainiens dans la Fédération de Russie, y compris sur les terres historiquement habitées par eux (…).

Il s’agit de résoudre la question de la collecte et de l’étude des faits et des témoignages sur les crimes commis contre les Ukrainiens qui vivent (vécu) sur les territoires de la Russie, historiquement habités par des Ukrainiens de souche, sur la politique de russification forcée, de répression politique et de déportations des Ukrainiens, de restauration et de préservation de la mémoire historique, y compris en ce qui concerne la création d’un centre sur les questions spécifiées.

Il en va de l’intensification des travaux visant à lutter contre la désinformation et la propagande de la Fédération de Russie concernant l’histoire et le présent des Ukrainiens en Russie et de tous les peuples asservis par celle-ci, avec la participation de scientifiques, d’experts, de représentants du public ukrainien à l’étranger et d’organisations d’Ukrainiens à l’étranger, nationaux et étrangers, pour préparer et organiser des événements visant à démystifier les mythes russes sur l’Ukraine.

Il en va également du développement de l’interaction entre les Ukrainiens et les peuples asservis par la Russie ; il faudra assurer, en collaboration avec l’Académie nationale des sciences d’Ukraine, la préparation et la distribution en Ukraine et dans le monde de documents sur l’histoire de plus de mille ans de la formation de l’État ukrainien, les liens historiques des terres habitées par les Ukrainiens de souche avec l’Ukraine. formations d’États nationaux à diverses périodes historiques.

Comme on le voit, le régime de Kiev a plein d’ambitions… au service simplement du nationalisme ukrainien convergeant avec la superpuissance américaine.

C’est qu’on est à… la moitié de la guerre. En fait, soit elle se termine rapidement, entre janvier et juin 2024, soit elle durera deux ans de plus. Dans tous les cas, la Russie ne s’arrêtera pas avant Odessa et Kharkiv, avec alors une intervention de la Pologne à l’Ouest, provoquant une division de l’Ukraine en trois parties.

Nous sommes en France, pays de l’Otan, notre devoir est de combattre notre propre impérialisme, alors que la France a pris en plus la tête de la « coalition artillerie » pour l’Ukraine. Il faut saboter l’effort de guerre, la propagande belliciste, la soumission à la superpuissance américaine !

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Culture & esthétique

Casse-noisette va rétablir Noël

Noël est devenu un prétexte à l’achat de n’importe quoi sur internet, distribué n’importe comment dans des points relais. Tout est fait dans la précipitation et en même temps machinalement, et les cadeaux n’ont pas de personnalité, ils ne sont plus adaptés aux gens.

Les aristocrates ou ceux qui s’imaginent l’être diront qu’on a troqué la qualité contre la quantité. Ce n’est même pas sûr. Mais admettons, peut-on pour autant revenir en arrière? Pas du tout, il vaut mieux profiter de la capacité énorme des forces productives pour faire mieux.

Il suffit que les gens aient du goût et à ce moment-là ils choisiront de manière à la fois naturelle et culturelle. La magie de Noël pourra alors opérer, car s’adressant à chacun personnellement. Et qui peut faire tout cela? Casse-noisette qui remplace le père Noël !

Ce n’est pas seulement que le ballet Casse-noisette de Tchaïkovski est charmant, incontournable. C’est qu’il plaît de manière universelle et même s’il y a une dimension commerciale dans le phénomène, depuis plusieurs années en France la figurine du casse-noisette est devenue régulière au moment de Noël. C’est assez notable quand on sait que le régime ukrainien fait un lobbying de folie pour interdire tout ce qui est russe, Tolstoï et Dostoïevsky en tête.

De plus, il y a l’arrière-plan littéraire. Il est vrai que le roman d’Ernst Theodor Amadeus (E.T.A.) Hoffmann est assez difficile à lire et peut-être un peu sombre dans son ambiance, malgré la magie. Cependant, cela renforce la dimension culturelle. Un ballet, un roman… c’est autre chose que Coca-Cola ayant forcé l’introduction du Père Noël.

C’est d’ailleurs ici une contradiction qui doit nous intéresser en premier lieu. Il y a un côté désuet, passéiste dans Casse-noisette. Et c’est très bien, car cela montre bien que c’est un héritage historique. Exactement ce que le capitalisme ne supporte pas, de par son besoin de tout déconstruire, de tout recycler. Ce n’est pas non plus de l’idéalisme réactionnaire, car c’est de la vraie culture, allemande puis russe, atteignant l’universel.

Bref, c’est du classicisme et le socialisme défend le classicisme!

Noël a bien mérité un ballet, plein de légèreté et de féérie. Casse-noisette peut rétablir Noël, il en a les moyens. Il y a ici suffisamment d’ampleur, de profondeur, pour faire s’exprimer les esprits avec intelligence et bienveillance. C’est de cela dont les enfants ont besoin, et d’ailleurs Noël ne doit être que pour eux.

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Refus de l’hégémonie

Joe Biden en Israël contre Vladimir Poutine en Chine

L’actualité mondiale est la conquête de l’hégémonie de la part des grandes puissances. Cela donne en pratique une guerre larvée, d’influence, en plus des théâtres strictement militaires en Ukraine, en Arménie ou en Palestine. Le 18 octobre 2023 était un jour particulièrement marquant pour la grande bataille pour le repartage du monde, avec le dessin toujours plus net de deux grands blocs opposés.

Le premier, celui mené par la superpuissance américaine, tente de maintenir à tout prix ses acquis et ses positions. C’est pour cela que le président américain Joe Biden était en Israël, afin d’y affirmer son autorité au Conseil de guerre israélien.

Pour la forme, il est fait comprendre que les États-Unis soutiennent fermement Israël… et que ce dernier lui est soumis stratégiquement. Joe Biden a dit :

« À la suite de l’attaque terroriste du Hamas, qui était brutale, inhumaine, inimaginable, ce conseil s’est rassemblé, solide et uni. Je veux que vous sachiez que vous n’êtes pas seuls. Comme je l’ai déjà souligné, nous continuerons de soutenir Israël, alors que vous travaillez à la défense de votre peuple. Nous continuerons de travailler avec vous et les partenaires régionaux pour protéger des civils innocents d’autres tragédies. »

Israël est concrètement une base américaine au Proche-Orient, une base militaire, mais aussi politique et culturelle. Tout doit se définir par là. Alors Israël est prié de ne pas trop faire de vague, pour assurer les intérêts américains.

En début de semaine, le secrétaire d’État américain Anthony Blinken avait déjà assisté à l’intégralité du Conseil de sécurité israélien… qui s’était déroulé en bonne partie en anglais, et pas en hébreu moderne. Jamais un pays réellement indépendant ne pourrait accepter une telle supervision, bien entendu.

Et mercredi 18 octobre, pour affirmer sa main-mise, Joe Biden a expliqué notamment qu’il fallait l’entrée d’une aide humanitaire dans la bande de Gaza « au plus vite ». Il veut surtout limiter au maximum la portée politique néfaste mondialement d’un massacre de masse de la part d’Israël à Gaza.

L’armée américaine, qui a fait de grosses livraisons d’armes et de systèmes militaires à Israël, est donc sur le qui-vive dans la région pour faire en sorte que tout reste sous contrôle… et assumer l’escalade au besoin, mais selon les intérêts américains.

Après s’être rendu à Tel-Aviv, Joe Biden devait se rendre à Amman, en Jordanie pour y rencontrer le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas, ainsi que le roi Abdallah de Jordanie et le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi.

Il s’agit là de pays et d’une entité largement alignés en pratique sur les États-Unis, mais qui peuvent vite vaciller dans le contexte international. Et que s’est-il passé justement ? La visite a été annulée au dernier moment, officiellement en raison de l’explosion meurtrière survenue l’avant-veille sur le parking de l’hôpital al-Ahli, à Gaza. Il y a eu plusieurs centaines de morts et blessés graves selon le Hamas, quelques dizaines selon l’Union européenne.

Il y a eu tout un battage médiatique mondial pour accuser Israël, alors qu’en pratique l’attaque dans ces conditions d’une telle cible n’était pas cohérente. Israël explique de son côté qu’il s’agirait d’un tir de roquettes (ciblé ou manqué) de la part des brigades al-Qods, c’est-à-dire la branche armée du Djihad islamique palestinien (JIP), une organisation plus ou moins concurrente du Hamas (et liée à l’Iran, bien que sunnite).

Ce qu’il se passe en tous cas, c’est que les forces réactionnaires du monde arabe poussent de manière forcenée pour provoquer coûte que coûte un embrasement et se servent allégrement de cette tragédie autour d’un hôpital. Il y a notamment d’importants remous à Ramallah en Cisjordanie.

Pendant ce temps, la Chine assumait toujours plus clairement et ouvertement sa concurrence au bloc américain. Le 18 octobre 2023, elle recevait encore une fois Vladimir Poutine, le président russe. En l’occurrence pour des questions économiques, mais il a été rabâché à quel point les deux pays sont alignés, s’entendent sur les questions mondiales et veulent continuer leurs coopérations internationales.

Le président chinois a particulièrement insisté sur le « partenariat stratégique global de coordination sino-russe », expliquant que celui-ci est fondé sur un bon voisinage durable et une coopération mutuellement bénéfique, avec un engagement à long terme.

Le président russe a expliqué de son côté que :

« l’évolution du paysage international prouve pleinement le jugement stratégique du président Xi selon lequel le monde subit des changements sans précédent depuis un siècle. La Russie est prête à travailler avec la Chine pour renforcer la communication et la coordination au sein des BRICS et d’autres mécanismes multilatéraux, défendre le système international fondé sur le droit international et promouvoir la construction d’un système de gouvernance mondiale plus juste et équitable. »

Bien entendu, il a été question de la situation palestino-israélienne. Vladimir Poutine n’y est pas allé de main morte pour critiquer indirectement les États-Unis soutenant Israël, en leur opposant la création d’un État palestinien totalement « souverain et indépendant » et « avec Jérusalem comme capitale ».

Le même jour, mercredi 18 octobre 2023, le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov arrivait à Pyongyang en Corée du Nord pour deux jours et la Chine recevait les présidents du Kenya, du Nigeria et de l’Indonésie. La veille, elle recevait les dirigeants de Hongrie, du Chili, d’Éthiopie et du Kazakhstan.

La situation mondiale se tend clairement drastiquement, la guerre mondiale se dessine toujours plus nettement avec la concurrence pour l’hégémonie des deux grandes superpuissances que sont les États-Unis et la Chine (et son premier allié la Russie).

Rien n’échappe à la satellisation par les deux superpuissances à moins d’une ligne d’indépendance, fondée sur les principes de la Gauche historique. On n’y est pas, nulle part, et il le faut pourtant à tout prix pour indiquer le vrai chemin à suivre !

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Refus de l’hégémonie

Le nationalisme ukrainien et l’effacement de la Russie

Avant le conflit entre la Russie et l’Ukraine, agauche.org a pendant six mois alerté de l’imminence de ce drame historique et souligné la menace que cela faisait peser sur l’Ukraine. Le déclenchement du conflit a cependant fait basculer l’Ukraine dans un nationalisme forcené, totalement délirant, voulant effacer la Russie.

Le régime ukrainien n’est nullement actif « en défense » de l’Ukraine ; en réalité, son agenda est celui du nationalisme ukrainien combiné à celui de l’Otan, avec comme but la destruction de la Russie. Les exemples suivants montrent l’ampleur de cette fuite en avant nationaliste, où tombent les Ukrainiens qui espèrent obtenir les armes américaines et l’argent européen à l’infini.

La chanteuse d’opéra Anna Netrebko est une grande cible du nationalisme ukrainien

Prenons le prix Erich-Maria-Remarque, du nom du grand écrivain allemand auteur d’A l’Ouest rien de nouveau. Le prix est décerné par la ville allemande d’Osnabrück, dans une optique qui se veut démocratique-pacifiste. Il y a un prix principal et un prix spécial.

Pour 2023, le prix principal est allé à Lioudmila Oulitskaïa. C’est une Russe, opposante depuis longtemps à Vladimir Poutine (un « criminel »). Écrivain, elle s’est opposée à « l’opération militaire spéciale » (une « honte ») en Ukraine et s’est dans la foulée installée en Allemagne. Elle dénonce la Russie depuis plus d’une décennie comme acculturée, nationaliste, ayant une folie impérialiste des grandeurs.

Eh bien celui qui a reçu le prix spécial, le dessinateur ukrainien Serhi Maidukov, a catégoriquement refusé de recevoir son prix. Hors de question d’être aux côtés d’une Russe ! C’est là qu’on voit le degré de fanatisme du nationalisme ukrainien, qui profite de l’appui massif des occidentaux (Maidukov travaille pour les New Yorker, Wall Street Journal, Washington Post, Zeit, Guardian, des quotidiens bellicistes).

Éloge par Le Monde d’une émission d’Arte racontant avec fierté l’interdiction de ce qui est russe à l’opéra de Kiev (« Kiev, un opéra en guerre« )

La contagion est générale ; elle ne concerne pas que l’opéra où tout ce qui est russe est interdit. Prenons Andreï Kourkov, qui est le romancier ukrainien dont les œuvres ont été le plus traduites à l’étranger. Il est né… dans la banlieue de Leningrad et tous ses romans ont été écrit en russe ! Mais lui-même est pour la suppression de la langue russe désormais. Ce qui ne n’empêche pas qu’il soit dénoncé en Ukraine comme « un collaborateur au long cours » pour ses romans écrits en russe…

Au début de 2023, il y a eu, autre exemple, le festival Prima Vista, en Estonie. C’est un pays fanatiquement anti-Russie également. Néanmoins, des opposants étaient systématiquement invités. Or, cette fois, les poètes ukrainiennes Olena Huseinova et Anna Gruver ont refusé de venir. La raison a tenu à la présence de la poète russe Linor Goralik ! Cela va si loin qu’Olena Huseinova a également dénoncé un poète russe habitant aux Canada ayant pris partie dans ses œuvres pour les « victimes » du conflit à Marioupol et Boutcha. Selon elle, c’est de l’appropriation néo-coloniale.

La romancière Oksana Sabuschko s’est pris une volée de bois vert en disant qu’elle n’avait rien contre le fait que ses œuvres soient traduites en russe, tout comme l’historien Jaroslav Hryzak pour avoir accordé une interview au média russe d’opposition (et interdit) Meduza. Pareil pour le romancier le plus connu en Ukraine, Iouri Androukhovytch, qui a été critiqué pour avoir parlé avec le romancier russe Mikhaïl Chichkine à un festival littéraire en Norvège en septembre 2022. Ce Mikhaïl Chichkine, dont la mère est Ukrainienne, vit pourtant en Suisse depuis 1995, publie dans tous les journaux occidentaux anglophones et dénonce Vladimir Poutine depuis le départ !

Le nationalisme ukrainien est une idéologie qui, depuis sa fondation au 19e siècle, vise à l’effacement de la Russie. Cette dernière ne serait qu’un assemblage artificiel produit par la « Moscovie ». Il n’y a donc rien de « russe » à reconnaître. Et même les Russes opposés à « l’opération militaire spéciale » sont donc dénoncés comme des agents du colonialisme. Tel est le fanatisme du nationalisme ukrainien, dont un exemple terrible est la nomination en septembre 2023 d’un nouveau ministre de la défense ukrainien, après un scandale de corruptions.

On parle ici de Roustem Oumierov, né en Ouzbékistan et Tatar de Crimée, où sa famille est revenue en 1991 : les Tatars avaient été déportés en 1944 par l’URSS en raison de leur soutien à l’Allemagne nazie. On comprend par sa nomination que c’est un symbole de la visée ukrainienne sur la Crimée. Cette dernière est russe historiquement et jamais la Russie ne l’abandonnera : le fait de nommer un tel ministre de la Défense montre qu’aucune solution pacifique n’est envisagée ni envisageable par l’Ukraine.

Roustem Oumierov est passé par les États-Unis, notamment avec le « Future Leaders Exchange ». C’est un agent américain. Mais pas seulement : il parle d’ailleurs turc et on comprend le double jeu de la Turquie, qui compte bien faire un partenariat approfondi avec le belligérant victorieux, que ce soit la Russie ou l’Ukraine. Telle est la bataille pour le repartage du monde.

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Refus de l’hégémonie

Premier élargissement des BRICS

Le groupe Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud (Brics) s’est élargi à l’occasion de son 15e sommet en Afrique du Sud, à Johannesburg, du 22 au 24 août 2023. Un tel événement, une année et demie après le début du conflit armé entre la Russie et l’Ukraine, reflète la vague de fond qui est l’affirmation historique du tiers-monde contre l’hégémonie de la superpuissance américaine. Non seulement il n’y a pas d’alignement sur cette dernière, mais il y a même un soutien appuyé à son concurrent, la superpuissance chinoise.

La raison de cela, c’est que l’incroyable croissance du capitalisme dans la période 1989-2020, désormais brisée par la crise, a produit un développement massif de trop de pays pour que l’équilibre des forces ne soit pas remis en cause. L’affrontement sino-américain ne concerne pas que les États-Unis et la Chine. Tous les pays du monde participent, à leur échelle, à la grande bataille pour le repartage du monde.

Les BRICS forment le camp des outsiders les plus affirmés. Et les pays membres vont être rejoints en 2024 par l’Arabie saoudite, l’Égypte, les Émirats arabes unis, l’Argentine, l’Iran et l’Éthiopie.

L’exemple de l’Arabie Saoudite est très parlant. Son État a été construit littéralement artificiellement par les États-Unis en raison du pétrole. C’est tellement un satellite néo-colonial que lorsque Ben Laden avec Al-Qaïda tente une révolte justement néo-coloniale contre les États-Unis, cela n’a aucun impact véritable. Et vingt ans après les attentats du 11 septembre 2001, l’Arabie Saoudite s’émancipe de la tutelle américaine pour partir à l’aventure.

Autrement dit, des pays à moitié féodaux, largement soumis économiquement aux pays « riches », deviennent tout de même assez riches pour chercher à tirer leur épingle du jeu. En Argentine, le peuple est dans la misère, mais le pays a atteint une masse suffisamment grande pour tenter de rentrer dans le grand jeu.

Tel est l’appel d’air fourni par en priorité la Chine, mais également la Russie (à travers sa taille et ses ressources), à quoi s’ajoutent l’Inde qui est concurrente de la Chine mais a besoin d’espace face aux États-Unis, le Brésil qui se verrait bien dominer l’Amérique du Sud, l’Afrique du Sud qui aimerait bien devenir la puissance dominante dans la partie Sud de l’Afrique.

Les dirigeants des pays des BRICS dans sa version 2023

Toute une série de pays est d’ailleurs à la porte des BRICS. On parle ici des pays suivants en première ligne, même si la liste n’est pas précisément fixe : Afghanistan, Algérie, Angola, Bahreïn, Bangladesh, Biélorussie, Gabon, Indonésie, Kazakhstan, Mexique, Nicaragua, Nigeria, Pakistan, République démocratique du Congo, Sénégal, Soudan, Syrie, Thaïlande, Tunisie, Turquie, Uruguay, Venezuela, Zimbabwe. Les prochains adhérents seront certainement l’Algérie et le Nigeria, l’Indonésie et la Thaïlande.

Il va de soi que l’intégration des prochains pays est déjà programmé. Le fait d’avoir intégré un pays latino-américain, deux pays africains, trois pays moyen-orientaux, est un signal fort. Il s’agissait de souligner un peu l’interventionnisme sur le continent américain (chasse gardée des États-Unis selon la doctrine Monroe en 1823), beaucoup la perspective africaine, à la folie la mise à la disposition des ressources en pétrole et en gaz.

Ce qui est dit, c’est : « nous avons la masse en termes d’habitants, nous avons le grand poids lourd économique chinois et le grand poids lourds en ressources russe, le moyen-orient se moque de qui dominera du moment qu’il est de la partie, vous avez tout à gagner à nous suivre. »

Le conflit armé en Ukraine a fourni la première étape de la grande remise en cause, la question de Taïwan en fournira la seconde. C’est la fin de l’occident qui se joue.

Le président français Emmanuel Macron a tenté de rendre visite au sommet des BRICS : il s’est fait recaler. La France est désormais clairement considérée comme un simple satellite américain. Elle est en première ligne pour l’intégration de l’Ukraine dans l’Union européenne et dans l’Otan. Ce qui est tenté, c’est un partenariat France-Ukraine pour remplacer l’Allemagne comme force principale en Europe. Pour cette raison d’ailleurs, la droite allemande rage totalement du soutien « trop faible » du gouvernement socialiste allemand au régime ukrainien. L’extrême-Droite exige par contre une alliance avec la Russie.

Le président russe Vladimir Poutine n’a pas pu venir au sommet des BRICS non plus, en raison des poursuites pénales promues par l’occident, par l’intermédiaire de la Cour pénale internationale. C’est le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, qui l’a remplacé, afin d’éviter à l’Afrique du Sud de se retrouver dans un imbroglio juridique international.

Les pays membres ou futurs membres des BRICS ne veulent que prendre la place des pays riches. Cependant, ils affaiblissent historiquement l’ordre mondial, ils contribuent à la remise en cause de l’occident. Et ils portent une pierre bien trop lourde pour eux. La remise en cause totale de l’hégémonie américaine n’impliquera pas l’affirmation de la Chine (ou bien de manière très temporaire), mais bien du Socialisme, car c’est l’ensemble du système capitaliste mondial qui sera totalement ébranlé.

C’est la fin de l’occident et cette fin implique la fin du capitalisme. Et si l’occident croit dans sa quasi intégralité que tout restera tel quel, c’est en raison de l’aveuglement propre à une force en décadence. Le monde a totalement changé depuis 2020, il continue de changer et il ne s’arrêtera plus de changer jusqu’à l’effondrement général du capitalisme !

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Culture & esthétique

Les Français vus par Dostoïevski dans « Le joueur »

En 2023, la grande majorité des Russes ne se considèrent plus comme des Européens. Il y a une double raison à cela. Tout d’abord, les oligarques sont de nouveaux riches sans culture et leur principal centre d’attraction, c’est Dubaï. Le capital russe s’y trouve en des quantités astronomiques.

La seconde, c’est le profond sentiment de trahison à l’égard des pays européens. Malgré leur immense culture, leurs immenses apports scientifiques, les Russes se voient donner une image de paysans arriérés et brutaux.

Seuls les Français ont historiquement une toute autre image des Russes, et la trahison d’une France désormais inféodée à l’Otan s’en ressent d’autant plus. Car les Russes adorent les Français (même malgré Napoléon), et l’inverse est vrai : les Français sont impressionnés par la belle âme russe.

D’ailleurs, si le nationalisme ukrainien passe très bien dans les autres pays européens, en France on ne peut pas prendre ça au sérieux. La Russie n’existerait pas, ce serait une Moscovie ? Les Russes seraient des arriérés despotiques « semi-asiatiques », il faudrait interdire Tolstoï et Dostoïevski ? En Angleterre on peut écouter des stupidités pareilles exigées par le régime ukrainien, jamais en France.

Voici un bel exemple culturel de ce rapport franco-russe, avec les extraits concernant les Français dans le roman Le joueur, de Dostoïevski. Ce roman est considéré en France comme un très grand classique. Les Français s’y font cependant descendre en flammes pour être des pédants superficiels toujours avec un masque !

Mais les Français savent que la critique porte, qu’elle cerne un aspect réel de leur style national : le côté formel empêchant parfois (ou souvent) d’être vrai.

– Le marquis de Grillet lève très haut les sourcils quand il me voit, tout en faisant semblant de ne pas me remarquer. Mais savez-vous que j’ai une envie folle de le tirer un jour par le nez ?

— Quelle gaminerie ! Il n’y a pas de situation où l’on ne puisse se tenir avec dignité. La douleur doit nous relever au lieu de nous avilir.

— Le beau cliché ! Mais êtes-vous bien sûre que je puisse me tenir avec dignité ? Je suis peut-être un homme digne ; mais me tenir avec dignité, c’est autre chose.

Tous les Russes sont ainsi, parce qu’ils sont trop richement et trop universellement doués pour trouver aussitôt l’attitude exigée par les circonstances. C’est une question de place publique. Il nous faut du génie pour concentrer nos facultés et les fixer dans l’attitude qu’il faut. Et le génie est rare.

Il n’y a peut-être que les Français qui sachent paraître dignes sans l’être. C’est pourquoi, chez eux, la place publique a tant d’importance. Un Français laisse passer une offense réelle, une offense de cœur, sans la relever, pourvu qu’elle soit secrète ; mais une pichenette sur le nez, voilà ce qu’il ne tolère jamais, car cela constitue une dérogation aux lois des convenances.

C’est pourquoi nos jeunes filles aiment tant les Français, c’est à cause de leur jolie attitude. Le coq gaulois ! Pour moi, vous savez, cette attitude-là…

***

De Grillet est, comme tous les Français, gai, aimable quand il le faut ou quand cela rapporte, et terriblement ennuyeux quand la gaieté et l’amabilité ne sont pas nécessaires. Le Français est très rarement aimable par tempérament ; il ne l’est presque jamais que par calcul.

S’il sent la nécessité d’être original, sa fantaisie est ridicule et affectée ; au naturel, c’est l’être le plus banal, le plus mesquin, le plus ennuyeux du monde.

Il faut être une jeune fille russe, je veux dire quelque chose de très neuf et de très naïf, pour s’éprendre d’un Français. Il n’y a pas d’esprit sérieux qui ne soit choqué par l’affreux chic de garnison qui fait le fond de ces manières convenues une fois pour toutes, par cette amabilité mondaine, par ce faux laisser aller et cette insupportable gaieté.

