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Refus de l’hégémonie

L’échec de l’Ukraine dans sa tentative d’annexer Koursk

L’affrontement militaire entre la Russie et l’Ukraine connaît un grand tournant, dans la mesure où chacune des armées réussit une percée. C’est d’une telle dimension, que le conflit est partiellement revenu sur le devant de la scène médiatique.

Voyons ce qu’il en est, et pour cela présentons tout d’abord les modalités de la guerre. Pour cela, imaginons que vous êtes dans une tranchée. 24 heures sur 24, vous avez des drones qui surveillent ce que vous faites. La visibilité est totale, de jour comme de nuit, peu importe dans quel camp vous êtes.

Si vous bougez en petits groupes, vous avez des drones suicides qui se précipitent sur vous, guidés par des opérateurs retranchés sur l’autre ligne de front. Si vous bougez à beaucoup, l’artillerie vous tire dessus, en soixante secondes.

L’artillerie tire d’ailleurs plus ou moins tout le temps et les tranchées sont profondément creusées et bétonnées pour tenir le choc. Quand il y a des blessés, impossible d’appeler des hélicoptères, ils peuvent facilement se faire descendre au moyen de lance-roquettes téléguidées.

La logistique est compliquée : l’artillerie, ou pire des missiles s’il y a des regroupements importants, peuvent entrer en action.

Pour résumer : sur le papier, si vous attaquez, vous êtes morts. La seule chose possible, c’est de défendre, et progressivement affaiblir l’ennemi en face. Et cela se déroule sur une ligne de front de centaines, de milliers de kilomètres.

C’est l’arrière-plan de la double offensive russe et ukrainienne. Voici la carte au 29 août 2024, proposée par l’armée française, qui prétend ne pas être partie prenante mais en pratique soutient totalement le régime ukrainien, avec évidemment du personnel sur place malgré les dénégations.

Le point 1 indique la zone de Soudja, dans une région où la ville principale est Koursk, et où l’armée ukrainienne a pénétré en territoire russe, contrôlant entre 500 km2 et 1000 km2. Le point 2 concerne la zone autour de la ville industrielle de Toretsk, le point 3 la zone de Pokrosvk.

Commençons par l’offensive ukrainienne. Le 6 août 2024, deux brigades de l’armée ukrainienne ont pénétré le territoire russe. Au moyen d’entre 6000 et 10 000 soldats, les plus aguerris et les plus motivés, cela a été un succès apparent.

Le début de l’incursion

Dès le départ, l’incursion a réussi, et elle s’est étalée sur 1000 km2, 313 km2 étant en pratique réellement sous contrôle opérationnel ukrainien.

Cela a provoqué l’évacuation de 120 personnes dans la région, qui se sont repliées plus loin en Russie.

Les médias occidentaux ont très largement salué l’initiative, affirmant que c’était une preuve de plus de l’échec russe.

Il faut également noter que le régime ukrainien compte annexer à la Russie les régions de Rostov, de Krasnodar, de Belgorod et de Koursk. Cela les occidentaux ne le mentionnent jamais. Mais c’est assumé du côté ukrainien, et cela a été confirmé par un décret au début de l’année 2024. Le régime ukrainien veut la guerre totale contre la « Moscovie ».

L’incursion à la fin du mois d’août 2024

Le souci est qu’à la toute fin du mois d’août 2024, tout le monde est tombé du côté ukrainien sur le Président Volodymyr Zelensky. En effet, l’armée russe n’a cessé entretemps d’avancer vers Pokrovsk. Et là il est clair que les soldats employés pour l’incursion auraient été plus utiles pour la défense d’un point essentiel.

Pokrovsk est en effet situé dans la zone du grand nœud logistique de l’armée ukrainienne dans le Donbass, avec plusieurs autoroutes. Si Pokovsk tombe, toute l’armée ukrainienne dans le Donbass va vaciller. Qui plus est, il est évident que l’incursion ukrainienne dans la zone de Souja (avec Koursk un peu plus loin) ne peut pas continuer, car il n’y a ni les soldats, ni la logistique pour suivre.

L’initiative ukrainienne apparaît donc comme ayant simplement un rôle symbolique. Cela s’associe également au nouveau discours ukrainien, qui veut que la Russie soit frappée sur son territoire, de manière massive. Les appels aux occidentaux pour frapper en profondeur ne cessent plus et les bombardements ukrainiens visant la Russie montent en gamme.

Une frappe ukrainienne contre Belgorod

Le problème est en fait le suivant. Sur le plan de l’artillerie, l’armée russe dispose de bien plus de ressources, et elle utilise qui plus est massivement des bombes planantes. Partant de là, le grignotage progressif est obligé de réussir. Les bombardements massifs détruisent tout, puis les troupes avancent très lentement. Cela coûte cher en soldats, mais chez l’ennemi aussi, et le succès est assuré.

C’est là que le coup de Souja est très fort. Car du côté occidental, on ne sait militairement faire qu’une chose : attaquer. Les plans de l’Otan sont toujours offensifs, car ils s’appuient sur un double principe, celui de la supériorité aérienne et de la capacité logistique de masse.

Personne ne peut tenir la route face aux forces aériennes de l’Otan, personne n’a la capacité américaine en termes de logistique. Donc, les plans combinant les armées reposent là-dessus.

L’offensive ukrainienne à Soudja a, pour cette raison, forcément été élaborée par l’Otan, l’armée ukrainienne ne connaissant, comme l’armée russe, que le principe défensif (issu de l’URSS). Le matériel fourni par l’occident à l’armée ukrainienne allait en ce sens.

Seulement, le problème, c’est que la situation actuelle ressemble comme deux gouttes d’eau au coup de Moscou, lorsque l’armée russe a laissé aller Napoléon jusqu’à Moscou, pour ensuite démolir son armée. L’incursion ukrainienne à Soudja a forcément coûté très cher, et à quoi peut-elle maintenant bien servir ? Des troupes très bien formées se retrouvent pratiquement piégées et victimes d’une guerre d’usure.

Soldats d’une brigade ukrainienne, dont l’emblème est calqué sur une brigade d’assaut SS devenu la 36. Waffen-Grenadier-Division der SS (dans l’emblème il y a simplement une grenade qui a été ajoutée, au milieu)

Ce qui se passe est en fait facile à comprendre si on se place de notre point de vue. Nous avons annoncé ce conflit militaire six mois avant son début. Et nous avons pendant six mois dénoncé l’expansionnisme russe. Cependant, à son déclenchement, nous avons appelé à la défaite de l’Otan, et donc de l’Ukraine. Pourquoi ?

Parce que l’Ukraine ne visait pas la paix ni l’indépendance, mais s’était clairement positionnée comme force armée de l’Otan. Se fondant sur l’idéologie bandériste, l’Ukraine voulait détruire la Russie, la réduire à une « Moscovie ». C’est tout à fait assumé du côté ukrainien.

L’offensive de Souja est le produit de ce positionnement ukrainien. Au lieu d’avoir une ligne d’indépendance nationale, le régime est à la fois fasciste et expansionniste, il ne correspond en rien aux intérêts des masses ukrainiennes. La ligne agressive choisie produit des aberrations militaristes comme l’offensive de Souja, qui est une erreur monumentale, une tentative de forcer les choses, une expression de l’expansionnisme ukrainien.

Les territoires russes visés par l’annexion ukrainienne, de manière officielle

Dans la continuité d’ailleurs, Volodymyr Zelensky appelle sans cesse à l’envoi de F-16 en Ukraine, ainsi qu’au droit d’attaquer la Russie à coups de missiles longue portée. Un premier F-16 fourni par l’occident a d’ailleurs été perdu à la toute fin août 2024 et le commandant de l’armée de l’air ukrainienne, Mykola Olechtchouk, a été immédiatement limogé.

On a surtout ici l’arrière-plan le principe fasciste d’une arme suprême pour renverser le cours de la guerre, la « wunderwaffe » (arme miraculeuse) espérée par les nazis à la fin de la seconde guerre mondiale. C’est anti-démocratique et anti-populaire.

Si à l’offensive russe en Ukraine, il avait été répondu par tous les Ukrainiens dans la rue pour protester, la Russie aurait vacillé du jour au lendemain, en raison de la fraternité entre deux peuples si proches et ayant historiquement vécu côte à côte pendant des siècles.

Mais le régime ukrainien, fasciste, veut détruire la Russie, interdire Tolstoï et Dostoïevski, considérés comme « maléfiques ». La Russie serait d’ailleurs maléfique en soi.

On a une situation où il y a des centaines de milliers de morts, ce qui forme un point de non-retour dans l’horreur. Et, de toutes façons la Russie ne peut pas laisser un régime bandériste délirant à ses frontières. On est donc sans doute à un peu plus que la moitié de la guerre, qui n’est pas prêt de s’arrêter. Vers 2027, il pourra commencer à y avoir une forme de négociation réelle.

Quelle est entre-temps la ligne à adopter ? Ce n’est certainement pas les appels à la paix, comme on en trouve par exemple au PRCF ou à Lutte ouvrière, ni évidemment les appels à soutenir le régime ukrainien, comme du côté du Parti socialiste, du PCF, de LFI ou du NPA.

La vraie ligne juste, c’est celle de Rosa Luxembourg et Lénine, c’est celle du défaitisme révolutionnaire, qui appelle à la défaite de son propre camp, donc de l’Otan, donc du régime ukrainien. C’est cela, notamment et principalement, combattre le capitalisme français qui cherche une porte de sortie à sa crise dans la fuite en avant dans la guerre pour le repartage du monde.

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Refus de l’hégémonie

Importante visite d’État russe en Chine (« le thé au bord de l’eau »)

Il y avait de quoi se tordre de rire début mai 2024 en écoutant les journalistes et commentateurs français à l’occasion de la visite du Président chinois Xi Jinping en France.

Ceux-ci s’imaginaient que la France avec Emmanuel Macron avait l’occasion de peser sur la question du conflit en Ukraine, car la Chine pouvait être emmenée sur telle ou telle positon sous prétexte qu’il avait été dit ou sous-entendu ceci ou cela par Xi Jinping…

C’était tout bonnement ridicule. Cela fait déjà bien longtemps que les jeux sont faits. La Russie n’existe plus que dans l’orbite chinoise, tout comme la France n’existe plus que dans l’orbite américaine.

Il y a plus d’un an, en mars 2023, Xi Jinping effectuait une visite d’État en Russie, sa première visite à l’étranger depuis sa réélection, pour sceller sans aucune ambiguïté l’alliance sino-russe contre les États-Unis. La Chine parlait carrément d’une « ère nouvelle ».

Le jeudi 16 mai 2024, Vladimir Poutine a donc fait la même chose : il s’est rendu en République populaire de Chine pour son premier déplacement à l’étranger depuis sa réélection. C’était l’occasion de célébrer 75 années de relations diplomatiques (soit depuis la naissance de la République populaire de Chine en 1949).

Il faut savoir également que les deux présidents s’appellent souvent, notamment à l’occasion de leurs anniversaires respectifs, etc.

Voici comment la diplomatie chinoise présente la visite d’État russe, pour ceux qui auraient encore des doutes :

« Xi Jinping a indiqué que, comme le dit le proverbe chinois, « une montagne est formée par l’accumulation de sol et un océan est formé par l’accumulation d’eau ».

Après 75 ans d’accumulation solide, l’amitié durable et la coopération globale entre la Chine et la Russie donnent une forte impulsion aux deux pays pour aller de l’avant malgré le vent et la pluie.

Se trouvant à un nouveau point de départ, la Chine et la Russie s’en tiendront toujours à leur intention initiale et assumeront conjointement la responsabilité afin de créer davantage de bénéfices pour leurs peuples et de contribuer comme il se doit à la sécurité et à la stabilité mondiales. »

De son côté, Vladimir Poutine a largement prêté allégeance à la superpuissance chinoise, déclarant notamment :

« La Russie considère la Chine comme un partenaire fiable et à long terme et souhaite continuer à développer la coopération avec la Chine dans les domaines politique, économique, culturel, éducatif et sécuritaire, à organiser les « Années de la culture russo-chinoise » et à approfondir les échanges humains. »

La ligne officielle de la Russie est en effet que le pays est davantage asiatique qu’européen.

Voici le déroulé de la réception du Président russe jeudi 16 mai 2024, qui s’est faite avec les plus grands des honneurs. La question ukrainienne a officiellement été abordée, mais il a fallu attendre la toute fin de journée, au bord d’un lac et autour d’un thé…

Début de matinée.

Entretient en format restreint entre Vladimir Poutine et Xi Jinping au Grand Palais du Peuple à Beijing (Pékin).

Entretiens élargis avec des comités intergouvernementaux de coopération ; signature d’une série de documents de coopération bilatérale (économie et commerce, protection de la nature, inspection et quarantaine, médias et autres domaines).

Signature et publication d’un document intitulé Déclaration conjointe de la République populaire de Chine et de la Fédération de Russie sur l’approfondissement du partenariat stratégique global de coordination pour la nouvelle ère à l’occasion du 75e anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques Chine-Russie.

Fin de matinée.

Grande cérémonie de bienvenue sur l’esplanade devant la porte est du Grand Palais du Peuple.

Salutation par la garde d’honneur et fanfare militaire jouant les hymnes nationaux ; salve de 21 coups de canon tirée sur la Place Tian’anmen.

Revue de la garde d’honneur de l’Armée populaire de Libération et défilé.

Acclamation par des enfants chinois et russes tenant des bouquets de fleurs et des drapeaux nationaux des deux pays.

Midi.

Banquet de bienvenue dans la salle dorée du Grand Palais du Peuple.

Après-midi.

Cérémonie d’ouverture des Années de la culture Chine-Russie et concert spécial de musiques folkloriques chinoise et russe célébrant le 75e anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques (environs 1000 personnalités chinoises et russes présentes).

Soirée.

Réunion restreinte à Zhongnanhai, un immense parc bordé d’un lac au milieu de la capitale chinoise. La question ukrainienne est finalement ouvertement abordée, en apothéose de la journée.

Voici le long et épique récit officiel de ce moment par la diplomatie chinoise (en Français), qui est très significatif historiquement !

« Au milieu de l’été [commencé le 5 mai 2024], à Zhongnanhai, une brise légère souffle doucement et les reflets d’eau scintillent.

Xi Jinping reçoit Vladimir Poutine devant le pont Yingtai. Les deux chefs d’État se sont promenés et ont discuté, regardant les pavillons et admirant le beau paysage.

Les deux chefs d’État ont pris le thé au bord de l’eau et ont eu des échanges approfondis sur des questions stratégiques d’intérêt commun dans une atmosphère détendue.

Le monde d’aujourd’hui est confronté à des changements inédits depuis un siècle et entre dans une nouvelle période de perturbation et de transformation, a noté Xi Jinping, ajoutant que face au paysage mondial qui ne cesse d’évoluer avec volatilité et trouble, la Chine est restée ferme dans sa stratégie.

Il a déclaré que sous la direction du Parti communiste chinois, le peuple chinois avait surmonté de multiples difficultés et défis, et qu’il œuvrait à la promotion du développement de haute qualité et de la modernisation chinoise.

La Chine est disposée à travailler avec la Russie et d’autres pays afin de renforcer la solidarité et la coopération, d’orienter la gouvernance mondiale dans la bonne direction, de défendre conjointement l’équité et la justice internationales, et de promouvoir la paix du monde et le développement commun, a déclaré Xi Jinping.

Notant que le développement de la Chine est inéluctable et qu’aucune force ne peut contenir son développement et ses progrès, Vladimir Poutine a déclaré que la Russie souhaitait améliorer sa coopération avec la Chine et d’autres pays du « Sud global » afin de promouvoir l’équité et la justice internationales, et d’œuvrer vers un monde plus égalitaire et multipolaire.

Les deux chefs d’État ont eu un échange de vues approfondi sur la crise ukrainienne.

Xi Jinping a précisé la position cohérente de la Chine et ses efforts pour promouvoir un règlement politique de la crise ukrainienne, soulignant que pour résoudre toute question majeure, il était nécessaire de traiter à la fois les symptômes et les causes fondamentales, et de planifier autant pour le présent que pour le long terme.

Il a noté que l’essentiel de l’Initiative pour la sécurité mondiale était de préconiser une vision de sécurité commune, globale, coopérative et durable, et que la solution fondamentale à la crise ukrainienne était de promouvoir l’établissement d’une nouvelle architecture équilibrée, efficace et durable.

Xi Jinping a déclaré que la Chine soutenait la convocation d’une conférence internationale de paix reconnue par la Russie et l’Ukraine à un moment approprié avec une participation égale et une discussion franche de toutes les options, afin de promouvoir un règlement politique rapide de la question ukrainienne, et que la Chine était disposée à continuer à jouer un rôle constructif à cet égard.

Vladimir Poutine a introduit les idées et les positions concernées de la Russie, indiquant que la Russie appréciait la position objective, juste et équilibrée de la Chine en ce qui concerne la question ukrainienne et invitait la Chine à continuer à jouer un rôle important et constructif dans le règlement politique de la question.

La Russie est engagée à résoudre la question ukrainienne via les négociations politiques et souhaite démontrer sa sincérité et continuer à maintenir une communication étroite avec la Chine à cet égard, a-t-il noté.

La nuit tombait et les lumières étaient brillantes. 

Xi Jinping a serré la main de Vladimir Poutine et lui a dit au revoir. Xi Jinping a noté que ces dernières années, ils avaient eu plusieurs réunions avec des échanges francs, approfondis et fructueux.

Xi Jinping s’est dit disposé à maintenir un contact étroit avec le président Vladimir Poutine et à travailler ensemble pour orienter le développement des relations sino-russes dans la bonne direction, guider le partenariat de coordination stratégique global Chine-Russie pour une nouvelle ère à réaliser des progrès solides et durables, apporter davantage de bénéfices aux peuples des deux pays, et contribuer activement à la promotion de la sécurité et de la stabilité dans le monde.

Vladimir Poutine a remercié Xi Jinping pour son hospitalité chaleureuse et s’est dit heureux de chaque rencontre et de chaque entretien avec son homologue chinois Xi Jinping.

Leurs échanges ont été très approfondis et significatifs. Vladimir Poutine a exprimé son souhait de maintenir une communication étroite avec Xi Jinping, de mettre en œuvre le consensus important qu’ils ont atteint, et d’assurer un développement approfondi du partenariat stratégique global de coordination Russie-Chine pour une nouvelle ère. 

Difficile de faire plus clair. L’actualité mondiale est la guerre de repartage du monde, avec principalement l’affrontement entre la superpuissance américaine et sa rivale la superpuissance chinoise. La guerre en Ukraine est une expression de cette crise mondiale, elle est déjà la 3e guerre mondiale…

C’est là la réelle, la seule actualité.

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Culture & esthétique

L’âme russe

Comment reconnaître les principaux traits de l’âme russe ? Les voici, habilement présentés, puissamment présentés, parfaitement reconnaissables.

« Certains réflexes de cruauté et peut-être une poésie de la cruauté, jointe à une profonde tendresse humaine.

L’indifférence intime à telles distinctions sociales, à telles conventions d’amour propre.

La faculté de se soumettre, de se dissoudre dans le destin, et parfois cependant de s’en trouver inexplicablement libéré.

Un désir et un besoin de se voir et de se comprendre dans le jeu éternel du monde, de justifier sa vie individuelle.

Le sens de la prison terrestre et la soif de s’évader, de « soulager son âme ».

Une ardeur à regarder le fond de toutes choses, même si ce fond est atroce et cruel.

Une tristesse sans guérison, venant de l’âme et non des circonstances, et une joie incompréhensible, flux de vie, venant aussi uniquement de l’âme. »

Si on a là sans doute les traits généraux de l’âme slave, le côté électrique (et d’autant plus attachant, inversement) est plus spécifiquement russe. On le comparera avec esprit avec l’extrait de Tolstoï, pour la danse non décrite dans Guerre & Paix, si emblématique de l’âme russe.

Une âme russe qui a apporté immensément au patrimoine universel. Il est essentiel de le souligner. Quand le nationalisme prime comme outil du bellicisme, il faut rappeler que l’humanité est une et que toutes les cultures nationales sont une part de celle-ci. C’est cela, l’internationalisme réel (et non le cosmopolitisme).

C’est cela qu’il faut dire alors que la France présente les Russes comme des barbares et que le projet occidental est de dépecer la Russie, avec comme outil le nationalisme ukrainien pour qui la « Moscovie » est démoniaque, Tolstoï et Dostoïevski en tête.

