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Refus de l’hégémonie

Joe Biden en Israël contre Vladimir Poutine en Chine

L’actualité mondiale est la conquête de l’hégémonie de la part des grandes puissances. Cela donne en pratique une guerre larvée, d’influence, en plus des théâtres strictement militaires en Ukraine, en Arménie ou en Palestine. Le 18 octobre 2023 était un jour particulièrement marquant pour la grande bataille pour le repartage du monde, avec le dessin toujours plus net de deux grands blocs opposés.

Le premier, celui mené par la superpuissance américaine, tente de maintenir à tout prix ses acquis et ses positions. C’est pour cela que le président américain Joe Biden était en Israël, afin d’y affirmer son autorité au Conseil de guerre israélien.

Pour la forme, il est fait comprendre que les États-Unis soutiennent fermement Israël… et que ce dernier lui est soumis stratégiquement. Joe Biden a dit :

« À la suite de l’attaque terroriste du Hamas, qui était brutale, inhumaine, inimaginable, ce conseil s’est rassemblé, solide et uni. Je veux que vous sachiez que vous n’êtes pas seuls. Comme je l’ai déjà souligné, nous continuerons de soutenir Israël, alors que vous travaillez à la défense de votre peuple. Nous continuerons de travailler avec vous et les partenaires régionaux pour protéger des civils innocents d’autres tragédies. »

Israël est concrètement une base américaine au Proche-Orient, une base militaire, mais aussi politique et culturelle. Tout doit se définir par là. Alors Israël est prié de ne pas trop faire de vague, pour assurer les intérêts américains.

En début de semaine, le secrétaire d’État américain Anthony Blinken avait déjà assisté à l’intégralité du Conseil de sécurité israélien… qui s’était déroulé en bonne partie en anglais, et pas en hébreu moderne. Jamais un pays réellement indépendant ne pourrait accepter une telle supervision, bien entendu.

Et mercredi 18 octobre, pour affirmer sa main-mise, Joe Biden a expliqué notamment qu’il fallait l’entrée d’une aide humanitaire dans la bande de Gaza « au plus vite ». Il veut surtout limiter au maximum la portée politique néfaste mondialement d’un massacre de masse de la part d’Israël à Gaza.

L’armée américaine, qui a fait de grosses livraisons d’armes et de systèmes militaires à Israël, est donc sur le qui-vive dans la région pour faire en sorte que tout reste sous contrôle… et assumer l’escalade au besoin, mais selon les intérêts américains.

Après s’être rendu à Tel-Aviv, Joe Biden devait se rendre à Amman, en Jordanie pour y rencontrer le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas, ainsi que le roi Abdallah de Jordanie et le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi.

Il s’agit là de pays et d’une entité largement alignés en pratique sur les États-Unis, mais qui peuvent vite vaciller dans le contexte international. Et que s’est-il passé justement ? La visite a été annulée au dernier moment, officiellement en raison de l’explosion meurtrière survenue l’avant-veille sur le parking de l’hôpital al-Ahli, à Gaza. Il y a eu plusieurs centaines de morts et blessés graves selon le Hamas, quelques dizaines selon l’Union européenne.

Il y a eu tout un battage médiatique mondial pour accuser Israël, alors qu’en pratique l’attaque dans ces conditions d’une telle cible n’était pas cohérente. Israël explique de son côté qu’il s’agirait d’un tir de roquettes (ciblé ou manqué) de la part des brigades al-Qods, c’est-à-dire la branche armée du Djihad islamique palestinien (JIP), une organisation plus ou moins concurrente du Hamas (et liée à l’Iran, bien que sunnite).

Ce qu’il se passe en tous cas, c’est que les forces réactionnaires du monde arabe poussent de manière forcenée pour provoquer coûte que coûte un embrasement et se servent allégrement de cette tragédie autour d’un hôpital. Il y a notamment d’importants remous à Ramallah en Cisjordanie.