***

— Mille excuses, monsieur Astley ; mais permettez pourtant. Il n’y a là rien d’offensant. Je ne fais aucune allusion malséante. D’ailleurs, comparer ensemble une jeune fille russe et un Français est impossible.

— Si vous ne rappelez pas à dessein le nom de de Grillet en même temps que… l’autre nom, je vous prie de m’expliquer ce que vous entendez par l’impossibilité de cette comparaison. Pourquoi est-ce précisément d’un Français et d’une jeune fille russe que vous parlez ?

— Vous voyez ! Vous voilà intéressé. Mais le sujet est trop vaste, monsieur Astley. La question est plus importante qu’on ne pourrait le croire au premier abord. Un Français, monsieur Astley, c’est une forme belle, achevée. Vous, en votre qualité d’Anglo-Saxon, vous pourrez n’en pas convenir, — pas plus que moi en qualité de Russe, — par jalousie, peut-être. Mais nos jeunes filles peuvent avoir une autre opinion. Vous pouvez trouver Racine parfumé, alambiqué, et vous ne le lirez même peut-être pas. Je suis peut-être de votre avis. Peut-être le trouverons-nous même ridicule. Il est pourtant charmant, monsieur Astley, et, que nous le voulions ou non, c’est un grand poète.

Les Français, — que résument les Parisiens, — avaient déjà des élégances et des grâces quand nous étions encore des ours. La Révolution a partagé l’héritage de la noblesse au plus grand nombre. Il n’y a pas aujourd’hui si banal petit Français qui n’ait des manières, de la tenue, un langage et même des pensées comme il faut, sans que ni son esprit ni son cœur y aient aucune part. Il a acquis tout cela par hérédité.

Or il est peut-être par lui-même vil parmi les plus vils. Eh bien ! monsieur Astley, apprenez qu’il n’y a pas au monde d’être plus confiant, plus intelligent et plus naïf qu’une jeune fille russe. De Grillet, se montrant à elle sous son masque, peut la séduire sans aucune peine. Il a la grâce des dehors, et la jeune fille prend ces dehors pour l’âme elle-même, et non pour une enveloppe impersonnelle.

Les Anglais, pour la plupart, — excusez-moi, c’est la vérité, — sont gauches, et les Russes aiment trop la beauté, la grâce libre, pour se passer de ces qualités. Car il faut de l’indépendance morale pour distinguer la valeur du caractère personnel ; nos femmes, et surtout nos jeunes filles, manquent de cette indépendance, et, dites-moi, quelle expérience ont-elles ?

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Culture

L’Encyclopédie de Diderot sur la Russie et l’Ukraine

Deux articles riches d’enseignements.

L’Encyclopédie est un monument universel de la culture nationale française ; c’est une puissante contribution des Lumières. Et même si l’on ne s’intéresse pas dans le détail aux informations fournies dans les articles Russie et Ukraine, on peut en tirer des enseignements par la négative.

La propagande de guerre occidentale, en mode bourrage de crâne, insiste sur le fait que la Russie n’existe pas, que ce serait une sorte d’empire colonial asiatico-barbare. Les Russes seraient d’ailleurs des fanatiques suicidaires, avec un esprit criminel à la Dostoïevski, pour qui la vie ne compterait pas.

Ce n’est pas une plaisanterie ! Pour des Français pétris au rationalisme, c’est trop gros pour être vrai, et pourtant c’est bien le cas. Dostoïevski est présenté désormais comme l’exemple de l’âme damnée russe qu’il faudrait absolument éliminer.

C’est le fond de l’idéologie nationaliste « bandériste » en Ukraine, où le président Volodymyr Zelensky vient de demander au premier ministre Denys Chmyhal d’étudier le remplacement du mot « Russie » par celui de « Moscovie ».

Et comme la Russie serait une fiction, il faudrait la « décoloniser », la diviser en plusieurs pays. C’est tout à fait assumé de la part du régime ukrainien.

Or, l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert dit précisément tout le contraire ; elle insiste sur le fait que la Russie n’est plus la Moscovie, qu’elle est une nation se développant, sous l’impulsion de Pierre le grand (1672-1725). C’est d’ailleurs lui qui, ayant comme référence les Pays-Bas, le premier pays capitaliste, reprit ses couleurs, blanc-bleu-rouge, qui devinrent ceux du drapeau national russe (et des Slaves en général pour la plupart).

L’Encyclopédie présente également bien l’Ukraine, alors une contrée plus qu’autre chose et subissant perpétuellement les invasions, ne devant sa sortie de secours en termes de civilisation qu’en se tournant vers la Russie. De fait, c’est seulement alors que le pays se structurera réellement, alors que la reconnaissance de l’Ukraine et le développement systématique de sa langue ne se feront qu’à partir de l’instauration de l’URSS.

Tout cela contredit formellement la propagande occidentale !

L’article de l’Encyclopédie sur l’Ukraine

UKRAINE, (Géog. Mod.)​

contrée d’Europe bornée au nord par la Pologne & la Moscovie, au midi par le pays des tartares d’Oczakou, au levant par la Moscovie, & au couchant par la Moldavie.

Cette vaste contrée s’appelle autrement la petite Russie, la Russie rouge, & mieux encore la province de Kiovie ; elle est traversée par le Dnieper que les Grecs ont appellé Boristhène. La différence de ces deux noms, l’un dur à prononcer, l’autre mélodieux, sert à faire voir, avec cent autres preuves, la rudesse de tous les anciens peuples du Nord, & les graces de la langue greque.

La capitale Kiou, autrefois Kisovie, fut bâtie par les empereurs de Constantinople, qui en firent une colonie ; on y voit encore des inscriptions greques de douze cens années : c’est la seule ville qui ait quelque antiquité, dans ces pays où les hommes ont vécu tant de siecles sans bâtir des murailles. Ce fut-là que les grands ducs de Russie firent leur résidence, dans l’onzieme siecle, avant que les Tartares asservissent la Russie.

Les Ukraniens qu’on nomme Cosaques, sont un ramas d’anciens Roxelans, de Sarmates, de Tartares réunis. Cette contrée faisoit partie de l’ancienne Scythie. Il s’en faut beaucoup que Rome & Constantinople qui ont dominé sur tant de nations, soient des pays comparables pour la fertilité à celui de l’Ukraine.

La nature s’efforce d’y faire du bien aux hommes ; mais les hommes n’y ont pas secondé la nature, vivant des fruits que produit une terre aussi inculte que féconde, & vivant encore plus de rapine, amoureux à l’excès d’un bien préférable à tout, la liberté ; & cependant ayant servi tour-à-tour la Pologne & la Turquie. Enfin ils se donnerent à la Russie en 1654, sans trop se soumettre, & Pierre les a soumis.

Les autres nations sont distinguées par leurs villes & leurs bourgades. Celle-ci est partagée en dix régimens. A la tête de ces dix régimens étoit un chef élu à la pluralités des voix, nommé Hetman ou Itman.

Ce capitaine de la nation n’avoit pas le pouvoir suprème. C’est aujourd’hui un seigneur de la cour que les souverains de Russie leur donnent pour itman ; c’est un véritable gouverneur de province semblable à nos gouverneurs de ces pays d’états qui ont encore quelques privileges.

Il n’y avoit d’abord dans ce pays que des Payens & des Mahométans ; ils ont été baptisés chrétiens de la communion romaine, quand ils ont servi la Pologne, & ils sont aujourd’hui baptisés chrétiens de l’église greque, depuis qu’ils sont à la Russie. Descript. de Russie. (D. J.)

L’article de l’Encyclopédie sur la Russie

RUSSIE, (Géog. Mod.)

vaste pays qui forme un grand empire, tant en Europe qu’en Asie. La mer Glaciale borne la Russie au septentrion ; la mer du Japon la termine à l’orient ; ​la grande Tartarie est au midi, aussi bien que la mer Caspienne & la Perse ; la Pologne, la petite Tartarie, la Mingrelie, & la Géorgie, sont la borne du côté du couchant. Entrons dans les détails.

L’empire de Russie s’étend d’occident en orient, près de deux mille  lieues communes de France, & a sept cens lieues du sud au nord dans sa plus grande largeur ; il confine à la Pologne & à la mer Glaciale ; il touche à la Suede & à la Chine ; sa longueur de l’île de Dago à l’occident de la Livonie​​, jusqu’à ses bornes les plus orientales, comprend environ cent cinquante degrés ; sa largeur est de trois mille verstes du sud au nord, ce qui fait au moins six cent de nos lieues communes.

Enfin, ce qui est compris aujourd’hui sous le nom de Russie, ou des Russies, est à peu près aussi vaste que le reste de l’Europe ; mais presque tout cet empire n’est qu’un désert, au point que ​si l’on compte en Espagne (qui est le royaume de l’Europe le moins peuplé), quarante personnes par chaque mille quarré, on ne peut compter que cinq personnes en Russie dans le même espace ; tandis qu’en Angleterre, chaque mille quarré​ contient plus de deux cens habitans ; le nombre est encore plus grand en Hollande.

Au reste, nous appellions autrefois la Russie du nom de Moscovie, parce que la ville de Moscou, capitale de cet empire, étoit la résidence des grands ducs de Russie ; aujourd’hui l’ancien nom de Russie a prévalu.

Ce vaste empire est partagé en seize grands gouvernemens, dont plusieurs renferment des provinces immenses & presque inhabitées.

La province la plus voisine de nos climats, est celle de la Livonie, une des plus fertiles du nord, & qui étoit payenne au XII. siecle. Le roi de Suede, Gustave Adolphe, la conquit ; mais le czar Pierre l’a reprise sur les Suédois.​

Plus au nord se trouve le gouvernement de Rével & de l’Estonie, & cette province est encore une des conquêtes de Pierre.

Plus haut en montant au nord est la province d’Arcangel, pays entierement nouveau pour les nations méridionales de l’Europe, mais dont les Anglois découvrirent le port en 1533. & y commercerent, sans payer aucuns droits, jusqu’au tems où Pierre le grand a ouvert la mer Baltique à ses états.

A l’occident d’Arcangel, & dans son gouvernement, est la Laponie russe, troisieme partie de cette contrée ; les deux autres appartiennent à la Suede & au Danemarck ; c’est un très-grand pays, qui occupe environ huit degrés de longitude, & qui s’étend en latitude du cercle polaire au cap nord.​22​

Les Lapons moscovites sont aujourd’hui censés de l’église grecque ; mais ceux qui errent vers les montagnes septentrionales du cap nord, se contentent d’adorer un Dieu, sous quelques formes grossieres ; ancien usage de tous les peuples nomades.

Cette espece d’homme, peu nombreuse, a très peu d’idées, & ils sont heureux de n’en avoir pas davantage ; car alors ils auroient de nouveaux besoins qu’ils ne pourroient satisfaire ; ils vivent contens & sans maladies, en ne buvant guere que de l’eau dans le climat le plus froid, & arrivent à une longue vieillesse.

La coutume qu’on leur imputoit de prier les étrangers de faire à leurs femmes & à leurs filles l’honneur de s’approcher d’elles, vient probablement du sentiment de la supériorité qu’ils reconnoissoient dans ces étrangers, en voulant qu’ils pussent servir à corriger les défauts de leur race. C’étoit un usage établi chez les peuples vertueux de Lacédémone ; un époux prioit un jeune homme bien fait, de lui donner de beaux enfans qu’il pût adopter.

La jalousie & les lois empêchent les autres hommes de donner leurs femmes ; mais les Lapons étoient presque sans lois, & probablement n’étoient point jaloux.

Quand on a remonté la Dwina du nord au sud, on arrive au milieu des terres à Moskow, capitale de la province de l’empire de Russie, appellée la Moscovie, Voyez Moskow​.

A l’occident du duché de Moskow, est celui de Smolensko, partie de l’ancienne ​Sarmatie européenne ; les duchés de Moscovie & de Smolensko composoient la Russie blanche proprement dite.

Entre Petersbourg & Smolensko, est la province & gouvernement de Novogorod. On dit que c’est dans ce pays que les anciens Slaves, ou Slavons, firent leur premier établissement ; mais d’où venoient ces Slaves, dont la langue s’est étendue dans le nord-est de l’Europe ? Sla signifie un chef, & esclave, appartenant au chef.

Tout ce qu’on sait de ces anciens Slaves, c’est qu’ils étoient des conquérans. Ils bâtirent la ville de Novogorod la grande, située sur une riviere navigable dès sa source, laquelle jouit longtems d’un florissant commerce, & fut une puissante alliée des villes anséatiques.

Le czar Ivan Basilovitz (en russe Iwan Wassiliewitsch) la conquit en 1467, & en emporta toutes les richesses, qui contribuerent à la magnificence de la cour de Moskow, presque inconnue jusqu’alors.

Au midi de la province de Smolensko, se trouve la province de Kiovie, qui est la petite Russie, la Russie rouge, ou l’Ukraine, traversée par le Dnieper, que les Grecs ont appellé Boristhène.

La différence de ces deux noms, l’un dur à prononcer, l’autre mélodieux, sert à faire voir, avec cent autres preuves, la rudesse de tous les anciens peuples du nord, & les graces de la langue grecque.

La capitale Kiou, autrefois Kiovie, fut bâtie par les empereurs de Constantinople, qui en firent une colonie : on y voit encore des inscriptions grecques de douze cens années ; c’est la seule ville qui ait quelque antiquité, dans ces pays où les hommes ont vêcu tant de siecles, sans bâtir des murailles. Ce fut-là que les grands ducs de Russie firent leur résidence dans l’onzieme siecle, avant que les Tartares asservissent la Russie.

Si vous remontez au nord-est de la province de Kiovie, entre ​le Boristhene & le Tanais​​, c’est le gouvernement de Belgorod qui se présente : il étoit aussi grand que celui de Kiovie. C’est une des plus fertiles provinces de la Russie ; c’est elle qui fournit à la Pologne une quantité prodigieuse de ce gros bétail qu’on connoît sous le nom de bœufs de l’Ukraine. Ces deux provinces sont à l’abri des incursions des petits Tartares par des lignes qui s’étendent du Boristhene au Tanaïs, garnies de forts & de redoutes.

Remontez encore au nord, passez le Tanaïs, vous​​entrez dans le gouvernement de ​Véronise, qui s’étend jusqu’au bord des ​palus Méotides​. Vous trouvez ensuite le gouvernement de ​Nischgorod​fertile en grains, & traversé par le Volga.

De cette province, vous entrez au midi dans le royaume ou gouvernement d’Astracan. Ce royaume qui commence au quarante-troisieme degré & demi de latitude, & finit vers le cinquantieme, est une partie de l’ancien Capshak​, conquis par Gengiskan, & ensuite par Tamerlan ; ces tartares dominerent jusqu’à Moscou.

Le czar Jean Basilides​, petit-fils d’Ivan Basiliovitz, & le plus grand conquérant d’entre les Russes, délivra son pays du joug tartare, au seisieme siecle, & ajouta le royaume d’Astracan à ses autres conquêtes en 1554.

​Au-delà du Volga & du ​Jaïk, vers le septentrion, est le royaume de Casan, qui, comme Astracan, tomba dans le partage d’un fils de Gengis-kan, & ensuite d’un fils de Tamerlan, conquis de même par Jean Basilide ; il est encore peuplé de beaucoup de tartares mahométans. Cette grande contrée s’étend jusqu’à la Sibérie ; il est constant qu’elle a été florissante & riche autrefois ; elle a conservé encore quelque reste d’opulence. Une province de ce royaume appellée ​la grande Permie, ensuite le Solikam, étoit l’entrepôt des marchandises de la Perse, & des fourrures de Tartarie​.

Des frontieres des provinces d’Arcangel, de Resan​, d’Astracan, s’étend à l’orient la Sibérie, avec les terres ultérieures jusqu’à la mer du Japon. Là sont les Samoyedes, la contrée des Ostiaks le long du fleuve Oby, les Burates​, peuples qu’on n’a pas encore rendus chrétiens.

Enfin la derniere province est le Kamshatka, le pays le plus oriental du continent. Les habitans étoient absolument sans religion quand on l’a découvert. Le nord de cette contrée fournit aussi de belles fourrures ; les habitans s’en revêtoient l’hiver, & marchoient nuds l’été.​

Voila les seize gouvernemens de la Russie, celui de Livonie, de Revel ou d’Estonie, d’Ingrie, de Vibourg, d’Arcangel, de Laponie russe, de Moscovie, de Smolensko, de Novogorod, de Kiovie, de Belgorod, de Véronise, de Nitschgorod, d’Astracan, de Casan & de Sibérie.

Ces gouvernemens composent en général la domination de la Russie, depuis la Finlande à la mer du Japon. Toutes les grandes parties de cet empire ont été unies en divers tems, comme dans tous les autres royaumes du monde ; des Scythes, des Huns, des ​Massagetes​50​, des Slavons, des Cimbres, des ​Getes,​ des Sarmates, sont aujourd’hui les sujets des czars ; les Russes proprement dits, sont les anciens ​Roxelans​ ou Slavons.

La population du vaste empire de Russie est, comme je l’ai dit, la moindre qu’il y ait dans le monde, à proportion de son étendue. ​Par un dénombrement de la capitation qui a été faite en 1747, il s’est trouvé six millions six cens quarante mille mâles ; & comme dans ce dénombrement les filles & les femmes n’y sont pas comprises, non plus que les ecclésiastiques, qui sont au nombre de deux cens mille ames, & l’état militaire qui monte à trois cens mille hommes, M. de Voltaire juge que le total des habitans de la Russie doit aller à vingt-quatre millions d’habitans ​​; ​mais il faut se défier de tous les dénombremens d’un pays que demandent par besoin les souverains, parce que pour leur plaire, on a grand soin de multiplier, d’exagérer, de doubler le nombre de leurs sujets.

Il est très-vraissemblable que la Russie n’a pas douze millions d’habitans​, & qu’​elle a été plus peuplée qu’aujourd’hui, dans le tems que la petite-vérole venue du fond de l’Arabie, & ​l’autre venue d’Amérique​, n’avoient pas encore fait de ravages dans ces​ climats où elles se sont enracinées.

Ces deux fléaux, par qui le monde est plus dépeuplé que par la guerre, sont dûs, l’un à Mahomet, l’autre à Christophe Colomb. La peste, originaire d’Afrique, approchoit rarement des contrées du septentrion. Enfin les peuples du nord, depuis les Sarmates jusqu’aux Tartares, qui sont au-delà de la grande muraille, ayant inondé le monde de leurs irruptions, cette ancienne pépiniere d’hommes doit avoir étrangement diminué.

Dans cette vaste étendue de pays que renferme la Russie, on compte environ 7400 moines, & 5600 religieuses, malgré le soin que prit Pierre le grand de le réduire à un plus petit nombre ; soin digne d’un législateur dans un empire où ce qui manque principalement c’est l’espece humaine.

Ces treize mille personnes cloitrées & perdues pour l’état, ont soixante-douze mille serfs pour cultiver leurs terres, & c’est évidemment beaucoup trop ; rien ne fait mieux voir combien les anciens abus sont difficiles à déraciner.

Avant le czar Pierre, les usages, les vêtemens, les mœurs en Russie, avoient toujours plus tenu de l’Asie que de l’Europe chrétienne ; telle étoit l’ancienne coutume de recevoir les tributs des peuples en denrées, de défrayer les ambassadeurs dans leurs routes & dans leur séjour, & celle de ne se présenter ni dans l’église, ni devant le trône avec une épée, coutume orientale opposée à notre usage ridicule & barbare, d’aller parler à Dieu, au roi, à ses amis & aux femmes avec une longue arme offensive qui descend au bas des jambes.

L’habit long dans les jours de cérémonie, étoit bien plus noble que le vêtement court des nations occidentales de l’Europe. Une tunique doublée de pelisse, avec une longue simarre enrichie de pierreries dans les jours solemnels, & ces especes de hauts turbans qui élevoient la taille, étoient plus imposans aux yeux, que les perruques & le juste-au-corps, & plus convenables aux climats froids.

Cet ancien vêtement de tous les peuples paroît seulement moins fait pour la guerre, & moins commode pour les travaux ; mais presque tous les autres usages étoient grossiers.

Le gouvernement ressembloit à celui des Turcs par la milice des strelits, qui, comme celle des janissaires, disposa quelquefois du trône, & troubla l’état presque toujours autant qu’il le soutint. Ces strelits étoient au nombre de quarante mille hommes.

Ceux qui étoient dispersés dans les provinces, subsistoient de brigandages ; ceux de Moskou vivoient en bourgeois, trafiquoient, ne servoient point, & poussoient à l’excès l’insolence. Pour établir l’ordre en Russie, il falloit les casser, rien n’étoit ni plus nécessaire, ni plus dangereux.

Quant au titre de czar, il se peut qu’il vienne des tzars ou thcars, du royaume de Casan. Lorsque le souverain de Russie, Jean ou Ivan Basilides eut, au seizieme siecle, conquis ce royaume subjugué par son aïeul, mais perdu ensuite, il en prit le titre qui est demeuré à ses successeurs.

Avant Ivan Basilides, les maîtres de la Russie portoient le nom de velikiknés, grand prince, grand seigneur, grand chef, que les nations chrétiennes traduisent par celui de grand-duc. 

Le czar Michel Frédérovits prit avec l’ambassade holstenoise, les titres de grand seigneur & grand knés, conservateur de toutes les Russies, prince de Volodimer, Moskou, Novogorod, &c. tzar de Casan, tzar d’Astracan, tzar de Sibérie​62​. Ce nom des tzars étoit donc le titre de ces princes orientaux ; il étoit donc vraissemblable qu’il dérivât plutôt des tshas de Perse, que des césars de Rome, dont probablement les tzars sibériens n’avoient jamais entendu parler sur les bords du ​fleuve Oby.

Un titre tel qu’il soit, n’est rien, si ceux qui le portent ne sont grands par eux-mêmes. Le nom d’empereur, qui ne signifioit que général d’armée, devint​​le nom des maîtres de la république romaine. On le donne aujourd’hui aux souverains des Russes à plus juste titre qu’à aucun autre potentat, si on considere l’étendue & la puissance de leur domination.

La religion de l’état fut toujours, depuis le onzieme siecle, celle qu’on nomme grecque, par opposition à la latine ; mais il y avoit plus de pays mahométans & de payens que de chrétiens. La Sibérie jusqu’à la Chine étoit idolâtre ; & dans plus d’une province toute espece de religion étoit inconnue.

​L’ingénieur Perri​ & le ​baron de Stralemberg​, qui ont été si long-tems en Russie, disent qu’ils ont trouvé plus de probité dans les payens que dans les autres ; ce n’est pas le paganisme qui les rendoit plus vertueux ; mais menant une vie pastorale, éloignés du commerce des hommes, & vivant comme dans ces tems qu’on appelle le premier âge du monde, exempts de grandes passions, ils étoient nécessairement plus gens de bien.

Le Christianisme ne fut reçu que très-tard dans la Russie, ainsi que dans tous les autres pays du nord. On prétend qu’une princesse nommée Olha, l’y introduisit à la fin du dixieme siecle, comme ​Clotilde, niece d’un prince arien, le fit recevoir chez les Francs​ ; la femme d’un ​Micislas, duc de Pologne​, chez les Polonois, & la sœur de l’empereur Henri II. chez les Hongrois.

C’est le sort des femmes d’être sensibles aux persuasions des ministres de la religion, & de persuader les autres hommes.

Cette princesse Olha, ajoute-t-on, se fit baptiser à Constantinople. On l’appella Helene ; & dès qu’elle fut chrétienne, ​l’empereur Jean Zimiscés ne manqua pas d’en être amoureux. Apparemment qu’elle étoit veuve. Elle ne voulut point de l’empereur.

L’exemple de la princesse Olha ou Olga ne fit pas d’abord un grand nombre de prosélites ; son fils qui regna longtems, ne pensa point du tout comme sa mere ; mais son petit-fils ​Volodimer,​ né d’une concubine, ayant assassiné son frere pour régner, & ayant recherché l’alliance de ​l’empereur de Constantinople Basile​, ne l’obtint qu’à condition qu’il se feroit baptiser ; c’est à cette époque de l’année 987, que la religion grecque commença en effet à s’établir en Russie.​

Le patriarche Photius, si célebre par son érudition immense, par ses querelles avec l’Eglise romaine & par ses malheurs, envoya baptiser Volodimer, pour ajouter à son patriarchat cette partie du monde.

Volodimer acheva donc l’ouvrage commencé par son aïeule. Un grec fut premier métropolitain de Russie, ou patriarche. C’est de-là que les Russes ont adopté dans leur langue un alphabet tiré en partie du grec. Ils y auroient gagné si le fond de leur langue qui est la slavone, n’étoit toujours demeuré le même, à quelques mots près qui concernent leur liturgie & leur hiérarchie. ​

Un des patriarches grecs, nommé Jérémie, ayant un procès au divan, & étant venu à Moscou demander des secours, renonça enfin à sa prétention sur les églises russes, & sacra patriarche l’archevêque de Novogorod nommé Job, en 1588.

Depuis ce tems, l’église russe fut aussi indépendante que son empire. Le patriarche de Russie fut dès-lors sacré par les évêques russes, non par le patriarche de Constantinople ; il eut rang dans l’église grecque après celui de Jérusalem ; mais il fut en effet le seul patriarche libre & puissant, & par conséquent le seul réel.