Plus spécifiquement, cette citation vient d’un très fin connaisseur de la littérature russe, Robert Vivier. Nous sommes en 1946 et la Bibliothèque internationale publie de nouveau La maison Bourkov d’Alexeï Rémizov. Cet auteur a quitté la Russie après la révolution d’octobre 1917, mais avait décidé d’y retourner après 1945. C’est un écrivain moderniste, profond mais tortueux et s’enlisant dans le psychologisme.

La préface de Romain Rolland, tout en saluant l’auteur, lui reproche d’ailleurs de ne voir que le côté trouble de la partie trouble du peuple. On tourne sur soi-même dans cette approche littéraire qui ne tourne pas au culte du moi façon occidental, mais reste parallèle à lui.

Robert Vivier, qui écrivit à l’occasion de l’édition de 1929, tente par contre de le présenter comme une figure majeure du renouveau littéraire russe. C’est une lecture plus poétique qu’autre chose, Robert Vivier étant un écrivain belge tourné justement vers cette approche lyrique avant tout (et il fut par ailleurs le père adoptif du fameux vulcanologue Haroun Tazieff, fils du premier mariage de sa femme Zénitta Klupta, d’origine lettone et polonaise).

Néanmoins, les termes choisis par Robert Vivier pour définir l’âme russe sont bien vus, adéquatement choisis. On peut lire n’importe quel écrivain russe d’importance, et on sait qu’ils sont bien nombreux (Tchekhov, Tolstoï, Dostoïevski, Gogol, Tourgueniev, Gorki…), on retrouvera exactement ce qui y est décrit.

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Culture & esthétique

« Les armées de l’Occident entrèrent en Russie, et la guerre éclata! »

Léon Tolstoï est un titan, car en plus d’être un artiste réaliste à la plume géniale, il était capable de la meilleure des philosophies. L’ensemble est lié, naturellement.

Ce passage qui introduit le Livre III de Guerre & Paix est absolument incontournable. C’est, précisément au milieu du roman, une réflexion matérialiste saisissante sur la guerre et la destinés des hommes.

C’est extrêmement bien exprimé, d’une intelligence rare ; cela reflète d’autant mieux notre actualité, qui est celle d’une nouvelle guerre entre l’Occident et la Russie, avec notre pays la France en première ligne contre la Russie.

Il faut lire Léon Tolstoï, pour comprendre et combattre cette marche terrible vers la guerre, faisant qu‘il arriva ainsi que des millions d’hommes, répudiant tout bon sens et tout sentiment humain, se mirent en marche de l’Ouest vers l’Est pour aller massacrer leurs semblables

Cultivons-nous et développons notre philosophie avec Léon Tolstoï pour être à la hauteur de l’époque ! Guerre à la guerre, à bas l’Otan, à bas les faiseurs de guerre Emmanuel Macron et Joe Biden, à bas le capitalisme ! Vive l’amitié universelle entre les peuples, vive la Gauche historique, vive le socialisme !

« À la fin de l’année 1811, les souverains de l’Europe occidentale renforcèrent leurs armements, et concentrèrent leurs troupes. En 1812, ces forces réunies, qui se composaient de millions d’hommes, y compris, et ceux qui les commandaient, et ceux qui devaient les approvisionner, se mettaient en marche vers les frontières de la Russie, qui, de son côté, dirigeait ses soldats vers le même but. Le 12 juin, les armées de l’Occident entrèrent en Russie, et la guerre éclata !…

C’est-à-dire qu’à ce moment eut lieu un événement en complet désaccord avec la raison et avec toutes les lois divines et humaines ! Ces millions d’êtres se livraient mutuellement aux crimes les plus odieux : meurtres, pillages, fraudes, trahisons, vols, incendies, fabrication de faux assignats… tous les forfaits étaient à l’ordre du jour, et en si grand nombre, que les annales judiciaires du monde entier n’auraient pu en fournir autant d’exemples pendant une longue suite de siècles !… Et cependant ceux qui les commettaient ne se regardaient pas comme criminels !

Où trouver les causes de ce fait aussi étrange que monstrueux ? Les historiens assurent naïvement qu’ils les ont découvertes dans l’insulte faite au duc d’Oldenbourg, dans la non observation du blocus continental, dans l’ambition effrénée de – 297 – Napoléon, dans la résistance de l’Empereur Alexandre, dans les fautes de la diplomatie, etc., etc.

Il aurait donc suffi, s’il fallait les en croire, que Metternich, Roumiantzow ou Talleyrand eussent rédigé, entre une réception de cour et un raout, une note bien tournée, ou que Napoléon eût adressé à Alexandre un : « Monsieur mon frère, je consens à restituer le duché d’Oldenbourg… », pour que la guerre n’eût pas lieu ! On conçoit aisément que tel devait être le point de vue des contemporains.

Ainsi qu’il l’a dit plus tard à Sainte-Hélène, Napoléon attribuait exclusivement la guerre aux intrigues de l’Angleterre, tandis que de leur côté les membres du Parlement anglais donnaient pour prétexte son ambition insatiable ; le duc d’Oldenbourg, l’insulte dont il avait été l’objet ; les marchands, le blocus continental qui ruinait l’Europe ; les vieux soldats et les généraux, l’absolue nécessité de les employer activement ; les légitimistes, le devoir sacré de soutenir les bons principes ; les diplomates, l’alliance austro-russe de 1809, que l’on n’avait pas su dissimuler au cabinet des Tuileries, et la difficulté que présenterait la rédaction d’un mémorandum, portant, par exemple, le n° 178.

Ces raisons, jointes à une foule d’autres, d’une nature plus infime et provenant de la diversité des points de vue personnels, ont pu sans doute satisfaire les contemporains, mais pour nous, pour nous qui sommes la postérité, et qui envisageons dans son ensemble la grandeur de l’événement et qui en approfondissons la vraie raison d’être dans sa terrible réalité, elles ne sauraient nous paraître suffisantes. Nous ne saurions comprendre que des millions de chrétiens se soient entretués parce que Napoléon était un ambitieux, parce qu’Alexandre avait montré de la fermeté, l’Angleterre de la ruse, ou parce que le duc d’Oldenbourg avait été insulté !

Où est donc le lien entre ces circonstances et le fait même du meurtre et de la violence ? Pourquoi les habitants des gouvernements de Smolensk et de Moscou ont-ils été, en conséquence de semblables motifs, égorgés et ruinés par des milliers d’hommes venus du bout opposé de l’Europe ?

Nous ne sommes pas des historiens, et nous ne nous laissons pas entraîner à la recherche, plus ou moins subtile, des causes premières : aussi, nous contentons-nous de juger les événements avec notre simple bon sens, et plus nous les étudions de près, plus, nous leur trouvons de motifs véritables. De quelque façon qu’on les envisage, ils nous paraissent également justes ou également faux, si l’on en compare l’infime valeur intrinsèque avec l’importance des faits qui en ont été la conséquence, et nous restons convaincus que leur ensemble seul peut en donner une explication plausible.

Pris isolément, le refus de Napoléon, qui ne veut pas rappeler ses troupes en deçà de la Vistule, ou rendre le grand-duché au grand-duc d’Oldenbourg, nous paraît aussi valable, comme argument, que si l’on disait : S’il avait plu à un caporal français de quitter le service, et si son exemple avait été suivi par un grand nombre de ses camarades, le nombre des soldats aurait été trop réduit, la guerre serait, en conséquence, devenue impossible.

Sans doute, si Napoléon ne s’était point offensé de ce qu’on exigeait de lui, si l’Angleterre et le duc dépossédé n’avaient pas intrigué, si l’Empereur Alexandre n’avait pas été profondément froissé, si la Russie n’avait pas été gouvernée par un pouvoir autocratique, si les raisons qui ont amené la révolution française, la dictature et l’Empire n’avaient point existé, il n’y aurait pas eu de guerre ; mais, de même aussi, qu’une de ces causes vînt à manquer, et rien de ce qui est arrivé n’aurait eu lieu!

C’est donc de leur ensemble, et non de l’une d’elles en particulier, que les événements ont été la conséquence fatale : ILS SE SONT ACCOMPLIS PARCE QU’ILS DEVAIENT S’ACCOMPLIR, et il arriva ainsi que des millions d’hommes, répudiant tout bon sens et tout sentiment humain, se mirent en marche de l’Ouest vers l’Est pour aller massacrer leurs semblables, comme, quelques siècles auparavant, des hordes innombrables s’étaient précipitées de l’Est vers l’Ouest, en tuant tout sur leur passage !

Considérés par rapport à leur libre arbitre, les actes de Napoléon et d’Alexandre étaient aussi étrangers à l’accomplissement de tel ou tel événement que ceux du simple soldat que le recrutement ou le tirage au sort obligeait à faire la campagne.

Comment d’ailleurs aurait-il pu en être autrement ? Pour que leur volonté, maîtresse en apparence de tout diriger à leur gré, se fût exécutée, il aurait fallu le concours d’une infinité de circonstances ; il aurait fallu que ces milliers d’individus entre les mains desquels se trouvait la force agissante, que tous ces soldats qui se battaient, ou qui transportaient les canons et les vivres, consentissent à faire ce que leur ordonnaient ces deux faibles unités, et que leur soumission unanime fût motivée par des raisons aussi compliquées que diverses.

Le fatalisme est inévitable dans l’histoire si l’on veut en comprendre les manifestations illogiques, ou, du moins celles dont nous n’entrevoyons pas le sens et dont l’illogisme grandit à nos yeux, à mesure que nous nous efforçons de nous en rendre compte.

Tout homme vit pour soi, et jouit du libre arbitre nécessaire pour atteindre le but qu’il se propose. Il a, et il sent en lui la faculté de faire ou de ne pas faire telle ou telle chose, mais, du moment qu’elle est faite, elle ne lui appartient plus, et elle devient la propriété de l’histoire, où elle trouve, en dehors du hasard, la place qui lui est assignée à l’avance.

La vie de l’homme est double : l’une, c’est la vie intime, individuelle, d’autant plus indépendante que les intérêts en seront plus élevés et plus abstraits ; l’autre, c’est la vie générale, la vie dans la fourmilière humaine, qui l’entoure de ses lois et l’oblige à s’y soumettre.

L’homme a beau avoir conscience de son existence personnelle, il est, quoi qu’il fasse, l’instrument inconscient du travail de l’histoire et de l’humanité. Plus il est placé haut sur l’échelle sociale, plus le nombre de ceux avec qui il est en rapport est considérable, plus il a de pouvoir, plus sont évidentes la prédestination et la nécessité inéluctable de chacun de ces actes :

LE CŒUR DES ROIS EST DANS LA MAIN DE DIEU !

LES ROIS SONT LES ESCLAVES DE L’HISTOIRE !

L’histoire, c’est-à-dire la vie collective de toutes les individualités, met à profit chaque minute de la vie des rois, et les fait concourir à son but particulier. Bien que Napoléon fût plus que jamais convaincu, en l’an de grâce 1812, qu’il dépendait de lui seul de verser ou de ne pas verser le sang de ses peuples, plus que jamais au contraire il était assujetti à ces ordres mystérieux de l’histoire qui le poussaient fatalement en avant, tout en lui laissant l’illusion de croire à son libre arbitre.

Ainsi donc, tout en obéissant, à leur insu, à la loi de la coïncidence des causes, ces hommes qui marchaient en foule vers l’Orient, pour tuer et massacrer leurs semblables, y étaient en même temps conduits par ces nombreuses et puériles raisons qui, aux yeux du vulgaire, motivaient cette terrible perturbation.

Ces raisons, on les connaît, c’étaient : la violation du blocus continental, le démêlé avec le duc d’Oldenbourg, l’entrée des troupes en Russie pour en obtenir, comme le croyait Napoléon, une neutralité armée, son goût effrénée pour la guerre, l’habitude qu’il en avait prise, jointe au caractère des Français, à l’entraînement général causé par le grandiose des préparatifs, aux dépenses qu’ils occasionnaient et à la nécessité par suite d’y trouver des compensations, aux honneurs enivrants qu’il avait reçus à Dresde, aux négociations diplomatiques qui, quoique animées, au dire des contemporains, d’un sincère désir de paix, n’avaient cependant abouti qu’à froisser les amours-propres de part et d’autre… et mille autres prétextes, plus ou moins bons, qui, tous réunis, n’avaient, en définitive, d’autre résultat que le fait qui devait fatalement s’accomplir.

Pourquoi une pomme tombe-t-elle quand elle est mûre ? Est-ce son poids qui l’entraîne ? Est-ce la queue du fruit qui meurt ? Est-ce le soleil qui la dessèche ? Est-ce le vent qui la détache, ou bien est-ce tout simplement que le gamin qui est au pied de l’arbre a une envie démesurée de la manger ?

Prise à part, aucune de ces raisons n’est la bonne. La chute de cette pomme est la résultante obligée de toutes les causes qui produisent l’acte le plus minime de la vie organique. Par conséquent le botaniste qui attribuera la chute de ce fruit à la décomposition du tissu cellulaire aura tout aussi raison que l’enfant qui l’attribuera à son désir de la croquer à belles dents et à la réalisation de son désir.

De même aura tort et raison à la fois celui qui dira que Napoléon a été à Moscou parce qu’il l’avait résolu, et qu’il y a trouvé sa perte parce que telle était la volonté d’Alexandre ; de même aura tort et raison celui qui assurera qu’une montagne pesant plusieurs millions de pouds (environ 20 kg, NDT) et sapée à sa base ne s’est écroulée qu’à la suite du dernier coup de pioche donné par le dernier terrassier !

Les prétendus grands hommes ne sont que les étiquettes de l’Histoire : ils donnent leurs noms aux événements, sans même avoir, comme les étiquettes, le moindre lien avec le fait lui-même. Aucun des actes de leur soi-disant libre arbitre n’est un acte volontaire : il est lié à priori à la marche générale de l’histoire et de l’humanité, et sa place y est fixée à l’avance de toute éternité. »

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Culture & esthétique

« Exalté par l’espoir du triomphe prochain »

« — Mais comment nous décider à faire la guerre à la France, prince ? demanda Rostoptchine. Comment nous lèverions-nous contre nos maîtres, contre nos dieux ? Voyez notre jeunesse, voyez nos dames ! Les Français sont leurs idoles, Paris est leur paradis ! »

La guerre est une chose d’autant plus abominable qu’elle exalte les esprits et fait puiser en les hommes ce qu’ils ont de plus profond, de plus total, pour leur faire perdre toute raison.

Pour gagner une guerre, il faut de la ferveur, il faut des gens ayant non pas seulement compris qu’ils allaient mourir, mais qui sont eux-mêmes d’accord pour mourir, même contre leurs frères, même contre leurs amis d’hier.

Si Guerre & Paix de Léon Tolstoï est un monument de la littérature, c’est en grande partie parce qu’il décrit cela avec une finesse et une précision extraordinaire.

Un extrait, seul, n’apportera jamais la même profondeur que la lecture de ce même passage au milieu de l’ouvrage, alors que l’on connait les personnages, alors que le décor est solidement implanté et que les événements ont été déjà minutieusement décrits depuis des pages.

Cela vaut toutefois la peine, et nous le faisons ici. Cela a d’autant plus de signification à notre époque en 2024 que la France est pratiquement en guerre avec la Russie, et que c’est de cela qu’il s’agit dans ce passage.

On y voit comment un jeune officier, initialement terrorisé par sa présence sur le front, s’en trouve finalement exalté, jusqu’à souhaiter mourir par ferveur.

Que cette ferveur soit patriotique, ou bien issue d’une loyauté pour l’empereur, ou n’importe quoi d’autre, cela ne change en réalité pas grand-chose, et c’est cela qu’à voulu montrer Léon Tolstoï.

La guerre est une abomination qui se suffit à elle-même, qui s’auto-alimente, qui broie les esprits et les cœurs, qui annihile la raison. Les gens qui sous-estiment la guerre, qui ne croient pas en la guerre, ont tort, et ils se rendent finalement coupables de laisser-faire.

Au contraire, nous dénonçons la guerre ! Opposez-vous à la guerre à la Russie et lisez Guerre & Paix de Tolstoï, voilà le mot d’ordre de gauche à notre époque en France !

Voici le chapitre 10 de la 3e partie du Livre 1, d’après la traduction de Boris Schloezer. Les passages en italique sont en français dans le texte original.

À l’aube du 16, l’escadron de Dénissov, auquel appartenait Nicolas Rostov et qui faisait partie du détachement du prince Bagration, quitta son bivouac pour entrer en action, à ce qu’on disait ; ayant parcouru près d’une verste à la suite d’autres colonnes, il reçut l’ordre de s’arrêter sur la grand-route. Rostov vit passer devant lui des cosaques, le 1er et le 2e escadron de hussards, des bataillons d’infanterie avec de l’artillerie et les généraux Bagration et Dolgoroukov avec leurs aides de camp.

La peur qu’il ressentait comme toujours avant l’action, la lutte intérieure grâce à laquelle il parvenait à dominer cette peur, sa résolution de se conduire en vrai hussard au cours de ce combat, tout cela se révéla vain : l’escadron resta en réserve et Nicolas Rostov passa une journée ennuyeuse et triste. 

Vers neuf heures du matin, il entendit une fusillade quelque part devant lui et des “hourras”, vit des blessés que l’on ramenait vers l’arrière (ils n’étaient pas nombreux) et enfin, au milieu d’un détachement de cosaques, un groupe de cavaliers français. 

Le combat évidemment était terminé, un combat peu important mais victorieux. Les soldats et les officiers qui en revenaient parlaient d’une éclatante victoire, de la prise de Wischau, de tout un escadron français fait prisonnier. Le temps était clair, ensoleillé, après la forte gelée nocturne, et la gaie lumière de cette journée d’automne était en accord avec la nouvelle de la victoire que répandaient non seulement ceux qui y avaient pris part, mais aussi les visages joyeux des soldats, des officiers, des généraux, des aides de camp qui passaient devant Rostov, se rendant aux lieux du combat ou en revenant. 

Il en avait le cœur serré, lui qui avait lutté douloureusement contre la peur précédant la bataille pour ensuite passer toute cette magnifique journée dans l’inaction. 

– Rostov ! Viens ici, buvons pour nous consoler ! cria Dénissov s’installant sur le rebord de la route devant une gourde et un casse-croûte.

Des officiers formaient cercle autour de la cantine de Dénissov, mangeant et bavardant.

– En voilà encore un, dit un des officiers en désignant un dragon français à pied entre deux cosaques. 

L’un d’eux conduisait par la bride la monture du prisonnier, un grand et beau cheval français. 

– Vends-moi le cheval ! cria Dénissov au cosaque. 

– Volontiers, Votre Noblesse…

Les officiers se levèrent et entourèrent les cosaques et le prisonnier. C’était un jeune Alsacien qui s’exprimait en français avec un accent allemand. Il était rouge et haletait d’émotion. Entendant parler français autour de lui, il se mit à expliquer aux officiers en toute hâte, s’adressant tantôt à l’un, tantôt à l’autre, qu’on n’aurait jamais réussi à le faire prisonnier, que ce n’était pas de sa faute s’il avait été pris, que la faute en était au caporal qui l’avait envoyé chercher des housses, qu’il lui avait dit pourtant que les Russes étaient là. 

Et à chaque phrase, il ajoutait : Mais qu’on ne fasse pas de mal à mon petit cheval, et il caressait sa bête. On voyait qu’il ne comprenait pas très bien où il se trouvait. Tantôt il s’excusait d’avoir été pris, tantôt, supposant qu’il se trouvait devant ses chefs, voulait prouver son zèle et sa ponctualité. Il apporta avec lui à notre arrière-garde, dans toute sa fraîcheur, l’atmosphère de l’armée française qui nous était si étrangère. Les cosaques cédèrent le cheval pour deux pièces d’or, et ce fut Rostov, maintenant le plus riche des officiers, qui l’acheta.

Mais qu’on ne fasse pas de mal à mon petit cheval, dit l’Alsacien avec bonhomie à Rostov, lorsque le cheval fut remis au hussard.

Rostov rassura en souriant la dragon et lui donna de l’argent.

– Allez, allez ! dit le cosaque en touchant le bras du prisonnier pour le faire avancer. 

– L’empereur ! l’empereur ! crièrent soudain des hussards. 