Pendant ce temps, la Chine assumait toujours plus clairement et ouvertement sa concurrence au bloc américain. Le 18 octobre 2023, elle recevait encore une fois Vladimir Poutine, le président russe. En l’occurrence pour des questions économiques, mais il a été rabâché à quel point les deux pays sont alignés, s’entendent sur les questions mondiales et veulent continuer leurs coopérations internationales.

Le président chinois a particulièrement insisté sur le « partenariat stratégique global de coordination sino-russe », expliquant que celui-ci est fondé sur un bon voisinage durable et une coopération mutuellement bénéfique, avec un engagement à long terme.

Le président russe a expliqué de son côté que :

« l’évolution du paysage international prouve pleinement le jugement stratégique du président Xi selon lequel le monde subit des changements sans précédent depuis un siècle. La Russie est prête à travailler avec la Chine pour renforcer la communication et la coordination au sein des BRICS et d’autres mécanismes multilatéraux, défendre le système international fondé sur le droit international et promouvoir la construction d’un système de gouvernance mondiale plus juste et équitable. »

Bien entendu, il a été question de la situation palestino-israélienne. Vladimir Poutine n’y est pas allé de main morte pour critiquer indirectement les États-Unis soutenant Israël, en leur opposant la création d’un État palestinien totalement « souverain et indépendant » et « avec Jérusalem comme capitale ».

Le même jour, mercredi 18 octobre 2023, le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov arrivait à Pyongyang en Corée du Nord pour deux jours et la Chine recevait les présidents du Kenya, du Nigeria et de l’Indonésie. La veille, elle recevait les dirigeants de Hongrie, du Chili, d’Éthiopie et du Kazakhstan.

La situation mondiale se tend clairement drastiquement, la guerre mondiale se dessine toujours plus nettement avec la concurrence pour l’hégémonie des deux grandes superpuissances que sont les États-Unis et la Chine (et son premier allié la Russie).

Rien n’échappe à la satellisation par les deux superpuissances à moins d’une ligne d’indépendance, fondée sur les principes de la Gauche historique. On n’y est pas, nulle part, et il le faut pourtant à tout prix pour indiquer le vrai chemin à suivre !

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Refus de l’hégémonie

La nature des Brics et le rôle central de la Chine

Le nom Brics vient de l’acronyme BRICS formé par les initiales du Brésil, de la Russie, de l’Inde, de la Chine et de l’Afrique du Sud (South Africa) ; c’est une alliance informelle entre ces 5 pays, élargie à partir de 2024 à l’Arabie saoudite, l’Égypte, les Émirats arabes unis, l’Argentine, l’Iran et l’Éthiopie.

C’est la Fédération de Russie qui est à l’origine de ce regroupement, en 2006, en marge d’une assemblée générale de l’ONU. Il y a eu ensuite différents jalons en vue des coopérations multilatérales entre ces pays se considérant au même niveau dans l’échiquier mondial : trop faible pour peser directement face aux puissances occidentales historiques, trop forts pour se contenter d’appartenir au tiers-monde.

Le premier véritable « sommet » des Brics n’eut lieu toutefois qu’en 2009, le 16 juin à Iekaterinbourg en Sibérie occidentale (et quatrième plus grande ville de Russie). La déclaration commune à l’issue disait avoir comme but de :

« promouvoir le dialogue et la coopération entre nos pays de manière progressive, proactive, pragmatique, ouverte et transparente.

Le dialogue et la coopération des pays BRIC sont propices non seulement à servir les intérêts communs des économies de marché émergentes et des pays en développement, mais également à construire un monde harmonieux de paix durable et de prospérité commune.