Ceux de Jérusalem, de Constantinople, d’Antioche, d’Alexandrie, ne sont que les chefs mercenaires & avilis d’une église esclave des Turcs. Ceux même d’Antioche & de Jérusalem ne sont plus regardés comme patriarches, & n’ont pas plus de crédit que les rabins des synagogues établies en Turquie.

Il n’y a dans un si vaste empire que vingt-huit sieges épiscopaux, & du tems de Pierre I. on n’en comp-​toit que vingt-deux ; l’église russe étoit alors si peu instruite, que le czar Frédor, frere de Pierre le grand, fut le premier qui introduisit le plein chant chez elle.

Frédor, & sur-tout Pierre, admirent indifféremment dans leurs armées & dans leurs conseils ceux du rite grec, latin, luthérien, calviniste ; ils laisserent à chacun la liberté de servir Dieu suivant sa conscience, pourvu que l’état fût bien servi.

Il n’y avoit dans cet empire de deux mille lieues de longueur aucune église latine. Seulement lorsque Pierre eut établi de nouvelles manufactures dans Astracan, il y eut environ soixante familles catholiques dirigées par des capucins ; mais quand les jésuites voulurent s’introduire dans ses états, il les en chassa par un édit au mois d’Avril 1718. Il souffroit les capucins comme des moines sans conséquence, & regardoit les jésuites comme des politiques dangereux.

L’Eglise grecque est flattée de se voir étendue dans un empire de deux mille lieues, tandis que la romaine n’a pas la moitié de ce terrein en Europe. Ceux du rite grec ont voulu sur-tout conserver dans tous les tems leur égalité avec ceux du rite latin, & ont toujours craint le zele de l’église de Rome, qu’ils ont pris pour de l’ambition, parce qu’en effet l’église romaine, très-resserrée dans notre hémisphere, & se disant universelle, a voulu remplir ce grand titre.

Il n’y a jamais eu en Russie d’établissement pour les Juifs, comme ils en ont dans tant d’états de l’Europe, depuis Constantinople jusqu’à Rome.

Les Russes ont toujours fait leur commerce par eux-mêmes, & par les nations établies chez eux. De toutes les églises grecques la leur est la seule qui ne voie pas des synagogues à côté de ses temples.

La Russie qui doit à Pierre le grand sa grande influence dans les affaires de l’Europe, n’en avoit aucune depuis qu’elle étoit chrétienne.

On la voit auparavant faire sur la mer Noire ce que les Normands faisoient sur nos côtes maritimes de l’Océan, armer, du tems d’Héraclius quarante mille petites barques, se présenter pour assiéger Constantinople, imposer un tribut aux césars grecs.

Mais le grand knés Volodimer occupé du soin d’introduire chez lui le Christianisme, & fatigué des troubles intestins de sa maison, affoiblit encore ses états en les partageant entre ses enfans.

Ils furent presque tous la proie des Tartares, qui asservirent la Russie pendant deux cens années. Ivan Basilides la délivra & l’aggrandit, mais après lui ​les guerres civiles la ruinerent.

Il s’en falloit beaucoup avant Pierre le grand que la Russie fût aussi puissante, qu’elle eût autant de terres cultivées, autant de sujets, autant de revenus que de nos jours ; elle n’avoit rien dans la Livonie, & le peu de commerce que l’on faisoit à Astracan étoit desavantageux.

Les Russes se nourrissoient fort mal ; leurs mets favoris n’étoient que des concombres & des melons d’Astracan, qu’ils faisoient confire pendant l’été avec de l’eau, de la farine & du sel, cependant ​les coutumes asiatiques commençoient déja à s’introduire chez cette nation.

Pour marier un czar, on faisoit venir à la cour les plus belles filles des provinces ; la grande maîtresse de la cour les recevoit chez elles, les logeoit séparément, & les faisoit manger toutes ensemble. Le czar les voyoit, ou sous un nom emprunté, ou sans déguisement.

Le jour du mariage étoit fixé, sans que le choix fût encore connu ; & le jour marqué, on présentoit un habit de nôces a celle sur qui le choix secret étoit tombé : on distribuoit d’autres habits aux prétendantes, qui s’en retournoient chez elles. Il y eut quatre exemples de pareils mariages.​

​Dès ce tems-là, les femmes russes surent se mettre du rouge, se peindre les sourcils, ou s’en former d’artificiels ​; elles prirent du goût à porter des pierreries, à se parer, à se vétir d’étoffes précieuses ;​​​c’est ainsi que la barbarie commençoit à finir chez ces peuples, par conséquent Pierre leur souverain n’eut pas tant de peine à policer sa nation, que quelques auteurs ont voulu nous le persuader.

Alexis Mikaelovitz avoit déja commencé d’​annoncer l’influence que la Russie devoit avoir un jour dans l’Europe chrétienne. Il envoya des ambassadeurs au pape, & à presque tous les grands souverains de l’Europe, excepté à la France, alliée des Turcs, pour tâcher de former une ligue contre la Porte ottomane. Ses ambassadeurs ne réussirent cependant dans Rome, qu’à ne point baiser les piés du pape, & n’obtinrent ailleurs que des vœux impuissans.

Le même czar Alexis proposa d’unir, en 1676, ses vastes états à la Pologne, ​comme les Jagellons y avoient joint la Lithuanie ; mais plus son offre étoit grande, moins elle fut acceptée. Il étoit très-digne de ce nouveau royaume, par la maniere dont il gouvernoit les siens.

C’est lui qui le premier fit rédiger un code de lois, quoiqu’imparfait ; il introduisit des manufactures de toiles & de soie, qui, à la vérité, ne se soutinrent pas, mais qu’il eut le mérite d’établir.

Il peupla des déserts vers le Volga & la Kama, de familles lithuaniennes, polonoises & tartares, prises dans ses guerres ; tous les prisonniers auparavant étoient esclaves de ceux auxquels ils tomboient en partage ; Alexis en fit des cultivateurs : il mit autant qu’il put la discipline dans ses armées.

Il appella les arts utiles dans ses états : ​il y fit venir de Hollande, à grands frais, le constructeur Bothler, avec des charpentiers & des matelots, pour bâtir des frégates & des navires.

Enfin, il ébaucha, il prépara l’ouvrage que Pierre a perfectionné. Il transmit à ce fils tout son génie, mais plus développé, plus vigoureux, & plus éclairé par les voyages.

Sous le regne de Pierre, le peuple russe qui tient à l’Europe, & qui vit dans les grandes villes, est devenu civilisé, commerçant, curieux des arts & des sciences, aimant les spectacles, & les nouveautés ingénieuses. Le grand homme qui a fait ces changemens, est heureusement né dans le tems favorable pour les produire.

Il a introduit dans ses états les arts qui étoient tout perfectionnés chez ses voisins ; & il est arrivé que ces arts ont fait plus de progrés en 50 ans chez ses sujets, déja disposés à les goûter, que partout ailleurs, dans l’espace de trois ou quatre siecles ; cependant ils n’y ont pas encore jetté de si profondes racines, que quelque intervalle de barbarie, ne puisse ruiner ce bel édifice commencé dans un empire dépeuplé, despotique, & où la nature ne répandra jamais ses bénignes influences.

Dans l’état qu’il est aujourd’hui, ​la nation russe est la seule qui trafique par terre avec la Chine ; le profit de ce commerce est pour ​les épingles de l’impératrice​104​. La caravane qui se rend de Pétersbourg à Pékin, emploie trois ans en voyage & au retour.

Aussitôt qu’elle arrive à Pékin, les marchands sont renfermés dans un caravancerai, & les Chinois prennent leur tems pour y apporter le rebut de leurs marchandises qu’ils sont obligés de prendre, parce qu’ils n’ont point la liberté du choix.

Ces marchandises se vendent à Pétersbourg à l’enchere, dans une grande salle du ​palais italien ; l’impératrice assiste en personne à cette vente ; cette souveraine fait elle-même des offres, & il est permis au moindre particulier d’encherir sur elle ; aussi le fait-on, & chacun s’empresse d’acheter à très-haut prix.

Outre le bénéfice de ces ventes publiques, la cour fait le commerce de la rhubarbe, du sel, ​des cendres, de la bierre, de l’eau-de-vie, &c. L’état tire encore un gros revenu des épiceries, des cabarets, & des bains publics, dont l’usage est aussi fréquent parmi les Russes que chez les Turcs.

Les revenus du souverain de Russie se tirent de la capitation, de certains monopoles, des douanes, des ports, des péages, & des domaines de la couronne. Ils ne montent pas cependant au-delà de ​treize millions de roubles, (soixante-cinq millions de notre monnoie). Avec ces revenus, la Russie peut faire la guerre aux Turcs, mais elle ne sauroit, sans recevoir des subsides, la faire en Europe ; ses fonds n’y suffiroient pas : la paie du militaire est très-modique dans cet empire.

Le soldat russe n’a point par jour le tiers de la paie de l’allemand, ni même du françois ; lorsqu’il sort de son pays, il ne peut subsister sans augmentation de paye ; & ce sont les puissances alliées de la Russie, qui fournissent chérement cette augmentation.

La couronne de Russie est héréditaire, les filles peuvent succéder, & le souverain a un pouvoir absolu sur tous ses sujets, sans rendre compte de sa conduite à personne. L’air de la plus grande partie de la Russie est extrément froid, les neiges & les glaces y regnent la meilleure partie de l’année​ ; ​le grain qu’on y seme n’y meurit jamais bien, excepté du côté de la Pologne, où on fait la récolte trois mois après la semaille. Il n’y croît point de vin, mais beaucoup de lin.​

Ses principales rivieres sont le Volga, le Don, le Dnieper & le Dwina. Ses lacs donnent du poisson en abondance. Les forêts sont pleines de gibier, & de bêtes fauves.​ ​Le commerce des Russes est avantageux à la France, utile à la Hollande, & défavorable à l’Angleterre.

Il consiste en martres, zibelines, hermines, & autres fourrures, cuirs de bœufs appellés cuirs de Russie, lin, chanvre, suif, goudron, cire, poix-résine, savon, poisson salé, &c.​

Extrait de la ​description de la Russie, par M. de Voltaire. Geneve, 1759​116​. in-8°. tom. I.​117​ Voyez aussi description de l’empire de Russie, par Perri, Amsterd. 1720, 2. vol. in-12.​118​ & la description historiq. de l’empire russien, traduit de l’allemand, du baron de Stralemberg​119​​, Holl. 1757, 2. vol. in-12. (Le chevalier de Jaucourt.)

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Guerre

« Tolstoïevski »

Le nationalisme ukrainien, encore et toujours plus.

Il a déjà été parlé de comment le nationalisme ukrainien a particulièrement ciblé Dostoïevski. Néanmoins, Tolstoï fait toujours partie de cette cible, au point qu’on a maintenant même le concept de « Tolstoïevski ».

Il a été mis en avant par Andriy Melnyk, le numéro 2 des Affaires étrangères du régime ukrainien. Il avait été auparavant ambassadeur d’Ukraine en Allemagne de 2015 à 2022, mais il a dû partir car vraiment ses discours ultra-nationalistes ukrainiens rendaient sa position trop délicate par rapport à l’opinion publique allemande.

L’occasion a été une interview accordée le 6 avril au média ukrainien RBC. Il dit la chose suivante : oui, l’Allemagne nous soutient. Mais il y a un problème de fond, c’est que dans le dispositif culturel et idéologique allemand, la Russie existe.

Il faut que ça change, sinon l’Allemagne ne s’engagera jamais à fond pour le régime ukrainien.

Il faut bien saisir ici que pour le régime ukrainien, la Russie n’existe pas. Selon le nationalisme ukrainien, la Russie serait un empire maléfique dominé par la « Moscovie » criminelle. D’où l’intérêt du nationalisme ukrainien pour la superpuissance américaine dans sa guerre contre la Russie.

L’objectif, assumé, est la partition de la Russie en plusieurs entités.

Andriy Melnyk reprend donc le discours sur la Russie qui serait par nature criminelle, assassine, à l’instar de Dostoïevski. Tolstoï est devenu de plus en plus cité, il est désormais officialisé, mis au même niveau que Dostoïevski.

Voici donc son propos, qui fantasme d’ailleurs beaucoup sur les relations des classes dominantes allemandes avec la Russie : avant 1945, c’est le racisme anti-slave le plus brutal qui prédominait, dans l’esprit prussien. Ce n’est pas pour rien que les nazis voulaient exterminer tous les Slaves.

« D’autre part, les relations de l’Allemagne avec la Russie ont une histoire particulière qui remonte à la guerre froide ou à l’étroite coopération entre la Première et la Seconde Guerre mondiale.

– Jusqu’à l’époque de la Prusse ?

– Du moins de Frédéric le Grand, qui doit son salut à Catherine II. Pas étonnant que son portrait ait été accroché dans son appartement (…).

Je suis déjà silencieux sur les liens dynastiques les plus étroits entre les deux nations, les Allemands sont toujours fiers de leur contribution à l’établissement de l’État russe, et pas seulement sous Catherine, qui était une princesse allemande. 

Mais le fondement principal est la culture, la proximité idéologique. 

Les Allemands, malgré cette guerre barbare de la Russie, adorent toujours la musique classique, la littérature, le ballet, l’art russes, ils maintiennent une vision romantique des Russes en tant que grande nation culturelle, croient en un « bon » Russe, non seulement en Navalny, mais en un sorte d’image collective de Tolstoïevski.

Bien sûr, quand les Allemands ont vu toutes les atrocités que les Russes commettent en Ukraine, ils ont eu un véritable choc. Pour eux, il s’agit d’un test de résistance à la barbarie, qu’ils n’ont pas connu depuis la Seconde Guerre mondiale.

Bien sûr, la majorité de la société allemande condamne cette terrible cruauté, car il ne peut en être autrement parmi les peuples civilisés. 

Mais malgré tout cela, tant au niveau public qu’au niveau des élites politiques en Allemagne, il est entendu que la Russie en tant que grande puissance, en tant que facteur de la politique internationale – même malgré cette guerre – n’ira nulle part, personne croit qu’il va s’effondrer. Les Allemands ne croient même pas qu’il y aura une réinitialisation sérieuse au sein de la Fédération de Russie. »

Ce discours n’a rien de nouveau : c’est la ligne de l’effacement de la culture russe prônée par le régime ukrainien. Nous avons parlé de l’appel en ce sens fait par le ministre ukrainien de la culture Oleksandr Tkachenko.

Ce qui est par contre notable, c’est la surenchère permanente, la conceptualisation au service d’une narration pour nier la Russie et légitimer son dépeçage. C’est là qu’on voit très bien comment le régime ukrainien est totalement au service de la ligne américaine de conquête pour le repartage du monde.

Le régime ukrainien ne représente en rien les intérêts ukrainiens ; il est un appareil au service de la superpuissance américaine par l’intermédiaire d’une fiction nationale inventée par le nationalisme ukrainien. Et le pays, devenu zombie, court ainsi à sa perte.

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Culture

Ce qu’est l’âme russe

Une introduction efficace et peut-être simple.

Les peuples slaves se caractérisent par un certain flottement de l’âme et chez les Russes, cela prend une tournure très prononcée. La découvrir, la redécouvrir est toujours un plaisir, et une nécessité alors que l’incessant bourrage de crâne occidental explique que la Russie n’existerait pas.

Le passage peut-être le plus représentatif de cette âme russe se situe dans le fameux roman de Léon Tolstoï, Guerre et paix, paru entre 1864 et 1869.

Nous sommes à la campagne et, après avoir entendu une mélodie, de manière irrépressible, un vieil aristocrate se met à la guitare, et une jeune aristocrate se met à danser.

Voici une scène d’une version filmée de 1966 et l’extrait de Guerre et paix.

Mais le génie national russe de ce passage de Guerre et paix ne tient pas seulement au contenu. De manière admirable, Léon Tolstoï s’abstient de décrire la danse. C’est un choix, un choix russe : la pudeur dans l’émotion pourtant montrée. C’est cela, l’âme russe.

« C’est mon cocher Mitka qui joue : aussi lui en ai-je acheté une excellente, cette musique me plaît ! » Il était d’habitude qu’au retour de la chasse, Mitka se livrât à ses fantaisies musicales, pendant que le « petit oncle » l’écoutait avec bonheur.

– C’est vraiment très joli, dit Nicolas avec une feinte indifférence, comme s’il était honteux d’avouer qu’il trouvait du charme à cette musique.

– Comment, très joli ? s’écria Natacha d’un ton de reproche, mais c’est charmant, mais c’est ravissant ! » Et en effet la chanson qu’elle écoutait lui semblait la plus idéale des mélodies, tout comme les champignons, le miel et les confitures d’Anicialui avaient paru être les meilleurs qu’elle eût jamais mangés !

« Encore, encore, je t’en prie, » dit Natacha, lorsque la
« balalaïka » se tut. Mitka l’accorda et reprit de nouveau la Barina, avec variations et changements de ton. L’oncle, la tête légèrement inclinée, un vague sourire sur les lèvres, écoutait religieusement.

Le motif revint une centaine de fois sous les doigts exercés du musicien, et les cordes répétèrent à satiété les mêmes notes, sans fatiguer les oreilles de l’auditoire, qui ne cessait de les redemander. Anicia Fédorovna écoutait aussi, appuyée contre le linteau de la porte :

« Faites attention, mademoiselle, dit-elle avec un sourire
qui rappelait celui de son maître. Il joue très bien !

– Voilà une mesure manquée, s’écria tout à coup le « petit
oncle » en faisant un geste énergique. Ces notes-là doivent être plus vivement… enlevées, affaire sûre, marche !

– Sauriez-vous jouer de la balalaïka ? demanda Natacha
surprise.

– Aniciouchka !… – et le « petit oncle » sourit malicieusement. – Vois un peu si les cordes de la guitare y sont toutes, il y a si longtemps que je ne l’ai eue entre les mains. »

Anicia exécuta cet ordre avec une visible satisfaction, et lui apporta la guitare.

La prenant avec soin, il souffla dessus pour en enlever
quelques grains de poussière, et en tendit les cordes de ses doigts osseux ; puis, s’asseyant bien à son aise, et arrondissant d’une façon un peu théâtrale son coude gauche, il saisit le manche de l’instrument, cligna de l’œil à Anicia Fédorovna, et, pinçant un accord plein et sonore, commença, sans la moindre hésitation, à improviser sur le thème d’une chanson très populaire.

Le rythme en était lent, mais le refrain exprimait une gaieté si douce, si discrète, la gaieté d’Anicia, qu’il pénétra jusqu’au cœur de Nicolas et de Natacha… et leur cœur chanta à l’unisson !

Anicia, dont la figure rayonnait, rougit, se cacha la figure dans son mouchoir et quitta le cabinet en souriant toujours ; le « petit oncle » continuait avec précision et avec aplomb à moduler ses cadences et ses variations, et son regard vaguement inspiré se portait vers la place qu’elle avait occupée.

Un léger sourire flottait sous sa moustache grise, et s’accentuait vivement, lorsqu’il accélérait la mesure, que la chanson redoublait d’entrain, et qu’une corde criait aux passages difficiles.

« Ravissant, ravissant !… » Et Natacha, sautant de sa place,
entoura le « petit oncle » de ses bras et l’embrassa : « Nicolas, Nicolas ! » ajouta-t-elle en se retournant vers son frère, comme pour lui faire partager sa surprise.

Mais le « petit oncle » avait recommencé à jouer. Anicia
Fédorovna et plusieurs autres gens de la maison montrèrent leurs figures dans l’entrebâillement de la porte, pendant qu’il attaquait le : « Là-bas, là-bas, derrière la source fraîche, la jeune fille m’a dit : attends ! », et, brisant un accord, il remua légèrement les épaules.

« Eh bien, eh bien après ! » dit Natacha d’un ton si suppliant, que sa vie semblait dépendre de ce qui allait suivre.

Le « petit oncle » se leva ; on aurait dit qu’il y avait en lui deux hommes différents, dont l’un répondait par un grave sourire à la naïve et pressante invitation à la danse exécutée par l’autre, par le musicien :

« En avant, ma nièce ! s’écria-t-il tout à coup, et Natacha,
se débarrassant vivement de son châle, s’élança au milieu de la chambre, posa ses mains sur ses hanches et attendit, en imprimant à ses épaules un balancement imperceptible.

Comment, par quel procédé inconnu cette petite comtesse, élevée par une émigrée française, avait-elle pu et su s’assimiler, sous la seule impression de son air natal, ces mouvements, inimitables et indescriptibles de l’enfant du peuple, si vrais, si typiques, si russes en un mot, et que le fameux pas du châle de Ioghel [dont les bals étaient les plus fameux] aurait dû depuis longtemps lui avoir fait oublier ?

Lorsqu’on la vit se préparer à répondre au signal, avec ses yeux pétillants de malice et son air souriant et assuré, la défiance involontaire de Nicolas et du reste de l’auditoire s’envola comme par enchantement ; il n’y avait plus à en douter, elle justifierait leur attente, et ils pouvaient hardiment l’admirer !

Elle mit une telle perfection à tout ce qu’elle avait à faire,
qu’Anicia Fédorovna, après lui avoir aussitôt donné le petit mouchoir, complètement indispensable à ses attitudes, se mit à rire de bon cœur et à s’attendrir en même temps, pendant qu’elle suivait des yeux les pas et les gestes de cette fine et gracieuse créature.

C’est que Natacha, si supérieure à cette jeune comtesse élevée dans le velours et la soie, savait si bien comprendre et exprimer non seulement ce qu’elle, Anicia, comprenait et sentait, mais encore tout ce qui faisait aussi battre le cœur de son père, de sa mère, de tous les siens, en un mot et pour mieux dire, tout cœur véritablement russe !

« Bravo, petite comtesse, affaire sûre, marche ! s’écria le
« petit oncle » à la fin de la danse… Il ne te manque plus qu’un beau garçon pour mari !
– Mais pas du tout, il est tout choisi, dit Nicolas.
– Ah bah ! » reprit le vieux, stupéfait.

Natacha répondit d’un signe de tête avec un joyeux sourire : « Et comme il est bien », ajouta-t-elle. »

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La Finlande intègre l’Otan

Un revirement historique renforçant la guerre.

La Finlande, petit pays de 5 millions et demi d’habitants, avait après la deuxième guerre mondiale, en 1948, signé un « traité d’amitié » et de coopération avec l’URSS. Après 1991, elle maintenait une position de non-alignement, restant systématiquement neutre par rapport à la Russie.

C’est donc un revirement historique qui s’est produit le 4 avril 2023 avec l’officialisation de l’intégration de la Finlande à l’Otan. Plus de neutralité donc, mais une hostilité assumée, en choisissant de se soumettre entièrement à la superpuissance américaine dont l’Otan est l’instrument politico-militaire international.

L’opinion publique finlandaise a été travaillée au corps en ce sens pendant des années par la propagande occidentale. C’était ambigu, en raison de l’officielle « finlandisation » régnante depuis la guerre froide, c’est-à-dire une neutralité affichée, même si en douce derrière l’armée finlandaise s’alignait discrètement sur l’Otan.

Mais la tendance à la guerre a rendu le processus inéluctable. En 2022, après l’invasion russe en Ukraine, ce fut un déchaînement pro-occidental, avec carrément le Premier ministre Sanna Marin annonçant qu’elle allait fournir des armes à l’Ukraine, contre la Russie.

A l’arrière-plan, tout le fond nationaliste du régime finlandais – du même type que celui en Suède, à la fois indirect et absolu – a été systématisé. Les bases idéologiques même de l’État finlandais partent de l’écrasement de la très puissante révolution finlandaise de 1918.

La Finlande était d’ailleurs alliée à l’Allemagne nazie pendant la seconde guerre mondiale. Un fasciste comme Lauri Törni, qui est passé de l’armée nazie à l’armée américaine au Vietnam, est célébré par les institutions finlandaises comme si de rien n’était.

Consciente de la situation avec plus de mille kilomètres de frontières avec l’Otan, la Russie est évidemment très mécontente. L’adhésion finlandaise est vue par elle comme un acte d’hostilité majeure, une « atteinte à sa sécurité ». Des « contre-mesures » ont été promises en retour.

Il ne faut pas se leurrer et nous l’avions expliqué dès mai 2022 : désormais Helsinki est une cible pour les armes atomiques russes, et il suffit de regarder la carte pour le comprendre.

La superpuissance américaine qui s’est arrogée l’Ukraine après s’être arrogée l’Estonie, la Lettonie et la Lituanie, continue donc sa stratégie d’encerclement et de pression sur la Russie.

La guerre mondiale pour le repartage du monde avance d’un nouveau pas, les blocs se forment, se renforcent et s’affrontent de plus en plus ouvertement.

Voici le communiqué, historique, de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord qui s’en prend ouvertement à Vladimir Poutine, dans le but assumé d’envenimer les choses.

« Ce jour (4 avril 2023), la Finlande est devenue le 31e pays membre de l’OTAN en remettant aux États-Unis, au siège de l’OTAN à Bruxelles, son instrument d’accession au Traité de l’Atlantique Nord. Le protocole d’accession de la Finlande a été signé par les autorités des pays de l’Alliance le 5 juillet 2022 et ratifié ensuite par les 30 parlements nationaux.