Tout le monde s’affaira, se mit à courir et Rostov s’étant retourné vit approcher des cavaliers empanachés. En une minute tous avaient gagné leur place et attendaient. Rostov s’était précipité et avait sauté en selle sans savoir ce qu’il faisait. Ses regrets de n’avoir pu participer au combat, l’humeur morose où l’avait plongée l’inaction au milieu de visages trop bien connus, tout cela s’évanouit instantanément. 

Complètement submergé par la vague de bonheur que soulevait en lui l’approche du souverain, il ne pouvait plus penser à lui-même. Cette seule approche suffisait à le dédommager de sa journée perdue. Il était heureux comme un amant qui obtient le rendez-vous tant désiré. N’osant se retourner dans les rangs et ne se retournant pas, il sentait son approche dans une sorte d’extase.

Il la sentait non seulement au bruit toujours plus distinct des sabots des chevaux, mais parce qu’à mesure que les cavaliers avançaient tout autour de lui, devenait plus clair, plus joyeux, acquérait un nouveau sens, prenait un air de fête. 

Il se rapproche de Rostov, ce soleil qui répand une lumière splendide. Et voilà que Rostov se sent plongé dans son rayonnement, il entend déjà sa voix, cette voix si douce, si calme, si majestueuse et si simple à la fois. Comme il se devait et comme le pressentait Rostov, un silence de mort tomba et dans ce silence retentit la voix de l’empereur.

Les huzards de Pavlograd ? dit-il d’un ton interrogateur.

La réserve, Sire, répondit une autre voix qui parut si humaine après celle, non humaine qui avait dit : les huzards de Pavlograd ? 

L’empereur arriva à la hauteur de Rostov et s’arrêta. Son visage était encore plus beau que trois jours auparavant, lors de la revue. Il rayonnait d’une telle gaieté, d’une telle jeunesse, d’une jeunesse si innocente qu’on songeait à sa vue à un enfant espiègle ; et c’était tout de même le visage empreint de majesté d’un empereur.

En parcourant des yeux l’escadron, le regard d’Alexandre rencontra par hasard celui de Rostov et s’arrêta sur lui deux, secondes, pas davantage. L’empereur comprit-il ce qui se passait dans l’âme de Rostov ? (Il avait tout compris, sembla-t-il à Rostov.) Toujours est-il que pendant deux secondes il fixa de ses yeux bleus (la lumière en coulait douce et pure) le visage de l’enseigne. Puis, soudain, il releva les sourcils, frappa brusquement son cheval du pied gauche et partit au galop.

Le jeune empereur n’avait pu résister au désir d’assister à la bataille et en dépit des objurgations des courtisans, à midi il avait dépassé la troisième colonne qu’il suivait et avait galopé vers l’avant- garde. Mais avant même qu’il eût rejoint les hussards, des aides de camp venus à sa rencontre lui avaient annoncé l’heureuse issue de la bataille.

Cette bataille s’était réduite en fait à la capture d’un escadron français, mais elle fut présentée comme une brillante victoire sur l’armée française. C’est pourquoi l’empereur et toute l’armée, surtout tant que la fumée ne se fut pas dissipée au-dessus du lieu du combat, s’imaginèrent que les Français étaient vaincus et reculaient contre leur gré.

Quelques minutes après le passage de l’empereur, la division à laquelle appartenaient les hussards de Pavlograd reçut l’ordre de se porter en avant. À Wischau même, petite ville allemande, Rostov revit encore une fois l’empereur. Sur la place de la ville où avait eu lieu une fusillade assez nourrie, gisaient quelques morts, quelques blessés qu’on n’avait pas eu le temps de relever. 

L’empereur accompagné d’une nombreuse suite civile et militaire montait encore une jument alezane demi-sang, mais ce n’était pas celle de la revue. Ayant porté à ses yeux d’un geste gracieux son face-à-main en or, il regardait, penché de côté, un soldat étendu sur le ventre, sans shako, la tête ensanglantée. 

Le soldat blessé était tellement crasseux, grossier, affreux, qu’à le voir si proche de l’empereur Rostov se sentit offusqué. Il vit les épaules légèrement voûtées d’Alexandre tressaillir comme parcourues d’un frisson glacé, il vit son pied gauche éperonner convulsivement le flanc du cheval qui, bien dressé, tourna la tête avec indifférence et ne bougea pas. Un aide de camp mit pied à terre, prit le blessé sous les bras et l’étendit sur une civière qu’on venait d’apporter. Le soldat gémit.

– Doucement, doucement ! ne peut-on faire plus doucement ? dit l’empereur qui apparemment souffrait plus que le soldat mourant, et il s’éloigna.

Rostov vit les larmes qui remplissaient ses yeux et il l’entendit dire en français à Czartoryski, tout en s’éloignant :

Quelle terrible chose que la guerre, quelle terrible chose !

Les troupes formant l’avant-garde s’établirent au-delà de Wischau, en vue des lignes de l’ennemi qui, au cours de toute cette journée, recula et céda du terrain à la moindre fusillade.

L’empereur remercia l’avant-garde, on annonça de prochaines récompenses et les hommes reçurent une double ration de vodka. Les feux des bivouacs crépitaient plus gaiement encore que la nuit précédente et les chants des soldats retentissaient. Denisov feta cette nuit-là sa promotion au grade de major, et Rostov, qui avait déjà pas mal bu, proposa à la fin du festin un toast à l’empereur, non pas “à Sa Majesté l’empereur, comme aux banquets officiels, dit-il, mais à la santé de l’homme bon, séduisant et grand. Buvons à la santé de l’empereur et à sa victoire certaine sur les Français !“.

– Si nous nous sommes bien battus jusqu’à présent, si, comme à Schængraben, nous ne nous sommes pas laissé faire par les Français, que ne ferons-nous pas maintenant qu’il est à notre tête ! Tous nous mourrons, nous mourrons pour lui avec bonheur ! Est-ce bien ainsi, messieurs ? Peut-être que je ne m’exprime pas comme il faut, j’ai beaucoup bu, mais c’est ce que je sens, et vous aussi. À la santé d’Alexandre Ier ! Hourra !

– Hourra ! crièrent les officiers enthousiasmés. 

Et le vieux capitaine Kirsten criait avec autant de ferveur et non moins sincèrement que le jeune Rostov. Quand les officiers eurent bu et cassé leurs verres, Kirsten en remplit d’autres et en manches de chemise et culotte de cheval, il s’approcha, le verre à la main, des feux de camp des soldats. Le bras levé, il se dressa majestueusement dans la lueur des feux avec sa longue moustache grise et sa poitrine blanche que laissait voir sa chemise entrouverte.

– À la santé de l’empereur, les enfants ! À notre victoire ! Hourra ! cria-t-il de sa voix martiale, la voix barytonnante d’un vieux hussard.

Les hussards attroupés autour de lui répondirent par de violentes acclamations.

Tard dans la nuit, quand tout le monde se fut dispersé, Dénissov tapota de sa courte main l’épaule de Rostov, son préféré.

– Voilà ce que c’est, dit-il. Personne de qui s’amouracher en campagne, et alors le voilà qui tombe amoureux de l’empereur !

– Dénissov, ne plaisante pas avec ça ! cria Rostov. C’est un sentiment si élevé, si admirable, si…

– Je te crois, je te crois, mon petit, et je partage, et j’approuve… 

– Non, tu ne comprends pas ! 

Et Rostov se leva et alla errer parmi les feux de camp, rêvant au bonheur de mourir non pas pour le salut de l’empereur (de cela il n’osait pas rêver), mais simplement de mourir sous ses yeux. Il était en effet amoureux du tsar, et de la gloire des armes russes, et exalté par l’espoir du triomphe prochain. 

Et il n’était pas le seul à éprouver de tels sentiments dans les jours mémorables qui précédèrent la bataille d’Austerlitz : les neuf dixièmes de l’armée russe, en ce temps-là, étaient amoureux, bien qu’avec moins de ferveur, et de leur empereur, et de la gloire des armes russes.

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Refus de l’hégémonie

« Pas notre intérêt de discuter avec les responsables russes »

Le ministre français des Affaires étrangères Stéphane Séjourné s’est rendu au Kenya et au Rwanda, puis en Côte d’Ivoire. Dans ce dernier pays, à Abidjan, il a accordé une interview à France 24 et RFI.

Il a affirmé qu’une rupture de contact avec la Russie était nécessaire. C’est un acte de militarisme assumé.

Le prétexte, c’est la discussion téléphonique récente entre le ministre français des Armées Sébastien Lecornu et son homologue russe Sergueï Choïgu. Emmanuel Macron avait dénoncé le compte-rendu russe de la discussion comme « baroque et menaçant ».

Stéphane Séjourné s’appuie dessus pour justifier la rupture.

« Ce n’est pas aujourd’hui notre intérêt de discuter avec les responsables russes puisque les communiqués qui sortent, les comptes rendus qui en sont faits sont mensongers. »

Jusqu’à quand cela durera-t-il? Eh bien, pas moins que jusqu’à la « défaite » souhaitée de la Russie.

« Il faut peut-être d’abord établir la confiance et surtout avoir une évolution sur le terrain militaire en Ukraine pour que les relations puissent se renouer. »

Le ministre des Affaires étrangères a tenu à souligner que les aides militaires au régime ukrainien ne s’arrêteront pas.

« Les Européens seront au rendez-vous de l’aide dans la durée, et cela il faut que tout le monde en soit convaincu. C’est une question existentielle pour l’Europe. »

Il a même pris en prétexte le retrait américain de l’engagement en Ukraine pour dire qu’on ne pourrait pas avoir totalement confiance en les Etats-Unis et qu’il faut une « défense européenne ». C’est là le nouveau masque « gaulliste » de la démagogie française. En réalité, la superpuissance américaine a délégué à ses vassaux européens le soutien au régime ukrainien.

Le ministre français des Affaires étrangères a également promis des « annonces » lorsque le président Emmanuel Macron se rendra à Kiev.

La narration continue donc, sans accrocs ; le story-telling pour la guerre contre la Russie est bien en place et ne connaît pas d’interruption. Rien qu’à lire la chronologie depuis le 26 février 2024, on comprend tout, les faits parlent d’eux-mêmes. Guerre à la guerre!

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Culture & esthétique

Comment lire Guerre & Paix de Tolstoï ?

C’est une œuvre majeure de la littérature mondiale, un joyau universel qu’on se doit d’avoir lu comme il faut avoir vu La flûte enchantée de Mozart.

Guerre & Paix, ou La guerre et la paix, consiste en un gigantesque tableau d’art littéraire, écrit avec une finesse marquante et beaucoup de profondeur, de relief. On en sort aussi satisfait que grandi et meilleur. Autrement dit, plus cultivé.

L’œuvre a une résonance toute particulière pour les Russes, car c’est l’une de leurs fiertés nationales, mais aussi pour les Français, car il y est beaucoup question de la France. D’ailleurs, il y a énormément de passages en français dans le texte original, les personnages étant des aristocrates parlant régulièrement le français, la langue des cours européennes de l’époque. Les éditions françaises impriment normalement ces passages en italique pour les différencier du reste qui est traduit.

Guerre & Paix est un roman historique, de type réaliste, dont le cœur de l’intrigue est la guerre de la France, à travers la figure de Napoléon, contre la Troisième coalition (l’Empire russe, l’Empire d’Autriche, le Royaume-Uni et la Suède).

On dit le cœur de l’intrigue, car c’est de cela dont il s’agit, mais on peut tout aussi bien considérer que ce n’est que prétexte ; en fin de compte, Lev Nikolaïevitch Tolstoï parle de bien plus que de cela dans son roman. Il y sonde l’âme russe, c’est bien connu, mais aussi l’Humanité en général, dans son rapport intime et particulier à la guerre, à cette horreur transcendante et bouleversante qu’est la guerre. Mais cela est fait de manière complexe, assumant toute la subtilité de la politique, jamais avec mièvrerie.

En 2024, alors que la France assume pratiquement ouvertement son intention de faire la guerre à la Russie, et que la Russie assume encore plus ouvertement de tuer en priorité tous les soldats français qui se dresseraient sur son chemin, le roman a une résonance encore plus particulière. Il faut lire ou relire Guerre & Paix de Tolstoï !

Seulement voilà, ce n’est pas une œuvre facile à aborder. D’abord quantitativement : pour une édition classique en français, c’est grosso modo deux milles pages ! Mais aussi qualitativement, car la lecture de ce livre demande un certain effort, particulièrement pour suivre la longue et précise suite de personnages qui se succèdent et s’entremêlent, tout cela au milieu de beaucoup d’autres qui ne font que passer.

Il faut donc trouver une méthode. La première chose, c’est d’assumer l’effort. Il faudra pour lire ce livre de la concentration. Le plus souvent, on sera porté par l’intrigue et les pages se succéderont avec délice. Mais parfois, on se retrouvera plusieurs minutes sur la même page, car il aura fallu réfléchir un peu plus en profondeur ou relire plusieurs fois, pour s’y retrouver, quitte à aller chercher ailleurs des informations, du vocabulaire.

Une fois cela su et assumé, c’est bien plus facile.

La seconde chose à faire, en tous cas pour la plupart des gens, c’est de dresser au fur et à mesure une liste précise et rigoureuse des protagonistes, d’autant plus qu’ils changent souvent d’appellation (qu’ils soient désignés avec ou sans le nom de famille, ou bien par un des nombreux diminutifs typiquement russes). Seuls les lecteurs les plus aguerris peuvent s’en dispenser. Nous allons proposer ici un exemple pour les premières pages.

Mais avant cela, une présentation de l’intrigue et du contexte historique est nécessaire.

En juin 1805, l’aristocratie mondaine de Saint-Pétersbourg (capitale de l’Empire) est obnubilée par Napoléon, devenu « Empereur ». La guerre est de toutes les conversations, avec en arrière plan la question de la révolution démocratique bourgeoise française qui chamboule l’élite russe et les émigrés français qui se sont réfugiés dans le pays.

Le monde change littéralement de base à cette époque, des centaines d’années d’Histoire féodale européenne étant renversées par la modernité bourgeoise.

On suivra d’abord quelques mondanités, dans la capitale puis à Moscou. La deuxième partie du Livre 1 (au bout d’un peu moins de 200 pages) sera ensuite consacrée au front, avec bientôt la fameuse bataille d’Austerlitz.

Les premières lignes servent à introduire quelques principaux protagonistes, au moyen d’une soirée organisée chez elle par Anna Pavlovna Schérer (favorite de l’impératrice).

Voici le début de la liste des personnages à connaître dans un premier temps, et à garder sous la main, par exemple sur une feuille cartonnée qui fera office de marque-page.

  • Le Prince Basile Kouraguine, très installé dans le monde. Il a trois enfants, jeunes adultes.
  • Anatole Kouraguine (fils du Prince Basile), intenable.
  • Hippolyte Kouraguine (fils du Prince Basile), mondain.
  • Hélène Kouraguine (fille du Prince Basile), mondaine et courtisée.
  • Pierre, fils illégitime du Comte Cyrille Vladimirovitch Bézoukhov (mourant), personnage principal du roman, souvent considéré comme la « voix » de Tolstoï lui-même. Il est hébergé par le Prince Basile à Saint-Pétersbourg.
  • André Bolkonski, proche de Pierre, s’apprête à partir au front comme aide du camp du Général Koutouzov (figure historique réelle).
  • Lise Meinen, femme d’André Bolkonski, enceinte.
  • Princesse Anna Mikhaïlovna Droubetskoï, ancienne du monde, cherche à placer son fils Boris.
  • Boris Droubetskoï, jeune adulte, se place habilement dans la société moscovite.
  • La famille Rostov avec le père le Comte Ilia, la mère la Comtesse Natalia Rostov, née Chinchine, les enfants Véra, Natacha et Nicolas, ainsi que leur cousine Sonia.

C’est normalement une très bonne base, pour appréhender l’œuvre confortablement, en mettant de côté beaucoup de personnages relativement secondaires. Cela dépendra de chacun, mais on peut considérer que cette liste suffira pour les deux cents premières pages.

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Refus de l’hégémonie

De l’élection présidentielle russe à l’attentat de Moscou

Quand on est dans une situation de crise, les choses vont vite, et elles tournent mal autant qu’elles le peuvent. Le 26 février 2024 est ici une date fatidique, celle qu’on verra posteriori comme une date maudite, celle du commencement d’un tourbillon sanglant.

Les 15-17 mars 2024, il y avait donc l’élection présidentielle russe. C’était l’occasion pour le régime de prouver qu’il a une hégémonie à tous les niveaux sur la société russe. Avec 77,5% de participation et Vladimir Poutine réélu avec 88,5% des voix, on est dans la démonstration de force.

Naturellement, les pays occidentaux se sont empressés de dénoncer une manipulation des mentalités et des votes par le régime, comme si une telle chose n’existait pas en occident. Surtout en France où Emmanuel Macron a été tiré du jour au lendemain du chapeau de la haute bourgeoisie moderniste. Mais, dans tous les cas, ce qui compte est que le régime russe a prouvé sa stabilité.

D’où les propos, quelques jours après, de Dmitrï Peskov, porte-parole du Kremlin, tenus au média Argoumenty i Fakty :

« Nous nous trouvons en situation de guerre. Oui, cela a commencé comme une opération militaire spéciale. Mais dès que toute cette bande s’est formée, quand l’Occident dans son ensemble a participé à tout cela aux côtés de l’Ukraine, pour nous, c’est devenu une guerre. J’en suis convaincu et chacun doit le comprendre. »

Et voilà que se passe alors, le 22 mars 2024, un effroyable attentat en périphérie de Moscou. L’État islamique a envoyé ses sbires tirer à l’arme automatique sur la foule d’un concert, comme au Bataclan. Il y a eu 133 morts, une centaine de blessés, alors que la salle de concert, le Crocus City Hall, a été incendié.

De manière notable, le président russe a affirmé dans une allocution télévisée la chose suivante :

« C’est une tuerie de masse préméditée, ils étaient déterminés à fusiller nos citoyens comme les nazis à l’époque qui fusillaient les gens sur nos territoires occupés. »

C’est une référence directe à l’Allemagne nazie voulant tuer les Slaves ou les mettre en esclavage, et indirectement aux nationalistes ukrainiens historiquement qui lui était alliée. Et, à tort ou à raison, la Russie a accusé le régime ukrainien d’être lié à l’attaque, d’autant plus que les assaillants ont été arrêtés alors qu’ils cherchaient à passer en Ukraine depuis la Biélorussie.

Quand on dit à tort ou à raison, c’est plutôt à raison si on prend les apparences, car il n’est pas un secret que de nombreux islamistes sont actifs en Ukraine, comme composante du projet de dépecer la Russie. L’objectif ici, c’est un Caucase islamiste et la « cause » djihadiste en Syrie.

Pour renforcer encore plus la problématique, il y a eu l’avertissement fait début mars 2024 par l’ambassade américaine en Russie qui aurait eu « des informations selon lesquelles des extrémistes ont des plans imminents de cibler de grands rassemblements à Moscou, y compris des concerts ».

Peu importe, de toutes façons. Ce qui compte, c’est que l’État islamique s’est concrètement aligné sur la superpuissance américaine. En cela, l’État islamique agit comme tous les pays occidentaux qui cherchent à tirer profit de la situation.

Les islamistes agissent également comme tous les sites et blogs des gens fascinés par les guerres, les armées et les informations à ce sujet (comme le site opex360), ainsi que toute la scène activiste d’extrême-Droite. Tout un petit monde d’aventuriers s’imagine qu’il y a à vivre l’effondrement de la Russie, et à en profiter.

Et qui converge également avec ces aventuriers ? Toute une fausse Gauche occidentale qui s’empresse ne pas du tout parler de l’escalade militaire française. C’est un silence tout à fait révélateur d’une nature corrompue au sein d’une grande puissance capitaliste qui se permet d’avoir des rebelles ne franchissant surtout pas les lignes rouges (Lundi Matin, le NPA, la Jeune Garde, l’UCL, le PCRF, l’OCML-VP, l’UC, le PCOF, la CDP, etc.)

En bref, le monde brûle. Et il va continuer de brûler, il ne faut pas se leurrer. Pour sortir de la crise commencée en 2020, les puissances occidentales entendent découper la Russie en morceaux, et nous, nous devons nous opposer aux initiatives de notre capitalisme. C’est le défaitisme révolutionnaire de Rosa Luxembourg et de Lénine. C’est la voie juste, celle du drapeau rouge.

