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Rapport entre les classes

La réindustrialisation, c’est élaborer un nouveau mode de vie

Le « made in China » est une aberration sociale, écologique, économique, bref c’est une manière de faire fabriquer les choses à rejeter en bloc.

C’est pourquoi la réindustrialisation s’impose comme l’un des thèmes pivot pour l’affirmation du monde nouveau. Ce n’est pas pour rien que les expériences socialistes passées aient axé leur développement sur ce point : un ordre socialiste exige une base productive nouvelle.

L’URSS des années 1930 a décollé par la mise en œuvre de ses plans quinquennaux et la Chine populaire de la fin des années 1950 a cherché à produire elle-même son acier. A la différence de ces expériences, la France des années 2020-2030 n’a pas besoin de s’industrialiser, mais de se réindustrialiser dans un contexte de société de consommation généralisée.

Face à la société de consommation triomphante qui laisse se développer des individualismes de toutes sortes, il nous faut générer un mode de vie nouveau. Cela ne peut tomber du ciel : il faut en avoir les moyens industriels, tout autant que la volonté culturelle et politique.

La réindustrialisation n’est donc pas un retour à un ancienne industrie, encore moins une « gestion » économique pour donner du « travail ». C’est le cœur même du développement social et culturel d’une société.

Produire de la musique de qualité, c’est par exemple avoir à disposition du matériel musical de haute qualité, donc produit d’un haut niveau technique. Tout comme les vêtements, la mode vestimentaire suppose une industrie textile de haut niveau, avec un travail sur les textures et les couleurs, donc les matériaux utilisés, etc.

La France socialiste se doit donc de générer tout un nouvel appareil productif en rapport avec les besoins à satisfaire qu’elle se donne comme horizon.

Cela doit se réaliser selon un cheminement avec des étapes précises. D’abord, il s’agit de recenser les besoins et les moyens que le pays a à sa disposition pour les satisfaire. Cela demande de voir si telle ou telle production existe en France de manière totale ou partielle. On peut par-exemple avoir la matière première mais pas l’industrie de sa transformation, et vice versa. Ensuite, le recensement nécessite évidemment de voir ce qui relève des besoins de la civilisation et ce qui relève de la décadence capitaliste.

Par-exemple, ce qui est actuellement nommé « réindustrialisation » par le gouvernement relève d’une simple modernisation du capitalisme français dans l’espoir de le relancer dans des secteurs « porteurs », c’est-à-dire avec un taux de profit élevé à court-terme.

Mais le fait d’implanter des mégas-usines de batteries pour voiture électrique relève d’industries décadentes qui vont ne faire que prolonger un mode de vie polluant et individualiste. Tout comme l’annonce d’investissements par Ikea, sûrement d’ailleurs de centres logistiques, n’est qu’un accompagnement de la mentalité du petit propriétaire qui n’a plus lieu d’être. Et que dire des projets de « relocalisation » pour l’industrie militaire, simple faire-valoir pour le militarisme français ?

Par conséquent, au recensement suit la planification. Cette étape ne peut avoir lieu que si un recensement très rigoureux a été effectué pour la simple et bonne raison qu’il faut pouvoir dire ce qui va être socialisé et ce qui va être démantelé.

Il faudrait par exemple une vaste enquête sur la consommation d’électricité inutile en France, des spots publicitaires jusqu’aux enseignes commerciales en passant par tous les gadgets numériques. Ce sujet est capital, car il concerne les besoins énergétiques du pays et l’on voit comment la bourgeoisie française impose la relance du nucléaire par l’idée d’une hausse de « l’électrification des usages » à l’avenir. Cette électrification repose en fait largement là-aussi sur l’absurde généralisation de la voiture électrique.

Une France socialiste à l’inverse couplerait à la fois la rupture culturelle avec la voiture individuelle, qu’elle que soit son type de motorisation, et à la fois la généralisation des transports en commun, avec priorité pour le train et le tramway. Y compris, et surtout dans les zones de campagne.

Combien représente de consommation électrique un tramway de 3 rames pouvant transporter 300 personnes en comparaison à 300 personnes dans leur voiture individuelle, ou même 150 en voitures individuelles en postulant le covoiturage ? Ou pour prendre un exemple très concret, combien représente de Kw consommés l’ensemble des tablettes numériques affichant simplement les prix et les détails de chaque produit dans les magasins d’opérateurs téléphoniques et internet ?

