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Culture Planète et animaux

Un suprême classique : Mercy Mercy Me (The Ecology)

Une chanson emblématique tirée d’un album référence.

Nous sommes en 1971 et le chanteur américain Marvin Gaye sort une album qui consiste en une sorte de vaste fresque, une sorte de grande histoire composée de chansons se reliant les unes les autres.

Cela parle d’amour, de paix, d’unité de l’humanité, de sentiment, de cette inquiétude face aux choses qui partent dans toutes les directions sans qu’on en saisisse le pourquoi ou même le contour… Mais que se passe-t-il?

Et au sein de cet album incontournable, qui change une vie comme ce qui est véritablement culturel, on trouve une chanson très connue, dont les paroles restent souvent méconnues en France de par le fait que cela soit en anglais.

Et ces paroles nous serrent la gorge en nous rappelant que nous avons au moins cinquante ans de retard sur les exigences de notre époque…

Oh, mercy mercy me
Oh, things ain’t what they used to be
No, no
Where did all the blue sky go?
Poison is the wind that blows
From the north, east, south, and east

Oh, pitié, aie pitié de moi
Oh, les choses ne sont plus ce qu’elles étaient autrefois
Non, non
Où est passé tout le ciel bleu ?
Le poison est le vent qui souffle
Du nord, de l’est, du sud et de l’est

Oh, mercy mercy me
Oh, things ain’t what they used to be
No, no
Oil wasted on the oceans and upon our seas
Fish full of mercury

Oh, pitié, ai pitié de moi
Oh, les choses ne sont plus ce qu’elles étaient autrefois
Non, non
Le pétrole a saccagé l’océan et dans nos mers,
des poissons plein de mercure

Oh, mercy mercy me
Oh, things ain’t what they used to be
No, no
Radiation in the ground and in the sky
Animals and birds who live nearby are dying

Oh, pitié, ai pitié de moi
Oh, les choses ne sont plus ce qu’elles étaient autrefois
Non, non
La radiation dans le sol et dans le ciel
Les animaux et oiseaux qui vivent à proximité sont en train de mourir

Oh, mercy mercy me
Oh, things ain’t what they used to be
What about this overcrowded land?
How much more abuse from man can you stand?
My sweet Lord
My sweet Lord
My sweet Lord

Oh, pitié, ai pitié de moi
Oh, les choses ne sont plus ce qu’elles étaient autrefois
Qu’en est-il de cette terre surpeuplée
Combien d’abus de l’Homme peut-elle encore supporter ?
Mon tendre Seigneur
Mon tendre Seigneur
Mon tendre Seigneur

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Culture Culture & esthétique

Soleil de fin d’été en mode alternative R&B

La fin des années 2010 a connu des productions de véritables splendeurs de la part d’une vaste mouvance alternative R&B.

Le R&B a été extrêmement populaire en France dans les années 1990, il a été un marqueur très fort d’une culture populaire enracinée dans la funk et extérieure aux formes commerciales. Cependant, le R&B était importé des États-Unis et, forcément, la dimension commerciale l’a emporté. Cela se lit avec le mélisme. Le mélisme, c’est quand un chanteur, plus souvent une chanteuse, jongle mélodiquement avec un mot, de manière appuyée et prolongée, au lieu de le prononcer simplement. Mariah Carey est très connue pour ce genre de courses vocales dans les chansons.

S’agit-il d’une démarche typique de la variété afin de jouer sur les sentiments de manière superficielle ? Il y a lieu de se le demander, car si on regarde l’évolution de certains chanteurs et groupes, il est flagrant que le passage dans la dimension commerciale fait passer d’un phrasé « normal » aux courses vocales : Jean-Jacques Goldman par rapport au mélisme de Fredericks Goldman Jones, Wham ! par rapport au mélisme de George Michael en solo, ou encore l’évolution de Depeche Mode, The Cure, U2… Il viendra sans doute à l’esprit, immédiatement, le nom de tel ou tel chanteur, de telle ou telle chanteuse, de tel ou tel groupe.