L’alternative est chaque jour plus évidente : Socialisme ou barbarie!

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Refus de l’hégémonie

Zelensky à Paris pour l’accord France-Ukraine

Le 16 février 2024 après-midi, la France a signé un accord militaire historique avec le régime ukrainien, alors que le matin un accord du même type a été signé entre l’Ukraine et l’Allemagne. Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a tout fait dans la journée.

Cela est décidé en toute opacité, sans que le Parlement français ne s’en émeuve d’ailleurs. Tout le monde est aligné sur la superpuissance américaine.

Si la France était déjà largement engagée dans l’hostilité à la Russie, elle est maintenant officiellement liée au régime nationaliste ukrainien, et surtout à un accord militaire ouvertement dirigé contre la Russie.

Il s’agit ni plus ni moins que d’une préparation politique et juridico-pratique à un engagement militaire direct de la France contre la Russie.

Cet engagement se produira très certainement en partenariat avec la Roumanie (des accords étant déjà signés), alors que l’Allemagne s’engagera au niveau de la Pologne. Un accord pour un « corridor » militaire entre l’Allemagne, les Pays-Bas et la Pologne, facilitant le passage des troupes et du matériel, a déjà été signé le 30 janvier 2024 (l’armée néerlandaise est également déjà un satellite de l’armée allemande).

Lors du discours qui a suivi immédiatement cette signature, Emmanuel Macron a eu des mots très forts contre la Russie, racontant au passage n’importe quoi sur la situation de ce pays (catastrophe économique, émigration massive, absence de crédibilité internationale, volonté d’agresser d’autres pays, etc.).

Il a en tous cas affirmé plusieurs choses, aux conséquences très graves diplomatiquement, indiquant un changement radical de posture de la part de la France.

La première (nous soulignons) :

« La Russie a durci ses postures agressives pas seulement contre l’Ukraine mais contre nous tous.

Aujourd’hui, c’est une nouvelle phase.

La Russie de Vladimir Poutine est devenue un acteur méthodique de la déstabilisation du monde ».

La seconde :

« Ces derniers mois des manœuvres de désinformation, de manipulation de l’information et des attaques cyber se sont systématisées et intensifiées.

La Russie a franchi plusieurs seuils à l’égard des démocraties européennes.

Ce changement de posture marque une volonté d’agression à notre endroit.

L’intensification des agressions, leur changement de nature et les seuils franchis exigent un sursaut collectif. »

Emmanuel Macron affirme donc que la Russie agresse la France. C’est là le discours d’un dirigeant préparant une guerre, c’est typiquement ce que disent tous les dirigeant avant de lancer une guerre.

Plus loin dans son discours, d’ailleurs très court, il a évoqué ouvertement le sujet de l’engagement militaire français (sous l’égide de l’Europe et de l’Otan, car la France n’est qu’une colonie américaine bien entendu).

« Si on voit les choses advenir, une nouvelle phase s’ouvrir, il faut avoir la lucidité d’ouvrir une phase de réflexion stratégique et opérationnelle. »

Une réflexion « opérationnelle », cela signifie la guerre.

Et comme pour souligner cette possibilité tout à fait concrète de la guerre française contre la Russie, Emmanuel Macron a cru bon de préciser que ce n’est actuellement pas le cas, sous-entendant que ça pourrait devenir le cas.

« Que les choses soient claires, la France n’est pas en guerre contre la Russie, ni le peuple russe ».

Toutefois, il a précisé après des engagements très fermes contre la Russie. Il a eu cette phrase particulièrement hostile, mais qui ne consiste en rien de nouveau depuis 2022 :

« Nous sommes décidés à faire échec à la guerre d’agression de la Russie contre l’Ukraine ».

Par contre, radicalisant sa position, il a dit que la France est maintenant prête à « bousculer les habitudes », à « en faire davantage », appelant à un « effort de réarmement ».

Dans cette optique, 3 milliards d’euros doivent donc officiellement être distribués à l’Ukraine en 2024, après 1,7 milliards en 2022 et 2,1 milliards en 2023 d’après le Président français.

Précision ici une chose très importante. Cette prise de position française (qui est la même que celle des deux autres grands vassaux américains que sont le Royaume-Uni et l’Allemagne), intervient à un moment très particulier où l’Ukraine connaît une situation très difficile sur le plan militaire.

L’annonce le 17 février 2024 de la prise d’Avdiïvka par la Russie (l’Ukraine parle de son côté d’un retrait volontaire et sans conséquence…) est un moment marquant. C’était une position stratégique de l’armée ukrainienne depuis 2014, contre les régions séparatistes. La stratégie russe d’attrition, d’encerclement minutieux et de pilonnages de cibles très précises porte ses fruits, alors que le matériel occidental offert à l’Ukraine ne permet pas de faire de différence.

Il ne peut maintenant plus y avoir que deux solutions : soit l’Ukraine périclite rapidement, et il y aura des négociations, soit ce sera l’escalade, avec un engagement militaire directe de l’occident.

C’est précisément ici qu’intervient l’accord militaire signé entre la France et l’Ukraine, avec ses conséquences immenses. Pour dire les choses très simplement, cet accord consiste à faire comme si l’Ukraine était membre de l’Otan, tout autant qu’elle prépare son adhésion.

On l’aura compris, cela engage mutuellement les deux pays en cas de conflit futur, ou d’escalade. C’est plus qu’une alliance, c’est la formation d’un bloc militaire. On sait ici très bien qu’il s’agit du bloc occidental, dirigé par la superpuissance américaine, avec en ligne de mire la superpuissance chinoise.

L’Allemagne et le Royaume-Uni ont signé le même type d’accord avec l’Ukraine.

Toujours est-il que cela est maintenant très concret, avec des engagements signés noir sur blanc. De manière générale, il est question du soutien militaire mutuel entre les deux pays, dans la perspective de l’Otan, ainsi que d’une dénonciation aussi forte que systématique de la Russie.

Ce passage est typique :

« Le Participant français contribuera au développement des capacités de protection des infrastructures critiques de l’Ukraine, y compris par des moyens militaires, en donnant la priorité, sans s’y limiter, aux capacités modernes de défense aérienne.

Les Participants envisageront des programmes conjoints d’enseignement et de formation pour les spécialistes de la protection des infrastructures critiques. »

Surtout, l’alliance militaire totale pour l’avenir est gravée dans le marbre, obligeant pratiquement l’engagement directes des deux partie en cas de nouveau conflit :

« En cas de future agression armée russe contre l’Ukraine, à la demande de l’un ou l’autre des Participants, les Participants mèneront des consultations dans les 24 heures pour déterminer les mesures nécessaires pour contrer ou dissuader l’agression.

Dans ces circonstances, et conformément à ses obligations légales et constitutionnelles, le Participant français fournira à l’Ukraine une assistance rapide et soutenue en matière de sécurité, des équipements militaires modernes dans tous les domaines, selon les besoins, et une assistance économique ; il imposera des coûts, économiques notamment, à la Russie et consultera l’Ukraine sur ses besoins dans le cadre de l’exercice de son droit à la légitime défense consacré par l’article 51 de la Charte des Nations unies. »

Forcément, il n’est pas précisé en quoi consisterait une « nouvelle agression armée russe contre l’Ukraine »… Au passage, il est bien préciser que l’assistance doit se faire dans les deux sens.

« Les Participants s’efforceront de faire en sorte que les capacités militaires de l’Ukraine soient d’un niveau tel qu’en cas d’agression militaire extérieure contre la France, l’Ukraine soit en mesure de fournir une assistance militaire efficace. Les modalités, le format et la portée de cette assistance seront déterminés par les Participants. »

Enfin, ou surtout, l’accord interdit de faire à l’Ukraine toute négociation de paix. L’Ukraine est entièrement vassalisées par la France (qui est elle-même un vassal américain) pour servir de chair à canon contre la Russie.

Il s’agit du point 14, intitulé « Redevabilité ».

« Les Participants réaffirment leur engagement à tenir la Fédération de Russie pour responsable des pertes ou des dommages causés à des personnes et à des entités, ainsi qu’à l’État ukrainien, du fait des actes internationalement illicites qu’elle a commis en Ukraine ou contre l’Ukraine, y compris son agression en violation de la Charte des Nations Unies.

Les Participants réaffirment qu’il ne doit pas y avoir d’impunité pour les crimes de guerre et autres atrocités et que la Fédération de Russie doit en assumer la responsabilité juridique, notamment en réparant tout dommage causé par de tels actes, ce qui contribuera également à dissuader de futures agressions et à soutenir la résilience de l’Ukraine. 

Les Participants s’efforceront de demander des comptes aux responsables de crimes de guerre et d’autres crimes internationaux, commis en Ukraine ou contre l’Ukraine dans le contexte de la guerre d’agression de la Russie, conformément au droit international, notamment en soutenant les travaux du bureau du procureur général de l’Ukraine et de la Cour pénale internationale afin de garantir que les allégations de crimes de guerre fassent l’objet d’enquêtes complètes et équitables menées par des mécanismes juridiques indépendants, efficaces et robustes.

Les Participants poursuivront leur engagement au sein du « Groupe sur les options pour la création d’un tribunal sur le crime d’agression contre l’Ukraine ». »

Nous sommes à l’aube d’une troisième guerre mondiale, et la France, notre pays, participe activement à l’escalade menant à ce conflit. Il faut dénoncer l’escalade militaire, il faut dénoncer l’Otan, il faut saboter les plans militaire français de guerre contre la Russie !

Telle est l’actualité réelle, principale, essentielle de notre époque. Tout se définit par rapport à ça !

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Refus de l’hégémonie

Navalny : du RN à LFI, tous pour la guerre contre la Russie

Décédé le 16 février 2024, Alexeï Navalny était un homme politique russe sur une ligne brutalement populiste et nationaliste, qui a eu un tournant pro-Union européenne et pro-Otan. Il est alors devenu la principale figure de l’agitation pro-occidentale en Russie durant les années 2010.

C’est pourquoi toutes les forces politiques françaises le pleurent, depuis Marine Le Pen jusqu’à Jean-Luc Mélenchon. La France est entièrement aux mains du capitalisme occidental et de son objectif qui est l’affrontement militaire avec la Russie pour se l’approprier. En perdant Alexeï Navalny, elles perdent leur espoir d’un soulèvement interne pro-occidental en Russie.

Alexeï Navalny lors d’une manifestation à Moscou en 2012, wikipédia

C’est que les forces libérales en Russie sont totalement déconnectées de la réalité russe et le plus souvent composées de gens habitant en occident. Leur impact, leur influence, leur marge de manœuvre sont totalement nulles. Avec Alexeï Navalny, cela devait changer. Une alliance devait permettre de concrétiser un assemblage de forces, absurde mais efficace, pour chercher à modifier le régime.

Alexeï Navalny a ainsi obtenu 27,2% des voix aux élections municipales de Moscou en 2013. Quant à ses propres opinions politiques, il les a passés sous silence alors, afin d’émerger comme figure de proue d’une contestation appelant à un tournant « occidental ». C’est la raison pour laquelle tous les médias occidentaux n’ont cessé depuis de l’encenser.

Alexeï Navalny en procès en 2021, photo d’Evgeny Feldman, wikipédia

En fait, pour insister dans l’analyse, l’alliance n’est pas si absurde, car Alexeï Navalny était un nationaliste russe au sens ethnique (et raciste) du terme. Il pouvait donc converger avec la logique occidentale (et nationaliste ukrainienne) de démantèlement de la Fédération de Russie.

La figure de Navalny permettait tout à fait le discours comme quoi la Russie est une dictature depuis toujours, un empire « moscovite » pratiquant la violence aveugle, etc. L’objectif est très clair ici, c’est la destruction de la Russie comme nation. Alexeï Navalny voulait terminer président ou dictateur d’une petite « Moscovie » instaurée par l’occident.

Sondage en ligne du Figaro œuvrant à la propagande belliciste

Alexeï Navalny, profitant des appuis libéraux pro-occidentaux, avait cherché à taper où cela fait mal, afin d’obtenir un succès dans les masses. Il avait pour cette raison fait de la lutte contre la corruption son thème de prédilection.

C’est alors que les « mésaventures » arrivèrent. Il écope notamment de cinq ans de camp avec sursis en juillet 2013 pour… détournement d’argent, et en 2020 il part se faire soigner à Berlin, selon les occidentaux en raison d’un empoisonnement avec un produit neurotoxique militaire russe.

Revenu en Russie en janvier 2021, le sursis fut révoqué, ce qui provoqua des manifestations (avec 10 000 arrestations). L’occident tenta de lui sauver la mise en lui accordant le « prix Sakharov de défense de la liberté de pensée » en octobre 2021.

La réponse fut qu’il a ensuite été considéré comme coupable d' »escroquerie » et « outrage à magistrat », avec en mars 2022 une peine de 9 ans de prison. Un an plus tard, c’est la condamnation pour « extrémisme » à 19 ans de prison, et l’emprisonnement dans la colonie pénitentiaire de Kharp, dans l’Arctique russe, où il est décédé.

La mort d’Alexeï Navalny, juste avant l’élection présidentielle de mars 2024, a été le point culminant de toutes les années 2010, années où le régime russe s’est débarrassé en pratique à la fois de toutes les structures libérales, mais aussi de toutes les structures nationalistes racistes pourtant très puissantes.

Alexeï Navalny lors d’une manifestation à Moscou en 2017, photo d’Evgeny Feldman, wikipédia

La mort d’Alexeï Navalny douche les espoirs occidentaux, alors qu’en plus l’armée russe commence à prendre le dessus dans son conflit militaire avec le régime ukrainien. D’où la vague complète de propagande dénonçant la Russie comme le mal absolu, afin d’accorder à l’occident toutes les qualités.

Les deux grandes figures du libéralisme ont été en première ligne : le président français Emmanuel Macron a expliqué que « dans la Russie d’aujourd’hui, on met les esprits libres au goulag », et le premier ministre canadien Justin Trudeau a déclaré que le président Vladimir Poutine était « un monstre ».

Et derrière la critique libérale, il y a surtout le fait de faire la guerre à la Russie. Emmanuel Macron a ouvertement parlé de guerre avec la Russie, présentée naturellement comme à l’origine de l’agression.

« La mort de Navalny nous a tous bouleversés. Elle rappelle de la plus tragique des manières la dureté du régime du Kremlin.

La Russie est entrée dans une nouvelle phase. Une phase d’agression à l’égard des pays européens. Et de durcissement dans son pays où une forme d’impunité s’est installée : tuer les opposants et interdire les autres candidats. »

Le responsable britannique des Affaires étrangères, David Cameron, a affirmé que « Poutine doit rendre des comptes pour ce qui s’est passé, personne ne doit douter de la nature épouvantable de son régime ». Son homologue américain, Antony Blinken, a expliqué que  « la Russie est responsable de cette situation ».

La première ministre italienne, Georgia Meloni, a parlé d’un « nouvel avertissement pour la communauté internationale ». Et c’est un bon exemple, car elle est d’extrême-Droite et alignée sur l’Otan. C’est bien ce qui se passe, en France également.

On sait qu’en France, on lit souvent que le Rassemblement national ou La France insoumise seraient opposés à l’Otan ou à la superpuissance américaine. C’est totalement faux, ils se sont alignés, et ce depuis le début du conflit en Ukraine. Les forces jouant sur le nationalisme s’alignent immanquablement sur les intérêts nationaux bourgeois, et comme la France est désormais un satellite de la superpuissance américaine…

Jordan Bardella, à la tête du Rassemblement national avec Marine Le Pen, a publié le message suivant sur X/Twitter :

« Alexeï Navalny est mort dans la prison de l’Arctique où il purgeait une peine de 19 ans pour son opposition au régime. C’est une nouvelle tragique pour tous les défenseurs des droits humains et des libertés fondamentales. »

Marine Le Pen a salué sobrement Navalny comme un « militant politique engagé dans la défense de la démocratie »; elle avait tenté de profiter du soutien de la Russie (qu’elle avait également obtenu en un certain sens, notamment avec un prêt bancaire), alors elle évite d’en faire trop. Mais son alignement sur la superpuissance américaine et l’Otan est totale.

Jean-Luc Mélenchon a lui aussi salué Navalny, « au-delà des désaccords ». Une bonne expression pour signifier l’Union sacrée autour des intérêts de l’occident.

Alexeï Navalny était un nationaliste associé au libéralisme, que pouvait-on attendre d’un type pareil, qui espérait simplement parvenir au pouvoir en « Moscovie » par la main-mise occidentale sur la Russie dépecée ?

C’est là qu’on voit la convergence générale avec les visées impérialistes occidentales de la part de tout le personnel politique français, et également de la société française, corrompue par la société de consommation.

Il a été dit ici et il est donc répété : oui, la France est en guerre avec la Russie, une guerre dirigée par la superpuissance américaine, et à l’arrière-plan l’actualité réelle sur le plan mondial, c’est la confrontation entre les superpuissances américaine et chinoise.

Toute l’agitation française en faveur de Navalny est à la fois une contribution à la marche vers la guerre mondiale de repartage du monde et un reflet de cette guerre déjà installée dans le paysage.

Il faut assumer la position de la Gauche historique et affirmer que l’ennemi est dans notre propre pays. Pour la défaite de l’Otan – et la déroute de l’Occident !

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Refus de l’hégémonie

L’Ukraine veut annexer une partie de la Russie

Cette fois, c’est officialisé. Le régime ukrainien compte annexer les régions de Belgorod, de Briansk,de Koursk, de Voronej et de Rostov, ainsi que le kraï de Krasnodar. C’est officialisé par un décret présidentiel.

Nous avions déjà parlé de la carte – en fait, nous avons même été les seuls à le faire –  qu’on trouvait dans les bureaux de Kyrylo Boudanov, le directeur du renseignement militaire ukrainien.

Cette carte montre justement le découpage de la Russie en plusieurs zones, avec une partie à l’ouest annexée par l’Ukraine.

Kyrylo Boudanov, par ailleurs, nie dans une interview au Financial Times du 20 janvier 2024 que l’Ukraine se retrouve dans une situation militairement catastrophique. Il faut dire que c’est là un quotidien britannique au service de la grande bourgeoisie du pays ; il appelle ainsi à confisquer tous les avoirs russes en Europe !

C’est Robert Zoellick, ancien Secrétaire d’État adjoint des États-Unis et président de la Banque Mondiale, qui se charge de cette mission d’évangélisation en ce sens. Il dit : les contribuables risquent de râler, par contre si on prend l’argent russe, c’est une manière « élégante » de combattre la Russie.

C’est une fuite en avant belliciste, et le régime de Kiev, cette marionnette au service des Etats-Unis (et de la Grande-Bretagne) a donc justement d’officialisé la carte de Boudanov. L’Oukase présidentiel n°17 du 22 janvier 2024 affirme que des territoires appartenant à la Russie sont en fait historiquement ukrainiens.

On notera que les nationalistes ukrainiens exigeaient déjà cela en 2014, comme ici repris par des soutiens français.

C’est une preuve de plus que le nationalisme ukrainien est l’arrière-plan du régime, de l’armée et de l’idéologie diffusée dans tous les pays.

Nous aurions aimé dire le contraire : nous avons alerté pendant six mois, avant le début du conflit, sur la menace russe pesant sur l’Ukraine, expliquant que la guerre était inéluctable.

Mais que faire, le régime ukrainien s’est révélé un pur outil américain pour détruire la Russie. C’est au suicide d’une nation auquel on assiste.

Voici un exemple ce cela avec Le Figaro et l’AFP, début janvier 2024.

Des symboles nazis tatoués

L’Ukraine paie cela très cher : des voix se sont fait entendre pour que le régime reconnaissance qu’il y a eu 500 000 soldats blessés ou morts, alors que de manière officielle il est prévu de mobiliser 500 000 soldats de plus.

On n’y échappera pas, le nationalisme ukrainien est jusqu’au boutiste, il ne veut pas « protéger » l’Ukraine, mais détruire les « Moscovites ».

Le décret signé par Vladimir Zelensky rentre dans cette narration nationaliste. Il dit en ce sens qu’il faut reconnaître que les territoires concernés en Russie sont ukrainiens, et que la Russie a commis des crimes contre les Ukrainiens: c’est la fameuse thèse délirante de l’Holodomor.

Comment les Ukrainiens ont-ils pu accepter cette thèse délirante alors qu’ils parlent pour beaucoup russe, ont de la famille en Russie, sont liés à la culture russe, cela reste la grande question et cela montre bien que le nationalisme est capable de profondément aveugler.