Le document expose une perception commune des moyens de faire face à la crise financière et économique mondiale. »

Cela ne souffre d’aucune ambiguïté : la volonté des Brics est d’exister de manière alternative à l’hégémonie de la superpuissance américaine. De par leur développement économique respectif, l’importance de leur population (plus de 40 % de la population mondiale) et la primauté de leurs ressources naturelles, ces pays entendent exister mondialement sans avoir à se soumettre aux États-Unis, mais tout en s’intégrant parfaitement dans la mondialisation capitaliste.

C’est pour cela que les Brics ne formaient pas, jusqu’au début des années 2020, une alliance formelle, de type militaire ou encore avec une intégration économique commune d’envergure. Il s’agissait normalement surtout d’une alliance de circonstance, pour peser et faire valoir leur puissance économique qui représentait en 2013 environ 27 % du PIB mondial.

La donne a toutefois changé depuis 2020. D’abord, il y a eu la crise sanitaire, qui s’est généralisée sur le plan économique, a changé la face du monde et chamboulé tous les rapports. Ensuite, il y a le conflit militaire en Ukraine, qui a accéléré la contradiction entre l’occident (sous domination américaine) et la Russie, créant un gigantesque clivage politico-diplomatique planétaire.

L’expansion potentielle des Brics

Surtout, la Chine s’est énormément développée durant les années 2010, devenant ouvertement une superpuissance challenger à l’hégémonie de la superpuissance américaine. Impossible dorénavant de considérer les Brics sans prendre en compte l’importance et le rôle de la superpuissance chinoise.

En fait, il faut même dire que l’existence des Brics, sa forme, ses discours, ses prétentions, intègrent totalement la stratégie chinoise d’hégémonie « alternative ». Voici le titre de l’allocution du président chinois Xi Jinping lors du 15e sommet des Brics à Johannesbourg en août 2023, où a été annoncée l’élargissement de l’alliance :

« Rechercher le développement par la solidarité et la coopération et assumer les responsabilités pour la paix. »

Ces mots choisis de manière très précise résonnent très fort dans tous les pays du tiers-monde, qui comprennent qui leur est proposé de suivre une autre voie que celle de la domination habituelle de la superpuissance américaine.

La Chine, particulièrement en Afrique, passe son temps à faire des accords économiques, acheter des terres, vendre des marchandises, proposer des appuis militaires, tout en prétendant ne pas du tout reproduire le schéma américain de domination.

Les Brics consistent essentiellement en ce support à la Chine dorénavant ; c’est une force d’appui à l’hégémonie « alternative » de la superpuissance chinoise. Voici ce qu’expliquait le porte-parole du ministère des Affaires étrangères chinois à Johannesbourg le 24 août 2023, expliquant les propos de son président durant le sommet :

« Les pays des BRICS sont une force importante pour façonner l’échiquier international, a déclaré Xi Jinping.

Le fait que nous choisissons en toute indépendance nos voies de développement, défendons ensemble notre droit au développement et avançons ensemble vers la modernisation représente l’orientation du progrès de l’humanité et influencera certainement en profondeur le cours du monde, a-t-il affirmé.

La coopération des BRICS se trouve à un moment crucial pour ouvrir de nouvelles perspectives sur la base des accomplissements réalisés, a souligné le président chinois.

Suivant la tendance du développement mondial et répondant aux aspirations des peuples du monde entier, le président Xi Jinping a fait une proposition en quatre points sur la coopération des BRICS dans divers secteurs, traçant la voie à suivre pour une croissance saine et substantielle de la coopération des BRICS.

Nous devons approfondir la coopération commerciale et financière pour stimuler la croissance économique.

Nous, pays des BRICS, devons être des compagnons de route sur le chemin du développement et de la revitalisation, et nous opposer au découplage et à la rupture des chaînes d’approvisionnement, ainsi qu’à la coercition économique, a déclaré XI Jinping.

Nous devons étendre la coopération politique et sécuritaire pour maintenir la paix et la tranquillité, a-t-il ajouté.

Les pays du BRICS doivent maintenir le cap du développement pacifique, se soutenir sur les questions relatives à leurs intérêts fondamentaux respectifs et renforcer la coordination sur les grandes questions internationales et régionales.