L’alternative R&B, qui s’est surtout développé au cours des années 2010, n’a pas du tout cette démarche de mélisme et, d’ailleurs, il est fascinant de voir qu’il privilégie systématiquement la présentation de tranches de vie, n’hésitant pas à régulièrement manier le copié-collé d’enregistrements de la vie quotidienne.

L’influence de la Soul et du Folk est par ailleurs massive et il est également clair que, même si beaucoup de ces artistes sont afro-américains, la démarche est américaine tout court. La reprise modifiée de Hotel California par Frank Ocean, sous le titre d’American Wedding, en témoigne ; elle hante véritablement celui qui l’a écouté. Il faut dire que Frank Ocean est indubitablement l’une des figures artistiques majeures du début du 21e siècle, de par sa variété mêlée d’unité, sa qualité et sa profondeur, son sens vocal exprimant une sensibilité toujours concrète.

« Eh bien, tu peux avoir ma Mustang, c’est tout ce que j’ai en mon nom / Mais au nom de Jésus-Christ, ne me brise pas le cœur / Cette alliance ne s’effacera jamais / Mais si tu restes, oh, si tu restes / Tu partiras probablement plus tard de toute façon, c’est de l’amour made in USA »

https://www.youtube.com/watch?v=3C0tPaHLhqQ

L’alternative R&B reste, malgré son très haut niveau, très marginal. Il y a un véritable plafond de verre, le capitalisme barrant totalement la route ne serait-ce qu’à son accès, alors que matériellement cet accès est possible. Une chanson surprenante, frappante comme Goldmine de Kilo Kish a environ 70 000 vues en sept ans sur YouTube… et ce même alors que le label / marque d’habits Maison Kitsuné la place sur une de ses compilations.

« Eh bien ce téléphone n’est pas le meilleur pour écrire des chansons

Mais néanmoins un vaisseau pour les fantasmes et les pensées voilées

Et alors que la lumière entre et m’attend sur mon mur

Je rassemble tout ce que j’ai et jette le voile une fois pour toutes

J’aimerais dire que c’est très bien

Ce ne pourrait jamais être une nuit perdue

5 heures du matin avant la lumière

Et si tu te réveilles bien

Appelle-moi, ce ne sera pas horrible

Je perds le sommeil à penser à toi, je trouve ça génial

J’ai cherché vraiment à fond

Mais je suis revenu les mains vide

J’ai pensé que le seul

Pour toi, c’est moi »

Il faut souligner que l’alternative R&B part dans des directions très différentes et qu’on y trouve, comme dans le metal, des orientations très différentes, des sensibilités ou des thématiques très variées. La musique électronique est plus ou moins présente, le rapport au hip-hop plus ou moins fort, la démarche peut être sombre ou lumineuse, etc. La vie quotidienne est en tout cas un axe central de l’approche, avec un profond intimisme couplé à une grande ouverture musicale et un côté accessible maintenu malgré le côté parfois pointu.

https://www.youtube.com/watch?v=VQKdJlzuzts

Tout cela fait de l’alternative R&B une perpétuelle redécouverte, quelque chose de très productif et ce n’est nullement un hasard qu’on y trouve un hégémonie féminine. On est à rebours de la course à la destruction du rap.

Voici la playlist en lecture automatique. Utilisez les boutons du lecteur pour passer d’un morceau à l’autre :

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Culture

Princess Nokia : « 1992 Deluxe » (2017)

Destiny Frasqueri alias Princess Nokia, avec son album l’album 1992 Deluxe sorti en septembre 2017, a réussi à produire à quelque chose de très intéressant, exprimant quelque chose de très fort, correspondant à une réaffirmation féministe urbaine des femmes, à travers un style hip hop marquée profondément par la soul et le R&B.