Puis, le décret dit qu’il faut associer ce projet aux « peuples asservis par le Russie ». C’est là où on rejoint la carte de Boudanov et le projet de dépecer la Russie, au nom d’une « décolonisation ». C’est la conception nationaliste ukrainienne comme quoi les Russes ne seraient que des « Moscovites ».

On remarquera au passage que la ligne ukrainienne est ethno-nationaliste, alors que justement la Russie se présente comme une fédération. Cela explique la scission dans l’extrême-Droite française entre les ethno-nationalistes (qui forment la quasi totalité des troupes et soutiennent à fond le régime ukrainien, et de fait l’Otan) et les conservateurs / traditionalistes rêvant d’un empire décentralisé.

Pour l’extrême-Droite française, le régime ukrainien est le fer de lance de l’occidentalisme, de la « pureté » nationale, contre le mélange des peuples, fut-ce dans une Fédération.

Voici les extraits fondamentaux du décret, avec sa construction juridico-idéologique rentrant dans le cadre du dépeçage de la Russie.

À propos des territoires de la Fédération de Russie historiquement habités par les Ukrainiens

Compte tenu du fait qu’au fil des siècles, la Russie a systématiquement commis et continue de commettre des actions visant à détruire l’identité nationale, à opprimer les Ukrainiens, à violer leurs droits et libertés, y compris sur les terres historiquement habitées par eux dans le Kouban, Starodubshchyna, le nord et l’est de Slobozhanshchyna, dans le cadre de les limites des oblasts modernes de Krasnodar Krai, Belgorod, Briansk, Voronej, Koursk et Rostov de la Fédération de Russie,

soulignant la nécessité pour la Fédération de Russie de respecter ses obligations internationales visant à garantir aux Ukrainiens vivant sur ses territoires, y compris ceux historiquement habités par des Ukrainiens de souche, le droit de recevoir un enseignement en langue ukrainienne et son libre usage civil, social, culturel et religieux droits humains, accès aux médias de langue ukrainienne, droit de réunion pacifique (…)

le Cabinet des ministres de l’Ukraine devra élaborer, avec la participation d’experts internationaux, de représentants du Congrès mondial des Ukrainiens, de scientifiques et du public, et soumettre au Conseil national de sécurité et de défense de l’Ukraine un plan d’action pour préserver la sécurité nationale, l’identité des Ukrainiens dans la Fédération de Russie, y compris sur les terres historiquement habitées par eux (…).

Il s’agit de résoudre la question de la collecte et de l’étude des faits et des témoignages sur les crimes commis contre les Ukrainiens qui vivent (vécu) sur les territoires de la Russie, historiquement habités par des Ukrainiens de souche, sur la politique de russification forcée, de répression politique et de déportations des Ukrainiens, de restauration et de préservation de la mémoire historique, y compris en ce qui concerne la création d’un centre sur les questions spécifiées.

Il en va de l’intensification des travaux visant à lutter contre la désinformation et la propagande de la Fédération de Russie concernant l’histoire et le présent des Ukrainiens en Russie et de tous les peuples asservis par celle-ci, avec la participation de scientifiques, d’experts, de représentants du public ukrainien à l’étranger et d’organisations d’Ukrainiens à l’étranger, nationaux et étrangers, pour préparer et organiser des événements visant à démystifier les mythes russes sur l’Ukraine.

Il en va également du développement de l’interaction entre les Ukrainiens et les peuples asservis par la Russie ; il faudra assurer, en collaboration avec l’Académie nationale des sciences d’Ukraine, la préparation et la distribution en Ukraine et dans le monde de documents sur l’histoire de plus de mille ans de la formation de l’État ukrainien, les liens historiques des terres habitées par les Ukrainiens de souche avec l’Ukraine. formations d’États nationaux à diverses périodes historiques.

Comme on le voit, le régime de Kiev a plein d’ambitions… au service simplement du nationalisme ukrainien convergeant avec la superpuissance américaine.

C’est qu’on est à… la moitié de la guerre. En fait, soit elle se termine rapidement, entre janvier et juin 2024, soit elle durera deux ans de plus. Dans tous les cas, la Russie ne s’arrêtera pas avant Odessa et Kharkiv, avec alors une intervention de la Pologne à l’Ouest, provoquant une division de l’Ukraine en trois parties.

Nous sommes en France, pays de l’Otan, notre devoir est de combattre notre propre impérialisme, alors que la France a pris en plus la tête de la « coalition artillerie » pour l’Ukraine. Il faut saboter l’effort de guerre, la propagande belliciste, la soumission à la superpuissance américaine !

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Culture & esthétique

Casse-noisette va rétablir Noël

Noël est devenu un prétexte à l’achat de n’importe quoi sur internet, distribué n’importe comment dans des points relais. Tout est fait dans la précipitation et en même temps machinalement, et les cadeaux n’ont pas de personnalité, ils ne sont plus adaptés aux gens.

Les aristocrates ou ceux qui s’imaginent l’être diront qu’on a troqué la qualité contre la quantité. Ce n’est même pas sûr. Mais admettons, peut-on pour autant revenir en arrière? Pas du tout, il vaut mieux profiter de la capacité énorme des forces productives pour faire mieux.

Il suffit que les gens aient du goût et à ce moment-là ils choisiront de manière à la fois naturelle et culturelle. La magie de Noël pourra alors opérer, car s’adressant à chacun personnellement. Et qui peut faire tout cela? Casse-noisette qui remplace le père Noël !

Ce n’est pas seulement que le ballet Casse-noisette de Tchaïkovski est charmant, incontournable. C’est qu’il plaît de manière universelle et même s’il y a une dimension commerciale dans le phénomène, depuis plusieurs années en France la figurine du casse-noisette est devenue régulière au moment de Noël. C’est assez notable quand on sait que le régime ukrainien fait un lobbying de folie pour interdire tout ce qui est russe, Tolstoï et Dostoïevsky en tête.

De plus, il y a l’arrière-plan littéraire. Il est vrai que le roman d’Ernst Theodor Amadeus (E.T.A.) Hoffmann est assez difficile à lire et peut-être un peu sombre dans son ambiance, malgré la magie. Cependant, cela renforce la dimension culturelle. Un ballet, un roman… c’est autre chose que Coca-Cola ayant forcé l’introduction du Père Noël.

C’est d’ailleurs ici une contradiction qui doit nous intéresser en premier lieu. Il y a un côté désuet, passéiste dans Casse-noisette. Et c’est très bien, car cela montre bien que c’est un héritage historique. Exactement ce que le capitalisme ne supporte pas, de par son besoin de tout déconstruire, de tout recycler. Ce n’est pas non plus de l’idéalisme réactionnaire, car c’est de la vraie culture, allemande puis russe, atteignant l’universel.

Bref, c’est du classicisme et le socialisme défend le classicisme!

Noël a bien mérité un ballet, plein de légèreté et de féérie. Casse-noisette peut rétablir Noël, il en a les moyens. Il y a ici suffisamment d’ampleur, de profondeur, pour faire s’exprimer les esprits avec intelligence et bienveillance. C’est de cela dont les enfants ont besoin, et d’ailleurs Noël ne doit être que pour eux.

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Refus de l’hégémonie

Joe Biden en Israël contre Vladimir Poutine en Chine

L’actualité mondiale est la conquête de l’hégémonie de la part des grandes puissances. Cela donne en pratique une guerre larvée, d’influence, en plus des théâtres strictement militaires en Ukraine, en Arménie ou en Palestine. Le 18 octobre 2023 était un jour particulièrement marquant pour la grande bataille pour le repartage du monde, avec le dessin toujours plus net de deux grands blocs opposés.

Le premier, celui mené par la superpuissance américaine, tente de maintenir à tout prix ses acquis et ses positions. C’est pour cela que le président américain Joe Biden était en Israël, afin d’y affirmer son autorité au Conseil de guerre israélien.

Pour la forme, il est fait comprendre que les États-Unis soutiennent fermement Israël… et que ce dernier lui est soumis stratégiquement. Joe Biden a dit :

« À la suite de l’attaque terroriste du Hamas, qui était brutale, inhumaine, inimaginable, ce conseil s’est rassemblé, solide et uni. Je veux que vous sachiez que vous n’êtes pas seuls. Comme je l’ai déjà souligné, nous continuerons de soutenir Israël, alors que vous travaillez à la défense de votre peuple. Nous continuerons de travailler avec vous et les partenaires régionaux pour protéger des civils innocents d’autres tragédies. »

Israël est concrètement une base américaine au Proche-Orient, une base militaire, mais aussi politique et culturelle. Tout doit se définir par là. Alors Israël est prié de ne pas trop faire de vague, pour assurer les intérêts américains.

En début de semaine, le secrétaire d’État américain Anthony Blinken avait déjà assisté à l’intégralité du Conseil de sécurité israélien… qui s’était déroulé en bonne partie en anglais, et pas en hébreu moderne. Jamais un pays réellement indépendant ne pourrait accepter une telle supervision, bien entendu.

Et mercredi 18 octobre, pour affirmer sa main-mise, Joe Biden a expliqué notamment qu’il fallait l’entrée d’une aide humanitaire dans la bande de Gaza « au plus vite ». Il veut surtout limiter au maximum la portée politique néfaste mondialement d’un massacre de masse de la part d’Israël à Gaza.

L’armée américaine, qui a fait de grosses livraisons d’armes et de systèmes militaires à Israël, est donc sur le qui-vive dans la région pour faire en sorte que tout reste sous contrôle… et assumer l’escalade au besoin, mais selon les intérêts américains.

Après s’être rendu à Tel-Aviv, Joe Biden devait se rendre à Amman, en Jordanie pour y rencontrer le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas, ainsi que le roi Abdallah de Jordanie et le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi.

Il s’agit là de pays et d’une entité largement alignés en pratique sur les États-Unis, mais qui peuvent vite vaciller dans le contexte international. Et que s’est-il passé justement ? La visite a été annulée au dernier moment, officiellement en raison de l’explosion meurtrière survenue l’avant-veille sur le parking de l’hôpital al-Ahli, à Gaza. Il y a eu plusieurs centaines de morts et blessés graves selon le Hamas, quelques dizaines selon l’Union européenne.

Il y a eu tout un battage médiatique mondial pour accuser Israël, alors qu’en pratique l’attaque dans ces conditions d’une telle cible n’était pas cohérente. Israël explique de son côté qu’il s’agirait d’un tir de roquettes (ciblé ou manqué) de la part des brigades al-Qods, c’est-à-dire la branche armée du Djihad islamique palestinien (JIP), une organisation plus ou moins concurrente du Hamas (et liée à l’Iran, bien que sunnite).

Ce qu’il se passe en tous cas, c’est que les forces réactionnaires du monde arabe poussent de manière forcenée pour provoquer coûte que coûte un embrasement et se servent allégrement de cette tragédie autour d’un hôpital. Il y a notamment d’importants remous à Ramallah en Cisjordanie.

Pendant ce temps, la Chine assumait toujours plus clairement et ouvertement sa concurrence au bloc américain. Le 18 octobre 2023, elle recevait encore une fois Vladimir Poutine, le président russe. En l’occurrence pour des questions économiques, mais il a été rabâché à quel point les deux pays sont alignés, s’entendent sur les questions mondiales et veulent continuer leurs coopérations internationales.

Le président chinois a particulièrement insisté sur le « partenariat stratégique global de coordination sino-russe », expliquant que celui-ci est fondé sur un bon voisinage durable et une coopération mutuellement bénéfique, avec un engagement à long terme.

Le président russe a expliqué de son côté que :

« l’évolution du paysage international prouve pleinement le jugement stratégique du président Xi selon lequel le monde subit des changements sans précédent depuis un siècle. La Russie est prête à travailler avec la Chine pour renforcer la communication et la coordination au sein des BRICS et d’autres mécanismes multilatéraux, défendre le système international fondé sur le droit international et promouvoir la construction d’un système de gouvernance mondiale plus juste et équitable. »

Bien entendu, il a été question de la situation palestino-israélienne. Vladimir Poutine n’y est pas allé de main morte pour critiquer indirectement les États-Unis soutenant Israël, en leur opposant la création d’un État palestinien totalement « souverain et indépendant » et « avec Jérusalem comme capitale ».

Le même jour, mercredi 18 octobre 2023, le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov arrivait à Pyongyang en Corée du Nord pour deux jours et la Chine recevait les présidents du Kenya, du Nigeria et de l’Indonésie. La veille, elle recevait les dirigeants de Hongrie, du Chili, d’Éthiopie et du Kazakhstan.

La situation mondiale se tend clairement drastiquement, la guerre mondiale se dessine toujours plus nettement avec la concurrence pour l’hégémonie des deux grandes superpuissances que sont les États-Unis et la Chine (et son premier allié la Russie).

Rien n’échappe à la satellisation par les deux superpuissances à moins d’une ligne d’indépendance, fondée sur les principes de la Gauche historique. On n’y est pas, nulle part, et il le faut pourtant à tout prix pour indiquer le vrai chemin à suivre !

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Refus de l’hégémonie

Le nationalisme ukrainien et l’effacement de la Russie

Avant le conflit entre la Russie et l’Ukraine, agauche.org a pendant six mois alerté de l’imminence de ce drame historique et souligné la menace que cela faisait peser sur l’Ukraine. Le déclenchement du conflit a cependant fait basculer l’Ukraine dans un nationalisme forcené, totalement délirant, voulant effacer la Russie.

Le régime ukrainien n’est nullement actif « en défense » de l’Ukraine ; en réalité, son agenda est celui du nationalisme ukrainien combiné à celui de l’Otan, avec comme but la destruction de la Russie. Les exemples suivants montrent l’ampleur de cette fuite en avant nationaliste, où tombent les Ukrainiens qui espèrent obtenir les armes américaines et l’argent européen à l’infini.

La chanteuse d’opéra Anna Netrebko est une grande cible du nationalisme ukrainien

Prenons le prix Erich-Maria-Remarque, du nom du grand écrivain allemand auteur d’A l’Ouest rien de nouveau. Le prix est décerné par la ville allemande d’Osnabrück, dans une optique qui se veut démocratique-pacifiste. Il y a un prix principal et un prix spécial.

Pour 2023, le prix principal est allé à Lioudmila Oulitskaïa. C’est une Russe, opposante depuis longtemps à Vladimir Poutine (un « criminel »). Écrivain, elle s’est opposée à « l’opération militaire spéciale » (une « honte ») en Ukraine et s’est dans la foulée installée en Allemagne. Elle dénonce la Russie depuis plus d’une décennie comme acculturée, nationaliste, ayant une folie impérialiste des grandeurs.

Eh bien celui qui a reçu le prix spécial, le dessinateur ukrainien Serhi Maidukov, a catégoriquement refusé de recevoir son prix. Hors de question d’être aux côtés d’une Russe ! C’est là qu’on voit le degré de fanatisme du nationalisme ukrainien, qui profite de l’appui massif des occidentaux (Maidukov travaille pour les New Yorker, Wall Street Journal, Washington Post, Zeit, Guardian, des quotidiens bellicistes).

Éloge par Le Monde d’une émission d’Arte racontant avec fierté l’interdiction de ce qui est russe à l’opéra de Kiev (« Kiev, un opéra en guerre« )

La contagion est générale ; elle ne concerne pas que l’opéra où tout ce qui est russe est interdit. Prenons Andreï Kourkov, qui est le romancier ukrainien dont les œuvres ont été le plus traduites à l’étranger. Il est né… dans la banlieue de Leningrad et tous ses romans ont été écrit en russe ! Mais lui-même est pour la suppression de la langue russe désormais. Ce qui ne n’empêche pas qu’il soit dénoncé en Ukraine comme « un collaborateur au long cours » pour ses romans écrits en russe…

Au début de 2023, il y a eu, autre exemple, le festival Prima Vista, en Estonie. C’est un pays fanatiquement anti-Russie également. Néanmoins, des opposants étaient systématiquement invités. Or, cette fois, les poètes ukrainiennes Olena Huseinova et Anna Gruver ont refusé de venir. La raison a tenu à la présence de la poète russe Linor Goralik ! Cela va si loin qu’Olena Huseinova a également dénoncé un poète russe habitant aux Canada ayant pris partie dans ses œuvres pour les « victimes » du conflit à Marioupol et Boutcha. Selon elle, c’est de l’appropriation néo-coloniale.

La romancière Oksana Sabuschko s’est pris une volée de bois vert en disant qu’elle n’avait rien contre le fait que ses œuvres soient traduites en russe, tout comme l’historien Jaroslav Hryzak pour avoir accordé une interview au média russe d’opposition (et interdit) Meduza. Pareil pour le romancier le plus connu en Ukraine, Iouri Androukhovytch, qui a été critiqué pour avoir parlé avec le romancier russe Mikhaïl Chichkine à un festival littéraire en Norvège en septembre 2022. Ce Mikhaïl Chichkine, dont la mère est Ukrainienne, vit pourtant en Suisse depuis 1995, publie dans tous les journaux occidentaux anglophones et dénonce Vladimir Poutine depuis le départ !

Le nationalisme ukrainien est une idéologie qui, depuis sa fondation au 19e siècle, vise à l’effacement de la Russie. Cette dernière ne serait qu’un assemblage artificiel produit par la « Moscovie ». Il n’y a donc rien de « russe » à reconnaître. Et même les Russes opposés à « l’opération militaire spéciale » sont donc dénoncés comme des agents du colonialisme. Tel est le fanatisme du nationalisme ukrainien, dont un exemple terrible est la nomination en septembre 2023 d’un nouveau ministre de la défense ukrainien, après un scandale de corruptions.

On parle ici de Roustem Oumierov, né en Ouzbékistan et Tatar de Crimée, où sa famille est revenue en 1991 : les Tatars avaient été déportés en 1944 par l’URSS en raison de leur soutien à l’Allemagne nazie. On comprend par sa nomination que c’est un symbole de la visée ukrainienne sur la Crimée. Cette dernière est russe historiquement et jamais la Russie ne l’abandonnera : le fait de nommer un tel ministre de la Défense montre qu’aucune solution pacifique n’est envisagée ni envisageable par l’Ukraine.

Roustem Oumierov est passé par les États-Unis, notamment avec le « Future Leaders Exchange ». C’est un agent américain. Mais pas seulement : il parle d’ailleurs turc et on comprend le double jeu de la Turquie, qui compte bien faire un partenariat approfondi avec le belligérant victorieux, que ce soit la Russie ou l’Ukraine. Telle est la bataille pour le repartage du monde.

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Refus de l’hégémonie

Premier élargissement des BRICS

Le groupe Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud (Brics) s’est élargi à l’occasion de son 15e sommet en Afrique du Sud, à Johannesburg, du 22 au 24 août 2023. Un tel événement, une année et demie après le début du conflit armé entre la Russie et l’Ukraine, reflète la vague de fond qui est l’affirmation historique du tiers-monde contre l’hégémonie de la superpuissance américaine. Non seulement il n’y a pas d’alignement sur cette dernière, mais il y a même un soutien appuyé à son concurrent, la superpuissance chinoise.

La raison de cela, c’est que l’incroyable croissance du capitalisme dans la période 1989-2020, désormais brisée par la crise, a produit un développement massif de trop de pays pour que l’équilibre des forces ne soit pas remis en cause. L’affrontement sino-américain ne concerne pas que les États-Unis et la Chine. Tous les pays du monde participent, à leur échelle, à la grande bataille pour le repartage du monde.

Les BRICS forment le camp des outsiders les plus affirmés. Et les pays membres vont être rejoints en 2024 par l’Arabie saoudite, l’Égypte, les Émirats arabes unis, l’Argentine, l’Iran et l’Éthiopie.

L’exemple de l’Arabie Saoudite est très parlant. Son État a été construit littéralement artificiellement par les États-Unis en raison du pétrole. C’est tellement un satellite néo-colonial que lorsque Ben Laden avec Al-Qaïda tente une révolte justement néo-coloniale contre les États-Unis, cela n’a aucun impact véritable. Et vingt ans après les attentats du 11 septembre 2001, l’Arabie Saoudite s’émancipe de la tutelle américaine pour partir à l’aventure.

Autrement dit, des pays à moitié féodaux, largement soumis économiquement aux pays « riches », deviennent tout de même assez riches pour chercher à tirer leur épingle du jeu. En Argentine, le peuple est dans la misère, mais le pays a atteint une masse suffisamment grande pour tenter de rentrer dans le grand jeu.