Nous devons proposer nos bons offices sur les questions brûlantes, en encourageant un règlement politique, a affirmé Xi Jinping. Nous devons intensifier les échanges entre les peuples, promouvoir l’apprentissage mutuel entre les civilisations et préconiser la coexistence pacifique et l’harmonie entre les civilisations, a-t-il proposé.

Nous devons promouvoir le respect de tous les pays dans le choix indépendant de leur voie de modernisation, a ajouté Xi Jinping.

Nous devons défendre l’équité et la justice et améliorer la gouvernance mondiale, a-t-il noté. Les pays du BRICS doivent pratiquer un véritable multilatéralisme, défendre le système international centré sur les Nations Unies, soutenir et renforcer le système commercial multilatéral centré sur l’Organisation mondiale du Commerce (OMC), et rejeter les tentatives de création de « petits cercles » ou de « blocs exclusifs ».

Nous devons faire avancer la réforme des systèmes financiers et monétaires internationaux et augmenter la représentation et le droit à la parole des pays en développement, a déclaré Xi Jinping. »

Les États-Unis, ainsi que tout le bloc occidental aligné sur la superpuissance américaine, sont directement visés. Il est fait allusion de manière très claire à la guerre en Ukraine entre l’Otan et la Russie ainsi qu’à la domination économique américaine au moyen du dollar et des embargos ou sanctions économiques. La République populaire de Chine prépare également très clairement le terrain en vue d’un affrontement direct avec les États-Unis sur la question de Taïwan.

Mais cela va plus loin que cela, car la Chine s’imagine pouvoir peser durablement et mise particulièrement sur le développement de l’Afrique au 21e siècle.

« En se concentrant sur le thème du sommet « Les BRICS et l’Afrique : Partenariat pour une croissance mutuellement accélérée, un développement durable et un multilatéralisme inclusif », les dirigeants des cinq pays BRICS ont eu un échange de vues approfondi et sont parvenus à un large consensus sur la coopération entre les BRICS et les questions majeures internationales d’intérêt commun.

Les parties sont d’avis que les BRICS doivent renforcer leur solidarité, continuer à embrasser l’esprit d’ouverture, d’inclusion et de coopération gagnant-gagnant, accélérer l’expansion des BRICS, rendre le système de gouvernance mondiale plus inclusif, plus juste et plus équitable, et promouvoir la multipolarité dans le monde.

Les BRICS doivent se soutenir sur les questions concernant les intérêts fondamentaux de chacun et respecter les voies de développement choisies indépendamment par les pays et adaptées à leurs réalités nationales.

Les BRICS doivent contribuer à accélérer la réforme du système financier et monétaire international, augmenter la représentation et le droit à la parole des marchés émergents et des pays en développement, faire progresser le développement durable et promouvoir une croissance inclusive. »

Depuis Johannesbourg, avec l’élargissement à d’autres pays, il devient évident que l’alliance des Brics n’est plus un regroupement informel, secondaire et de circonstance ; c’est un outil de développement pour l’hégémonie de la superpuissance chinoise en concurrence avec la superpuissance américaine.

C’est aussi, voire surtout en ce qui nous concerne en France, le marqueur de la dégringolade de la puissance américaine et de la fin de l’occident ! Non pas qu’il faille croire en l’hégémonie chinoise qui serait « meilleure » (si tant est qu’elle puisse se réaliser d’ailleurs), mais il faut se réjouir et appuyer l’effondrement occidental ; ce sera là le salut de la Gauche, la vraie, pour un monde qui doit changer de base!

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Guerre

La Chine entre en scène : acte 2

Elle fait ouvertement concurrence aux États-Unis.