D’ailleurs, l’industrie du transport en commun doit s’imposer comme la clef de toute réindustrialisation digne de ce nom. La généralisation des trains et des tramways à tout le pays, et non pas simplement les grandes villes, vise à générer un nouveau mode de vie collectif. On sait déjà ici que cette industrie sous-tend deux types d’industries : une sidérurgie et la production d’outils de production, de machines de haut niveau. Il y a de belles possibilités en France pour le second aspect bien que cela soit totalement insuffisant au plan quantitatif.

La France s’est d’ailleurs tellement « désindustrialisée » qu’on peut dire ici sans nulle doute que le chemin de la réindustrialisation doit passer par la mise en place d’une grande production sidérurgique et de machines-outils. Sans cela, il n’y a pas de marges de manœuvre réelle.

On est ici au stade de l’URSS d’avant 1930, tout en ne l’étant pas de part le niveau d’accumulation de connaissances techniques et scientifiques dans les mains de monopoles capitalistes qu’il s’agit de socialiser.

Mais l’industrie du transport ouvre la voie à un autre grand thème, celui de l’aménagement du territoire, aujourd’hui totalement bancal. Dans les années 1950-1960, l’organisme de la DATAR a accompagné le capitalisme français dans une « délocalisation productive » qui a abouti à des zones de production ultraspécialisées, en délaissant d’autres.

Cela n’est pas durable. Chaque région de France, dont la délimitation resterait à élaborer, se doit d’avoir une base productive autonome lui permettant de faire face à la satisfaction des besoins essentiels dans le cadre d’une production répartie selon le plan national.

Mais on ne peut plus avoir des pôles de spécialisation comme c’est le cas aujourd’hui, à moins de « naturaliser » le développement géographique par les « besoins » du capitalisme.

C’est à ce prix que l’on peut élaborer une planification productive adéquate qui voit s’ajouter au démantèlement, son corollaire, la systématisation. Il faudra systématiser des procédés essentiels à un nouveau mode de vie, mais actuellement mis de côté du fait des nécessités du capital cherchant à produire selon un taux de profit le plus élevé et non pour des besoins sociaux.

Un bon exemple est celui des systèmes de récupération des eaux de la douche et des lavabos pour alimenter l’eau des sanitaires, toujours basés sur de l’eau potable – ce qui est d’une absurdité totale dans une époque marquée par l’accentuation des sécheresses et des canicules. Quel type de production avons-nous en France pour planifier la systématisation de ce système à tous les logements ?

On aurait besoin de généraliser ces réflexions sur ce qu’il faut systématiser… Car la systématisation, cela signifie la massification de produits en série, donc la baisse des coûts. On pourrait parler ici de la systématisation de l’alimentation végétale pour arrêter les supplices envers les animaux, d’une industrie textile pour des vêtements à la fois fonctionnels, de grande qualité et chics, de l’industrie chimique pour les médicaments, etc.

Évidemment, le processus de réindustrialisation qui se fonde sur les tâches de recenser-planifier-démanteler-systématiser relève d’un programme d’État.

Un nouvel État, non pas fondé sur des « experts », des « scientifiques », mais sur la créativité collective du peuple. Pour cela il lui faut des organes pour stimuler le foisonnement démocratique. C’est la revendication de la Gauche historique qui a pris le nom de « soviets » en Russie mais que l’on peut facilement nommer assemblées générales en France. Les tâches de la réindustrialisation imposent donc la généralisation des assemblées générales à l’ensemble du territoire pour formuler les besoins à satisfaire.

Car une réindustrialisation qui ne suppose par le transfert du pouvoir de la bourgeoisie vers la classe ouvrière est vouée à l’échec pour la simple et bonne raison que les modalités d’accumulation du capital fondées sur la « division internationale du travail » (en fait l’exploitation du tiers-monde) et le chaos marchand, sont une entrave absolue. Seule la classe ouvrière, de part sa position sociale elle-même, peut imprimer une nouvelle direction industrielle en phase avec les besoins de l’époque à condition, évidemment, qu’elle sache se révolutionner elle-aussi.

Les assemblées générales – ou comités populaires, sont l’espace de la révolution, en tant qu’instrument politique d’un nouvel État, mais également comme vecteur de l’émulation culturelle pour acquérir, générer puis concrétiser une nouvelle vision du monde. Nouvelle vision du monde débouchant sur une industrie en mesure de la satisfaire. La réindustrialisation n’est pas quelque chose d’isolé de la société humaine, ce n’est pas un « programme économique », c’est le point nodal qui implique une culture et une politique lui étant liées.