Tel est l’appel d’air fourni par en priorité la Chine, mais également la Russie (à travers sa taille et ses ressources), à quoi s’ajoutent l’Inde qui est concurrente de la Chine mais a besoin d’espace face aux États-Unis, le Brésil qui se verrait bien dominer l’Amérique du Sud, l’Afrique du Sud qui aimerait bien devenir la puissance dominante dans la partie Sud de l’Afrique.

Les dirigeants des pays des BRICS dans sa version 2023

Toute une série de pays est d’ailleurs à la porte des BRICS. On parle ici des pays suivants en première ligne, même si la liste n’est pas précisément fixe : Afghanistan, Algérie, Angola, Bahreïn, Bangladesh, Biélorussie, Gabon, Indonésie, Kazakhstan, Mexique, Nicaragua, Nigeria, Pakistan, République démocratique du Congo, Sénégal, Soudan, Syrie, Thaïlande, Tunisie, Turquie, Uruguay, Venezuela, Zimbabwe. Les prochains adhérents seront certainement l’Algérie et le Nigeria, l’Indonésie et la Thaïlande.

Il va de soi que l’intégration des prochains pays est déjà programmé. Le fait d’avoir intégré un pays latino-américain, deux pays africains, trois pays moyen-orientaux, est un signal fort. Il s’agissait de souligner un peu l’interventionnisme sur le continent américain (chasse gardée des États-Unis selon la doctrine Monroe en 1823), beaucoup la perspective africaine, à la folie la mise à la disposition des ressources en pétrole et en gaz.

Ce qui est dit, c’est : « nous avons la masse en termes d’habitants, nous avons le grand poids lourd économique chinois et le grand poids lourds en ressources russe, le moyen-orient se moque de qui dominera du moment qu’il est de la partie, vous avez tout à gagner à nous suivre. »

Le conflit armé en Ukraine a fourni la première étape de la grande remise en cause, la question de Taïwan en fournira la seconde. C’est la fin de l’occident qui se joue.

Le président français Emmanuel Macron a tenté de rendre visite au sommet des BRICS : il s’est fait recaler. La France est désormais clairement considérée comme un simple satellite américain. Elle est en première ligne pour l’intégration de l’Ukraine dans l’Union européenne et dans l’Otan. Ce qui est tenté, c’est un partenariat France-Ukraine pour remplacer l’Allemagne comme force principale en Europe. Pour cette raison d’ailleurs, la droite allemande rage totalement du soutien « trop faible » du gouvernement socialiste allemand au régime ukrainien. L’extrême-Droite exige par contre une alliance avec la Russie.

Le président russe Vladimir Poutine n’a pas pu venir au sommet des BRICS non plus, en raison des poursuites pénales promues par l’occident, par l’intermédiaire de la Cour pénale internationale. C’est le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, qui l’a remplacé, afin d’éviter à l’Afrique du Sud de se retrouver dans un imbroglio juridique international.

Les pays membres ou futurs membres des BRICS ne veulent que prendre la place des pays riches. Cependant, ils affaiblissent historiquement l’ordre mondial, ils contribuent à la remise en cause de l’occident. Et ils portent une pierre bien trop lourde pour eux. La remise en cause totale de l’hégémonie américaine n’impliquera pas l’affirmation de la Chine (ou bien de manière très temporaire), mais bien du Socialisme, car c’est l’ensemble du système capitaliste mondial qui sera totalement ébranlé.

C’est la fin de l’occident et cette fin implique la fin du capitalisme. Et si l’occident croit dans sa quasi intégralité que tout restera tel quel, c’est en raison de l’aveuglement propre à une force en décadence. Le monde a totalement changé depuis 2020, il continue de changer et il ne s’arrêtera plus de changer jusqu’à l’effondrement général du capitalisme !

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Culture & esthétique

Les Français vus par Dostoïevski dans « Le joueur »

En 2023, la grande majorité des Russes ne se considèrent plus comme des Européens. Il y a une double raison à cela. Tout d’abord, les oligarques sont de nouveaux riches sans culture et leur principal centre d’attraction, c’est Dubaï. Le capital russe s’y trouve en des quantités astronomiques.

La seconde, c’est le profond sentiment de trahison à l’égard des pays européens. Malgré leur immense culture, leurs immenses apports scientifiques, les Russes se voient donner une image de paysans arriérés et brutaux.

Seuls les Français ont historiquement une toute autre image des Russes, et la trahison d’une France désormais inféodée à l’Otan s’en ressent d’autant plus. Car les Russes adorent les Français (même malgré Napoléon), et l’inverse est vrai : les Français sont impressionnés par la belle âme russe.

D’ailleurs, si le nationalisme ukrainien passe très bien dans les autres pays européens, en France on ne peut pas prendre ça au sérieux. La Russie n’existerait pas, ce serait une Moscovie ? Les Russes seraient des arriérés despotiques « semi-asiatiques », il faudrait interdire Tolstoï et Dostoïevski ? En Angleterre on peut écouter des stupidités pareilles exigées par le régime ukrainien, jamais en France.

Voici un bel exemple culturel de ce rapport franco-russe, avec les extraits concernant les Français dans le roman Le joueur, de Dostoïevski. Ce roman est considéré en France comme un très grand classique. Les Français s’y font cependant descendre en flammes pour être des pédants superficiels toujours avec un masque !

Mais les Français savent que la critique porte, qu’elle cerne un aspect réel de leur style national : le côté formel empêchant parfois (ou souvent) d’être vrai.

– Le marquis de Grillet lève très haut les sourcils quand il me voit, tout en faisant semblant de ne pas me remarquer. Mais savez-vous que j’ai une envie folle de le tirer un jour par le nez ?

— Quelle gaminerie ! Il n’y a pas de situation où l’on ne puisse se tenir avec dignité. La douleur doit nous relever au lieu de nous avilir.

— Le beau cliché ! Mais êtes-vous bien sûre que je puisse me tenir avec dignité ? Je suis peut-être un homme digne ; mais me tenir avec dignité, c’est autre chose.

Tous les Russes sont ainsi, parce qu’ils sont trop richement et trop universellement doués pour trouver aussitôt l’attitude exigée par les circonstances. C’est une question de place publique. Il nous faut du génie pour concentrer nos facultés et les fixer dans l’attitude qu’il faut. Et le génie est rare.

Il n’y a peut-être que les Français qui sachent paraître dignes sans l’être. C’est pourquoi, chez eux, la place publique a tant d’importance. Un Français laisse passer une offense réelle, une offense de cœur, sans la relever, pourvu qu’elle soit secrète ; mais une pichenette sur le nez, voilà ce qu’il ne tolère jamais, car cela constitue une dérogation aux lois des convenances.

C’est pourquoi nos jeunes filles aiment tant les Français, c’est à cause de leur jolie attitude. Le coq gaulois ! Pour moi, vous savez, cette attitude-là…

***

De Grillet est, comme tous les Français, gai, aimable quand il le faut ou quand cela rapporte, et terriblement ennuyeux quand la gaieté et l’amabilité ne sont pas nécessaires. Le Français est très rarement aimable par tempérament ; il ne l’est presque jamais que par calcul.

S’il sent la nécessité d’être original, sa fantaisie est ridicule et affectée ; au naturel, c’est l’être le plus banal, le plus mesquin, le plus ennuyeux du monde.

Il faut être une jeune fille russe, je veux dire quelque chose de très neuf et de très naïf, pour s’éprendre d’un Français. Il n’y a pas d’esprit sérieux qui ne soit choqué par l’affreux chic de garnison qui fait le fond de ces manières convenues une fois pour toutes, par cette amabilité mondaine, par ce faux laisser aller et cette insupportable gaieté.

***

— Mille excuses, monsieur Astley ; mais permettez pourtant. Il n’y a là rien d’offensant. Je ne fais aucune allusion malséante. D’ailleurs, comparer ensemble une jeune fille russe et un Français est impossible.

— Si vous ne rappelez pas à dessein le nom de de Grillet en même temps que… l’autre nom, je vous prie de m’expliquer ce que vous entendez par l’impossibilité de cette comparaison. Pourquoi est-ce précisément d’un Français et d’une jeune fille russe que vous parlez ?

— Vous voyez ! Vous voilà intéressé. Mais le sujet est trop vaste, monsieur Astley. La question est plus importante qu’on ne pourrait le croire au premier abord. Un Français, monsieur Astley, c’est une forme belle, achevée. Vous, en votre qualité d’Anglo-Saxon, vous pourrez n’en pas convenir, — pas plus que moi en qualité de Russe, — par jalousie, peut-être. Mais nos jeunes filles peuvent avoir une autre opinion. Vous pouvez trouver Racine parfumé, alambiqué, et vous ne le lirez même peut-être pas. Je suis peut-être de votre avis. Peut-être le trouverons-nous même ridicule. Il est pourtant charmant, monsieur Astley, et, que nous le voulions ou non, c’est un grand poète.

Les Français, — que résument les Parisiens, — avaient déjà des élégances et des grâces quand nous étions encore des ours. La Révolution a partagé l’héritage de la noblesse au plus grand nombre. Il n’y a pas aujourd’hui si banal petit Français qui n’ait des manières, de la tenue, un langage et même des pensées comme il faut, sans que ni son esprit ni son cœur y aient aucune part. Il a acquis tout cela par hérédité.

Or il est peut-être par lui-même vil parmi les plus vils. Eh bien ! monsieur Astley, apprenez qu’il n’y a pas au monde d’être plus confiant, plus intelligent et plus naïf qu’une jeune fille russe. De Grillet, se montrant à elle sous son masque, peut la séduire sans aucune peine. Il a la grâce des dehors, et la jeune fille prend ces dehors pour l’âme elle-même, et non pour une enveloppe impersonnelle.

Les Anglais, pour la plupart, — excusez-moi, c’est la vérité, — sont gauches, et les Russes aiment trop la beauté, la grâce libre, pour se passer de ces qualités. Car il faut de l’indépendance morale pour distinguer la valeur du caractère personnel ; nos femmes, et surtout nos jeunes filles, manquent de cette indépendance, et, dites-moi, quelle expérience ont-elles ?

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Culture

L’Encyclopédie de Diderot sur la Russie et l’Ukraine

Deux articles riches d’enseignements.

L’Encyclopédie est un monument universel de la culture nationale française ; c’est une puissante contribution des Lumières. Et même si l’on ne s’intéresse pas dans le détail aux informations fournies dans les articles Russie et Ukraine, on peut en tirer des enseignements par la négative.

La propagande de guerre occidentale, en mode bourrage de crâne, insiste sur le fait que la Russie n’existe pas, que ce serait une sorte d’empire colonial asiatico-barbare. Les Russes seraient d’ailleurs des fanatiques suicidaires, avec un esprit criminel à la Dostoïevski, pour qui la vie ne compterait pas.

Ce n’est pas une plaisanterie ! Pour des Français pétris au rationalisme, c’est trop gros pour être vrai, et pourtant c’est bien le cas. Dostoïevski est présenté désormais comme l’exemple de l’âme damnée russe qu’il faudrait absolument éliminer.

C’est le fond de l’idéologie nationaliste « bandériste » en Ukraine, où le président Volodymyr Zelensky vient de demander au premier ministre Denys Chmyhal d’étudier le remplacement du mot « Russie » par celui de « Moscovie ».

Et comme la Russie serait une fiction, il faudrait la « décoloniser », la diviser en plusieurs pays. C’est tout à fait assumé de la part du régime ukrainien.

Or, l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert dit précisément tout le contraire ; elle insiste sur le fait que la Russie n’est plus la Moscovie, qu’elle est une nation se développant, sous l’impulsion de Pierre le grand (1672-1725). C’est d’ailleurs lui qui, ayant comme référence les Pays-Bas, le premier pays capitaliste, reprit ses couleurs, blanc-bleu-rouge, qui devinrent ceux du drapeau national russe (et des Slaves en général pour la plupart).

L’Encyclopédie présente également bien l’Ukraine, alors une contrée plus qu’autre chose et subissant perpétuellement les invasions, ne devant sa sortie de secours en termes de civilisation qu’en se tournant vers la Russie. De fait, c’est seulement alors que le pays se structurera réellement, alors que la reconnaissance de l’Ukraine et le développement systématique de sa langue ne se feront qu’à partir de l’instauration de l’URSS.

Tout cela contredit formellement la propagande occidentale !

L’article de l’Encyclopédie sur l’Ukraine

UKRAINE, (Géog. Mod.)​

contrée d’Europe bornée au nord par la Pologne & la Moscovie, au midi par le pays des tartares d’Oczakou, au levant par la Moscovie, & au couchant par la Moldavie.

Cette vaste contrée s’appelle autrement la petite Russie, la Russie rouge, & mieux encore la province de Kiovie ; elle est traversée par le Dnieper que les Grecs ont appellé Boristhène. La différence de ces deux noms, l’un dur à prononcer, l’autre mélodieux, sert à faire voir, avec cent autres preuves, la rudesse de tous les anciens peuples du Nord, & les graces de la langue greque.

La capitale Kiou, autrefois Kisovie, fut bâtie par les empereurs de Constantinople, qui en firent une colonie ; on y voit encore des inscriptions greques de douze cens années : c’est la seule ville qui ait quelque antiquité, dans ces pays où les hommes ont vécu tant de siecles sans bâtir des murailles. Ce fut-là que les grands ducs de Russie firent leur résidence, dans l’onzieme siecle, avant que les Tartares asservissent la Russie.

Les Ukraniens qu’on nomme Cosaques, sont un ramas d’anciens Roxelans, de Sarmates, de Tartares réunis. Cette contrée faisoit partie de l’ancienne Scythie. Il s’en faut beaucoup que Rome & Constantinople qui ont dominé sur tant de nations, soient des pays comparables pour la fertilité à celui de l’Ukraine.

La nature s’efforce d’y faire du bien aux hommes ; mais les hommes n’y ont pas secondé la nature, vivant des fruits que produit une terre aussi inculte que féconde, & vivant encore plus de rapine, amoureux à l’excès d’un bien préférable à tout, la liberté ; & cependant ayant servi tour-à-tour la Pologne & la Turquie. Enfin ils se donnerent à la Russie en 1654, sans trop se soumettre, & Pierre les a soumis.

Les autres nations sont distinguées par leurs villes & leurs bourgades. Celle-ci est partagée en dix régimens. A la tête de ces dix régimens étoit un chef élu à la pluralités des voix, nommé Hetman ou Itman.

Ce capitaine de la nation n’avoit pas le pouvoir suprème. C’est aujourd’hui un seigneur de la cour que les souverains de Russie leur donnent pour itman ; c’est un véritable gouverneur de province semblable à nos gouverneurs de ces pays d’états qui ont encore quelques privileges.

Il n’y avoit d’abord dans ce pays que des Payens & des Mahométans ; ils ont été baptisés chrétiens de la communion romaine, quand ils ont servi la Pologne, & ils sont aujourd’hui baptisés chrétiens de l’église greque, depuis qu’ils sont à la Russie. Descript. de Russie. (D. J.)

L’article de l’Encyclopédie sur la Russie

RUSSIE, (Géog. Mod.)

vaste pays qui forme un grand empire, tant en Europe qu’en Asie. La mer Glaciale borne la Russie au septentrion ; la mer du Japon la termine à l’orient ; ​la grande Tartarie est au midi, aussi bien que la mer Caspienne & la Perse ; la Pologne, la petite Tartarie, la Mingrelie, & la Géorgie, sont la borne du côté du couchant. Entrons dans les détails.

L’empire de Russie s’étend d’occident en orient, près de deux mille  lieues communes de France, & a sept cens lieues du sud au nord dans sa plus grande largeur ; il confine à la Pologne & à la mer Glaciale ; il touche à la Suede & à la Chine ; sa longueur de l’île de Dago à l’occident de la Livonie​​, jusqu’à ses bornes les plus orientales, comprend environ cent cinquante degrés ; sa largeur est de trois mille verstes du sud au nord, ce qui fait au moins six cent de nos lieues communes.

Enfin, ce qui est compris aujourd’hui sous le nom de Russie, ou des Russies, est à peu près aussi vaste que le reste de l’Europe ; mais presque tout cet empire n’est qu’un désert, au point que ​si l’on compte en Espagne (qui est le royaume de l’Europe le moins peuplé), quarante personnes par chaque mille quarré, on ne peut compter que cinq personnes en Russie dans le même espace ; tandis qu’en Angleterre, chaque mille quarré​ contient plus de deux cens habitans ; le nombre est encore plus grand en Hollande.

Au reste, nous appellions autrefois la Russie du nom de Moscovie, parce que la ville de Moscou, capitale de cet empire, étoit la résidence des grands ducs de Russie ; aujourd’hui l’ancien nom de Russie a prévalu.

Ce vaste empire est partagé en seize grands gouvernemens, dont plusieurs renferment des provinces immenses & presque inhabitées.

La province la plus voisine de nos climats, est celle de la Livonie, une des plus fertiles du nord, & qui étoit payenne au XII. siecle. Le roi de Suede, Gustave Adolphe, la conquit ; mais le czar Pierre l’a reprise sur les Suédois.​

Plus au nord se trouve le gouvernement de Rével & de l’Estonie, & cette province est encore une des conquêtes de Pierre.

Plus haut en montant au nord est la province d’Arcangel, pays entierement nouveau pour les nations méridionales de l’Europe, mais dont les Anglois découvrirent le port en 1533. & y commercerent, sans payer aucuns droits, jusqu’au tems où Pierre le grand a ouvert la mer Baltique à ses états.

A l’occident d’Arcangel, & dans son gouvernement, est la Laponie russe, troisieme partie de cette contrée ; les deux autres appartiennent à la Suede & au Danemarck ; c’est un très-grand pays, qui occupe environ huit degrés de longitude, & qui s’étend en latitude du cercle polaire au cap nord.​22​

Les Lapons moscovites sont aujourd’hui censés de l’église grecque ; mais ceux qui errent vers les montagnes septentrionales du cap nord, se contentent d’adorer un Dieu, sous quelques formes grossieres ; ancien usage de tous les peuples nomades.

Cette espece d’homme, peu nombreuse, a très peu d’idées, & ils sont heureux de n’en avoir pas davantage ; car alors ils auroient de nouveaux besoins qu’ils ne pourroient satisfaire ; ils vivent contens & sans maladies, en ne buvant guere que de l’eau dans le climat le plus froid, & arrivent à une longue vieillesse.

La coutume qu’on leur imputoit de prier les étrangers de faire à leurs femmes & à leurs filles l’honneur de s’approcher d’elles, vient probablement du sentiment de la supériorité qu’ils reconnoissoient dans ces étrangers, en voulant qu’ils pussent servir à corriger les défauts de leur race. C’étoit un usage établi chez les peuples vertueux de Lacédémone ; un époux prioit un jeune homme bien fait, de lui donner de beaux enfans qu’il pût adopter.

La jalousie & les lois empêchent les autres hommes de donner leurs femmes ; mais les Lapons étoient presque sans lois, & probablement n’étoient point jaloux.

Quand on a remonté la Dwina du nord au sud, on arrive au milieu des terres à Moskow, capitale de la province de l’empire de Russie, appellée la Moscovie, Voyez Moskow​.

A l’occident du duché de Moskow, est celui de Smolensko, partie de l’ancienne ​Sarmatie européenne ; les duchés de Moscovie & de Smolensko composoient la Russie blanche proprement dite.

Entre Petersbourg & Smolensko, est la province & gouvernement de Novogorod. On dit que c’est dans ce pays que les anciens Slaves, ou Slavons, firent leur premier établissement ; mais d’où venoient ces Slaves, dont la langue s’est étendue dans le nord-est de l’Europe ? Sla signifie un chef, & esclave, appartenant au chef.

Tout ce qu’on sait de ces anciens Slaves, c’est qu’ils étoient des conquérans. Ils bâtirent la ville de Novogorod la grande, située sur une riviere navigable dès sa source, laquelle jouit longtems d’un florissant commerce, & fut une puissante alliée des villes anséatiques.

Le czar Ivan Basilovitz (en russe Iwan Wassiliewitsch) la conquit en 1467, & en emporta toutes les richesses, qui contribuerent à la magnificence de la cour de Moskow, presque inconnue jusqu’alors.