« Nous souhaitons à la Finlande la bienvenue au sein de l’Alliance », a déclaré le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, après que le ministre finlandais des Affaires étrangères, Pekka Haavisto, a remis l’instrument d’accession de la Finlande au gouvernement des États-Unis, représenté par le secrétaire d’État, Antony Blinken. Le secrétaire général a ensuite accueilli le président finlandais, Sauli Niinistö, au siège de l’OTAN pour une cérémonie de lever des couleurs afin de célébrer l’adhésion du pays à l’Alliance.

S’exprimant avant la cérémonie, le secrétaire général a remercié le président Niinistö pour ses grandes qualités de dirigeant et pour avoir amené la Finlande à intégrer l’Alliance qui, dans l’histoire, a le mieux réussi.

« Je suis extrêmement fier d’accueillir la Finlande en tant que membre à part entière de l’Alliance, et je me réjouis à la perspective d’accueillir également la Suède dès que possible », a-t-il déclaré.

Et d’ajouter « L’adhésion à l’OTAN est bénéfique pour la Finlande, bénéfique pour la sécurité nordique et bénéfique pour l’Alliance dans son ensemble ». Le secrétaire général a en outre fait observer que l’adhésion de la Finlande montre au monde que le président Poutine a échoué à « fermer la porte de l’OTAN ». « Alors qu’il voulait moins d’OTAN, il a obtenu tout le contraire : plus d’OTAN, et la porte de l’Alliance qui reste grande ouverte », a-t-il déclaré.

L’hymne national finlandais et l’hymne de l’OTAN ont été joués tandis que le drapeau finlandais était hissé pour la première fois au siège de l’OTAN, en présence du président Niinistö, du ministre des Affaires étrangères, M. Haavisto, du ministre de la Défense, M. Kaikkonen, des ministres des Affaires étrangères de tous les pays de l’Alliance et du pays invité, la Suède. Des cérémonies de lever des couleurs ont eu lieu simultanément au Commandement allié Opérations (SHAPE), à Mons (Belgique), et au Commandement allié Transformation, à Norfolk, en Virginie (États-Unis).

Se tenant aux côtés du président Niinistö, le secrétaire général a déclaré : « La Finlande est plus sûre et l’OTAN est plus forte avec la Finlande comme Allié. Vos forces sont conséquentes et très performantes, votre résilience est exceptionnelle, et depuis de nombreuses années des soldats finlandais et des soldats de pays de l’OTAN œuvrent côte à côte en tant que partenaires. À partir d’aujourd’hui, nous sommes solidaires en tant qu’Alliés. » »

Il va de soi que l’idée est de faire intervenir la Finlande sur le terrain – celle-ci se voyant promise une partie de la Russie. L’opinion publique finlandaise ne peut pas ne pas le savoir. C’est là qu’on va comment la marche à la guerre est irrépressible, les éléments se surajoutant, formant un engrenage.

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Nouveau concept de la politique étrangère de la Fédération de Russie

Il établit la stratégie mondiale de la Russie.

La Russie a mis à jour sa ligne stratégique. Voici le document officiel, les parties les plus significatives à notre sens sont mis en gras par nos soins.

Pour résumer formellement : la Russie considère que l’ordre mondial implose. Elle dit qu’elle n’a rien contre l’occident, mais que celui-ci a fait une erreur en pensant réussir à triompher sur elle.

En réalité, la Russie est placée adéquatement, tournée vers les pays qui émergent, notamment la Chine et l’Inde, mais aussi la Turquie, le Brésil, le Mexique, l’Arabie Saoudite…

La Russie est donc là pour rester et dans cette optique, suivre les Etats-Unis se relève une impasse que certains pays feraient bien de comprendre selon elle (allusons à la France et l’Allemagne).

Pour résumer synthétiquement : la Russie espère que les Etats-Unis et la Chine s’épuiseront comme la Grèce et la Perse, et que ça laissera la place à Rome, ici conçue comme une Europe structurée avec la Russie.

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31.03.2023 

Concept de la politique étrangère de la Fédération de Russie

Traduction non-officielle

APPROUVÉ
par le Décret du Président
de la Fédération de Russie
du 31 mars 2023 No 229

CONCEPT
de la politique étrangère de la Fédération de Russie

I. Dispositions générales

1. Le présent Concept est un document de planification stratégique et représente un système d’attitudes envers les intérêts nationaux de la Fédération de Russie dans le domaine de la politique étrangère, les principes de base, les objectifs stratégiques, les taches essentielles et les axes prioritaires de la politique étrangère de la Fédération de Russie.

2. Le présent Concept a pour base juridique la Constitution de la Fédération de Russie, les principes et les normes généralement reconnus du droit international, les traités internationaux de la Fédération de Russie, les lois fédérales et d’autres actes juridiques et réglementaires de la Fédération de Russie régissant le fonctionnement des organes fédéraux du pouvoir d’État dans le domaine de la politique étrangère.

3. Le présent Concept concrétise certaines dispositions de la Stratégie de la sécurité nationale de la Fédération de Russie et prend en compte les dispositions principales des autres documents de planification stratégique concernant les relations internationales.

4. L’expérience continue d’État indépendant qui dure plus de mille ans, l’héritage culturel de l’époque précédente, des liens historiques profonds avec la culture européenne traditionnelles et d’autres cultures d’Eurasie, la capacité d’assurer la coexistence harmonieuse de différents peuples, groupes ethniques, religieux et linguistiques, élaborée au cours des siècles, déterminent la situation particulière de la Russie en tant que pays-civilisation unique, vaste puissance eurasiatique et euro-pacifique ayant consolidé le peuple russe et d’autres peuples faisant partie de l’ensemble culturel et civilisationnel du Monde russe.

5. La place de la Russie dans le monde est définie par ses ressources importantes dans toutes les sphères de la vie, par son statut de membre permanent du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies (ONU), de participante des organisations et associations internationales majeures, d’une des deux puissances nucléaires les plus grandes, d’État successeur en droits de l’URSS.

La Russie, vu son apport décisif à la victoire dans la Seconde guerre mondiale et sa participation active à la création du système contemporain des relations internationales et à la liquidation du système mondial du colonialisme, est un des centres souverains du développement mondial et assume sa mission historique unique qui consiste à maintenir la balance globale des puissances et à construite un système international multipolaire, à assurer les conditions pour l’évolution paisible et progressive de l’humanité sur la base d’un agenda unifiant et constructif.

6. La Russie poursuit une politique étrangère indépendante et multidimensionnelle dictée par ses intérêts nationaux et sa responsabilité particulière pour le maintien de la paix et de la sécurité au niveau global et régional.

La politique étrangère russe est pacifique, ouverte, prévisible, cohérente et pragmatique, elle est basée sur le respect des normes et principes universellement reconnus du droit international et l’aspiration à la coopération internationale équitable et la promotion des intérêts communs. L’attitude de la Russie envers les autres États et les associations interétatiques est définie par le caractère constructif, neutre ou inamical de leur politique envers la Fédération de Russie.

II. Monde contemporain : tendances et perspectives principales

7. L’humanité traverse une époque de changements révolutionnaires. Un monde plus équitable et multipolaire continue à se former. Le modèle inéquitable du développement mondiale qui a assuré pendant des siècles la croissance économique accélérée des puissances coloniales à force de s’approprier les ressources des territoires et des États dépendants en Asie, en Afrique et dans l’hémisphère occidental appartient désormais au passé.

La souveraineté des puissances mondiales non-occidentales et des pays leaders régionaux se renforce, leurs capacités concurrentielles augmentent.

La restructuration de l’économie mondiale, sa transition vers une nouvelle base technologique (y compris le déploiement des technologies de l’intelligence artificielle, des technologies d’information et de communications, énergétiques et biologiques de pointe et de nanotechnologies), la croissance de la conscience nationale, la diversité culturelle et civilisationnelle et d’autres facteurs objectifs accélèrent la redistribution du potentiel de développement au profit des nouveaux centres de la croissance économique et de l’influence géopolitique, favorisent la démocratisation des relations internationales.

8. Les changements en cours, plutôt favorables, suscitent quand même le rejet de certains États habitués à penser conformément à la logique de la prédominance globale et du néocolonialisme.

Ils refusent de reconnaître les réalités d’un monde multipolaire et de se mettre d’accord sur les paramètres et les principes de l’ordre mondial en partant de ce fondement. Des tentatives sont entreprises de retenir la course naturelle de l’histoire, d’éliminer les concurrents dans les domaines militaire, politique et économique, de réprimer la dissidence.

Un large éventail d’instruments et méthodes illégaux est employé, y compris l’application de mesures coercitives (sanctions) en contournant le Conseil de sécurité de l’ONU, l’incitation aux coups d’État, aux conflits armés, les menaces, le chantage, la manipulation des consciences des groupes sociaux séparés et des peuples entiers, les opérations offensives et subversives dans l’espace informatique.

L’ingérence dans les affaires intérieures des États souverains prend souvent la forme de l’imposition des orientations idéologiques néolibérales, destructives et contredisant les valeurs spirituelles et morales traditionnelles. En conséquence, l’influence destructive s’étend à toutes les sphères des relations internationales.

9. Une pression sérieuse est exercée sur l’ONU et les autres institutions multilatérales dont la mission en tant que forums pour la coordination des intérêts des puissances majeures est dévaluée artificiellement.

Le système du droit international est soumis à rude épreuve : un groupe limité d’États essaie de le substituer par le concept d’ordre mondial basé sur des règles (imposition de règles, de standards et de normes élaborés sans avoir assuré la participation égale de tous les États intéressés).

Nous voyons se compliquer l’élaboration des réponses collectives aux défis et menaces transnationaux, tels que le trafic des armes, la prolifération des armes de destruction massive et de leurs vecteurs, des agents pathogènes dangereux et des maladies infectieuses, l’utilisation des technologies d’information et de communication à des fins criminelles, le terrorisme international, le trafic illicite de stupéfiants, de substances psychotropes et de leurs précurseurs, la criminalité transnationale organisée et la corruption, les catastrophes naturelles et les accidents technologiques, la migration illégale, la dégradation de l’environnement.

La culture de dialogue dans les affaires international se dégrade, l’efficacité de la diplomatie comme moyen du règlement pacifique des différends se réduit. Le manque de confiance et de prévisibilité dans les affaires internationales se fait sentir de manière aigüe.

10. La crise de la globalisation économique se renforce. Les problèmes existants, y compris sur le marché des ressources énergétiques et dans le secteur financier, sont dus à la dégradation de nombreux modèles et instruments de développement précédents, aux décisions macroéconomiques irresponsables (y compris l’émission incontrôlée et l’accumulation de dettes non garanties), aux mesures restrictives unilatérales illicites et à la concurrence déloyale.

L’abus par certains États de leur position dominante dans certains domaines renforce les processus de morcellement de l’économie mondiale et l’inégalité du développement des États. De nouveaux systèmes de paiement nationaux et transfrontaliers se multiplient, l’intérêt augmente pour de nouvelles monnaies de réserve nationales, des prémisses se forment pour la diversification des mécanismes de la coopération économique internationale.

11. Le rôle du facteur de la force dans les relations internationales augmente, l’espace conflictuel s’élargit dans plusieurs régions stratégiques. L’accroissement et la modernisation déstabilisants du potentiel militaire, la destruction du système des traités dans le domaine du contrôle des armements sapent la stabilité stratégique.

L’utilisation de la force militaire en violation du droit international, l’exploitation de l’espace cosmique et informatique en qualité de nouveaux terrains des hostilités, la dilution de la limite entre les moyens militaires et non-militaires de la confrontation interétatique, l’aggravation des conflits armés de longue date dans plusieurs régions augmentent la menace à la sécurité générale, aggravent les risques des affrontements entre les États majeurs, y compris avec la participation des puissances nucléaires, la probabilité d’une escalade et de la transformation de ces conflits en une guerre locale, régionale ou globale.

12. Le renforcement de la coopération entre les États soumis à la pression extérieure devient une réponse légitime à la crise de l’ordre mondial. La formation des mécanismes régionaux et transrégionaux pour l’intégration économique et l’interaction dans de différents domaines s’intensifie, aussi bien que la création des partenariats de divers formats pour le règlement des problèmes communs.

D’autres pas sont entrepris (y compris unilatéraux) visant à la protection des intérêts nationaux vitaux. Le niveau élevé de l’interdépendance, la portée mondiale et le caractère transfrontalier des défis et menaces limitent les possibilités pour assurer la stabilité, la sécurité et la prospérité sur le territoire des États concrets, des alliances militaires et politiques, économiques et commerciales.

Seule l’association des capacités des efforts de bonne foi de toute la communauté internationale, basée sur l’équilibre des puissances et des intérêts, peut assurer la solution efficace des nombreux problèmes de la modernité, le développement pacifique et progressif des grands et des petits États et de l’humanité en général.

13. Considérant le renforcement de la Russie en tant qu’un des centres majeurs du développement du monde contemporain et sa politique étrangère indépendante comme une menace à l’hégémonie occidentale, les États-Unis d’Amérique (États-Unis) et leurs satellites ont utilisé les mesures prises par la Fédération de Russie afin de protéger ses intérêts vitaux sur le vecteur ukrainien comme prétexte pour exacerber leur politique antirusse qui date depuis longtemps et déclencher une guerre hybride d’un nouveau type.

Elle vise à affaiblir pleinement la Russie, y compris à saper son rôle civilisationnel créateur, ses capacités économiques et technologiques, à limiter sa souveraineté dans la politique intérieure et extérieure, à détruire son intégrité territoriale.

Ce vecteur de l’Occident a pris un caractère global et a été fixé au niveau doctrinal. Ce n’était pas le choix de la Fédération de Russie.

La Russie ne se positionne pas comme ennemie de l’Occident, ne s’en isole pas, n’a pas d’intentions hostiles à son égard et compte que dans l’avenir les États faisant partie de la communauté occidentale prendront conscience de l’inutilité de leur politique conflictuelle et des ambitions hégémonique, prendront en compte les réalités compliquées d’un monde multipolaire et reviendront à l’interaction pragmatique avec la Russie en se basant sur les principes d’égalité souveraine et de respect des intérêts mutuels.

C’est dans ce contexte que la Fédération de Russie est prête au dialogue et à la coopération.

14. En réponse aux actions inamicales de l’Occident la Russie a l’intention de défendre son droit à l’existence et au développement libre par tous les moyens disponibles. La Fédération de Russie concentrera son énergie créatrice sur les vecteurs géographiques de sa politique étrangère présentant des perspectives évidentes du point de vue de l’élargissement de la coopération internationale mutuellement avantageuse.

La plupart de l’humanité est intéressée par les relations constructives avec la Russie et le renforcement de ses positions sur la scène internationale en tant que puissance mondiale influente qui apporte une contribution décisive au maintien de la sécurité globale et au développement paisible des États. Cela offre de vastes possibilités pour l’activité réussie de la Fédération de Russie sur la scène internationale.

III. Intérêts nationaux de la Fédération de Russie dans la politique étrangère, objectifs stratégiques et buts essentiels de la politique étrangère de la Fédération de Russie

15. Compte tenu des tendances de l’évolution de la situation mondiale à long terme, les intérêts nationaux de la Fédération de Russie dans la politique étrangère sont :

1) la protection de l’ordre constitutionnel, de la souveraineté, de l’indépendance, de l’intégrité territoriale et étatique de la Fédération de Russie contre l’influence étrangère destructive ;

2) le maintien de la stabilité stratégique, le renforcement de la paix et de la sécurité internationales ;

3) le renforcement du cadre législatif des relations internationales ;

4) la protection des droits, des libertés et des intérêts légitimes des citoyens russes et la protection des organisations russes contre les atteintes étrangères illicites ;

5) le développement d’un espace informatique sûr, la protection de la société russe contre l’influence informationnelle et psychologique étrangère destructive ;

6) la préservation du peuple russe, le développement du potentiel humain, l’augmentation de la qualité de vie et du bien-être des citoyens ;

7) l’aide au développement durable de l’économie russe sur une nouvelle base technologique ;

8) le renforcement des valeurs spirituelles et morales traditionnelles russes, la préservation de l’héritage culturel et historique du peuple plurinational de la Fédération de Russie ;

9) la protection de l’environnement, la préservation des ressources naturelles et la gestion de l’environnement, l’adaptation aux changements climatiques.

16. Vu les intérêts nationaux et les priorités stratégiques nationales de la Fédération de Russie, la politique étrangère vise à atteindre les objectifs suivants :

1) assurer la sécurité de la Fédération de Russie, sa souveraineté dans tous les domaines et son intégrité territoriale ;

2) créer des conditions extérieures favorables pour le développement de la Russie ;

3) raffermir les positions de la Fédération de Russie comme un des centres responsables, influents et indépendants du monde contemporain.

17. Les objectifs de la politique étrangère de la Fédération de Russie sont atteints par la réalisation des buts essentiels suivants :

1) l’établissement d’un ordre mondial équitable et durable ;

2) le maintien de la paix et de la sécurité internationales, de la stabilité stratégique, la garantie de la coexistence pacifique et du développement progressif des États et des peuples ;

3) l’aide à l’élaboration des réponses complexes efficaces de la communauté internationale aux défis et menaces communs, y compris les conflits et crises régionaux ;

4) le développement de la coopération mutuellement avantageuse et égale en droits avec tous les États étrangers ayant une attitude constructive et leurs alliances, la garantie de la prise en compte des intérêts russes dans le cadre des institutions et mécanismes de la diplomatie multilatérale ;

5) l’opposition à l’activité antirusse des États étrangers et de leurs alliances, la création des conditions pour l’arrêt de cette activité ;

6) l’établissement des relations de bon voisinage avec les États limitrophes, l’aide à la prévention et à l’élimination des foyers de tension et de conflits sur leurs territoires ;

7) l’assistance aux alliés et partenaires de la Russie pour la promotion des intérêts communs, la garantie de leur sécurité et leur développement durable indépendamment de la reconnaissance internationale de ces alliés et partenaires et de leur statut de membres au sein des organisations internationales ;

8) la libération et le renforcement du potentiel des associations régionales multilatérales et des structures d’intégration avec la participation de la Russie ;

9) le renforcement des positions de la Russie dans l’économie mondiale, l’atteinte des objectifs nationaux du développement de la Fédération de Russie, la garantie de la sécurité économique, la réalisation du potentiel économique de l’État ;

10) la promotion des intérêts de la Russie dans l’océan mondial, l’espace extra-atmosphérique et aérien ;

11) la formation de l’image objective de la Russie à l’étranger, le renforcement de ses positions dans l’espace informatique global ;

12) le renforcement de l’importance de la Russie dans l’espace humanitaire global, le renforcement des positions de la langue russe dans le monde, l’aide à la sauvegarde de la vérité historique et de la mémoire sur le rôle de la Russie dans l’histoire mondiale à l’étranger ;

13) la défense exhaustive et efficace des droits, libertés et intérêts légaux des citoyens et des organisations russes à l’étranger ;

14) le développement des relations avec les compatriotes résidant à l’étranger et l’assistance exhaustive à ces derniers pour la réalisation de leurs droits, la protection de leurs intérêts et la préservation de l’identité culturelle générale russe.

IV. Priorités de la politique étrangère de la Fédération de Russie
Formation d’un ordre mondial juste et stable

18. La Russie aspire à la formation d’un système des relations internationales qui assure la sécurité stable, la préservation de l’identité culturelle et civilisationnelle, les possibilités égales du développement pour tous les États indépendamment de leur situation géographique, dimensions du territoire, potentiel démographique, militaire et de ressources, organisation politique, économique et sociale. Afin de répondre auxdits critères, le système des relations internationales doit être multipolaire et se baser sur les principes suivants :

1) l’égalité souveraine des États, le respect de leur droit de choisir les modèles du développement, de l’organisation sociale, politique et économique ;

2) le rejet de l’hégémonie dans les affaires internationales ;

3) la coopération basée sur l’équilibre des intérêts et du bénéfice mutuel ;

4) la non-ingérence dans les affaires intérieures ;

5) la primauté du droit international dans le règlement des relations internationales, l’abandon de la politique des doubles standards par tous les États ;

6) l’indivisibilité de la sécurité dans l’aspect global et régional ;

7) la diversité des cultures, des civilisations et des modèles de la société, le refus de tous les États d’imposer aux autres pays leurs modèles de développement, leurs principes idéologiques et leurs valeurs, l’appui sur une orientation spirituelle et morale commune pour toutes les religions traditionnelles du monde et les systèmes éthiques laïques ;

8) le leadership responsable des États majeurs visant à assurer les conditions de développement stables et favorables aussi bien pour eux-mêmes que pour tous les autres pays et peuples ;

9) le rôle primordial des États souverains lors de la prise des décisions concernant la paix et la sécurité internationales.

19. Afin de contribuer à l’adaptation de l’ordre mondial aux nouvelles réalités d’un monde multipolaire, la Fédération de Russie intente accorder une attention prioritaire :

1) à l’élimination des rudiments de la prédominance des États-Unis et des autres États inamicaux dans les affaires internationales, à la création des conditions pour que tout État renonce aux ambitions néocoloniales et hégémoniques ;

2) au perfectionnement des mécanismes internationaux de sécurité et de développement au niveau global et régional ;

3) au rétablissement du rôle de l’ONU en tant que mécanisme central pour la coordination des intérêts des États membres de l’ONU et de leurs action pour la réalisation des objectifs de la Charte de l’ONU ;

4) au renforcement du potentiel et à l’augmentation du rôle international de l’alliance interétatique BRICS, de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS), de la Communauté des États indépendants (CEI), de l’Union économique eurasienne (UEEA), de l’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC), du format RIC (Russie, Inde, Chine) et des autres associations interétatiques et organisations internationales, aussi bien que des mécanismes avec la participation importante de la Russie ;

5) au soutien de l’intégration régionale et sous-régionale dans le cadre des institutions multilatérales, forums de dialogue et alliances régionales amicaux en Asie-Pacifique, Amérique latine, Afrique et au Moyen-Orient ;

6) à l’augmentation de la durabilité et au développement progressif du système du droit international ;

7) à l’accès équitable de tous les États aux biens de l’économie mondiale et de la division internationale du travail, aussi bien qu’aux technologies modernes en faveur du développement juste et équitable (y compris le règlement des problèmes de la sécurité énergétique et alimentaire globale) ;

8) au renforcement de la coopération dans tous les domaines avec les alliés et partenaires de la Russie, à la prévention des tentatives des États inamicaux d’empêcher cette coopération ;

9) à la consolidation des efforts internationaux visant à assurer le respect et la protection des valeurs spirituelles et morales universelles et traditionnelles (y compris les normes éthiques communes pour toutes les religions du monde), la neutralisation des tentatives d’imposer des orientations pseudo-humanistes et d’autres orientations idéologiques néolibérales entraînant la perte par l’humanité des repères spirituels et moraux et des principes traditionnels ;

10) au dialogue constructif, au partenariat et à l’enrichissement mutuel entre différentes cultures, religions et civilisations.
 

Primauté du droit dans les relations internationales

20. La primauté du droit dans les relations internationales est une base de l’ordre mondial juste et stable, du maintien de la stabilité globale, de la coopération pacifique et fructueuse des États et de leurs alliances, un facteur de la baisse des tensions internationales et de la hausse de la prévisibilité du développement global.

21. La Russie a toujours préconisé le renforcement du cadre juridique de la vie internationale et respecte de bonne foi ses obligations de droit international. En même temps les décisions des organes interétatiques prises en vertu des dispositions des traités internationaux de la Fédération de Russie dans leur interprétation qui contredit la Constitution de la Fédération de Russie, ne sont pas exécutoires en Fédération de Russie.

22. Le mécanisme de formation des normes universelles du droit international doit être basé sur la libre volonté des États souverains, et l’ONU doit rester le terrain clé pour le développement progressif et la formalisation du droit international. La promotion ultérieure du concept de l’ordre mondial basé sur les règles risque de détruire le système du droit international et est lourde d’autres conséquences dangereuses pour l’humanité.

23. Afin d’augmenter la stabilité du système du droit international, d’éviter son morcellement et affaiblissement, de prévenir l’application sélective des normes du droit international universellement reconnues, la Fédération de Russie veille particulièrement à :

1) s’opposer aux tentatives de substituer, revoir et interpréter de façon arbitraire les principes du droit international stipulés dans la Charte de l’ONU et dans la Déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre les États conformément à la Charte des Nations Unies du 24 octobre 1970 ;

2) favoriser le développement progressif, y compris en tenant compte des réalités d’un monde multipolaire, et la formalisation du droit international, avant tout dans le cadre des efforts sous l’égide de l’ONU, et assurer la participation aussi large que possible des États aux traités internationaux de l’ONU, leur interprétation et application unifiée ;

3) consolider les efforts des États qui se prononcent pour le rétablissement du respect général pour le droit international et le renforcement de son rôle comme fondement des relations internationales ;

4) éliminer des relations internationales la pratique de prendre des mesures coercitives unilatérales illicites en violation de la Charte de l’ONU ;

5) perfectionner le mécanisme d’application des sanctions internationales en se basant sur la compétence exclusive du Conseil de sécurité de l’ONU pour l’imposition de ces mesures et la nécessité d’assurer leur efficacité pour maintenir la paix et la sécurité internationales et de prévenir la dégradation de la situation humanitaire ;

6) intensifier le processus de la formalisation juridique internationale de la frontière d’État de la Fédération de Russie, ainsi que des frontières des espaces maritimes où la Russie exerce son droit souverain et sa juridiction, en se basant sur la nécessité d’assurer inconditionnellement ses intérêts nationaux, l’importance du renforcer les relations de bon voisinage, la confiance et la coopération avec les États voisins.