La réindustrialisation ne peut être qu’un processus collectif élaboré par le peuple lui-même qui s’auto-saisit dans de nouveaux organes d’État pour se donner les moyens de changer la vie. C’est le nœud matériel du processus révolutionnaire.

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Assemblée générale et non intersyndicale ou gilets jaunes

Dans une intersyndicale, les travailleurs n’ont pas la parole ; chez les gilets jaunes, ils sont subordonnés aux revendications délirantes des couches moyennes. Il n’y a que dans les assemblées générales que la démocratie est à l’œuvre et permet d’avancer.

Beaucoup de gens de la Gauche ont compris qu’il y avait un souci profond dans la mobilisation du 5 décembre 2019. Les directions syndicales cherchent en effet déjà à se placer pour des négociations avec le gouvernement, ce dernier abattant ses cartes très lentement pour le projet de réforme des retraites, afin d’imposer son propre calendrier.

Il y a tous les ingrédients pour un enlisement et l’espoir d’un mouvement populaire côtoie le scepticisme. Les assemblées générales forment alors un thème qui refait surface, de manière normale puisque c’est un principe d’organisation populaire par définition.

Il est toutefois un problème très simple à comprendre : on trouve des gens de gauche disant oui aux gilets jaunes, oui aux syndicats, oui aux assemblées générales. Or, cela n’a aucun sens. Ces formes d’organisation ne sont pas que différentes, elles sont même résolument antagoniques, car elles affirment des lieux différents pour l’expression.

Le syndicat dit que ce sont les syndiqués qui décident, ce qui signifie bien souvent : la direction syndicale. Les gilets jaunes disent que ce sont les gens impliqués qui décident, ce qui est un volontarisme plus proche du Fascisme italien que d’autre chose.

L’assemblée générale dit que tout le monde s’exprime, que les décisions sont prises de manière démocratique par elle, que tout dépend d’elle. L’assemblée générale n’est pas composée que des gens le plus volontaires (comme chez les gilets jaunes ou les pseudos assemblées générales étudiantes). Elle est composée de tous.

> Lire également : Grève: qu’est-ce qu’une assemblée générale ? Qu’est-ce qu’un «soviet» ?

Il ne s’agit pas d’une unification des syndiqués, comme dans l’intersyndicale, il s’agit de l’affirmation d’une unité de tous les travailleurs, à la base même. L’assemblée générale, ce n’est pas une « mobilisation » d’une partie des travailleurs, c’est le lieu d’existence sociale et donc politique de tous les travailleurs.

C’est pour cela que seule la Gauche politique peut appeler à l’assemblée générale. La nature d’agora ou de forum (ou de soviet) de l’assemblée générale témoigne de sa nature démocratique et seule la Gauche politique peut affirmer cette démocratie.

C’est d’autant plus vrai en France où le syndicalisme est toujours resté un odieux volontarisme dans la perspective du syndicalisme révolutionnaire. Cela est tellement vrai qu’aujourd’hui anarchistes et CGT convergent ensemble, depuis plusieurs années déjà.

Si l’on valorise les syndicats ou les gilets jaunes, on est dans le volontarisme, dans le substitutisme. On ne peut pas dire qu’il faut forcer le cours des choses et vouloir la démocratie à la base. Si l’on prend l’exemple italien, on ne peut d’ailleurs que craindre les effets d’une valorisation du volontarisme dans un esprit syndical ou à la mode des gilets jaunes… Le Fascisme en tant qu’idéologie ne peut ici connaître qu’un profond regain.

La Gauche politique doit d’autant plus soutenir la démocratie à la base. Seules des assemblées générales peuvent par ailleurs sauver le principe même de démocratie, à une époque de consommation de masse supervisée par un capitalisme envahissant tous les aspects de la vie.

Même le régime républicain en place, déjà très peu démocratique avec sa démarche présidentielle, avec les préfets… parvient de moins en moins à donner l’illusion d’impliquer les gens dans les choix. Avec l’individualisme triomphant, on court donc à la catastrophe.

Il faut un formidable élan démocratique de la part du peuple. Sans cela, ce sera la mise en place d’un régime autoritaire « réglant les problèmes » par en haut, dans le sens du militarisme et de la guerre afin de satisfaire les besoins de conquête du capitalisme.

