Le groupe de soviet wave Peremotka ( Перемотка en russe) a sorti un nouvel album en octobre 2020. Un album qui nous fait nous échapper dans une atmosphère de douceur, de tendresse, et de mélancolie très fine.
Fondé en 2015, au coeur donc de l’immense vague de post-punk rétro-soviétique, Peremotka exprime toute la vie quotidienne d’une jeunesse russe prisonnière d’une grande métropole. Le groupe est originaire d’Yekaterinburg (Sverdlovsk de 1924 à 1991), qui regroupe plus d’un million d’habitants dans la très froide région de l’Oural. Cet ancien pôle industriel s’est enfoncé dans une guerre des gangs pendant les années 1990 sur fond de libéralisme exacerbé, avant de se stabiliser autour des réseaux mafieux.
Avec déjà 5 albums à son actif, Peremotka signe avec ce dernier album, dont certains morceaux ont été publiés au cours de l’année, une très agréable oeuvre musicale.
Le groupe touche de manière enfantine, et plein de mélancolie à des tas d’aspects de la vie quotidienne, et le titre de l’album, « le début d’une merveilleuse amitié » (Nachalo Prekrasnoy Druzhby – Начало прекрасной дружбы), est un hommage à cette candeur d’une jeunesse russe, coincée entre un passé idéalisée et un futur sans horizon palpable.
Dans le premier morceau de l’album, « Супермарио » qui signifie « Super Mario », on retrouve cette ambiance, admirablement bien reflétée par les accords et les tonalités rythmiques. C’est là toute une référence à la bonne humeur, insouciante, d’une partie entre amis de ce jeu vidéo si populaire…
Dans toutes ces chansons, il y a à l’arrière-plan l’atmosphère d’une enfance passée dans un village oubliée, dimension culturelle qui marque entièrement cette génération d’artistes portant de la « soviet wave ». On voit là toute la subtilité de l’approche, « Peremotka » signifiant lui-même « Rembobiner », ce qui renvoie à cet état d’esprit mélancolique.
Littéralement bloqué dans le présent, idéalisant de manière naïve le passé, tout en cherchant à se saisir d’un horizon futur… en vain. Alors on tourne en rond, la cassette est rembobinée sur le quotidien, et ses quelques instances gracieux, plein de tendresses qui le parcourt. Comme avec le huitième morceau, Tvoevo balkona svet / « votre éclairage de balcon », où la voix brumeuse d’Olga Lopayev se découvre sur fond de nappes de synthétiseurs sombres et en même temps enivrante.
On a aussi le morceau Krasiva qui parle de la beauté, Staroe Kino qui fait référence aux vieux cinéma, « V letnem pole » témoignant du plaisir de flâner dans un champ de blé l’été. Et comment ne pas être touché à l’écoute et à la vue du clip de la musique « Première neige » (« Perviy Sneg »), si simple dira t-on, mais finalement tellement illustratif du rapport sensible universel que tout le monde a pu avoir à la nature d’hiver…
La musique Kak tebya pkovit (« Comment te conquérir ? ») témoigne d’une grande sensibilité en ce qui concerne la question de la romance amoureuse. On est bien loin de la violence à la fois sociale, et misogyne qui touche bon nombre de femmes russes, sur fond d’une grande pauvreté. Ici on a plutôt une délicatesse, une gêne même toute attendrissante :
Comment te conquérir ?
De quoi parler, par où commencer ?
Je ne sais pas quoi te dire.
Et c’est encore gênant
Pour écouter l’album en entier sur le bandcamp du groupe :
https://peremotka.bandcamp.com/album/nachalo-prekrasnoy-druzhby