Pour bien évaluer la valeur et les limites de sa démarche, il faut se tourner vers ce qu’elle a fait juste avant, sous le nom de Destiny : une approche soul marqué par le funk et le hip hop, entre sensualité féminine afro-américaine et affirmation du patrimoine culturel, où l’on sent déjà une quête de la reconnaissance identitaire et personnelle, avec un son « maîtrisé ».

Ce que donne la musique en tant que Princess Nokia est bien différent. Dans une synthèse d’agressivité et d’esprit universel, mêlé à des sons particulièrement léchés, 1992 Deluxe est un album de reprise du terrain par les femmes, avec une orientation clairement tournée vers l’esprit de patrimoine, de culture, de communauté.

En ce sens, les chansons Bart Simpson et Kitana sont sans doute les plus révélatrices de l’atmosphère réelle à laquelle appartient la chanteuse dans sa dimension authentique : celle du hip hop d’une grande ville, avec une froideur quotidienne dans une immensité bétonnée, compensée par une quête de chaleur sociale, dans l’esprit de la musique soul.

C’est d’autant plus intéressant que à moins de se renouveler entièrement, ne pourra pas dépasser cette œuvre fondamentalement intéressante. La base de sa démarche est déjà corrompue, en raison de son « jeu » avec les identités.

Destiny Frasqueri a en effet un parcours chaotique : elle est d’origine afro-porto-ricaine et caribéenne, élevée dans différents foyers, sa mère étant décédée du SIDA, lorsqu’elle avait neuf ans, avant d’être élevé en partie par une famille juive. Adolescente en rupture mais s’intégrant dans un milieu plus aisé, elle se tourne vers le punk, vers la mythologie caribéenne des sorcières, ainsi que le mouvement de la Harlem Renaissance des années 1920-1930.

Se tournant alors vers la culture hip hop et R&B, elle prend le nom de Wavy Spice, puis Destiny et enfin Princess Nokia. Or, la valeur de sa démarche ne pouvait qu’attirer le commerce avide de modernité et de différence, de culte de l’identité, dont le phénomène du « queer » est le fer de lance aux États-Unis.

Si elle se veut donc résolument « ghetto » et totalement hostile au commerce de la musique, affirmant mépriser l’argent, elle est déjà justement par là devenue une figure de toute la scène intellectuelle et commerciale qui se prétend en marge.

Vogue a parlé d’elle, elle a défilé pour Calvin Klein, sa musique a pu être repris pour tel défilé de mode, alors que bien entendu des médias comme l’anglophone Vice ou le germanophone Spex la célèbrent pour son identité décalée, sa vulgarité outrancière, son affirmation féministe, etc.

La chanson Tomboy est un excellent exemple de cette fétichisation de l’identité. L’esthétique de la chanson se rattache à l’esprit révolté des années 1970, avec un féminisme de conquête de l’espace public clairement affirmé, tout comme la remise en cause des stéréotypes exigés par les femmes, y compris la beauté.

Mais cela passe par la vulgarité et la quête de reconnaissance identitaire, la chanteuse expliquant que « avec mes petits sein et mon gros ventre / Je peux prendre ton mec si tu me laisses faire », tout en disant en même temps être un mannequin pour Calvin Klein.

Cette démarche identitaire se retrouve dans la vidéo à prétention éco-féministe Young girls, au style totalement déconnecté de Tomboy, mais de la même démarche identitaire. La chanson Brujas, sur les sorcières caribéennes, serait alors une sorte d’intermédiaire.

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Princess Nokia pourra-t-elle se sortir d’un tel tournant identitaire, résolument commercial malgré sa prétention à ne pas l’être ? Cela révèle toutes les limites du phénomène « queer », qui prétend dépasser les clichés, mais qui au lieu des les abolir les fabrique au kilomètre, perdant de vue la société pour ne se tourner que vers l’individu s’imaginant roi… ou reine, ou princesse.