Renforcement de la paix et de la sécurité internationales

24. La Fédération de Russie part du principe de l’indivisibilité de la sécurité internationale (dans son aspect global et régional) et aspire à la garantir de manière égale pour tous les États sur la base du principe de mutualité. À ces fins la Russie est ouverte aux actions communes visant à la formation d’une architecture renouvelée et plus durable de la sécurité internationale avec tous les États et alliances interétatiques intéressés. Afin de maintenir et de renforcer la paix et la sécurité internationales la Fédération de Russie intente accorder une attention prioritaire à :

1) l’utilisation des moyens pacifiques, avant tout de la diplomatie, des négociations, des consultations, de la médiation et des bons offices, pour le règlement des différends et conflits internationaux basé sur le respect mutuel, les compromis et l’équilibre des intérêts légitimes ;

2) l’établissement d’une large interaction afin de neutraliser les tentatives de tous États et alliances interétatiques d’obtenir la prédominance globale dans le domaine militaire, de projeter leur force au-delà de leur zone de responsabilité, de s’approprier la responsabilité prioritaire pour le maintien de la paix et de la sécurité internationales, de tracer des lignes de division et d’assure la sécurité de certains États au détriment des intérêts légitimes des autres pays. Ces tentatives sont incompatibles avec l’esprit, les objectifs et les principes de la Charte de l’ONU et représente pour la génération actuelle et future une menace de conflits globaux et d’une guerre mondiale ;

3) l’intensification des efforts politiques et diplomatiques visant à prévenir le recours à la force militaire en violation de la Charte de l’ONU, avant tout les tentatives de contourner les prérogatives du Conseil de sécurité de l’ONU et de violer les conditions pour l’exercice du droit naturel de légitime défense, garanti par l’article 51 de la Charte de l’ONU ;

4) la prise de mesures politiques et diplomatiques pour prévenir l’ingérence dans les affaires intérieures des États souverains visant en premier lieu à l’aggravation de la situation politique interne, au changement inconstitutionnel du pouvoir ou à la violation de l’intégrité territoriale des États ;

5) la garantie de la stabilité stratégique, l’élimination des prémisses pour l’éclatement d’une guerre globale, des risques de recours aux armes nucléaires et des autres types des armes de destruction massive, la formation d’une architecture renouvelée de la sécurité internationale, la prévention et le règlement des conflits armés internationaux et intérieurs, la lutte contre les défis et menaces transnationaux dans certaines sphères de la sécurité internationale.

25. La Fédération de Russie se base sur le fait que ses Forces armées peuvent être utilisées conformément aux principes et normes universellement reconnus du droit international, aux traités internationaux de la Fédération de Russie et à la législation de la Fédération de Russie. La Russie considère l’article 51 de la Charte de l’ONU comme un cadre juridique approprié et non susceptible de révision pour le recours à la force en cas de légitime défense.

L’utilisation des Forces armées de la Fédération de Russie peut viser, notamment, à repousser et prévenir une agression armée contre la Russie et (ou) ses alliés, à régler des crises, à maintenir (rétablir) la paix conformément à la décision du Conseil de sécurité de l’ONU, des autres structures de sécurité collectives avec la participation de la Russie dans les limites de leur champ de responsabilité, à assurer la protection de ses citoyens à l’étranger, à lutter contre le terrorisme international et la piraterie.

26. En cas d’actes hostiles de la part des États étrangers ou de leurs alliances qui menacent la souveraineté et l’intégrité territoriale de la Fédération de Russie, y compris ceux liés avec l’imposition des mesures restrictives (sanctions) politiques ou économiques ou avec l’utilisation des technologies modernes d’information et de communications, la Fédération de Russie estime légitime de prendre des mesures symétriques et asymétriques nécessaires pour mettre fin à ces actes hostiles et prévenir leur répétition ultérieure.

27. Afin d’assurer la stabilité stratégique, d’éliminer les prémisses au déclenchement d’une guerre globale et aux risques d’emploi des armes nucléaires et des autres types d’armes de destruction massive, de former une architecture renouvelée de la sécurité internationale, la Fédération de Russie intente veiller en premier lieu à :

1) assurer la dissuasion stratégique, prévenir l’aggravation des relations interétatiques jusqu’au niveau susceptible de provoquer des conflits militaires, y compris avec l’emploi des armes nucléaires et des autres types des armes de destruction massive ;

2) raffermir et développer le système de traités internationaux dans le domaine de la stabilité stratégique, du contrôle des armements, de la non prolifération des armes de destruction massive, de leurs vecteurs et des produits et techniques connexes (y compris en tenant compte du risque que les composantes de ces armes tombent entre les mains des sujets non-étatiques) ;

3) raffermir et développer les fondements (accords) politiques internationaux pour le maintien de la stabilité stratégique, des régimes de contrôle des armements et de non-prolifération des armes de destruction massive et de leurs vecteurs avec la prise en compte intégrée obligatoire de tous les types des armes de destruction massive et des facteurs qui influencent la stabilité stratégique ans leur ensemble ;

4) prévenir la course aux armements et exclure son transfert dans de nouveaux milieux, créer des conditions pour la réduction ultérieure échelonnée des capacités nucléaires en tenant compte de tous les facteurs qui influencent la stabilité stratégique ;

5) augmenter la prévisibilité dans les relations internationales, appliquer et perfectionner en cas de nécessité les mesures de confiance dans le secteur militaire et international, prévenir les incidents armés involontaires ;

6) remplir les garanties de sécurité à l’égard des États parties aux traités régionaux sur les zones exemptes d’armes nucléaires ;

7) contrôler les armes conventionnelles et lutter contre le trafic illicite d’armes légères et de petit calibre ;

8) renforcer la sécurité nucléaire technique et physique au niveau global et prévenir les actes du terrorisme nucléaire ;

9) développer l’interaction bilatérale et multilatérale des États dans le domaine de l’énergie nucléaire pacifique afin de satisfaire les besoins de tous les pays concernés en combustible et énergie, tout en gardant aux États leur droit de définir leur politique nationale dans ce domaine ;

10) renforcer le rôle des mécanismes multilatéraux de contrôle des exportations dans les domaines de la sécurité internationale et de la non prolifération des armes de destruction massive et de leurs vecteurs, empêcher de transformer ces mécanismes en un instrument de limitations unilatérales à la coopération internationale légale.

28. Afin de renforcer la sécurité régionale, prévenir les guerres locales et régionales, régler les conflits armés internes (avant tout sur les territoires des États limitrophes), la Fédération de Russie intente accorder une attention prioritaire :

1) à la prise des mesures politiques et diplomatiques pour prévenir l’apparition ou réduire le niveau des menaces à la sécurité de la Russie provenant des territoires et États limitrophes ;

2) à l’assistance à ses alliés et partenaires visant à assurer leur défense et sécurité, à la neutralisation des tentatives d’ingérence externe dans leurs affaires intérieures ;

3) au développement de la coopération militaire, politique et technique avec ses alliés et partenaires ;

4) à la participation à la création et au perfectionnement des mécanismes de la sécurité régionale et du règlement des crises dans les régions importantes pour les intérêts de la Russie ;

5) à l’augmentation du rôle de la Russie dans les activités de maintien de la paix (y compris dans le cadre de l’interaction avec l’ONU, les organisations régionales et internationales et les parties des conflits), au renforcement des capacités de maintien de la paix et de règlement des crises de l’ONU et de l’OTSC.

29. Afin de prévenir les menaces biologiques et assurer la sécurité biologique, la Fédération de Russie envisage de prêter une attention particulière a :

1) l’enquête des cas de création, de déploiement et d’emploi présumés des armes biologiques et à toxines, avant tout sur les territoires des États limitrophes ;

2) la prévention des actes terroristes et (ou) de sabotage avec l’utilisation d’agents pathogènes dangereux et la liquidation de leurs conséquences ;

3) l’élargissement de la coopération avec ses alliés et partenaires dans le domaine de la sécurité biologique, avant tout avec les États membres de la CEI et de l’OTSC.

30. Afin d’assurer la sécurité informatique internationale, lutter contre les menaces à son égard, raffermir la souveraineté russe dans l’espace informatique global, la Fédération de Russie intente mettre un accent particulier sur :

1) le renforcement et le perfectionnement du régime du droit international pour prévenir et régler les conflits interétatiques et gérer l’activité dans l’espace informatique global ;

2) la formation et le perfectionnement du cadre du droit international pour la lutte contre l’utilisation des technologies d’information et de communications à des fins criminelles ;

3) l’aide au fonctionnement et au développement stable et sûr du réseau d’information et de télécommunications « Internet » sur la base de la participation égale des États à la gestion de ce réseau et la prévention du contrôle étranger du fonctionnement de ses segments nationaux ;

4) la prise de mesures politiques, diplomatiques et autres destinées à faire face à la politique des États inamicaux visant à la militarisation de l’espace informatique global, à l’utilisation des technologies d’information et de communications pour l’ingérence dans les affaires intérieures des États et à des fins militaires, aussi bien qu’à la restriction de l’accès des autres États aux technologies d’information et de communications de pointe et au renforcement de leur dépendance technologique.

31. Afin d’éradiquer le terrorisme international, de protéger l’État et les citoyens russes contre les actes terroristes, la Fédération de Russie intente veiller particulièrement à :

1) augmenter l’efficacité et la coordination de la coopération multilatérale dans la lutte contre le terrorisme, y compris dans le cadre de l’ONU

2) renforcer le rôle déterminant des États et de leurs organismes compétents dans l’élimination du terrorisme et de l’extrémisme ;

3) prendre des mesures politiques, diplomatiques et autres visant à empêcher les États d’utiliser les organisations terroristes et extrémistes (y compris néonazies) en tant qu’instrument de la politique extérieure et intérieure ;

4) lutter contre la propagation, y compris sur le réseau d’information et de télécommunication « Internet », de l’idéologie terroriste et extrémiste (y compris le néonazisme et le nationalisme radical) ;

5) dépister les citoyens et les organisations engagées dans des activités terroristes et bloquer les canaux de financement du terrorisme ;

6) dépister et éliminer les lacunes dans la base de droit international pour la coopération dans la lutte contre le terrorisme, y compris en tenant compte des risques des actes terroristes avec l’utilisation des substances chimiques et biologiques ;

7) renforcer l’interaction multilatérale avec ses alliés et partenaires dans la lutte contre le terrorisme, leur prêter une assistance pratique pour la mise en place des opérations antiterroristes, y compris pour la protection des chrétiens au Moyen-Orient.

32. Afin de lutter contre le trafic et la consommation illicites de stupéfiants et de substances psychotropes présentant une menace grave pour la sécurité internationale et nationale, la santé et les fondements spirituels et moraux de la société russe, la Fédération de Russie envisage de prêter une attention particulière à :

1) l’élargissement de la coopération internationale afin d’éviter l’assouplissement ou la révision du régime global du contrôle des stupéfiants en vigueur (y compris leur légalisation à des fins non-médicales) et l’opposition aux autres initiatives pouvant entraîner l’augmentation du trafic et de la consommation illicites de la drogue ;

2) l’assistance pratique à ses alliés et partenaires dans les activités antidrogues.

33. Aux fins de la lutte contre la criminalité organisée transfrontalière et la corruption qui représentent une menace croissante pour la sécurité et le développement durable de la Fédération de Russie, de ses alliés et ses partenaires, la Fédération de Russie envisage de prêter une attention prioritaire à l’élargissement de la coopération internationale afin de liquider les  » havres  » où s’abritent les criminels et au renforcement des mécanismes multilatéraux ciblés qui répondent aux intérêts nationaux de la Russie.

34. Afin de réduire les risques pour le territoire de la Fédération de Russie à la suite des catastrophes naturelles ou accidents technologiques à l’étranger, aussi bien que pour augmenter la résistance des États étrangers à ces menaces, la Fédération de Russie envisage de prêter une attention particulière :

1) au renforcement du cadre du droit international et au perfectionnement des mécanismes d’interaction bilatérale et multilatérale dans le domaine de la protection de la population contre les urgences naturelles et technologiques et à l’augmentation des possibilités pour l’alerte rapide et la prévision de ces urgences, aussi bien que le règlement de leurs effets ;

2) à l’assistance pratique aux États étrangers dans le domaine de la protection de la population contre les urgences naturelles et technologiques, y compris avec l’utilisation des technologies russes uniques et de l’expérience de secours d’urgence.

35. Afin de lutter contre la migration illégale et perfectionner le règlement des processus internationaux de migration, la Fédération de Russie envisage de prêter une attention particulière au renforcement de la coopération dans ce domaine avec les États membres de la CEI menant une politique constructive envers la Fédération de Russie.

Garantie des intérêts de la Fédération de Russie dans l’océan mondial, l’espace extra-atmosphérique et aérien

36. Afin d’étudier, d’exploiter et d’utiliser l’océan mondial pour assurer la sécurité et le développement de la Russie, faire face aux mesures restrictives unilatérales des États inamicaux et de leurs alliances à l’égard de l’activité maritime russe, la Fédération de Russie intente accorder une attention prioritaire à :

1) la garantie de l’accès libre, fiable et complet de la Russie aux espaces, voies de transports et ressources vitaux, importants et autres de l’océan mondial ;

2) l’exploitation responsable et raisonnable des ressources biologiques, minérales, énergétiques et autres des océans, le développement fonctionnement des conduites maritimes, les recherches scientifiques, la protection et la préservation de l’environnement maritime ;

3) la fixation de la limite extérieure du plateau continental de la Fédération de Russie conformément au droit international, la protection de ses droits souverains sur le plateau continental.

37. Aux fins de l’exploration et l’utilisation pacifique de l’espace, de l’affermissement de ses positions de leader sur le marché des produits, travaux et services spatiaux et la confirmation de son statut comme une des plus grandes puissances spatiales, la Fédération de Russie intente accorder une attention prioritaire à :

1) la promotion de la coopération internationale visant à prévenir la course aux armements dans l’espace, avant tout par la mise en place et la signature d’un traité international approprié, et en qualité de mesure intermédiaire – par l’engagement de tous les États de ne pas déployer en premier des armes dans l’espace ;

2) la diversification géographique de la coopération internationale dans le secteur spatial.

38. Afin d’utiliser l’espace aérien international pour la sécurité et le développement de la Russie, de faire face aux mesures restrictives unilatérales des États inamicaux et de leurs alliances à l’égard des aéronefs russes, la Fédération de Russie intente accorder une attention prioritaire à :

1) L’accès garanti de la Russie à l’espace aérien international (ouvert) compte tenu du principe de liberté de survol ;

2) la diversification géographique des vols internationaux des aéronefs russes et le développement de la coopération dans le domaine du transport aérien, de la protection et de l’utilisation de l’espace aérien avec les États menant une politique constructive à l’égard de la Russie.

Coopération économique internationale et contribution au développement durable

39. Afin d’assurer la sécurité économique, la souveraineté économique, la croissance durable, la mise à jour structurelle et technologique, l’augmentation de la compétitivité internationale de l’économie nationale, de préserver les positions de leader de la Russie dans l’économie mondiale, de réduire les risques et de profiter des opportunités liées aux changements profonds dans l’économie mondiale et les relations internationales, aussi bien qu’en relation avec les actions hostiles des États étrangers et de leurs alliances, la Fédération de Russie intente accorder une attention prioritaire à :

1) l’adaptation des systèmes mondiaux commercial, monétaire et financier aux réalités d’un monde multipolaire et aux conséquences de la crise de la globalisation économique, avant tout afin de limiter les possibilités des États inamicaux d’abuser de leur situation monopole ou dominante dans certaines sphères de l’économie mondiale et d’élargir la participation des États en voie de développement dans la gestion économique globale ;

2) la réduction de la dépendance de l’économie russe des actions hostiles des États étrangers, avant tout par le développement d’une infrastructure de paiement internationale non politisée, sécurisée, indépendante des États inamicaux et par l’élargissement de la pratique de règlements avec les alliés et partenaires étrangers en monnaies nationales ;

3) le renforcement de la présence russe sur les marchés mondiaux, l’augmentation de l’exportation non-pétrolière et non-énergétique, la diversification géographique des liens économiques en les réorientant vers les États menant une politique constructive et neutre envers la Fédération de Russie, tout en préservant la disponibilité à la coopération pragmatique avec les milieux d’affaires des États inamicaux ;

4) l’amélioration des conditions pour l’accès de la Russie aux marchés mondiaux, la protection des organisations, investissements, produits et services russes à l’étranger contre la discrimination, la concurrence déloyale, les tentatives des États étranger de gérer unilatéralement les marchés clés pour l’exportation russe ;

5) la protection de l’économie russe et des liens commerciaux et économiques internationaux contre les actions hostiles des États étrangers par le recours aux mesures économiques spéciales en qualité de réponse à ces actions ;

6) l’aide à l’attraction en Russie de l’étranger en Russie des investissements, des connaissances et des technologies de pointe, des spécialistes hautement qualifiés ;

7) la promotion des processus d’intégration économique régionale et transrégionale répondant aux intérêts de la Russie, avant tout dans le cadre de l’État de l’Union, de l’UEEA, de la CEI, de l’OCS et de BRICS, aussi bien qu’aux fins de la formation du Grand partenariat eurasiatique ;

8) l’utilisation de la situation géographique unique et du potentiel de transit de la Russie pour développer l’économie nationale et renforcer le réseau de transport et de l’infrastructure dans l’espace eurasiatique.

40. Afin de rendre le système des relations internationales résistant mieux aux crises, d’améliorer la situation sociale, économique et humanitaire dans le monde, d’éliminer les conséquences des conflits armés, de réaliser le Programme de développement durable à l’horizon 2030, de renforcer la perception positive de la Russie dans le monde, la Fédération de Russie intente contribuer au développement international en prêtant une attention prioritaire au développement social et économique de la République d’Abkhazie, de la République d’Ossétie du Sud, des États membres de l’UEEA, des États membres de la CEI entretenant les relations de bon voisinage avec la Russie, aussi bien que des États en voie de développement menant une politique constructive envers la Fédération de Russie.


Protection de l’environnement et santé globale

41. Afin de préserver l’environnement favorable, d’améliorer sa qualité, d’adapter raisonnablement la Russie aux changements climatiques pour le bien de la génération présente et des générations futures, la Fédération de Russie intente accorder une attention prioritaire à :

1) l’encouragement des efforts internationaux scientifiquement fondés et non politisés visant à limiter l’influence négative sur l’environnement (y compris la réduction des émissions des gaz à effet de serre), préserver et augmenter la capacité d’absorption des écosystèmes ;

2) l’élargissement de la coopération avec ses alliés et partenaires afin d’empêcher la politisation de l’activité environnementale et climatique internationale, avant tout son utilisation aux fins de concurrence déloyale, l’ingérence dans les affaires intérieures des États et la limitation de la souveraineté des États sur leurs ressources naturelles ;

3) le soutien du droit de chaque État de choisir indépendamment les mécanismes et moyens optimaux pour ce dernier pour la protection de l’environnement et l’adaptation aux changements climatiques ;

4) l’aide à l’élaboration des règles globales de la gestion climatique environnementale, communes pour tous, claires, équitables et transparentes, tout en tenant compte de l’Accord de Paris sur le climat du 12 décembre 2015 adopté sur la base de la convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques du 9 mai 1992 ;

5) l’augmentation de l’efficacité de la coopération internationale pour élaborer et mettre en place des technologies de pointe contribuant à la préservation de l’environnement favorable et la préservation de sa qualité, à l’adaptation des États aux changements climatiques ;

6) la prévention des dommages transfrontaliers à l’environnement de la Fédération de Russie, avant tout de sa pollution par les substances polluantes (y compris radioactives), les ravageurs de quarantaine, particulièrement dangereux et dangereux, les agents pathogènes des plantes, les mauvaises herbes et les microorganismes apportés des autres États.

42. Afin de contribuer à la protection de la santé et au bien-être social des peuples de la Russie et des autres États, la Fédération de Russie intente accorder une attention prioritaire à :

1) l’augmentation de l’efficacité de la coopération internationale dans le domaine de la santé et l’opposition à sa politisation, y compris au sein des organisations internationales ;

2) la consolidation des efforts internationaux visant à prévenir la propagation des maladies infectieuses dangereuses, assurer la réponse opportune et efficace aux urgences de caractère sanitaire et épidémiologique, lutter contre les maladies chroniques non transmissibles, surmonter les conséquences sociales et économiques des pandémies et des épidémies ;

3) l’augmentation de l’efficacité des recherches scientifiques internationales dans le domaine de la santé, avant tout pour la création de nouveaux moyens de prévention, de dépistage et de traitement des maladies.


Coopération humanitaire internationale

43. Afin de renforcer le rôle de la Russie dans l’espace humanitaire mondial, de former sa perception positive à l’étranger, de raffermir les positions de la langue russe dans le monde, de s’opposer à la campagne russophobe menée par les États étrangers inamicaux et leurs alliances, aussi bien que d’augmenter la compréhension mutuelle et renforcer la confiance entre les États, la Fédération de Russie intente accorder une attention prioritaire à :

1) la promotion et la protection contre la discrimination à l’étranger des progrès nationaux dans les domaines de la culture, de l’art, de l’éducation et de la science et le renforcement de l’image de la Russie comme un pays agréable pour la vie, le travail, les études et le tourisme ;

2) l’aide à la diffusion et le raffermissement des positions de la langue russe en tant que langue de communication internationale, une des langues officielles de l’ONU et d’une série d’autres organisations internationales ; l’aide à l’étude et à l’utilisation de la langue russe dans les États étrangers (avant tout dans les États membres de la CEI) ; la préservation et le renforcement de la langue russe dans la communication internationale et interétatique, y compris dans le cadre des organisations internationales ; la protection de la langue russe contre la discrimination à l’étranger ;

3) le développement des mécanismes de la diplomatie publique avec la participation des représentants et institutions de la société civile à l’attitude constructive envers la Russie, des cercles politologiques, académiques et d’experts, de la jeunesse, des mouvements de volontariat et de recherche et d’autres mouvements sociaux ;

4) l’assistance au développement des liens externes des autres organisations religieuses appartenant aux confessions traditionnelles de la Russie, à la protection de l’Église orthodoxe russe contre la discrimination à l’étranger, y compris afin d’assurer l’unité de l’orthodoxie ;

5) l’aide à la formation d’un espace humanitaire uni entre la Fédération de Russie et les États membres de la CEI, la préservation des liens civils et spirituels du peuple russe avec les peuples de ces pays qui datent de plusieurs siècles ;

6) la garantie du libre accès des sportifs et des organisations sportives russes à l’activité sportive internationale, l’aide à sa dépolitisation, le perfectionnement de l’activité des organisations sportives internationales intergouvernementales et sociales et le développement des nouveaux formats de la coopération sportive internationale avec les États menant une politique constructive à l’égard de la Russie.

44. Afin de s’opposer à la falsification de l’histoire, à l’incitation à la haine envers la Russie, à la propagation de l’idéologie du néonazisme, de l’exclusivisme racial et national, du nationalisme agressif et de renforcer les fondements moraux, juridique et institutionnels des relations internationales modernes basées essentiellement sur les résultats universellement reconnus de la Seconde guerre mondiale, la Fédération de Russie intente accorder une attention prioritaire à :

1) la diffusion de l’information fiable à l’étranger sur la place et le rôle de la Russie dans l’histoire mondiale et la formation d’un ordre mondial équitable, surtout sur le rôle décisif de l’Union soviétique dans la défaite de l’Allemagne nazie et dans la création de l’ONU, sur son assistance considérable à la décolonisation et à l’édification des nations des peuples d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine ;

2) l’adoption des mesures nécessaires, aussi bien dans le cadre des forums internationaux ciblés qu’au niveau des relations bilatérales avec ses partenaires étrangers pour lutter contre la distorsion des événements significatifs de l’histoire mondiale concernant les intérêts de la Russie, y compris le silence devant les crimes, la réhabilitation et la glorification des Nazis allemands, des militaristes japonais et de leurs acolytes ;

3) l’adoption des mesures de riposte à l’égard des États étrangers et de leurs alliances, des fonctionnaires, organisations et citoyens étrangers impliqués dans les actions hostiles à l’égard des sites russes à l’étranger présentant une signification historique et mémorielle ;

4) l’aide à la coopération internationale constructive visant à préserver le patrimoine historique et culturel.


Protection des citoyens et organisations russes contre les atteintes illégales étrangères, soutien des compatriotes résidant à l’étranger,
coopération internationale dans le domaine des droits de l’homme

45. Afin de protéger les droits, les libertés et les intérêts légaux des citoyens étrangers (y compris les mineurs), de protéger les organisations russes contre les atteintes illégales étrangères et de s’opposer à la campagne russophobe déclenchée par les États inamicaux, la Fédération de Russie intente accorder une attention prioritaire :

1) au suivi des actions hostiles envers les citoyens et les organisations russes, telle que la mise en place des mesures restrictives (sanctions) politiques ou économiques, la poursuite juridique infondée, les crimes, la discrimination, l’incitation à la haine ;

2) à la mise en place des interventions et des mesures économiques spéciales à l’égard des États étrangers et de leurs alliances, des fonctionnaires, organisations et citoyens étrangers impliqués dans les actions hostiles envers les citoyens et organisations russes et dans la violation des droits et libertés fondamentaux des compatriotes résidant à l’étranger ;

3) à l’augmentation de l’efficacité des mécanismes globaux, régionaux et bilatéraux de la protection internationale des droits, libertés et intérêts légaux des citoyens russes et de la protection des organisations russes, aussi bien qu’à la formation, le cas échéant, de nouveaux mécanismes dans ce domaine.