Au midi de la province de Smolensko, se trouve la province de Kiovie, qui est la petite Russie, la Russie rouge, ou l’Ukraine, traversée par le Dnieper, que les Grecs ont appellé Boristhène.

La différence de ces deux noms, l’un dur à prononcer, l’autre mélodieux, sert à faire voir, avec cent autres preuves, la rudesse de tous les anciens peuples du nord, & les graces de la langue grecque.

La capitale Kiou, autrefois Kiovie, fut bâtie par les empereurs de Constantinople, qui en firent une colonie : on y voit encore des inscriptions grecques de douze cens années ; c’est la seule ville qui ait quelque antiquité, dans ces pays où les hommes ont vêcu tant de siecles, sans bâtir des murailles. Ce fut-là que les grands ducs de Russie firent leur résidence dans l’onzieme siecle, avant que les Tartares asservissent la Russie.

Si vous remontez au nord-est de la province de Kiovie, entre ​le Boristhene & le Tanais​​, c’est le gouvernement de Belgorod qui se présente : il étoit aussi grand que celui de Kiovie. C’est une des plus fertiles provinces de la Russie ; c’est elle qui fournit à la Pologne une quantité prodigieuse de ce gros bétail qu’on connoît sous le nom de bœufs de l’Ukraine. Ces deux provinces sont à l’abri des incursions des petits Tartares par des lignes qui s’étendent du Boristhene au Tanaïs, garnies de forts & de redoutes.

Remontez encore au nord, passez le Tanaïs, vous​​entrez dans le gouvernement de ​Véronise, qui s’étend jusqu’au bord des ​palus Méotides​. Vous trouvez ensuite le gouvernement de ​Nischgorod​fertile en grains, & traversé par le Volga.

De cette province, vous entrez au midi dans le royaume ou gouvernement d’Astracan. Ce royaume qui commence au quarante-troisieme degré & demi de latitude, & finit vers le cinquantieme, est une partie de l’ancien Capshak​, conquis par Gengiskan, & ensuite par Tamerlan ; ces tartares dominerent jusqu’à Moscou.

Le czar Jean Basilides​, petit-fils d’Ivan Basiliovitz, & le plus grand conquérant d’entre les Russes, délivra son pays du joug tartare, au seisieme siecle, & ajouta le royaume d’Astracan à ses autres conquêtes en 1554.

​Au-delà du Volga & du ​Jaïk, vers le septentrion, est le royaume de Casan, qui, comme Astracan, tomba dans le partage d’un fils de Gengis-kan, & ensuite d’un fils de Tamerlan, conquis de même par Jean Basilide ; il est encore peuplé de beaucoup de tartares mahométans. Cette grande contrée s’étend jusqu’à la Sibérie ; il est constant qu’elle a été florissante & riche autrefois ; elle a conservé encore quelque reste d’opulence. Une province de ce royaume appellée ​la grande Permie, ensuite le Solikam, étoit l’entrepôt des marchandises de la Perse, & des fourrures de Tartarie​.

Des frontieres des provinces d’Arcangel, de Resan​, d’Astracan, s’étend à l’orient la Sibérie, avec les terres ultérieures jusqu’à la mer du Japon. Là sont les Samoyedes, la contrée des Ostiaks le long du fleuve Oby, les Burates​, peuples qu’on n’a pas encore rendus chrétiens.

Enfin la derniere province est le Kamshatka, le pays le plus oriental du continent. Les habitans étoient absolument sans religion quand on l’a découvert. Le nord de cette contrée fournit aussi de belles fourrures ; les habitans s’en revêtoient l’hiver, & marchoient nuds l’été.​

Voila les seize gouvernemens de la Russie, celui de Livonie, de Revel ou d’Estonie, d’Ingrie, de Vibourg, d’Arcangel, de Laponie russe, de Moscovie, de Smolensko, de Novogorod, de Kiovie, de Belgorod, de Véronise, de Nitschgorod, d’Astracan, de Casan & de Sibérie.

Ces gouvernemens composent en général la domination de la Russie, depuis la Finlande à la mer du Japon. Toutes les grandes parties de cet empire ont été unies en divers tems, comme dans tous les autres royaumes du monde ; des Scythes, des Huns, des ​Massagetes​50​, des Slavons, des Cimbres, des ​Getes,​ des Sarmates, sont aujourd’hui les sujets des czars ; les Russes proprement dits, sont les anciens ​Roxelans​ ou Slavons.

La population du vaste empire de Russie est, comme je l’ai dit, la moindre qu’il y ait dans le monde, à proportion de son étendue. ​Par un dénombrement de la capitation qui a été faite en 1747, il s’est trouvé six millions six cens quarante mille mâles ; & comme dans ce dénombrement les filles & les femmes n’y sont pas comprises, non plus que les ecclésiastiques, qui sont au nombre de deux cens mille ames, & l’état militaire qui monte à trois cens mille hommes, M. de Voltaire juge que le total des habitans de la Russie doit aller à vingt-quatre millions d’habitans ​​; ​mais il faut se défier de tous les dénombremens d’un pays que demandent par besoin les souverains, parce que pour leur plaire, on a grand soin de multiplier, d’exagérer, de doubler le nombre de leurs sujets.

Il est très-vraissemblable que la Russie n’a pas douze millions d’habitans​, & qu’​elle a été plus peuplée qu’aujourd’hui, dans le tems que la petite-vérole venue du fond de l’Arabie, & ​l’autre venue d’Amérique​, n’avoient pas encore fait de ravages dans ces​ climats où elles se sont enracinées.

Ces deux fléaux, par qui le monde est plus dépeuplé que par la guerre, sont dûs, l’un à Mahomet, l’autre à Christophe Colomb. La peste, originaire d’Afrique, approchoit rarement des contrées du septentrion. Enfin les peuples du nord, depuis les Sarmates jusqu’aux Tartares, qui sont au-delà de la grande muraille, ayant inondé le monde de leurs irruptions, cette ancienne pépiniere d’hommes doit avoir étrangement diminué.

Dans cette vaste étendue de pays que renferme la Russie, on compte environ 7400 moines, & 5600 religieuses, malgré le soin que prit Pierre le grand de le réduire à un plus petit nombre ; soin digne d’un législateur dans un empire où ce qui manque principalement c’est l’espece humaine.

Ces treize mille personnes cloitrées & perdues pour l’état, ont soixante-douze mille serfs pour cultiver leurs terres, & c’est évidemment beaucoup trop ; rien ne fait mieux voir combien les anciens abus sont difficiles à déraciner.

Avant le czar Pierre, les usages, les vêtemens, les mœurs en Russie, avoient toujours plus tenu de l’Asie que de l’Europe chrétienne ; telle étoit l’ancienne coutume de recevoir les tributs des peuples en denrées, de défrayer les ambassadeurs dans leurs routes & dans leur séjour, & celle de ne se présenter ni dans l’église, ni devant le trône avec une épée, coutume orientale opposée à notre usage ridicule & barbare, d’aller parler à Dieu, au roi, à ses amis & aux femmes avec une longue arme offensive qui descend au bas des jambes.

L’habit long dans les jours de cérémonie, étoit bien plus noble que le vêtement court des nations occidentales de l’Europe. Une tunique doublée de pelisse, avec une longue simarre enrichie de pierreries dans les jours solemnels, & ces especes de hauts turbans qui élevoient la taille, étoient plus imposans aux yeux, que les perruques & le juste-au-corps, & plus convenables aux climats froids.

Cet ancien vêtement de tous les peuples paroît seulement moins fait pour la guerre, & moins commode pour les travaux ; mais presque tous les autres usages étoient grossiers.

Le gouvernement ressembloit à celui des Turcs par la milice des strelits, qui, comme celle des janissaires, disposa quelquefois du trône, & troubla l’état presque toujours autant qu’il le soutint. Ces strelits étoient au nombre de quarante mille hommes.

Ceux qui étoient dispersés dans les provinces, subsistoient de brigandages ; ceux de Moskou vivoient en bourgeois, trafiquoient, ne servoient point, & poussoient à l’excès l’insolence. Pour établir l’ordre en Russie, il falloit les casser, rien n’étoit ni plus nécessaire, ni plus dangereux.

Quant au titre de czar, il se peut qu’il vienne des tzars ou thcars, du royaume de Casan. Lorsque le souverain de Russie, Jean ou Ivan Basilides eut, au seizieme siecle, conquis ce royaume subjugué par son aïeul, mais perdu ensuite, il en prit le titre qui est demeuré à ses successeurs.

Avant Ivan Basilides, les maîtres de la Russie portoient le nom de velikiknés, grand prince, grand seigneur, grand chef, que les nations chrétiennes traduisent par celui de grand-duc. 

Le czar Michel Frédérovits prit avec l’ambassade holstenoise, les titres de grand seigneur & grand knés, conservateur de toutes les Russies, prince de Volodimer, Moskou, Novogorod, &c. tzar de Casan, tzar d’Astracan, tzar de Sibérie​62​. Ce nom des tzars étoit donc le titre de ces princes orientaux ; il étoit donc vraissemblable qu’il dérivât plutôt des tshas de Perse, que des césars de Rome, dont probablement les tzars sibériens n’avoient jamais entendu parler sur les bords du ​fleuve Oby.

Un titre tel qu’il soit, n’est rien, si ceux qui le portent ne sont grands par eux-mêmes. Le nom d’empereur, qui ne signifioit que général d’armée, devint​​le nom des maîtres de la république romaine. On le donne aujourd’hui aux souverains des Russes à plus juste titre qu’à aucun autre potentat, si on considere l’étendue & la puissance de leur domination.

La religion de l’état fut toujours, depuis le onzieme siecle, celle qu’on nomme grecque, par opposition à la latine ; mais il y avoit plus de pays mahométans & de payens que de chrétiens. La Sibérie jusqu’à la Chine étoit idolâtre ; & dans plus d’une province toute espece de religion étoit inconnue.

​L’ingénieur Perri​ & le ​baron de Stralemberg​, qui ont été si long-tems en Russie, disent qu’ils ont trouvé plus de probité dans les payens que dans les autres ; ce n’est pas le paganisme qui les rendoit plus vertueux ; mais menant une vie pastorale, éloignés du commerce des hommes, & vivant comme dans ces tems qu’on appelle le premier âge du monde, exempts de grandes passions, ils étoient nécessairement plus gens de bien.

Le Christianisme ne fut reçu que très-tard dans la Russie, ainsi que dans tous les autres pays du nord. On prétend qu’une princesse nommée Olha, l’y introduisit à la fin du dixieme siecle, comme ​Clotilde, niece d’un prince arien, le fit recevoir chez les Francs​ ; la femme d’un ​Micislas, duc de Pologne​, chez les Polonois, & la sœur de l’empereur Henri II. chez les Hongrois.

C’est le sort des femmes d’être sensibles aux persuasions des ministres de la religion, & de persuader les autres hommes.

Cette princesse Olha, ajoute-t-on, se fit baptiser à Constantinople. On l’appella Helene ; & dès qu’elle fut chrétienne, ​l’empereur Jean Zimiscés ne manqua pas d’en être amoureux. Apparemment qu’elle étoit veuve. Elle ne voulut point de l’empereur.

L’exemple de la princesse Olha ou Olga ne fit pas d’abord un grand nombre de prosélites ; son fils qui regna longtems, ne pensa point du tout comme sa mere ; mais son petit-fils ​Volodimer,​ né d’une concubine, ayant assassiné son frere pour régner, & ayant recherché l’alliance de ​l’empereur de Constantinople Basile​, ne l’obtint qu’à condition qu’il se feroit baptiser ; c’est à cette époque de l’année 987, que la religion grecque commença en effet à s’établir en Russie.​

Le patriarche Photius, si célebre par son érudition immense, par ses querelles avec l’Eglise romaine & par ses malheurs, envoya baptiser Volodimer, pour ajouter à son patriarchat cette partie du monde.

Volodimer acheva donc l’ouvrage commencé par son aïeule. Un grec fut premier métropolitain de Russie, ou patriarche. C’est de-là que les Russes ont adopté dans leur langue un alphabet tiré en partie du grec. Ils y auroient gagné si le fond de leur langue qui est la slavone, n’étoit toujours demeuré le même, à quelques mots près qui concernent leur liturgie & leur hiérarchie. ​

Un des patriarches grecs, nommé Jérémie, ayant un procès au divan, & étant venu à Moscou demander des secours, renonça enfin à sa prétention sur les églises russes, & sacra patriarche l’archevêque de Novogorod nommé Job, en 1588.

Depuis ce tems, l’église russe fut aussi indépendante que son empire. Le patriarche de Russie fut dès-lors sacré par les évêques russes, non par le patriarche de Constantinople ; il eut rang dans l’église grecque après celui de Jérusalem ; mais il fut en effet le seul patriarche libre & puissant, & par conséquent le seul réel.

Ceux de Jérusalem, de Constantinople, d’Antioche, d’Alexandrie, ne sont que les chefs mercenaires & avilis d’une église esclave des Turcs. Ceux même d’Antioche & de Jérusalem ne sont plus regardés comme patriarches, & n’ont pas plus de crédit que les rabins des synagogues établies en Turquie.

Il n’y a dans un si vaste empire que vingt-huit sieges épiscopaux, & du tems de Pierre I. on n’en comp-​toit que vingt-deux ; l’église russe étoit alors si peu instruite, que le czar Frédor, frere de Pierre le grand, fut le premier qui introduisit le plein chant chez elle.

Frédor, & sur-tout Pierre, admirent indifféremment dans leurs armées & dans leurs conseils ceux du rite grec, latin, luthérien, calviniste ; ils laisserent à chacun la liberté de servir Dieu suivant sa conscience, pourvu que l’état fût bien servi.

Il n’y avoit dans cet empire de deux mille lieues de longueur aucune église latine. Seulement lorsque Pierre eut établi de nouvelles manufactures dans Astracan, il y eut environ soixante familles catholiques dirigées par des capucins ; mais quand les jésuites voulurent s’introduire dans ses états, il les en chassa par un édit au mois d’Avril 1718. Il souffroit les capucins comme des moines sans conséquence, & regardoit les jésuites comme des politiques dangereux.

L’Eglise grecque est flattée de se voir étendue dans un empire de deux mille lieues, tandis que la romaine n’a pas la moitié de ce terrein en Europe. Ceux du rite grec ont voulu sur-tout conserver dans tous les tems leur égalité avec ceux du rite latin, & ont toujours craint le zele de l’église de Rome, qu’ils ont pris pour de l’ambition, parce qu’en effet l’église romaine, très-resserrée dans notre hémisphere, & se disant universelle, a voulu remplir ce grand titre.

Il n’y a jamais eu en Russie d’établissement pour les Juifs, comme ils en ont dans tant d’états de l’Europe, depuis Constantinople jusqu’à Rome.

Les Russes ont toujours fait leur commerce par eux-mêmes, & par les nations établies chez eux. De toutes les églises grecques la leur est la seule qui ne voie pas des synagogues à côté de ses temples.

La Russie qui doit à Pierre le grand sa grande influence dans les affaires de l’Europe, n’en avoit aucune depuis qu’elle étoit chrétienne.

On la voit auparavant faire sur la mer Noire ce que les Normands faisoient sur nos côtes maritimes de l’Océan, armer, du tems d’Héraclius quarante mille petites barques, se présenter pour assiéger Constantinople, imposer un tribut aux césars grecs.

Mais le grand knés Volodimer occupé du soin d’introduire chez lui le Christianisme, & fatigué des troubles intestins de sa maison, affoiblit encore ses états en les partageant entre ses enfans.

Ils furent presque tous la proie des Tartares, qui asservirent la Russie pendant deux cens années. Ivan Basilides la délivra & l’aggrandit, mais après lui ​les guerres civiles la ruinerent.

Il s’en falloit beaucoup avant Pierre le grand que la Russie fût aussi puissante, qu’elle eût autant de terres cultivées, autant de sujets, autant de revenus que de nos jours ; elle n’avoit rien dans la Livonie, & le peu de commerce que l’on faisoit à Astracan étoit desavantageux.

Les Russes se nourrissoient fort mal ; leurs mets favoris n’étoient que des concombres & des melons d’Astracan, qu’ils faisoient confire pendant l’été avec de l’eau, de la farine & du sel, cependant ​les coutumes asiatiques commençoient déja à s’introduire chez cette nation.

Pour marier un czar, on faisoit venir à la cour les plus belles filles des provinces ; la grande maîtresse de la cour les recevoit chez elles, les logeoit séparément, & les faisoit manger toutes ensemble. Le czar les voyoit, ou sous un nom emprunté, ou sans déguisement.

Le jour du mariage étoit fixé, sans que le choix fût encore connu ; & le jour marqué, on présentoit un habit de nôces a celle sur qui le choix secret étoit tombé : on distribuoit d’autres habits aux prétendantes, qui s’en retournoient chez elles. Il y eut quatre exemples de pareils mariages.​

​Dès ce tems-là, les femmes russes surent se mettre du rouge, se peindre les sourcils, ou s’en former d’artificiels ​; elles prirent du goût à porter des pierreries, à se parer, à se vétir d’étoffes précieuses ;​​​c’est ainsi que la barbarie commençoit à finir chez ces peuples, par conséquent Pierre leur souverain n’eut pas tant de peine à policer sa nation, que quelques auteurs ont voulu nous le persuader.

Alexis Mikaelovitz avoit déja commencé d’​annoncer l’influence que la Russie devoit avoir un jour dans l’Europe chrétienne. Il envoya des ambassadeurs au pape, & à presque tous les grands souverains de l’Europe, excepté à la France, alliée des Turcs, pour tâcher de former une ligue contre la Porte ottomane. Ses ambassadeurs ne réussirent cependant dans Rome, qu’à ne point baiser les piés du pape, & n’obtinrent ailleurs que des vœux impuissans.

Le même czar Alexis proposa d’unir, en 1676, ses vastes états à la Pologne, ​comme les Jagellons y avoient joint la Lithuanie ; mais plus son offre étoit grande, moins elle fut acceptée. Il étoit très-digne de ce nouveau royaume, par la maniere dont il gouvernoit les siens.

C’est lui qui le premier fit rédiger un code de lois, quoiqu’imparfait ; il introduisit des manufactures de toiles & de soie, qui, à la vérité, ne se soutinrent pas, mais qu’il eut le mérite d’établir.

Il peupla des déserts vers le Volga & la Kama, de familles lithuaniennes, polonoises & tartares, prises dans ses guerres ; tous les prisonniers auparavant étoient esclaves de ceux auxquels ils tomboient en partage ; Alexis en fit des cultivateurs : il mit autant qu’il put la discipline dans ses armées.

Il appella les arts utiles dans ses états : ​il y fit venir de Hollande, à grands frais, le constructeur Bothler, avec des charpentiers & des matelots, pour bâtir des frégates & des navires.

Enfin, il ébaucha, il prépara l’ouvrage que Pierre a perfectionné. Il transmit à ce fils tout son génie, mais plus développé, plus vigoureux, & plus éclairé par les voyages.

Sous le regne de Pierre, le peuple russe qui tient à l’Europe, & qui vit dans les grandes villes, est devenu civilisé, commerçant, curieux des arts & des sciences, aimant les spectacles, & les nouveautés ingénieuses. Le grand homme qui a fait ces changemens, est heureusement né dans le tems favorable pour les produire.

Il a introduit dans ses états les arts qui étoient tout perfectionnés chez ses voisins ; & il est arrivé que ces arts ont fait plus de progrés en 50 ans chez ses sujets, déja disposés à les goûter, que partout ailleurs, dans l’espace de trois ou quatre siecles ; cependant ils n’y ont pas encore jetté de si profondes racines, que quelque intervalle de barbarie, ne puisse ruiner ce bel édifice commencé dans un empire dépeuplé, despotique, & où la nature ne répandra jamais ses bénignes influences.

Dans l’état qu’il est aujourd’hui, ​la nation russe est la seule qui trafique par terre avec la Chine ; le profit de ce commerce est pour ​les épingles de l’impératrice​104​. La caravane qui se rend de Pétersbourg à Pékin, emploie trois ans en voyage & au retour.

Aussitôt qu’elle arrive à Pékin, les marchands sont renfermés dans un caravancerai, & les Chinois prennent leur tems pour y apporter le rebut de leurs marchandises qu’ils sont obligés de prendre, parce qu’ils n’ont point la liberté du choix.