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Grève: qu’est-ce qu’une assemblée générale ? Qu’est-ce qu’un «soviet» ?

La pratique de l’assemblée générale n’a jamais réellement pris en France : soit parce qu’elle est étouffée par les syndicats, soit parce qu’on la confond avec une sorte de meeting activiste. Dans les universités, la caricature est extrême, avec les présents qui se réduisent à une simple petite minorité se voulant agissante. Une assemblée générale est en réalité une structure qui englobe l’ensemble des travailleurs, existe de manière organisée et prolongée.

La pire erreur, c’est de considérer qu’une assemblée générale ne concerne que les grévistes ou les partisans de la grève. C’est là une erreur complète nuisant fondamentalement à l’unité des travailleurs. L’assemblée générale est un lieu démocratique rassemblant tous les travailleurs. Bien sûr tous ne veulent pas forcément y venir, par dédain, esprit de défaite ou opposition à la grève. Or dans tous les cas il faut chercher à les convaincre de venir, d’exposer leurs points de vue.

Une assemblée générale dans une entreprise, à l’occasion d’une grève, est en effet un lieu démocratique pour les travailleurs et par conséquent en soi un lieu de rupture avec l’idéologie dominante. C’est un saut dans l’organisation et c’est précisément la base nécessaire à quoi qu’il se passe.

Une grève qui n’est portée que par une minorité agissant est une grève qui échoue ; lorsqu’elle n’est portée que par les syndicats, elle s’enlise dans des tractations qui peuvent apporter quelque chose, mais produisent dans tous les cas à la base la passivité, l’absence d’organisation, une non-dénonciation du niveau de conscience.

L’assemblée générale impulse par contre la conscience, l’organisation, l’action, parce que dans tous les cas elle implique les travailleurs. En ce sens, même une assemblée générale décidant de ne pas faire grève est une réussite par rapport à l’absence d’assemblée générale. Elle aura au moins été un lieu de décision, donc une expérience favorable.

Et plus l’assemblée générale est capable de se structurer, plus elle reflète la prise de conscience des travailleurs, et inversement.

Quels sont les besoins d’une assemblée générale en termes d’organisation ?

D’un bureau s’occupant de noter les présents et les absents, de prévoir l’intendance telles les boissons non alcoolisés, le papier et les crayons ou l’ordinateur portable pour noter les points, pour compter les votes, etc.

D’un secrétaire de l’assemblée pour gérer les discussions en accordant la parole.

D’un secrétaire pour noter les points abordés et les résumer.

Ceci n’est qu’un minimum, puisque selon le nombre de travailleurs, l’ampleur de la grève, ses objectifs, d’autres besoins surgissent, auxquels il doit être répondu de manière démocratique et collective. Quelqu’un qui agit pour les autres ici ne les sert pas : il les dessert, en les maintenant dans la passivité. La moindre expérience pratique dans une grève a des conséquences fondamentales pour quiconque y participe : à chacun de faire son expérience.

Et, donc, l’assemblée générale continue. C’est elle qui mène les négociations, pas les syndicats. C’est elle qui choisit qui va négocier, avec un mandat bien déterminé. C’est l’assemblée qui décide d’accepter ou pas ce que les responsables de l’entreprise proposent.

Toutes les actions sont décidées par l’assemblée, rien n’est décidé dans l’assemblée.

L’assemblée ne doit jamais être le rassemblement d’une simple petite minorité – comme les étudiants le font jusqu’à la caricature – ni le lieu où une petite minorité agit avec une majorité qui suit passivement.

L’assemblée est ainsi générale car elle est démocratique et engage tout le monde. Si jamais l’assemblée cesse la grève, seule une minorité aura bien entendu assez de conscience pour en tracer le bilan, pour en conserver la mémoire, pour travailler dessus. Il s’agira là des éléments les plus conscients, qui le plus souvent seront politisés à Gauche. Inversement d’ailleurs, ces éléments n’existent pas dans la classe ouvrière s’il n’y a pas d’expérience de masse à la base… d’où leur nombre si restreint voire inexistant actuellement.

D’aucuns diront que l’assemblée générale, se prolongeant, doit se prolonger jusqu’au bout, jusqu’à former le fameux « soviet », le conseil décidant que le pouvoir revenait à tous les conseils partout. Cette hypothèse n’est pour l’instant simplement qu’une hypothèse, car il n’existe pour l’instant même pas de démocratie chez les travailleurs, qui sont isolés, passifs, sceptiques, quand ils ne sont pas corrompus par le capitalisme.