46. Afin de développer ses liens avec les compatriotes et de leur prêter le plein soutien (vu leur contribution importante à la préservation et la diffusion de la langue et de la culture russes) en raison de leur discrimination systématique dans certains États, la Fédération de Russie, en tant que noyau de l’entité civilisationnelle du Monde russe, intente accorder une attention prioritaire à :

1) l’aide à la consolidation et le soutien dans la protection des droits et des intérêts légaux des compatriotes résidant à l’étranger et ayant une attitude constructive envers la Russie, avant tout dans les États inamicaux, à la préservation de leur identité culturelle et linguistique commune russe et des valeurs spirituelles et morales russes, de leurs liens avec leur patrie historique ;

2) la promotion de la réinstallation volontaire en Fédération de Russie des compatriotes ayant une attitude constructive envers la Russie, surtout de ceux qui sont victimes de discrimination dans leurs États de résidence.

47. La Russie reconnaît et garantit les droits et libertés de l’homme et du citoyen conformément aux principes et normes universellement reconnus du droit international, considère le rejet de l’hypocrisie et l’exécution de bonne foi de leurs obligations par les États comme une des conditions pour le développement progressif et harmonieux de toute l’humanité. Afin de veiller au respect des droits et des libertés de l’homme dans le monde, la Fédération de Russie intente accorder une attention prioritaire à :

1) la prise en compte garantie des intérêts de la Russie, de ses particularités nationales, socioculturelles, spirituelles, morales et historiques lors du perfectionnement du cadre de droit international et des mécanismes internationaux dans le domaine des droits de l’homme ;

2) le suivi et la publication de la situation réelle concernant le respect des droits et des libertés de l’homme dans le monde, surtout dans les États insistant sur leur propre exclusivité en ce qui concerne le respect des droits de l’homme et la définition des normes internationales dans ce domaine;

3) l’élimination de la politique de  » doubles standards  » dans la coopération internationale dans le domaine des droits de l’homme afin de lui donner un caractère non-politisé, égal et mutuellement respectueux;

4) l’opposition aux tentatives d’utiliser l’agenda des droits de l’homme comme instrument pour la pression extérieure et l’ingérence dans les affaires intérieures des États, l’influence négative sur l’activité des organisations internationales;

5) la mise en place de l’intervention à l’égard des États étrangers et de leurs alliances, des fonctionnaires, organisations et citoyens étrangers impliqués dans la violation des droits et libertés fondamentaux de l’homme.

Accompagnement médiatique de l’activité en politique étrangère de la Fédération de Russie

48. Afin de former la perception objective de la Russie à l’étranger, de renforcer sa présence dans l’espace informatique global, de faire face à la campagne coordonnée de propagande antirusse menée systématiquement par les États inamicaux et comprenant la désinformation, la diffamation et l’incitation à la haine, aussi bien que d’assurer l’accès libre de la population des États étrangers aux informations véridiques, la Fédération de Russie intente accorder une attention prioritaire à :

1) porter à la connaissance de l’audience étrangère la plus large l’information fiable sur la politique intérieure et extérieure de la Fédération de Russie, son histoire et ses progrès dans différents domaines de la vie, aussi bien que d’autres informations véridiques sur la Russie ;

2) favoriser la diffusion à l’étranger des informations contribuant au raffermissement de la paix et de la compréhension mutuelle internationales, au développement et à l’établissement des relations amicales entre les États, le renforcement des valeurs spirituelles et morales traditionnelles en tant que facteur unifiant pour toute l’humanité, aussi bien qu’au renforcement du rôle de la Russie dans l’espace humanitaire mondial ;

3) assurer la protection contre la discrimination à l’étranger et aider au renforcement des positions dans l’espace informatique global des moyens de communication ou d’information de masse russes, y compris les plateformes numériques russes, et des médias des compatriotes résidant à l’étranger et ayant une attitude constructive envers la Russie ;

4) perfectionner les instruments et méthodes de l’accompagnement médiatique de la politique étrangère de la Fédération de Russie, y compris l’augmentation de l’efficacité des technologies d’information et de communications modernes, y compris les réseaux sociaux ;

5) perfectionner les mécanismes et normes internationaux pour la gestion et la protection de l’activité des moyens de communication et d’information de masse, la garantie de libre accès à ces derniers, la création et la diffusion de l’information ;

6) créer des conditions favorables pour le fonctionnement des médias étrangers sur le territoire de la Russie dans le cadre du droit international et sur la base du principe de mutualité ;

7) continuer à former l’espace informatique commun entre la Fédération de Russie et les États membres de la CEI, intensifier la coopération dans le domaine informatique avec les États menant une politique constructive envers la Russie.

V. Vecteurs régionaux de la politique étrangère de la Fédération de Russie


Étranger proche

49. Les priorités pour la sécurité, la stabilité, l’intégrité territoriale et le développement social et économique de la Russie, pour le renforcement de ses positions comme un des centres souverains influents du développement mondial et de la civilisation sont les relations de bon voisinage stables et de longue durée et l’association des potentiels dans différents domaines avec les États membres de la CEI et d’autres États limitrophes liés à la Russie par les traditions d’identité nationale partagée datant de plusieurs siècles, une interdépendance profonde dans différents domaines, une langue commune et des cultures proches.

Aux fins de la transformation ultérieure de l’étranger proche en une zone de paix, de bon voisinage, de développement durable et de bien-être la Fédération de Russie intente accorder une attention prioritaire à :

1) la prévention et le règlement des conflits armés, l’amélioration des relations interétatiques, la stabilité dans l’étranger proche, y compris la répression de l’inspiration des  » révolutions de couleur  » et des autres tentatives d’ingérence dans les affaires intérieures des alliés et partenaires de la Russie ;

2) la protection garantie de la Russie, de ses alliés et partenaires dans n’importe quel scénario militaire et politique, le renforcement du système de sécurité régionale basé sur le principe d’indivisibilité de la sécurité et le rôle clé de la Russie dans la préservation et le renforcement de la sécurité régionale, de complémentarité de l’État de l’Union, de l’OTSC et des autres formats d’interaction entre la Russie et ses alliés et partenaires dans le domaine de la défense et de la sécurité ;

3) l’opposition au déploiement ou renforcement de l’infrastructure militaire des États inamicaux et aux autres menaces à la sécurité de la Russie dans l’étranger proche ;

4) l’intensification des processus d’intégration répondant aux intérêts de la Russie et de l’interaction stratégique avec la République de Biélorussie, le renforcement du système de coopération multilatérale intégrale et mutuellement avantageuse basée sur l’association des potentiels de la CEI et de l’UEEA, aussi bien que le développement des formats multilatéraux complémentaires, y compris le mécanisme d’interaction entre la Russie et les États d’Asie centrale ;

5) la formation d’un large contour d’intégration en Eurasie à long terme ;

6) la prévention et la répression des actions hostiles des États inamicaux et de leurs alliances provoquant des processus de désintégration dans l’étranger proche et créant des obstacles à la réalisation du droit souverain des alliés et partenaires de la Russie au renforcement de la coopération intégrale avec elle ;

7) l’emploi du potentiel économique du bon voisinage, avant tout avec les États membres de l’UEEA et les États intéressés à développer les relations économiques avec la Russie, aux fins de la formation d’un contour d’intégration plus large en Eurasie ;

8) le soutien global de la République d’Abkhazie et de la République d’Ossétie du Sud et l’aide à la réalisation du choix bénévole et bas sur le droit international de ces peuples au profit de l’intégration approfondie avec la Russie ;

9) le renforcement de la coopération dans la région de la mer Caspienne en partant de la compétence exclusive des cinq États caspiens pour le règlement de toutes les questions concernant cette région.


Arctique

50. La Russie aspire à préserver la paix et la stabilité, à augmenter la viabilité écologique, à réduire le niveau des menaces à la sécurité nationale en Arctique, à créer des conditions internationales favorables pour le développement social et économique de la zone arctique de la Fédération de Russie (y compris la protection de l’habitat et du mode de vie traditionnel des petites minorités autochtones résidant dans cette zone), aussi bien que pour le développement du passage du Nord-est en tant que voie nationale compétitive de communication et de transport avec la possibilité de son utilisation internationale pour assurer le transit entre l’Europe et l’Asie. À ces fins la Fédération de Russie intente accorder une attention prioritaire :

1) au règlement pacifique des questions internationales concernant l’Arctique en partant de la responsabilité particulière des États arctiques pour le développement durable de la région et la suffisance de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer de 1982 pour régler les relations interétatiques dans l’océan Arctique (y compris la protection du milieu marin et la délimitation des espaces maritimes) ;

2) à la neutralisation des aspirations des États inamicaux à la militarisation de la région et la limitation des possibilités de la Russie de réaliser ses droits souverains dans la zone arctique de la Fédération de Russie ;

3) à l’immuabilité du régime historique du droit international concernant les eaux marines intérieures de la Fédération de Russie ;

4) à l’établissement de la coopération mutuellement avantageuse avec les États non-arctiques menant une politique constructive envers la Russie et intéressés à l’activité internationale en Arctique, y compris le développement d’infrastructure du passage du Nord-est.

Continent eurasien.
République populaire de Chine, République de l’Inde

51. L’approfondissement global des relations et de la coordination avec les centres globaux souverains amicaux de force et de développement situés sur le continent eurasien et attachés aux approches qui coïncident principalement aux approches russe au futur ordre mondial et au règlement des problèmes clés de la politique mondiale présente une importance particulière pour la réalisation des objectifs stratégiques et les buts essentiels de la politique étrangère de la Fédération de Russie.

52. La Russie aspire au renforcement ultérieur des relations de partenariat exhaustif et de coopération stratégique avec la République populaire de Chine et prête une attention particulière au développement de la coopération mutuellement avantageuse dans tous les domaines, à l’entraide et au renforcement de la coordination sur la scène internationale afin d’assurer la sécurité, la stabilité, le développement durable aux niveaux global et régional en Eurasie comme dans les autres parties du monde.

53. La Russie renforcera davantage son partenariat stratégique particulièrement privilégié avec la République de l’Inde afin d’élargir la coopération et d’en augmenter le niveau dans tous les domaines sur une base mutuellement avantageuse, aussi bien que de prêter une attention particulière à l’augmentation des volumes des relations bilatérales commerciales, technologiques et d’investissements et à leur résistance aux actions destructives des États inamicaux et de leurs alliances.

54. La Russie aspire à transformer l’Eurasie en un espace continental de paix, de stabilité, de confiance mutuelle, de développement et de bien-être. La réalisation de cet objectif prévoit :

1) le renforcement global du potentiel et ultérieur du rôle de l’OCS pour assurer la sécurité et favoriser le développement durable en Eurasie par le perfectionnement de l’activité de l’Organisation en tenant compte des réalités géopolitiques modernes ;

2) la création d’un vaste contour d’intégration du Grand partenariat eurasiatique en unissant les potentiels de tous les États, organisations régionales et associations d’Eurasie en s’appuyant sur l’UEEA, l’OCS et l’Association des nations de l’Asie du Sud-est (ASEAN), la conjugaison des projets du développement de l’UEEA avec l’initiative chinoise  » Une ceinture, un chemin  » tout en préservant l’ouverture de ce partenariat à la participation de tous les États et associations multilatérales intéressés du continent eurasien et, en conséquence, la formation d’un réseau des organisations de partenariat en Eurasie ;

3) l’augmentation de la connectivité économique et de transports en Eurasie, y compris par la modernisation et l’augmentation de la capacité des lignes ferroviaires Baïkal-Amour et Transsibérien, le lancement le plus rapide possible du corridor de transport international Nord-Sud, le perfectionnement de l’infrastructure du corridor de transport international  » Europe – Chine Occidentale « , des régions des mers Caspienne et Noire, du passage du Nord-est, la création des zones de développement et de corridors économiques en Eurasie, y compris le corridor économique  » Russie – Mongolie – Chine « , aussi bien que par l’augmentation de la coopération régionale dans le domaine de la coopération numérique et la formation du partenariat énergétique ;

4) le règlement de la situation en Afghanistan, l’aide à sa restauration en qualité d’État souverain, pacifique, neutre avec une économie stable et un système politique répondant aux intérêts de tous les groupes ethniques qui l’habitent, ce qui ouvrira les perspectives pour l’intégration de l’Afghanistan dans l’espace eurasiatique de coopération.


Région Asie-Pacifique

55. Vu le potentiel multidimensionnel en croissance dynamique de la région Asie-Pacifique, la Fédération de Russie intente accorder une attention prioritaire à :

1) l’augmentation de la coopération dans les domaines de l’économie, de la sécurité, dans le secteur humanitaire et dans d’autres sphères avec les États de la région et de l’ASEAN ;

2) l’aide à la création dans la région d’une architecture exhaustive, ouverte, indivisible, transparente, multilatérale et égale de sécurité et de coopération mutuellement avantageuse sur une base collective en dehors des blocs, aussi bien que l’emploi du potentiel de la région pour la formation du Grand partenariat eurasiatique ;

3) l’encouragement d’un dialogue constructif non politisé et de l’interaction interétatique dans différents domaines, y compris en utilisant les possibilités du forum de l’Association de coopération économique Asie-Pacifique ;

4) l’opposition aux tentatives d’ébranler le système d’associations multilatérales autour de l’ASEAN dans le domaine de la sécurité et du développement, basé sur les principes de consensus et d’égalité de ses participants ;

5) le développement d’une vaste coopération internationale afin de faire face à la politique visant à tracer des lignes de démarcation dans la région.


Monde islamique

56. Les partenaires de plus en plus sollicités et fiables de la Russie dans les questions de sécurité, de stabilité et de règlement des problèmes économiques aux niveaux global et régional sont les États de la civilisation amicale islamique qui voit s’ouvrir devant elle dans les réalités d’un monde multipolaire de vastes perspectives d’établissement en tant que centre indépendant du développement mondial. La Russie cherche à renforcer la coopération intégrale et mutuellement avantageuse avec les États membres de l’Organisation de la coopération islamique, tout en respectant leurs régimes sociopolitiques et les valeurs spirituelles et morales traditionnelles. À ces fins la Fédération de Russie intente accorder une attention prioritaire à :

1) l’élargissement de l’interaction exhaustive et de confiance avec la République islamique d’Iran, du soutien intégral de la République arabe syrienne, l’approfondissement du partenariat multidimensionnel et mutuellement avantageux avec la République turque, le royaume d’Arabie saoudite, la République arabe d’Égypte et les autres États membres de l’Organisation de la coopération islamique, compte tenu de leur degré de souveraineté et du caractère constructif de leur politique envers la Fédération de Russie;

2) la formation d’une architecture exhaustive durable de sécurité régionale et de coopération au Proche-Orient et en Afrique du Nord à la base de l’association des potentiels de tous les États et associations interétatiques des régions, y compris la Ligue des États arabes et le Conseil de coopération des États arabes du Golfe. La Russie envisage une interaction active avec tous les États et associations interétatiques intéressés afin de mettre en place le Concept russe de la sécurité collective dans la zone du golfe Persique, considérant la réalisation de cette initiative comme un pas important vers l’assainissement durable et complet de la situation au Proche-Orient ;

3) la promotion du dialogue interreligieux et interculturel et de la compréhension mutuelle, de la consolidation des efforts pour la protection des valeurs spirituelles et morales traditionnelles, la lutte contre l’islamophobie, y compris dans le cadre de l’Organisation de la coopération islamique ;

4) la résolution des contradictions et la normalisation des relations entre les États membres de l’Organisation de la coopération islamique, aussi bien qu’entre ces États et leurs voisins (avant tout la République islamique d’Iran et les pays arabes, la République arabe syrienne et ses voisins, les pays arabes et l’État d’Israël), y compris dans le cadre des efforts visant au règlement exhaustif et durable de la question palestinienne ;

5) l’aide au règlement et à la liquidation des conséquences des conflits armés au Proche-Orient, en Afrique du Nord, en Asie du Sud et du Sud-est et dans d’autres régions où les États membres de l’Organisation de la coopération islamique sont situés ;

6) l’emploi du potentiel économique des États membres de l’Organisation de la coopération islamique pour la formation du Grand partenariat eurasiatique.


Afrique

57. La Russie est solidaire avec les États africains dans leur aspiration à établir un monde multipolaire plus équitable et à éliminer l’inégalité sociale et économique qui se renforce à cause de la politique néocoloniale ingénieuse de certains États occidentaux à l’égard de l’Afrique.

La Fédération de Russie intente aider à l’établissement ultérieur de l’Afrique comme un centre authentique et influent du développement mondial en prêtant une attention particulière :

1) au soutien de la souveraineté et de l’indépendance des États africains intéressés, y compris en prêtant assistance dans les domaines de sécurité, incluant la sécurité alimentaire et énergétique, de coopération militaire et technique ;

2) à l’aide au règlement et à la liquidation des conséquences des conflits armés, surtout internationaux et ethniques, en Afrique, soutenant le rôle leader des États africains dans ces efforts et en partant du principe formulés par eux-mêmes de  » solution africaine au problèmes africains  » ;

3) au renforcement et à l’approfondissement de l’interaction russo africaine dans différents domaines sur une base bilatérale et multilatérale, avant tout dans le cadre de l’Union africaine et du Forum du partenariat Russie Afrique ;

4) à l’augmentation du chiffre de commerce et des investissements avec les États africains et les structures d’intégration d’Afrique (avant tout la zone de libre-échange continentale africaine, la Banque africaine d’import-export et d’autres organisations sous-régionales majeures), y compris dans le cadre de l’UEEA ;

5) à l’assistance et au développement des liens dans le domaine humanitaire, y compris la coopération scientifique, la formation des cadres nationaux, le renforcement des systèmes de santé, l’octroi d’autres types d’assistance, la promotion d’un dialogue interculturel, la protection des valeurs spirituelles et morales traditionnelles et du droit à la liberté de religion.


Amérique latine et les Caraïbes

58. Vu le renforcement progressif de la souveraineté et du potentiel pluridimensionnel des États d’Amérique latine et des Caraïbes, la Fédération de Russie intente développer ses relations avec eux sur une base pragmatique, non-idéologique et mutuellement avantageuse en prêtant une attention particulière :

1) au soutien des États d’Amérique latine intéressés qui sont soumis à la pression des États-Unis et de leurs alliés pour assurer leur souveraineté et leur indépendance, y compris en établissant et en élargissant l’interaction dans les domaines de la sécurité, de la coopération militaire et technique ;

2) au renforcement de l’amitié, de la compréhension mutuelle et à l’approfondissement du partenariat pluridimensionnel et mutuellement avantageux avec la République fédérative du Brésil, la République de Cuba, la République du Nicaragua, la République bolivarienne du Venezuela, au développement des relations avec les autres États d’Amérique latine, compte tenu de leur degré d’autonomie et du caractère constructif de leur politique envers la Fédération de Russie ;

3) à l’augmentation des volumes su commerce mutuel et des investissements avec les États d’Amérique latine et des Caraïbes, y compris dans le cadre de la coopération avec la Communauté des États latino-américains et Caribéens, le Marché commun du Sud, le Système d’intégration de l’Amérique centrale, l’Alliance bolivarienne pour les peuples de notre Amérique, l’Alliance du Pacifique et la Communauté caribéenne ;

4) à l’élargissement des échanges culturels, scientifiques, éducationnels, sportifs, touristiques et des autres liens humanitaires avec les États de la région.


Région européenne

59. La plupart des États d’Europe mènent une politique agressive envers la Russie visant à créer des menaces à la sécurité et la souveraineté de la Fédération de Russie, obtenir des avantages économiques unilatéraux, saper la stabilité politique intérieure et diluer les valeurs spirituelles et morales traditionnelles russes, créer des obstacles à la coopération de la Russie avec ses alliés et partenaires.

À cet égard la Fédération de Russie continuera de défendre ses intérêts nationaux en prêtant une attention prioritaire à :

1) la réduction et la neutralisation des menaces à la sécurité, l’intégrité territoriale, la souveraineté, les valeurs spirituelles et morales traditionnelles et le développement social et économique de la Russie et de ses alliés et partenaires provenant des États européens, de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord, de l’Union européenne et du Conseil de l’Europe ;

2) la création des conditions pour la cessation des actions hostiles des États européens et de leurs alliances, l’abandon complet du vecteur antirusse par ces États et leurs alliances (y compris l’ingérence dans les affaires intérieures de la Russie) et pour leur passage vers une politique durable de bon voisinage et de coopération mutuellement avantageuse avec la Russie ;

3) la formation par les États européens d’un nouveau modèle de coexistence permettant d’assure le développement sûr, souverain et progressif de la Russie, de ses alliés et partenaires, la paix durable dans la partie européenne de l’Eurasie, y compris en tenant compte du potentiel des formats multilatéraux, y compris l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe.

60. Les prémisses objectives pour la formation d’un nouveau modèle de coexistence avec les États européens sont la proximité géographique, les liens historiques culturels, humanitaires et économiques profonds des peuples et des États de la partie européenne de l’Eurasie.

Le facteur principal qui complique la normalisation des relations entre la Russie et les États d’Europe est le vecteur stratégique des États-Unis et de certains de leurs alliés visant à tracer et à approfondir les lignes de démarcation dans la région européenne afin d’affaiblir les économies de la Russie et des États d’Europe, de saper leur compétitivité, de limiter la souveraineté des États européens et d’assurer la prédominance globale des États-Unis.

61. La compréhension par les États d’Europe de l’absence d’alternatives à la coexistence pacifique et la coopération égale mutuellement avantageuse, l’augmentation du niveau de leur autonomie politique et la transition à la politique de bon voisinage avec la Fédération de Russie seront bénéfiques pour la sécurité et le bien-être de la région européenne et aideront les États européens à prendre une place digne au sein du Grand partenariat eurasiatique et du monde multipolaire.

Les États-Unis et les autres États anglo-saxons

62. La politique de la Russie à l’égard des États-Unis a un caractère combiné, compte tenu du rôle de cet État en tant qu’un des centres souverains influents du développement mondial et en même temps l’inspirateur, organisateur et réalisateur essentiel de la politique antirusse agressive de l’Occident collectif, source des risques essentielles pour la sécurité de la Fédération de Russie, la paix internationale, le développement équilibré, équitable et progressif de l’humanité.

63. La Fédération de Russie a intérêt au maintien de la parité stratégique, à la coexistence pacifique avec les États-Unis et à l’établissement de l’équilibre des intérêts entre la Russie et les États-Unis, vu leur statut des puissances nucléaires majeurs, leur responsabilité particulière pour la stabilité stratégique globale et l’état de la sécurité internationale en général. Les perspectives de l’établissement de ce modèle des relations russo-américaines dépendent du degré de disponibilité des États-Unis à renoncer à la politique de domination par la force et à revoir la politique antirusse au profit de l’interaction avec la Russie sur la base des principes d’égalité souveraine, de profit mutuel et de respect mutuel des intérêts.

64. En ce qui concerne les relations avec les autres États anglo-saxons, la Fédération de Russie intente les construire en fonction de leur degré de disponibilité à abandonner la politique inamicale envers la Russie et à respecter ses intérêts légaux.

Antarctique

65. La Russie souhaite préserver l’Antarctique en tant qu’espace démilitarisé de la paix, de la stabilité et de la coopération égale en droits, maintenir la stabilité environnementale et élargir sa présence dans la région. À ces fins la Fédération de Russie continuera à prêter une attention prioritaire à la préservation, à la mise en place efficace et au développement progressif du système du Traité sur l’Antarctique du 1 décembre 1959. 

VI. Formation et mise en œuvre de la politique étrangère
de la Fédération de Russie

66. Le Président de la Fédération de Russie, conformément à la Constitution de la Fédération de Russie et aux lois fédérales, définit les vecteurs principaux de la politique étrangère de l’État, la dirige et, en tant que chef de l’État, représente la Fédération de Russie dans les relations internationales.

67. Le Conseil de la Fédération de l’Assemblée fédérale de la Fédération de Russie et la Douma d’État de l’Assemblée fédérale de la Fédération de Russie assurent conformément à leurs pouvoirs l’encadrement législatif de la politique étrangère de la Fédération de Russie et le respect de ses engagements internationaux et contribuent à la mise en œuvre des objectifs de la diplomatie parlementaire.

68. Le Gouvernement de la Fédération de Russie assure la mise en œuvre de la politique étrangère de la Fédération de Russie et de sa coopération internationale.

69. Le Conseil d’État de la Fédération de Russie participe conformément à ses pouvoirs à l’élaboration des objectifs et des buts stratégiques de la politique étrangère de la Fédération de Russie et prête son assistance au Président de la Fédération de Russie pour définir les vecteurs essentiels de la politique étrangère de la Fédération de Russie.

70. Le Conseil de sécurité de la Fédération de Russie élabore les vecteurs principaux de la politique étrangère nationale, anticipe, dépiste, analyse et évalue les menaces à la sécurité nationale et élabore des mesures pour les neutraliser, formule les propositions à l’attention du Président de la Fédération de Russie sur les mesures économiques spéciales visant à assurer la sécurité nationale, examine les questions relatives à la coopération internationale dans le domaine de la sécurité, assure la coordination des activités des organes exécutifs fédéraux et des organes exécutifs des sujets de la Fédération de Russie pour la mise en œuvre des décisions prises par le Président de la Fédération de Russie afin de garantir les intérêts nationaux et la sécurité nationale, la protection de la souveraineté de la Fédération de Russie, de son indépendance et de son intégrité territoriale, la prévention des menaces extérieures.