Ces marchandises se vendent à Pétersbourg à l’enchere, dans une grande salle du ​palais italien ; l’impératrice assiste en personne à cette vente ; cette souveraine fait elle-même des offres, & il est permis au moindre particulier d’encherir sur elle ; aussi le fait-on, & chacun s’empresse d’acheter à très-haut prix.

Outre le bénéfice de ces ventes publiques, la cour fait le commerce de la rhubarbe, du sel, ​des cendres, de la bierre, de l’eau-de-vie, &c. L’état tire encore un gros revenu des épiceries, des cabarets, & des bains publics, dont l’usage est aussi fréquent parmi les Russes que chez les Turcs.

Les revenus du souverain de Russie se tirent de la capitation, de certains monopoles, des douanes, des ports, des péages, & des domaines de la couronne. Ils ne montent pas cependant au-delà de ​treize millions de roubles, (soixante-cinq millions de notre monnoie). Avec ces revenus, la Russie peut faire la guerre aux Turcs, mais elle ne sauroit, sans recevoir des subsides, la faire en Europe ; ses fonds n’y suffiroient pas : la paie du militaire est très-modique dans cet empire.

Le soldat russe n’a point par jour le tiers de la paie de l’allemand, ni même du françois ; lorsqu’il sort de son pays, il ne peut subsister sans augmentation de paye ; & ce sont les puissances alliées de la Russie, qui fournissent chérement cette augmentation.

La couronne de Russie est héréditaire, les filles peuvent succéder, & le souverain a un pouvoir absolu sur tous ses sujets, sans rendre compte de sa conduite à personne. L’air de la plus grande partie de la Russie est extrément froid, les neiges & les glaces y regnent la meilleure partie de l’année​ ; ​le grain qu’on y seme n’y meurit jamais bien, excepté du côté de la Pologne, où on fait la récolte trois mois après la semaille. Il n’y croît point de vin, mais beaucoup de lin.​

Ses principales rivieres sont le Volga, le Don, le Dnieper & le Dwina. Ses lacs donnent du poisson en abondance. Les forêts sont pleines de gibier, & de bêtes fauves.​ ​Le commerce des Russes est avantageux à la France, utile à la Hollande, & défavorable à l’Angleterre.

Il consiste en martres, zibelines, hermines, & autres fourrures, cuirs de bœufs appellés cuirs de Russie, lin, chanvre, suif, goudron, cire, poix-résine, savon, poisson salé, &c.​

Extrait de la ​description de la Russie, par M. de Voltaire. Geneve, 1759​116​. in-8°. tom. I.​117​ Voyez aussi description de l’empire de Russie, par Perri, Amsterd. 1720, 2. vol. in-12.​118​ & la description historiq. de l’empire russien, traduit de l’allemand, du baron de Stralemberg​119​​, Holl. 1757, 2. vol. in-12. (Le chevalier de Jaucourt.)

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Guerre

« Tolstoïevski »

Le nationalisme ukrainien, encore et toujours plus.

Il a déjà été parlé de comment le nationalisme ukrainien a particulièrement ciblé Dostoïevski. Néanmoins, Tolstoï fait toujours partie de cette cible, au point qu’on a maintenant même le concept de « Tolstoïevski ».

Il a été mis en avant par Andriy Melnyk, le numéro 2 des Affaires étrangères du régime ukrainien. Il avait été auparavant ambassadeur d’Ukraine en Allemagne de 2015 à 2022, mais il a dû partir car vraiment ses discours ultra-nationalistes ukrainiens rendaient sa position trop délicate par rapport à l’opinion publique allemande.

L’occasion a été une interview accordée le 6 avril au média ukrainien RBC. Il dit la chose suivante : oui, l’Allemagne nous soutient. Mais il y a un problème de fond, c’est que dans le dispositif culturel et idéologique allemand, la Russie existe.

Il faut que ça change, sinon l’Allemagne ne s’engagera jamais à fond pour le régime ukrainien.

Il faut bien saisir ici que pour le régime ukrainien, la Russie n’existe pas. Selon le nationalisme ukrainien, la Russie serait un empire maléfique dominé par la « Moscovie » criminelle. D’où l’intérêt du nationalisme ukrainien pour la superpuissance américaine dans sa guerre contre la Russie.

L’objectif, assumé, est la partition de la Russie en plusieurs entités.

Andriy Melnyk reprend donc le discours sur la Russie qui serait par nature criminelle, assassine, à l’instar de Dostoïevski. Tolstoï est devenu de plus en plus cité, il est désormais officialisé, mis au même niveau que Dostoïevski.

Voici donc son propos, qui fantasme d’ailleurs beaucoup sur les relations des classes dominantes allemandes avec la Russie : avant 1945, c’est le racisme anti-slave le plus brutal qui prédominait, dans l’esprit prussien. Ce n’est pas pour rien que les nazis voulaient exterminer tous les Slaves.

« D’autre part, les relations de l’Allemagne avec la Russie ont une histoire particulière qui remonte à la guerre froide ou à l’étroite coopération entre la Première et la Seconde Guerre mondiale.

– Jusqu’à l’époque de la Prusse ?

– Du moins de Frédéric le Grand, qui doit son salut à Catherine II. Pas étonnant que son portrait ait été accroché dans son appartement (…).

Je suis déjà silencieux sur les liens dynastiques les plus étroits entre les deux nations, les Allemands sont toujours fiers de leur contribution à l’établissement de l’État russe, et pas seulement sous Catherine, qui était une princesse allemande. 

Mais le fondement principal est la culture, la proximité idéologique. 

Les Allemands, malgré cette guerre barbare de la Russie, adorent toujours la musique classique, la littérature, le ballet, l’art russes, ils maintiennent une vision romantique des Russes en tant que grande nation culturelle, croient en un « bon » Russe, non seulement en Navalny, mais en un sorte d’image collective de Tolstoïevski.

Bien sûr, quand les Allemands ont vu toutes les atrocités que les Russes commettent en Ukraine, ils ont eu un véritable choc. Pour eux, il s’agit d’un test de résistance à la barbarie, qu’ils n’ont pas connu depuis la Seconde Guerre mondiale.

Bien sûr, la majorité de la société allemande condamne cette terrible cruauté, car il ne peut en être autrement parmi les peuples civilisés. 

Mais malgré tout cela, tant au niveau public qu’au niveau des élites politiques en Allemagne, il est entendu que la Russie en tant que grande puissance, en tant que facteur de la politique internationale – même malgré cette guerre – n’ira nulle part, personne croit qu’il va s’effondrer. Les Allemands ne croient même pas qu’il y aura une réinitialisation sérieuse au sein de la Fédération de Russie. »

Ce discours n’a rien de nouveau : c’est la ligne de l’effacement de la culture russe prônée par le régime ukrainien. Nous avons parlé de l’appel en ce sens fait par le ministre ukrainien de la culture Oleksandr Tkachenko.

Ce qui est par contre notable, c’est la surenchère permanente, la conceptualisation au service d’une narration pour nier la Russie et légitimer son dépeçage. C’est là qu’on voit très bien comment le régime ukrainien est totalement au service de la ligne américaine de conquête pour le repartage du monde.

Le régime ukrainien ne représente en rien les intérêts ukrainiens ; il est un appareil au service de la superpuissance américaine par l’intermédiaire d’une fiction nationale inventée par le nationalisme ukrainien. Et le pays, devenu zombie, court ainsi à sa perte.

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Culture

Ce qu’est l’âme russe

Une introduction efficace et peut-être simple.

Les peuples slaves se caractérisent par un certain flottement de l’âme et chez les Russes, cela prend une tournure très prononcée. La découvrir, la redécouvrir est toujours un plaisir, et une nécessité alors que l’incessant bourrage de crâne occidental explique que la Russie n’existerait pas.

Le passage peut-être le plus représentatif de cette âme russe se situe dans le fameux roman de Léon Tolstoï, Guerre et paix, paru entre 1864 et 1869.

Nous sommes à la campagne et, après avoir entendu une mélodie, de manière irrépressible, un vieil aristocrate se met à la guitare, et une jeune aristocrate se met à danser.

Voici une scène d’une version filmée de 1966 et l’extrait de Guerre et paix.

Mais le génie national russe de ce passage de Guerre et paix ne tient pas seulement au contenu. De manière admirable, Léon Tolstoï s’abstient de décrire la danse. C’est un choix, un choix russe : la pudeur dans l’émotion pourtant montrée. C’est cela, l’âme russe.

https://rutube.ru/video/3124b48526de283aeff6603122728689/

« C’est mon cocher Mitka qui joue : aussi lui en ai-je acheté une excellente, cette musique me plaît ! » Il était d’habitude qu’au retour de la chasse, Mitka se livrât à ses fantaisies musicales, pendant que le « petit oncle » l’écoutait avec bonheur.

– C’est vraiment très joli, dit Nicolas avec une feinte indifférence, comme s’il était honteux d’avouer qu’il trouvait du charme à cette musique.

– Comment, très joli ? s’écria Natacha d’un ton de reproche, mais c’est charmant, mais c’est ravissant ! » Et en effet la chanson qu’elle écoutait lui semblait la plus idéale des mélodies, tout comme les champignons, le miel et les confitures d’Anicialui avaient paru être les meilleurs qu’elle eût jamais mangés !

« Encore, encore, je t’en prie, » dit Natacha, lorsque la
« balalaïka » se tut. Mitka l’accorda et reprit de nouveau la Barina, avec variations et changements de ton. L’oncle, la tête légèrement inclinée, un vague sourire sur les lèvres, écoutait religieusement.

Le motif revint une centaine de fois sous les doigts exercés du musicien, et les cordes répétèrent à satiété les mêmes notes, sans fatiguer les oreilles de l’auditoire, qui ne cessait de les redemander. Anicia Fédorovna écoutait aussi, appuyée contre le linteau de la porte :

« Faites attention, mademoiselle, dit-elle avec un sourire
qui rappelait celui de son maître. Il joue très bien !

– Voilà une mesure manquée, s’écria tout à coup le « petit
oncle » en faisant un geste énergique. Ces notes-là doivent être plus vivement… enlevées, affaire sûre, marche !

– Sauriez-vous jouer de la balalaïka ? demanda Natacha
surprise.

– Aniciouchka !… – et le « petit oncle » sourit malicieusement. – Vois un peu si les cordes de la guitare y sont toutes, il y a si longtemps que je ne l’ai eue entre les mains. »

Anicia exécuta cet ordre avec une visible satisfaction, et lui apporta la guitare.

La prenant avec soin, il souffla dessus pour en enlever
quelques grains de poussière, et en tendit les cordes de ses doigts osseux ; puis, s’asseyant bien à son aise, et arrondissant d’une façon un peu théâtrale son coude gauche, il saisit le manche de l’instrument, cligna de l’œil à Anicia Fédorovna, et, pinçant un accord plein et sonore, commença, sans la moindre hésitation, à improviser sur le thème d’une chanson très populaire.

Le rythme en était lent, mais le refrain exprimait une gaieté si douce, si discrète, la gaieté d’Anicia, qu’il pénétra jusqu’au cœur de Nicolas et de Natacha… et leur cœur chanta à l’unisson !

Anicia, dont la figure rayonnait, rougit, se cacha la figure dans son mouchoir et quitta le cabinet en souriant toujours ; le « petit oncle » continuait avec précision et avec aplomb à moduler ses cadences et ses variations, et son regard vaguement inspiré se portait vers la place qu’elle avait occupée.

Un léger sourire flottait sous sa moustache grise, et s’accentuait vivement, lorsqu’il accélérait la mesure, que la chanson redoublait d’entrain, et qu’une corde criait aux passages difficiles.

« Ravissant, ravissant !… » Et Natacha, sautant de sa place,
entoura le « petit oncle » de ses bras et l’embrassa : « Nicolas, Nicolas ! » ajouta-t-elle en se retournant vers son frère, comme pour lui faire partager sa surprise.

Mais le « petit oncle » avait recommencé à jouer. Anicia
Fédorovna et plusieurs autres gens de la maison montrèrent leurs figures dans l’entrebâillement de la porte, pendant qu’il attaquait le : « Là-bas, là-bas, derrière la source fraîche, la jeune fille m’a dit : attends ! », et, brisant un accord, il remua légèrement les épaules.

« Eh bien, eh bien après ! » dit Natacha d’un ton si suppliant, que sa vie semblait dépendre de ce qui allait suivre.

Le « petit oncle » se leva ; on aurait dit qu’il y avait en lui deux hommes différents, dont l’un répondait par un grave sourire à la naïve et pressante invitation à la danse exécutée par l’autre, par le musicien :

« En avant, ma nièce ! s’écria-t-il tout à coup, et Natacha,
se débarrassant vivement de son châle, s’élança au milieu de la chambre, posa ses mains sur ses hanches et attendit, en imprimant à ses épaules un balancement imperceptible.

Comment, par quel procédé inconnu cette petite comtesse, élevée par une émigrée française, avait-elle pu et su s’assimiler, sous la seule impression de son air natal, ces mouvements, inimitables et indescriptibles de l’enfant du peuple, si vrais, si typiques, si russes en un mot, et que le fameux pas du châle de Ioghel [dont les bals étaient les plus fameux] aurait dû depuis longtemps lui avoir fait oublier ?

Lorsqu’on la vit se préparer à répondre au signal, avec ses yeux pétillants de malice et son air souriant et assuré, la défiance involontaire de Nicolas et du reste de l’auditoire s’envola comme par enchantement ; il n’y avait plus à en douter, elle justifierait leur attente, et ils pouvaient hardiment l’admirer !

Elle mit une telle perfection à tout ce qu’elle avait à faire,
qu’Anicia Fédorovna, après lui avoir aussitôt donné le petit mouchoir, complètement indispensable à ses attitudes, se mit à rire de bon cœur et à s’attendrir en même temps, pendant qu’elle suivait des yeux les pas et les gestes de cette fine et gracieuse créature.

C’est que Natacha, si supérieure à cette jeune comtesse élevée dans le velours et la soie, savait si bien comprendre et exprimer non seulement ce qu’elle, Anicia, comprenait et sentait, mais encore tout ce qui faisait aussi battre le cœur de son père, de sa mère, de tous les siens, en un mot et pour mieux dire, tout cœur véritablement russe !

« Bravo, petite comtesse, affaire sûre, marche ! s’écria le
« petit oncle » à la fin de la danse… Il ne te manque plus qu’un beau garçon pour mari !
– Mais pas du tout, il est tout choisi, dit Nicolas.
– Ah bah ! » reprit le vieux, stupéfait.

Natacha répondit d’un signe de tête avec un joyeux sourire : « Et comme il est bien », ajouta-t-elle. »

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Guerre

La Finlande intègre l’Otan

Un revirement historique renforçant la guerre.

La Finlande, petit pays de 5 millions et demi d’habitants, avait après la deuxième guerre mondiale, en 1948, signé un « traité d’amitié » et de coopération avec l’URSS. Après 1991, elle maintenait une position de non-alignement, restant systématiquement neutre par rapport à la Russie.

C’est donc un revirement historique qui s’est produit le 4 avril 2023 avec l’officialisation de l’intégration de la Finlande à l’Otan. Plus de neutralité donc, mais une hostilité assumée, en choisissant de se soumettre entièrement à la superpuissance américaine dont l’Otan est l’instrument politico-militaire international.

L’opinion publique finlandaise a été travaillée au corps en ce sens pendant des années par la propagande occidentale. C’était ambigu, en raison de l’officielle « finlandisation » régnante depuis la guerre froide, c’est-à-dire une neutralité affichée, même si en douce derrière l’armée finlandaise s’alignait discrètement sur l’Otan.

Mais la tendance à la guerre a rendu le processus inéluctable. En 2022, après l’invasion russe en Ukraine, ce fut un déchaînement pro-occidental, avec carrément le Premier ministre Sanna Marin annonçant qu’elle allait fournir des armes à l’Ukraine, contre la Russie.

A l’arrière-plan, tout le fond nationaliste du régime finlandais – du même type que celui en Suède, à la fois indirect et absolu – a été systématisé. Les bases idéologiques même de l’État finlandais partent de l’écrasement de la très puissante révolution finlandaise de 1918.

La Finlande était d’ailleurs alliée à l’Allemagne nazie pendant la seconde guerre mondiale. Un fasciste comme Lauri Törni, qui est passé de l’armée nazie à l’armée américaine au Vietnam, est célébré par les institutions finlandaises comme si de rien n’était.

Consciente de la situation avec plus de mille kilomètres de frontières avec l’Otan, la Russie est évidemment très mécontente. L’adhésion finlandaise est vue par elle comme un acte d’hostilité majeure, une « atteinte à sa sécurité ». Des « contre-mesures » ont été promises en retour.

Il ne faut pas se leurrer et nous l’avions expliqué dès mai 2022 : désormais Helsinki est une cible pour les armes atomiques russes, et il suffit de regarder la carte pour le comprendre.

La superpuissance américaine qui s’est arrogée l’Ukraine après s’être arrogée l’Estonie, la Lettonie et la Lituanie, continue donc sa stratégie d’encerclement et de pression sur la Russie.

La guerre mondiale pour le repartage du monde avance d’un nouveau pas, les blocs se forment, se renforcent et s’affrontent de plus en plus ouvertement.

Voici le communiqué, historique, de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord qui s’en prend ouvertement à Vladimir Poutine, dans le but assumé d’envenimer les choses.

« Ce jour (4 avril 2023), la Finlande est devenue le 31e pays membre de l’OTAN en remettant aux États-Unis, au siège de l’OTAN à Bruxelles, son instrument d’accession au Traité de l’Atlantique Nord. Le protocole d’accession de la Finlande a été signé par les autorités des pays de l’Alliance le 5 juillet 2022 et ratifié ensuite par les 30 parlements nationaux.

« Nous souhaitons à la Finlande la bienvenue au sein de l’Alliance », a déclaré le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, après que le ministre finlandais des Affaires étrangères, Pekka Haavisto, a remis l’instrument d’accession de la Finlande au gouvernement des États-Unis, représenté par le secrétaire d’État, Antony Blinken. Le secrétaire général a ensuite accueilli le président finlandais, Sauli Niinistö, au siège de l’OTAN pour une cérémonie de lever des couleurs afin de célébrer l’adhésion du pays à l’Alliance.

S’exprimant avant la cérémonie, le secrétaire général a remercié le président Niinistö pour ses grandes qualités de dirigeant et pour avoir amené la Finlande à intégrer l’Alliance qui, dans l’histoire, a le mieux réussi.

« Je suis extrêmement fier d’accueillir la Finlande en tant que membre à part entière de l’Alliance, et je me réjouis à la perspective d’accueillir également la Suède dès que possible », a-t-il déclaré.

Et d’ajouter « L’adhésion à l’OTAN est bénéfique pour la Finlande, bénéfique pour la sécurité nordique et bénéfique pour l’Alliance dans son ensemble ». Le secrétaire général a en outre fait observer que l’adhésion de la Finlande montre au monde que le président Poutine a échoué à « fermer la porte de l’OTAN ». « Alors qu’il voulait moins d’OTAN, il a obtenu tout le contraire : plus d’OTAN, et la porte de l’Alliance qui reste grande ouverte », a-t-il déclaré.

L’hymne national finlandais et l’hymne de l’OTAN ont été joués tandis que le drapeau finlandais était hissé pour la première fois au siège de l’OTAN, en présence du président Niinistö, du ministre des Affaires étrangères, M. Haavisto, du ministre de la Défense, M. Kaikkonen, des ministres des Affaires étrangères de tous les pays de l’Alliance et du pays invité, la Suède. Des cérémonies de lever des couleurs ont eu lieu simultanément au Commandement allié Opérations (SHAPE), à Mons (Belgique), et au Commandement allié Transformation, à Norfolk, en Virginie (États-Unis).

Se tenant aux côtés du président Niinistö, le secrétaire général a déclaré : « La Finlande est plus sûre et l’OTAN est plus forte avec la Finlande comme Allié. Vos forces sont conséquentes et très performantes, votre résilience est exceptionnelle, et depuis de nombreuses années des soldats finlandais et des soldats de pays de l’OTAN œuvrent côte à côte en tant que partenaires. À partir d’aujourd’hui, nous sommes solidaires en tant qu’Alliés. » »

Il va de soi que l’idée est de faire intervenir la Finlande sur le terrain – celle-ci se voyant promise une partie de la Russie. L’opinion publique finlandaise ne peut pas ne pas le savoir. C’est là qu’on va comment la marche à la guerre est irrépressible, les éléments se surajoutant, formant un engrenage.