C’est pour cela que tout dépend de l’existence des assemblées générales, de leur organisation, de leur prolongement concret jusqu’à assumer la direction des luttes. Sans ces assemblées générales, il y a un « mouvement social » – pas une lutte des classes.

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Est-ce le «soviet» qui manque à la Gauche française?

La soumission de la Gauche politique aux syndicats lors des luttes sociales est une tradition en France. Cela va pourtant à l’encontre de l’expérience en Europe, où ce sont les syndicats qui reflètent normalement sur le plan économique les perspectives tracées de manière politique. Le Parti socialiste se place ici dans cette expérience européenne en appelant à la grève du 5 décembre 2019 sans se placer dans la perspective syndicale.

Y a-t-il un problème d’organisation démocratique des travailleurs en France ? À la fin de la Première Guerre mondiale, la forme du « soviet », du conseil des travailleurs, a été assimilée dans une large partie de l’Europe, mais justement pas en France. C’est pourtant une forme qui permet la politique, alors que le syndicalisme à la française l’interdit.

Toute la Gauche a soutenu le principe des « soviets » lorsqu’il est apparu. Seule une partie de la Gauche – Lénine et les bolcheviks – considéraient que c’était la forme du « nouveau pouvoir » propre au socialisme. L’autre partie considérait que c’était la République, avec une représentation nationale « à l’ancienne ».

Mais tout le monde considérait que dans une période de troubles, la formation de « conseils » de travailleurs dans les entreprises était une chose cohérente, une mobilisation tout à fait dans l’ordre des choses. Les élections au sein des soviets en Russie montraient que l’ensemble de la Gauche y participaient (anarchistes, bolcheviks, menchéviks, socialistes révolutionnaires, etc.)

Et la crise ouverte en 1917 a provoqué la naissance de soviets dans de nombreux pays, souvent de manière massive, comme en Allemagne, en Italie, en Hongrie, en Autriche, en Finlande, bien sûr en Russie, etc.

Les pays les plus stables n’ont pas été touchés ; il n’y a donc pas eu de soviets en France, ni en Grande-Bretagne, deux pays où le syndicalisme était également puissant. Si cette question du syndicalisme est importante, c’est qu’on peut également voir que, par la suite, la forme « soviétique » n’est jamais apparue ni en France, ni en Grande-Bretagne.

Il y a bien sûr eu des assemblées générales de travailleurs dans une entreprise en lutte. Mais il n’y a jamais eu de prolongement de cette assemblée jusqu’à former une structure compacte prenant les décisions. Dans ces assemblées d’ailleurs, ce n’était pas les partis politiques de la Gauche qui formaient des tendances, mais seulement les syndicats.

Or, le problème est simple à comprendre : comment la Gauche peut-elle exister chez les travailleurs s’il n’existe aucun espace où ceux-ci peuvent se confronter à la politique de la Gauche ? La déclaration commune de novembre 2019 de la quasi totalité de la Gauche (hors PS) dit en définitive : nous serons la caisse de résonance politique des luttes syndicales.

Mais une telle chose ne peut pas exister. C’est pourquoi le Parti socialiste s’est montré bien plus intelligent, conséquent, logique, en ne signant pas la déclaration commune et en faisant son propre texte affirmant que la question n’était pas que syndicale, qu’elle touchait toute une vision du monde.

La déclaration commune dénonce évidemment le libéralisme économique également, mais en se plaçant dans l’orbite des syndicats. Le communiqué du Parti socialiste prend bien soin de terminer sur une note indéniablement politique. Il n’y a d’ailleurs pas le mot « syndicat », le flou étant savamment entretenu dans la première phrase, et dans la première phrase seulement :

« À l’appel de plusieurs fédérations et confédérations syndicales… »

Aucune référence aux syndicats n’est alors plus faite de tout le long communiqué ! On peut reprocher au Parti socialiste de faire de la mauvaise politique – mais en attendant, il en fait, contrairement aux signataires de la déclaration commune.

Tant que les travailleurs en France ne sauront pas en mesure de mettre en place une assemblée générale, de lui conférer un statut organisé, tant qu’ils maintiendront la fiction de la « lutte syndicale », on sera ainsi toujours à la traîne, dans une impasse avec d’un côté les réformistes électoralistes, de l’autre les syndicalistes « ultras ».