71. Le Ministère des affaires étrangères de la Fédération de Russie élabore la stratégie générale de la politique étrangère de la Fédération de Russie et soumet au Président de la Fédération de Russie des propositions correspondantes, assure l’application du vecteur de la politique étrangère, coordonne les activités des autres organes exécutifs fédéraux dans le domaine des relations internationales et de la coopération internationale, aussi bien que les relations internationales des sujets de la Fédération de Russie.

72. L’Agence fédérale pour la Communauté des États indépendants, les compatriotes vivant à l’étranger et la coopération humanitaire internationale apporte son concours au Ministère des affaires étrangères de la Fédération de Russie dans la mise en œuvre de la politique étrangère unifiée en ce qui concerne la coordination des programmes dans le domaine de la coopération humanitaire internationale, aussi bien que dans la mise en œuvre de la politique d’État visant à favoriser le développement international au niveau bilatéral.

73. Les autres organes exécutifs fédéraux mènent leur activité étrangère conformément à leurs pouvoirs, le principe de l’unité de la politique étrangère de la Fédération de Russie et en coordination avec le Ministère des affaires étrangères de la Fédération de Russie.

74. Les sujets de la Fédération de Russie maintiennent leurs rapports internationaux et économiques extérieurs conformément à leurs pouvoirs, compte tenu du rôle important de la coopération régionale et frontalière pour le développement des relations de la Fédération de Russie avec les États étrangers.

75. Lors de l’élaboration et la réalisation des décisions relatives à la politique étrangère, les organes exécutifs fédéraux coopèrent avec les deux chambres de l’Assemblée fédérale de la Fédération de Russie, les partis politiques russes, la Chambre publique de la Fédération de Russie, les organisations non-gouvernementales, les associations culturelles et sociales, l’Église orthodoxe russe et d’autres associations religieuses traditionnelles russes, la communauté scientifique et d’experts, les milieux d’affaires et les médias pour favoriser leur participation à la coopération internationale. L’implication massive des institutions de la société civile dans la politique étrangère contribue à la formation d’un consensus national sur la politique étrangère de la Fédération de Russie, favorise sa mise en œuvre et revêt une grande importance pour résoudre plus efficacement un large éventail de questions de l’agenda international.

76. Les initiatives relatives à la politique étrangère peuvent être financées à titre bénévole par des fonds non-budgétaires dans le cadre de partenariat public-privé.

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Politique

L’Assemblée nationale reconnaît « l’Holodomor »

La propagande de guerre, totale !

Aujourd’hui en Ukraine, dans une trentaine d’endroits différents dans le pays, vous pouvez prendre le bus pour aller… à Moscou. Le bus passe par la Pologne ou la Lituanie. Tels sont les liens si forts entre les Russes et les Ukrainiens.

Ce sont ces liens que l’alliance du nationalisme ukrainien et de la superpuissance américaine veut supprimer. Encore de nouvelles lois sont passées en Ukraine cette semaine pour supprimer tout ce qui a un rapport avec l’Empire russe dans l’espace public : noms de rues, de places, etc.

Cela va avec la destruction par millions d’ouvrages en russe, l’effacement de Pouchkine, la négation des liens historiques avec l’empire russe comme avec Catherine II, la dénonciation de Dostoïevski, le projet ouvert de démantèlement de la Russie, appelée « Moscovie ».

L’un des principaux vecteurs de cette narration, c’est l’Holodomor. C’est un concept élaboré dans le milieu universitaire américain et britannique durant la guerre froide. L’URSS aurait organisé une famine pour provoquer un génocide en Ukraine, durant les années 1930.

Cela ne tient pas debout une seule seconde, puisque c’est l’URSS qui a reconnu l’Ukraine et a procédé à son « ukrainisation »: reconnaissance et systémisation de la langue, développement de la culture nationale, etc.

Nous avions déjà parlé de la statue de Taras Chevtchenko, la grande figure nationale ukrainienne, protégée par des sacs de sable à Kharkiv… et mise en place en 1935 par l’URSS. Cela contredit totalement la thèse de « l’effacement » de l’Ukraine.

D’ailleurs, le président russe Vladimir Poutine dénonce à chaque fois l’Ukraine comme une « invention » soviétique.

Les nationalistes ukrainiens cherchent à nier cette réalité historique, et l’Holodomor est un outil en ce sens. Il a été conceptualisé aux États-Unis afin de soutenir les nationalistes ukrainiens pour affaiblir l’URSS (et depuis son effondrement, la Russie).

C’est un bourrage de crâne pour justifier les plans de conquête.

Forcément, les satellites occidentaux de la superpuissance américaine s’alignent sur cette narration. Le 28 mars 2023, l’Assemblée nationale en France a reconnu l’Holodomor.

Il y a 577 députés, même pas la moitié était présent. Voici les positions des 170 députés présents.

Les 53 députés du regroupement pro-président de la République « Renaissance » ont voté pour. L’ensemble des députés pro-Emmanuel Macron est signataire du texte proposé.

Les 25 députés centristes du Modem ont voté pour, ainsi que les 9 députés centristes de Horizons.

Les 29 députés du Rassemblement national ont tous voté pour. Cela exprime tout à fait leur alignement sur l’Otan et la superpuissance américaine réalisé en février 2023.

La députée de Droite dure Emmanuelle Ménard a voté pour.

Les 20 députés de la Droite classique, avec Les Républicains, ont voté pour.

La France insoumise a expliqué qu’elle était totalement d’accord avec l’esprit de la résolution, qu’elle soutenait entièrement le régime ukrainien. Elle considère toutefois que la définition de génocide est ici insuffisamment élaborée et que ce serait nuire à cette définition sur le plan international.

Les 74 députés LFI se sont donc abstenus, mais se sont focalisés sur la dénonciation absolue de la Russie, uniquement de la Russie, et revendiquent leur soumission à la ligne de l’Otan et de la superpuissance américaine !

Les 12 députés socialistes ont voté pour.

Les 8 députés EELV ont voté pour.

Les 11 députés du Groupe Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires (centristes, régionalistes corses et réunionnais…) ont voté pour.

Les 2 députés PCF ont voté contre. Ils sont expliqué que l’Holodomor n’était pas un génocide, mais le fruit de la désorganisation du régime criminel de Staline. Ils pensent que c’est aux historiens d’analyser ça, que la mise en avant du vote obéit seulement à des impératifs politiques, et que c’est mal.

Mais ils ont participé à la dénonciation de la « folie furieuse » qui serait si typiquement russe, et qui relève du discours appelant à justifier la guerre contre la Russie pour la « décoloniser ».

Voilà où nous en sommes en France – ce vote exprime littéralement que nous sommes une province de l’empire américain.

Le but de la manœuvre : dénoncer la collectivisation d’une part, trouver des prétextes pour mobiliser dans la guerre « décoloniale » contre la Russie, d’autre part.

Sabotez la guerre américaine contre la Russie !

Voici le texte voté à l’Assemblée nationale.

– 1 –

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Entre 1930 et 1933, plusieurs régions agricoles de l’Union des républiques socialistes soviétiques (URSS) – parmi lesquelles le Kazakhstan, le Caucase du Nord et l’Ukraine – ont connu une effroyable famine. Celle‑ci a été à l’origine de la mort d’entre 7 et 8 millions de personnes.

En Ukraine, cette famine, causée artificiellement, s’est distinguée par son ampleur. Systématisée par les autorités soviétiques, elle faucha la vie d’environ 4 millions d’Ukrainiens, principalement des paysans.

L’épisode a débuté en novembre 1929, avec l’annonce par la Pravda de l’avènement du « Grand tournant », à l’origine de la collectivisation forcée et de la « dékoulakisation », décidées par Joseph Staline.

Leurs objectifs ? L’industrialisation rapide de l’URSS et le contrôle des campagnes.

La répression s’est alors mise en place : expropriations, arrestations et déportations massives des propriétaires terriens, désormais désignés sous l’appellation « koulak ». Des entreprises agricoles collectives ont été instaurées, et ont pris la forme de fermes nationalisées (sovkhozes) et de coopératives (kolkhozes). Placées sous l’autorité de l’État, environ 30 % de leurs récoltes étaient prélevées.

En Ukraine, en réponse à ces réquisitions démesurées et à une répression croissante, la paysannerie s’est soulevée dès le début de l’année 1930.

Craignant la résurgence d’un nationalisme ukrainien, les autorités soviétiques ont accusé les paysans révoltés d’être des saboteurs et des ennemis du prolétariat.

Des brigades ont alors été envoyées pour mater les émeutes, fouiller les fermes, et confisquer récoltes, bétails et semis, ce qui eut des conséquences désastreuses sur la récolte suivante.

Alors que des foyers isolés de « difficultés alimentaires » ont commencé à être répertoriés dès cette période, les autorités soviétiques ont réquisitionné près de 43 % de la récolte ukrainienne l’année suivante.

En 1932, face à une situation alimentaire aggravée, un exode rural de masse a débuté. Par ailleurs, les collectes n’ont plus atteint les niveaux fixés.

Entre fin octobre 1932 et janvier 1933, les autorités ont intensifié la répression, fermé les frontières et instauré un blocus. Des patrouilles ont ainsi été mises en place, condamnant les personnes à rentrer chez elles, à être emprisonnées ou déportées en Sibérie et dans les camps du Goulag.

La vente des billets de chemin de fer a été suspendue et les paysans privés de leur passeport. En outre, de nouvelles mesures ont été instaurées pour les districts « mis au tableau noir » : retrait des produits manufacturés et alimentaires, remboursement immédiat des crédits, arrêt du commerce, imposition exceptionnelle.

A la fin du mois de janvier 1933, la moitié des kolkhozes et villages ukrainiens – 11 000 sur 23 000 – étaient ciblés.

« Grenier de blé » devenu « terre de sang », le paroxysme de ce crime de masse a été atteint dans les premiers mois de 1933 : chaque jour, des milliers de paysans ukrainiens sont morts, affamés.

La famine instaurée artificiellement a alors pris l’appellation d’Holodomor : « l’extermination par la faim ».

En parallèle de cette tragédie, entre 1930 et 1933, plusieurs millions de tonnes de céréales ukrainiennes confisquées ont continué à être exportées. Les réserves de l’État soviétique, plusieurs millions de tonnes également, n’ont quant à elles pas été touchées.

En février 1933, les autorités soviétiques ont débloqué une aide dérisoire et destinée en priorité aux villes, également touchées par les disettes, afin d’éviter des émeutes d’ouvriers.

Bien que de rares témoignages parvinrent à l’Ouest à l’époque, la chute de l’URSS et l’ouverture de l’accès à certaines archives ont permis de lever le voile et le silence sur cette période dramatique.

Le 24 mars 2005, le ministère des Affaires étrangères français, interrogé par le sénateur Jean‑Pierre Vial sur l’absence de reconnaissance de ce crime contre la population ukrainienne, avait répondu qu’il appartenait aux États concernés de donner une interprétation historique, politique et juridique de ces événements tragiques.

Or, en 2006, le parlement de l’Ukraine a reconnu la famine ukrainienne de 1932‑1933 comme génocide contre le peuple ukrainien. Cette reconnaissance incarne le consensus au sein de la population concernant la qualification de ce crime de masse.

Le 21 octobre 2022, dans le contexte de la guerre menée par la Fédération de Russie en Ukraine, le ministre des Affaires étrangères ukrainien, M. Dmytro Kuleba, a appelé les parlements des nations qui soutiennent l’Ukraine à reconnaître le caractère génocidaire de l’Holodomor.

Cet appel a été repris par le Parlement ukrainien, la Verkhovna Rada, le 16 novembre 2022.

Le 15 décembre 2022, le Parlement européen, dans sa résolution « 90 ans après l’Holodomor : reconnaître que le massacre par la famine constitue un génocide », a reconnu l’Holodomor comme un génocide du peuple ukrainien.

La présente résolution vise à la reconnaissance par les autorités françaises de cette famine forcée de la population ukrainienne comme génocide, et à la condamnation des actes commis, caractérisés par une extermination et des violations massives des droits humains et des libertés.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 34‑1 de la Constitution

Vu l’article 136 du Règlement de l’Assemblée nationale,

Vu la Déclaration universelle des droits de l’Homme du 10 décembre 1948,

Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950,

Vu la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide du 9 décembre 1948,

Vu l’article 6 de la Convention portant statut de la Cour pénale internationale, adoptée à Rome le 17 juillet 1998,

Vu les déclarations communes sur les anniversaires de l’Holodomor adoptées lors des sessions plénières de l’Assemblée générale des Nations unies,

Vu la loi ukrainienne relative à l’Holodomor de 1932‑1933 en Ukraine, adoptée le 28 novembre 2006,

Vu la résolution 1481 (2006) de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE) sur la nécessité d’une condamnation internationale des crimes des régimes communistes totalitaires,

Vu la déclaration du Président du Parlement européen, du 21 novembre 2007, à l’occasion du 75e anniversaire de la famine en Ukraine (Holodomor),

Vu la déclaration finale et les recommandations de la 10e réunion de la commission de coopération parlementaire UE‑Ukraine, adoptées le 27 février 2008,

Vu la résolution du Parlement européen du 23 octobre 2008 sur la commémoration de l’Holodomor, la famine artificiellement provoquée en Ukraine (1932‑1933) et la résolution du Parlement européen du 15 décembre 2022 « 90 ans après l’Holodomor : reconnaître que le massacre par la famine constitue un génocide » ;

Considérant que la collectivisation forcée imposée par le régime soviétique de Joseph Staline a entraîné la mort de millions de personnes, notamment parmi les minorités ethniques de l’ex‑Union soviétique ;

Considérant qu’en vertu de la Convention des Nations unies pour la prévention et la répression du crime de génocide, sont considérés comme des crimes de génocide les actes ci‑après, commis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial et religieux : le meurtre de membres du groupe, l’atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe, la soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle, les mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe, le transfert forcé d’enfants du groupe à un autre groupe ;

Considérant la mise en place par les autorités soviétiques d’une famine forcée en Ukraine, à l’origine de la mort de près de plusieurs millions d’Ukrainiens, pour imposer par la force et par la terreur leur politique de collectivisation ;

Constatant le caractère intentionnel de détruire en tout ou partie l’identité nationale et le peuple ukrainien, et plus particulièrement la paysannerie ukrainienne, en confisquant les récoltes et les semences, en intensifiant la répression, en fermant les frontières et en instaurant un blocus des villages ;

Considérant que les autorités soviétiques ont occulté, déformé ou supprimé des éléments d’information sur la famine et les crimes de masse perpétrés à l’encontre des Ukrainiens en 1932 et 1933, et que les autorités russes actuelles continuent de limiter l’accès aux archives mentionnant ces événements ;

Considérant que l’emploi du terme de « grande famine » passe sous silence la responsabilité du régime soviétique dans cette famine intentionnellement provoquée ;

Considérant que cette « grande famine » a été reconnue par le Parlement européen, les parlements ou d’autres institutions nationales représentatives de plus de 20 pays, comme un génocide ou comme un crime contre le peuple ukrainien et contre l’humanité ;

Considérant que la reconnaissance des génocides perpétrés au cours de l’histoire de l’Europe devrait permettre d’éviter la répétition de crimes semblables à l’avenir ;

Considérant le devoir d’honorer la mémoire des victimes de crimes de masse commis par des régimes totalitaires en reconnaissant leurs souffrances et la nature des actes commis ;

Considérant que les années 2022‑2023 consacrent le 90e anniversaire de l’un des plus grands crimes de masse du début du XXe siècle ;

Reconnaît officiellement le caractère génocidaire de la famine forcée et planifiée par les autorités soviétiques à l’encontre de la population ukrainienne en 1932 et 1933 ;

Condamne le génocide commis par les autorités soviétiques, connu sous le nom de l’Holodomor ;

Affirme son soutien au peuple ukrainien dans son aspiration à faire reconnaître les crimes de masse commis à son encontre par le régime soviétique ;

Invite le Gouvernement français à reconnaître officiellement et à condamner publiquement le caractère génocidaire de ces crimes de masse commis à l’encontre du peuple ukrainien et connus sous le nom d’Holodomor ;

Invite le Gouvernement français à rendre hommage à toutes les victimes de l’Holodomor et à exprimer sa solidarité avec le peuple ukrainien qui a souffert de cette tragédie ;

Invite le Gouvernement français à poursuivre ses initiatives diplomatiques visant à la reconnaissance internationale de l’Holodomor ;

Invite le Gouvernement français à encourager sur la scène internationale un libre accès aux archives relatives à l’Holodomor, plus particulièrement en Fédération de Russie, afin de permettre aux historiens de poursuivre leurs recherches visant à établir et documenter les faits.

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Guerre

La nouvelle alliance sino-russe contre les États-Unis

La Russie intègre officiellement le bloc formé par la superpuissance chinoise.

Du lundi 20 au mercredi 22 mars 2023, le président chinois Xi Jinping effectuait une visite d’État en Russie, sa première visite à l’étranger depuis sa réélection à la tête du pays. C’est une visite historique, car elle vient sanctionner une perspective entièrement nouvelle sur la scène internationale. La Chine parle même de « l’ère nouvelle ».

C’est la question de la guerre en Ukraine qui est ici la clef pour changer la donne. Jusqu’à présent, ce sont les États-Unis qui avaient la main, menant une campagne mondiale ultra-agressive contre la Russie pour l’isoler et l’acculer militairement, au prétexte de défendre la souveraineté territoriale de l’Ukraine.

La Chine regardait cela avec distance et hauteur, n’intervenant que très peu sur le sujet, restant officiellement neutre, se contentant de ne pas faire le jeu de la superpuissance américaine en ne participant pas aux sanctions et à l’isolement ciblant la Russie.

Toutefois, le 24 février 2023, la Chine est officiellement entrée dans la danse en proposant une feuille de route en 12 points dans la perspective de mettre fin au conflit. La Chine n’utilise pas le terme de « guerre », par ailleurs.

C’était une première manœuvre diplomatique, afin de se placer comme grande puissance capable d’être une alternative à l’hégémonie occidentale, surtout contre la superpuissance américaine poussant à l’escalade.

La Chine utilise la question ukrainienne pour développer sa propre hégémonie alternative. La Russie accepte de s’y plier et intégrè donc officiellement le bloc formé par la superpuissance chinoise.

Voici le communiqué du ministère des Affaires étrangères de la République populaire de Chine (dans sa version française officielle) évoquant la Déclaration conjointe historique entre les deux pays.

« Dans l’après-midi du 21 mars, heure locale, le Président Xi Jinping et le Président russe Vladimir Poutine ont signé et publié, au Kremlin, à Moscou, la Déclaration conjointe entre la République populaire de Chine et la Fédération de Russie sur l’approfondissement du partenariat de coordination stratégique global à l’ère nouvelle.

Sur la question ukrainienne, les deux parties estiment que les buts et principes de la Charte des Nations Unies doivent être observés et le droit international, respecté.

La Russie salue la position objective et impartiale de la Chine sur la question ukrainienne.

Les deux parties s’opposent à la recherche, par quelque pays ou groupe de pays que ce soit, des avantages militaires, politiques et autres au détriment des intérêts sécuritaires légitimes d’autres pays.

La Russie réaffirme son engagement à relancer rapidement des pourparlers de paix.

La Chine y exprime son appréciation. La Russie salue la volonté de la Chine de jouer un rôle actif pour régler la crise ukrainienne par des moyens politiques et diplomatiques, ainsi que les propositions constructives présentées dans le document Position de la Chine sur le règlement politique de la crise ukrainienne.

Les deux parties indiquent que pour régler la crise ukrainienne, il faut respecter les préoccupations sécuritaires légitimes de tous les pays, éviter la confrontation des blocs et se garder de mettre de l’huile sur le feu.

Elles soulignent qu’un dialogue responsable est le meilleur moyen pour régler solidement la question, et que la communauté internationale doit soutenir les efforts constructifs dans ce sens.

Les deux parties appellent à cesser tout acte susceptible d’engendrer la tension et de prolonger les conflits, de sorte à prévenir la dégradation voire le dérapage de la crise.

Elles s’opposent à toute sanction unilatérale non autorisée par le Conseil de Sécurité des Nations Unies. »

La visite d’État a été de fait l’occasion d’une affirmation anti-américaine très forte, en assumant à la face du monde une coopération alternative, tant militairement qu’économiquement et culturellement.

Le Président de la République populaire de Chine et le Président de la Fédération de Russie ont publié également une Déclaration conjointe sur le plan de développement des priorités de la coopération économique sino-russe d’ici 2030.

La perspective, principalement sur le plan énergétique, est un approvisionnements en gaz russe vers la Chine d’ici 2030 qui sera d’au moins 98 milliards de mètres cubes, avec en plus de 100 millions de tonnes de GNL.

Presque tous les paramètres du grand projet de gazoduc sino-russe Power of Siberia – 2 ont été convenus lors de la visite d’État, entérinant le fait que la Russie devienne l’énergéticien de la superpuissance chinoise.

La Russie se place quasiment pour devenir une semi-colonie chinoise, acceptant les règlements en Yuan, renforçant la formation des étudiants russes dans les université chinoises, se disant même prête à aider les entreprises chinoises pour remplacer les entreprises occidentales qui ont quitté la Russie.

Ce qui se passe est très facile à voir : la Russie est utilisée par la Chine comme faire-valoir alternatif à l’occident sur le plan international. Voici comme la Chine raconte elle-même (en version française) le soutien de Vladimir Poutine à sa propre hégémonie alternative.

« Il a affirmé que la Russie soutenait fermement la Chine dans ses efforts pour préserver ses intérêts légitimes sur les questions liées à Taiwan, à Hong Kong, au Xinjiang et autres. Il a félicité la Chine d’avoir fait aboutir à des résultats historiques le dialogue entre l’Arabie saoudite et l’Iran à Beijing, estimant que cela illustre pleinement la place importante et l’influence positive de la Chine en tant que grand pays dans le monde.

La partie russe, a-t-il dit, salue la position objective et impartiale que la Chine poursuit depuis toujours dans les affaires internationales, soutient l’Initiative pour la sécurité mondiale, l’Initiative pour le développement mondial et l’Initiative pour la civilisation mondiale lancées par la Chine et entend intensifier encore davantage sa coordination avec la partie chinoise sur la scène internationale. »

De son côté, le président chinois Xi Jinping a été extrêmement clair pour présenter et affirmer l’intégration de la Russie au bloc chinois contre le bloc américain.

Il a expliquée que les deux pays doivent dorénavant :

  • se soutenir mutuellement sur les questions touchant aux intérêts vitaux de part et d’autre et combattre ensemble les ingérences des forces extérieures dans leurs affaires intérieures ;
  • renforcer la communication et la coordination dans les affaires internationales, notamment au sein des Nations Unies, de l’Organisation de Coopération de Shanghai, des BRICS et dans d’autres cadres multilatéraux ;
  • porter le véritable multilatéralisme, combattre l’hégémonisme et la politique du plus fort, contribuer à la reprise mondiale dans l’après-COVID-19, promouvoir la tendance à un monde multipolaire et à favoriser la réforme et l’amélioration du système de gouvernance mondiale.

La superpuisance américaine est très clairement désignée, la bataille pour le repartage du monde est entièrement assumée. Et celle-ci a déjà commencé. Et notre ennemi est notre propre camp.

Pour la défaite de l’OTAN et la déroute de l’occident !

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Culture

La situation de la musique classique russe en France

La musique classique russe a-t-elle été « effacée » en France ?

La légende de Sadko, qui a notamment inspiré un opéra de Nikolaï Rimski-Korsakov, ici dans une peinture de 1876 d‘Ilia Répine, peintre russe majeur désormais « effacé » et transformé en peintre ukrainien

« Cadences » est une petite revue gratuite, d’une trentaine de pages. En voici sa définition :

« CADENCES est le magazine sur l’actualité des concerts de musique classique, opéra, musique baroque, musique contemporaine à Paris et en Ile-de-France.

Il est aujourd’hui l’outil préféré des mélomanes parisiens avec son agenda des concerts, ses dossiers musicologiques et ses interviews d’artistes. »

Tirant à 50 000 exemplaires, on peut trouver cette revue dans les lieux concernés. Elle est très sérieuse, de haut niveau. C’est tout à fait parfait pour voir si la propagande de guerre a réussi à pénétrer la Culture ou non.

Regardons le numéro 361-362 de février mars 2023 (disponible ici en pdf), afin de voir comment la culture russe y a été effacée, ou non.

Sur la couverture est annoncé un article intitulé « Rachmaninov L’oeuvre pour piano ». Pages 4 et 5, on trouve un article au sujet de la Symphonie n°5 de Prokofiev, qualifiée de « grandiose ». Les premières lignes soulignent qu’il l’a composée en Union Soviétique, en 1944. Et on lit :

« Sans doute a-t-il été sensible aux sirènes du régime soviétique qui lui offre les conditions lui permettant de se consacrer pleinement à la composition. De fait, son activité créatrice reste intense après son retour et son inspiration ne faiblit pas.

Si son style s’est quelque peu assagi par rapport aux audaces des années 1910 et 1920, il produit plusieurs chefs-d’œuvre : le Second Concerto pour violon, le ballet Roméo et Juliette, le célèbre conte Pierre et le Loup, la musique pour le film d’Eisenstein Alexandre Nevski. »

Rien de plus objectif.

Page 6 est présenté un concert d’un pianiste russo-lituanien, Lukas Geniusas, jouant Schubert et Rachmaninov. Page 9 est annoncé un concert du grand pianiste ukrainien Vadym Kholodenko jouant Schubert et Prokofiev.

Pages 12 et 13 on a un article sur « Rachmaninov magicien du piano », soulignant l’importance de ce compositeur, alors que le très grand pianiste russe Nikolaï Luganski en proposait en début d’année une intégrale à Paris. Il y a un regain vers ce compositeur, Rachmaninov étant la pièce maîtresse de la « seconde vague » de la musique classique russe.

Page 28 est présenté la sortie d’œuvres pour piano d’Alexandre Scriabine, par Vincent Lardenet, « le plus grand des scriabiniens actuels ».

Constatons quelques autres choses : le lac des cygnes de Tchaïkovski est joué à l’opéra royal du château de Versailles, la pianiste russe Olga Pashchenko (dont le nom est ukrainien par ailleurs) joue à la Cité de la musique, Prokofiev est joué à la Philarmonie, le pianiste russe Mikhaïl Pletnev joue à la Philarmonique de Radio France, l’illustre pianiste Ievgueni Kissine (d’origine russe et devenu israélien) joue notamment du Rachmaninov au Théâtre des Champs-Élysées…

Rien n’a donc été abîmé. La propagande de guerre, le bourrage de crâne… n’ont pas fonctionné. L’effacement d’une partie de la culture mondiale au nom d’intérêts impérialistes n’a pas eu lieu.

C’est une joie. Et une preuve que la défense de la culture est toujours le véritable fondement de la civilisation. La préservation de ce qui a de la valeur transcende les préjugés et met à l’écart le nationalisme, les sordides manipulations.

Ce non-effacement de la musique russe est une contribution réelle au refus de l’auto-destruction du monde et une haute expression du besoin existentiel de la paix universelle, de l’unité du monde pour la Culture.

Quand on admire la danse des chevaliers au Bolchoï, on fait partie de l’humanité toute entière – comme avec toute œuvre culturelle de grande valeur de chaque pays du monde.

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Guerre

Mer Noire : la Russie intercepte un reaper américain

L’escalade est patente.

Nous vivons une époque de bouleversement en raison de la crise ouverte en 2020 avec la pandémie ; plus rien ne peut rester pareil. Résultat, alors que la société française est en décomposition et que cela produit une crise gouvernementale, la guerre mondiale s’installe toujours davantage.

Le dernier épisode en Mer Noire est ici très clair. Il concerne un drone américain de type « reaper ». Les drones ont désormais acquis une signification majeure dans la guerre moderne. On notera d’ailleurs que l’Ukraine a utilisé pour la première fois un drone dans le Donbass en octobre 2021, soit avant « l’opération spéciale » russe.

Le « reaper » américain est ici un MQ-9 Reaper, soit un drone d’une vingtaine de mètres de long, coûtant 20 millions de dollars et bourré de technologie pour intercepter les communications électroniques et surveiller une large zone.

Il a d’ailleurs été intercepté par des chasseurs russes Su-27 à une soixantaine de kilomètres de Sébastopol en Crimée. Cela s’est passé le 15 mars 2023.

Le reaper volait sans avoir allumer son transpondeur, donnant un prétexte à l’armée russe pour « aller voir ». Les avions russes sont alors passés 19 fois très près du drone, en lâchant même du carburant. « Manque de chance », à cause de ce carburant lâché ou d’une petite collision, le « reaper » est tombé à l’eau.

Il va de soi que l’armée russe s’est précipitée sur place avec ses navires pour tenter de le récupérer, mais c’est une opération très difficile à 1000 ou 1500 mètres de profondeur.

La superpuissance américaine a tout à fait relativisé l’incident. L’armée américaine s’est contentée de dire que les aviateurs russes, pour résumer, étaient nuls et avaient réalisé une manoeuvre dangereuse (ce qui donne « volé devant le MQ-9 d’une manière imprudente, peu respectueuse de l’environnement et non professionnelle »). Le pentagone a même sorti une petite vidéo censée montrer l’incident.

Du côté français, il est bien entendu repris l’antienne des pilotes russes jouant au fou. Tout cela ne serait pas sérieux, c’est exemplaire de la nullité russe, etc.

La vidéo de Pierre-Henri « Até » Chuet est ici à conserver dans les annales pour sa pseudo-rationalité française, sa prétention occidentale gigantesque et digne de Top gun, une de ses références d’ailleurs bien évidemment. On est ici dans le modèle de pensée français fat et replet, qui considère que « ce qui est excessif est insignifiant ».

De manière sérieuse, il est à l’inverse évident que la Russie a mené une action dans le sens de l’escalade, en la formulant de manière tout à fait « subtile » en ce sens que cela ne met pas immédiatement en soi le feu aux poudres. L’avertissement est cependant tout à fait clair.

Depuis le début du conflit militaire en Ukraine, les drones occidentaux parcourent le plus de territoires possibles pour fournir des informations à l’armée ukrainienne. Tout l’occident utilise son matériel pour épauler le régime ukrainien. L’occident est objectivement en guerre avec la Russie.

Et en faisant se crasher un « reaper » américain juste devant la Crimée, la Russie lance un avertissement comme quoi elle ne cédera pas, et surtout pas la Crimée.

Tout cela a sa rationalité, mais surtout cela rentre dans le cadre de la guerre pour le repartage du monde. On est très mal ! Il n’y a pas une journée qui ne passe sans que l’escalade soit plus ou moins prononcée. La Pologne vient d’ailleurs de décider de fournir quatre avions de type mig à l’armée ukrainienne.

Et les Français ne suivent rien à tout ça, ils ne se sentent pas du tout concernés. Ils s’imaginent que la question des retraites est l’alpha et l’oméga du cours de l’Histoire : quelle folie !

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Guerre

Le plan de partition de la Russie « décolonisée »

Le régime ukrainien en est le vecteur.

La photographie qu’on peut voir ici présente Kyrylo Boudanov, le directeur du renseignement militaire ukrainien, dans ses bureaux. C’est une figure majeure du régime ukrainien. Derrière lui, il y a une carte de la Russie. Il a fait exprès de l’avoir en accueillant des journalistes occidentaux, tout en refusant de répondre à des questions à ce sujet.

On peut voir que la Russie a connu une partition. C’est la « fameuse » décolonisation de la Russie prônée par désormais tous les pays occidentaux.

Seule la France considère qu’il serait grosso modo malencontreux d’aller si loin, mais elle n’a pas vraiment voix au chapitre et de toutes façons elle suit le mouvement général. De plus, idéologiquement, l’idéologie « inclusive », « décoloniale », « post-moderne », « woke »… est totalement installée en France et pousse dans le sens de la soumission aux perspectives de la superpuissance américaine.

La carte divise la Russie en plusieurs États. L’idée n’est pas nouvelle, au XXe siècle c’est le Royaume-Uni qui a été l’un des plus fervents partisans d’une telle partition.

Regardons la carte en détail, car elle représente l’objectif stratégique de la superpuissance américaine. Notons que cette version n’est pas forcément aisée à appréhender, car elle est du type mappemonde.

Regardons en extrême-Orient d’abord, car comme la superpuissance chinoise est liée à la Russie, il faut donner des gages à celle-ci.

C’est pourquoi il y a un État, ici dénommé « K », peut-être pour « Kray », territoire, mais en réalité bien plus vraisemblablement pour… Kitaï, la Chine. Cet État « K » n’a d’ailleurs pas de frontière marquée avec la Chine.

Il s’agit surtout de la Yakoutie actuelle, la lettre K étant d’ailleurs placée à son niveau.

On retrouve également le mot « Japon » tout à droite, au niveau des îles Kouriles.

Il faut savoir qu’il n’y a jamais eu de traité de paix entre l’URSS et le Japon à la fin de la seconde guerre mondiale. Le Japon, soutenu par la superpuissance américaine, revendique ces îles, alors qu’il a signé un accord impliquant le contraire. Son argument est toutefois qu’il n’a pas signé d’accord comme quoi les îles reviennent à la Russie !

A l’occasion du conflit militaire entre la Russie et l’Ukraine, le Japon s’est précipité pour désigner comme « illégal » la présence russe sur ces îles.

A l’ouest de cet État fantôme ou de ce territoire devenu chinois « K », on trouve l’État désigné comme « Tsar » (en ukrainien, en russe il manquerait une lettre d’accentuation). On parle ici d’un vaste territoire tenant surtout au district fédéral sibérien actuel, avec notamment Novossibirsk.

Quand on dit « surtout », c’est en fait un peu plus de la moitié. Et rien que ce district, faisant donc un peu plus de la moitié de l’État « Tsar », c’est pratiquement neuf fois la France (avec 20 millions d’habitants)…

Cet État avec un immense territoire serait évidemment la principale cible de la superpuissance américaine. Il permettrait de relancer le capitalisme occidental sans commune mesure.

Regardons maintenant la partie occidentale. Tout en haut à gauche, il y a les lettres RFA, indiquant que la région Kaliningrad est censée revenir à la République Fédérale d’Allemagne.

Tout en haut à droite, c’est le « F » de Finlande. Cette dernière obtiendrait un vaste territoire, la Karélie, la péninsule de Kola, et sa frontière serait directement avec Saint-Pétersbourg. Comme la Finlande rejoint l’Otan, celle-ci serait à quelques kilomètres de la ville…

Voyons maintenant où est l’Ukraine. La carte est accolée à une autre, afin de parvenir à saisir ce qu’il en est. Sur la partie gauche, on a « RFA » (pour Kaliningrad). Comme il n’y a pas de marquage de frontière ni avec Pologne, ni avec la Biélorussie, on en déduit que cette dernière a été intégrée par la première.

En-dessous on a « Ukraine ». Celle-ci… s’agrandit : elle prend à la Russie les régions de Rostov, de Krasnodar, de Belgorod et de Koursk.

Rien que cet aspect de la carte révèle la nature fondamentale du régime ukrainien. Il est nationaliste et expansionniste.

Le mot tout en bas, c’est Ichkeria, en français Itchkérie, terme employé pour désigner leur pays par les nationalistes islamistes tchétchènes.

Au centre, on a « RF », pour « Fédération de Russie », avec une taille forcément devenue restreinte à la suite des découpages.

Que dire ! Ce plan, plutôt ce fantasme ukrainien, directement au service de l’empire américain, a une substance totalement impérialiste.

L’Ukraine est utilisée comme vecteur pour la désagrégation de la Russie. Et ce qui est très clair ici, c’est que si la nation ukrainienne est bien opprimée, le régime ukrainien ne le représente nullement et est entièrement au service de la superpuissance américaine. Et tant que les Ukrainiens soutiennent ce régime, c’est la catastrophe assurée pour eux.

Quant à nous, en France, nous devons constater qu’il y a une guerre américaine contre la Russie, par l’intermédiaire du régime ukrainien porté à bout de bras par l’Otan et l’Union européenne.

Et nous sommes une composante de cette guerre, car notre régime fait partie de l’Union européenne, de l’Otan, de ce bloc servant la superpuissance américaine sur les plans économique, financier, politique, militaire, social, idéologique, culturel.

Pas de convergence avec notre capitalisme ! Sabotez la guerre américaine contre la Russie !

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Guerre

La Géorgie se jette aux pieds de l’Occident avant d’être jetée dans la guerre

La bataille générale pour le repartage du monde atteint désormais la Géorgie.

On surnomme volontiers dans le Caucase la Géorgie la « petite Russie », du fait que par analogie, elle concentre dans son territoire une mosaïque de minorités nationales : mingrélien (7,7 %), azéri 6 %), arménien (5,4 %), abkhaze (2,9 %), ouroum (2 %), russe (1,4 %), ossète (0,8 %), kurde (0,4 %), grec (0,3 %), svane (0,3 %), tchétchène (0,2 %), ukrainien, assyrien, tatar, bats, turc, lezghien, judéo-géorgien, etc. qui offre en soi un réel condensé de toute la région.

Une jolie légende locale raconte que Dieu ayant partagé la Terre entre tous les peuples, il alla se reposer. Mais il avait oublié les Géorgiens.

Les Géorgiens se nomment eux-même « Kartveleins », en fait l’exonyme Géorgie vient du patronage de saint Georges choisi par les rois locaux durant le Moyen Âge, l’actuel drapeau national arborant ainsi la « croix de saint Georges ».

Donc, désolé de cet oubli fâcheux, Dieu attribua aux Géorgiens la part qu’il s’était réservé pour lui-même ! Il est vrai que pour qui connaît le Caucase, la Géorgie est un pays sublime et fascinant, dans lequel le spectacle de la nature, d’une inouïe variété est littéralement envoûtant.

Depuis sa sécession de l’URSS en 1991, le pays s’est toutefois enfoncé dramatiquement dans la crise. Des régions entières, comme l’Abkhazie et l’Ossétie du sud, ont fait sécession, avec le soutien de la Russie, l’une en 1992, l’autre en 2008. L’Adjarie s’est aussi temporairement soulevée, avant de rentrer dans le giron de l’État géorgien.

On peut noter d’ailleurs que le président de la République de Turquie, Recep Tayyib Erdogan, est d’origine adjare (c’est-à-dire géorgien musulman), et que les entreprises et les touristes turcs sont nombreux dans tout le pays, surtout en Adjarie.

Tous les gouvernements qui se sont succédés depuis 1991 ont adopté une ligne pro-occidentale, et anti-russe, plus ou moins intense selon les moments, avec un paroxysme sous la présidence de Mikheil Saakachvili (2004-2013), dont la politique de total alignement à l’Otan et aux États-Unis d’Amérique a été un modèle du genre.

L’appui russe à la sécession osséte a été d’ailleurs une sorte de prémisse au piège qui s’est formé puis refermé ensuite sur l’Ukraine.

Depuis, la politique géorgienne oscille entre une prudente attitude de non-provocation à l’égard de la Russie ( il est toujours possible aux citoyens des deux pays de circuler sans visa par exemple) et une orientation pro-occidentale toujours plus marquée, d’autant plus depuis le début de la guerre en Ukraine.

Mais la pression est montée encore d’un cran depuis le début de l’année 2023 : l’Azerbaïdjan organise depuis près de 100 jours maintenant un épouvantable blocus sur la population arménienne du Karabagh, où sont déployées des troupes russes, prétexte qui sert à l’Union européenne pour intervenir diplomatiquement et se proposer comme arbitre en lieu et place de la Russie, qui de son côté a resserré son étau sur l’Arménie en organisant un vaste exercice militaire dans la région du Siunik au sud du pays, où la Turquie et l’Azerbaïdjan revendiquent l’ouverture d’un corridor de transport pour se relier directement entre eux.

Et la bataille générale pour le repartage du monde atteint désormais la Géorgie elle-même : suite à la proposition d’une loi pour contrôler le financement étranger des organisations médiatiques ou non gouvernementales. Celles recevant plus de 20 % de leur financement de l’étranger auraient alors été obligées de s’enregistrer en tant qu’ »agents de l’étranger », sous peine d’une amende maximale de 9 000 euros en cas de déclaration financière incomplète.

Pour le gouvernement, lui-même pro-occidental, il s’agissait de contrôler l’émergence d’agents de provocation trop ouvertement anti-russes, alors que le pays accueille des dizaines de milliers de dissidents russes opposés à Vladimir Poutine.

Le gouvernement, dirigé par le parti pro-occidental Rêve géorgien, craint en fait plus que tout que la Géorgie ne soit emportée dans une guerre directe avec la Russie.

Mais cette politique d’équilibrisme, en mode pro-occidental mais pas trop, est maintenant au pied du mur. La faction la plus agressive du camp pro-occidental qui a imposé sa domination sur le pays entend pousser les choses en avant de manière plus franche. La montée générale des tensions ne laisse plus d’espace à la tergiversation.

Cela en est au point que la présidente de la République, Salomé Zourabichvili, pourtant appuyée par le parti gouvernemental, a multiplié ces derniers mois les critiques contre le gouvernement, qu’elle accuse de lâcheté et de tiédeur face à la Russie, concernant l’Ukraine notamment. Elle ne cesse de répéter qu’il faudrait accélérer la candidature du pays dans l’Otan et l’Union européenne.

Le vote de cette loi sur le financement étranger le 7 mars 2023 au Parlement a immédiatement entraîné des manifestations agitées dans la capitale, Tbilissi, et la vidéo d’une manifestante brandissant un drapeau de l’Union européenne alors qu’un canon à eau de la police l’arrosait, est rapidement devenue, de manière immanquable, iconique pour les médias occidentaux.

Ces manifestations ont été organisées par différentes ONG, pro-occidentales sur une ligne plus agressive que celle du gouvernement, notamment le petit parti de cadres atlantistes Girchi (pomme de pin en Géorgien) dont le leader, Zurab Japaridze, est un concentré de propagandiste du turbo-capitalisme occidental à la limite de la caricature. Les militants de ce parti, et en première ligne son leader, se sont bien sûr bruyamment fait voir lors de ces manifestations.

Pour que le panorama soit complet, c’est d’ailleurs depuis les États-Unis d’Amérique, de New York précisément, que la présidente Salomé Zourabichvili est intervenue pour soutenir les manifestations contre le gouvernement et le parlement.

Bien entendu, on ne peut pas en l’espèce franchement parler de coup d’État. On a plutôt de fait affaire à un coup de force au sein d’un régime pro-occidental, venant de son aile la plus agressive, pour radicaliser sa position et mettre la pression sur les tièdes face à la Russie.

Il va de soi que la partie qui se joue en Géorgie illustre aussi forcément la pression que la CIA, et plus largement tout l’appareil militaro-industriel et diplomatique des États-Unis et de leurs alliés européens, mettent sur l’appareil d’État géorgien à travers tout ce qu’ils disposent d’agents d’influence pour accélérer et intensifier sa satellisation et le pousser à la confrontation avec la Russie.

Pour la Géorgie malheureusement, l’heure tragique de payer le choix historique de son alignement à l’Occident se rapproche. Le capitalisme est en crise générale et c’est la bataille pour le repartage du monde… La Géorgie est un objet de ce partage. Le pays qui a vu naître Joseph Staline (en fait Iossif Vissarionovitch Djougachvili) ne pourra pas échapper à l’implacable loi de l’Histoire qui la rattrape.

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Guerre

Discours de Vladimir Poutine le 21 février 2023

Pour que rien ne change, tout doit changer.

Le discours du président russe Vladimir Poutine au matin du 21 février 2023 était particulièrement attendu en Russie. Il était annoncé 24 heures avant, par un décompte, sur la chaîne Rossia 24 ; y allait-il avoir une décision majeure, alors que « l’opération spéciale » est en passe d’atteindre sa première année ?

Vladimir Poutine a en fait tenu devant l’Assemblée fédérale de la Fédération de Russie des propos en accord avec l’esprit et le caractère social de cette institution. C’est une sorte de mélange du parlement et du sénat, en mode virtuel toutefois car il ne se réunit vraiment que pour l’allocution du président.

Son discours, d’un peu moins de deux heures, était divisé en deux parties. Dans la première, qui a duré à peu près pour un petit tiers, Vladimir Poutine a tenu un discours particulièrement volontaire et exigeant. Profitant des discours occidentaux désormais ultra-agressifs, il a mis en avant que depuis 2014, la Russie a été trompée afin d’être mieux poignardée :

« Les accords de Minsk étaient un vaste bluff de l’Occident. »

Il a souligné que le régime ukrainien était entièrement aux mains des pays occidentaux et que l’objectif assumé était de détruire la Russie.

« Les élites de l’Occident ne cachent pas leur objectif: infliger une défaite stratégique à la Russie, c’est-à-dire en finir avec nous une bonne fois pour toute. »

Partant de là, plus les pays occidentaux fournissent des armes au régime ukrainien, plus la Russie sera obligée de repousser la menace.

Vladimir Poutine n’a pas parlé d’une nouvelle mobilisation ou d’un changement de statut de « l’opération spéciale ». C’est une manière de souligner qu’il a encore cette carte en main.

Il a d’ailleurs évidemment dénoncé les pays occidentaux comme ayant des intérêts opposés à ceux de la majorité des gens dans le monde. Il a rappelé que les Etats-Unis ont des bases partout sur la planète, qu’ils n’ont cessé de mener des guerres, etc.

Forcément, il est donc nécessaire de prolonger l’opération spéciale afin de briser le régime ukrainien et sa base idéologique nazie :

« Pour assurer la sécurité de notre pays, pour éliminer les menaces venues d’un régime néonazi existant en Ukraine depuis le coup d’Etat de 2014, il a été décidé de mener une opération militaire spéciale. Et nous allons régler pas à pas, soigneusement et méthodiquement, les objectifs qui se posent devant nous. »

Il s’agit également de soutenir par une fondation tant les familles des soldats tués que les vétérans. Personne ne doit être mis de côté. Il a bien entendu, à la fin de cette partie, salué les régions désormais russes de Louhansk, Donetzk, Zaporijjia, Kherson, sous les longs applaudissements du public (consistant, rappelons-le, en les élus).

En soi, il n’y a rien de nouveau, mais cela brise totalement la position de ceux qui, en Europe occidentale, espéraient qu’on passe dans le processus où les deux combattants étaient épuisés, sans pouvoir vaincre l’autre, et passent aux négociations. On parle ici notamment d’une partie de la bourgeoisie française, très minoritaire politiquement mais existant tout de même socialement.

L’heure n’est pas à la négociation et le conflit durera encore de longs mois. Pour la Russie, seule la victoire compte, de manière existentielle.

La superpuissance américaine a immédiatement réagi, avant même la fin du discours. Le conseiller à la sécurité nationale de la Maison Blanche, Jake Sullivan, a expliqué (sans rire malgré le caractère ridicule du propos) :

« Personne n’attaque la Russie. Il y a une sorte d’absurdité dans l’idée que la Russie était sous une forme de menace militaire de la part de l’Ukraine ou de quiconque d’autre. »

La seconde partie n’avait rien à voir. Le ton de Vladimir Poutine était particulièrement posé, sérieux, sans affect, et que certains désigneraient comme ennuyeux. C’était le traditionnel discours gestionnaire d’un chef d’État d’un Etat traditionnel.

Vladimir Poutine a parlé de l’économie, qui était stable. Le PIB n’a reculé que de 2,5 %, l’inflation est à 4 %, le chômage à 3,7 %. Il y avait même un développement notable dans le bâtiment et l’agriculture. Il a dressé le portrait des aspects macro-économiques, des développements des infrastructures, abordant même succinctement la situation des autoroutes, des chemins de fer, etc.

La principale mesure présentée par Vladimir Poutine a consisté en le soutien aux investissements financiers dans le pays, qui devaient disposer de solides assurances afin de les permettre. La liberté d’entreprendre est fondamentale, il faut une croissance propre au pays, afin d’affronter idéalement les sanctions occidentales.

Cela veut simplement dire que Vladimir Poutine table sur la réimpulsion du capitalisme russe, particulièrement bureaucratique et oligarchique, en considérant que la situation davantage autarcique laisse un espace pour un développement du capitalisme local, à petite échelle mais se généralisant. Cette sorte de révolution capitaliste qu’il espère de ses vœux, peut d’autant plus réussir si elle ne se tourne pas vers l’occident.

Comme il fallait toutefois donner un caractère « populaire » au propos, Vladimir Poutine a dénoncé les nouveaux riches issus des années 1990, ceux qui ont investi à l’Ouest en oubliant la Russie. Cela ne sert à rien de chercher à récupérer ce qui a été confisqué, cela irait bien plus vite d’investir en Russie et de profiter du développement.

Il faut également développer l’éducation, afin de permettre aux étudiants d’avoir des carrières adaptées. C’est un aspect essentiel, car la Russie perd beaucoup de ses diplômés appâtés par les salaires occidentaux.

C’est un appel à une unité capital-travail, de manière volontariste. Tout cela correspond parfaitement à ce qui été dit ici déjà concernant cet aspect : l’opération spéciale, c’est un Brexit à la russe.

C’est la même démarche conservatrice révolutionnaire : pour que rien ne change, tout doit changer.

La Russie a considéré qu’un orage allait arriver, elle se met à l’écart. Et le discours de Vladimir Poutine, c’est le rappel de cette considération – autrement dit, de bien souligner qu’il n’y a pas de dimension « nationale-révolutionnaire », que la Russie n’est pas un facteur de chaos, qu’elle s’aligne juste sur une nouvel ordre mondial en train de s’installer.

En ce sens, le caractère tout à fait calme des propos de la seconde partie, majoritaire dans le discours tranchait, naturellement, avec les premiers propos, bien plus dramatiques.

Ce que cela implique, concrètement :

– il n’y aura pas de sortie de crise à court terme, le conflit armé continue ;

– il n’y aura pas à court terme de modification des institutions russes, de mobilisation générale, d’industrie de guerre systématique ;

– ne voulant pas apparaître facteur d’instabilité, il n’y aura pas à court de terme de fuite en avant de la part de la Russie, et donc pas de soutien massif aux « contestataires » occidentaux (cela va décevoir toute une petite scène d’extrême-Droite) ;

– la Russie considère que le temps joue en sa faveur et assume le « temps long ».

Ce qu’on en déduit forcément, c’est que pour la Russie assume cette ligne « stable » dans une situation aussi instable, c’est qu’elle s’attend à un orage à relativement court terme. On le comprend : la superpuissance chinoise va entrer en scène.

C’est l’engrenage inévitable de la bataille pour le repartage du monde.