La République populaire de Chine avait marqué l’actualité le 24 février 2023 avec l’annonce d’un « plan » pour mettre fin au conflit entre l’Ukraine et la Russie au moyen du dialogue. C’était le premier acte d’une pièce savamment orchestrée, consistant en le fait de se placer diplomatiquement sur la scène mondiale en concurrence avec les États-Unis dans le cadre de la guerre mondiale pour le repartage du monde.

Cela fût une grande réussite et depuis la Chine n’a eu qu’à attendre que les événements se déroulent en sa faveur. Tant l’Ukraine elle-même que les Européens ont effectivement poussé pour qu’il y ait une communication directe entre la Chine et l’Ukraine, à propos du conflit.

C’est dorénavant chose faite, à l’initiative de l’Ukraine, comme a tenu à le souligner la diplomatie chinoise, appuyant ainsi son statut de superpuissance. Le mercredi 26 avril 2023, le président chinois Xi Jinping s’est en effet entretenu par téléphone avec le Président ukrainien Zelensky.

Ce dernier a parlé d’un appel « long et significatif » (il aurait duré près d’une heure) devant donner une forte impulsion au développement des relations bilatérales entre les deux pays.

Il en ressort deux choses. D’une part, un ambassadeur ukrainien en Chine a été nommé. Il s’agit d’un ancien ministre des Industries stratégiques, Pavlo Riabikine, pour un poste vacant depuis février 2021.

Le régime ukrainien, avec ses illuminations nationalistes s’imagine avoir un quelconque poids dans la scène internationale et pouvoir profiter diplomatiquement de la Chine avec cet ambassadeur ; il se fait encore une fois l’idiot utile du jeu des grandes puissances menant la 3e guerre mondiale.

Ce qui compte vraiment en revanche, c’est qu’il sera envoyé prochainement un « Représentant spécial du gouvernement chinois pour les affaires d’Europe et d’Asie centrale ». Il devra se rendre tant en Ukraine que dans d’autres pays pour, selon le ministère chinois des Affaires étrangères :

« mener des échanges approfondis avec différentes parties sur le règlement politique de la crise ukrainienne. »

On comprend tout de suite que ce médiateur a vocation à se rendre également en Russie pour mener des négociations, celles-ci devant servir non pas à la paix comme but principal, mais au rayonnement international de la Chine face aux États-Unis. Il s’agirait d’ailleurs de l’ancien vice-ministre des Affaires étrangères Li Hui, qui a été ambassadeur de Chine en Russie de 2009 à 2019.

Que ces négociations aboutissent ou non, cela ne change strictement rien à l’affaire car ce qui compte pour la Chine est uniquement de se placer et d’exister en opposition à la superpuissance américaine.

Le communiqué du ministère chinois des Affaires étrangères appuie très clairement sur cette opposition, la superpuissance chinoise se posant en miroir inversée de la superpuissance américaine.

« La Chine n’est pas à l’origine de la crise ukrainienne, ni n’est partie à la crise. Membre permanent du Conseil de Sécurité des Nations Unies et grand pays responsable, elle ne reste pas les bras croisés ni ne jette de l’huile sur le feu, et encore moins en tire profit pour ses propres intérêts.

Ce qu’elle fait est désintéressé et impartial. Le dialogue et les négociations sont la seule solution viable. La guerre nucléaire ne fait pas de gagnant. »

Il faut bien souligner ici que, comme à son habitude, la Chine ne parle certainement pas « d’invasion russe », ni ne prononce le mot « guerre ». La Chine ne fait aucun mauvais coup à son allié russe qui est considéré comme une partie devant discuter.

« Il faut saisir les opportunités pour accumuler des conditions favorables au règlement politique de la crise maintenant que la réflexion et la voix de la raison de différentes parties se multiplient.

J’espère que les différentes parties tireront des enseignements profonds de la crise ukrainienne, et recherchent ensemble par dialogue une voie pour assurer la sécurité et la stabilité de long terme en Europe. »

La réaction de la Russie a été bien entendu très modérée, se contentant de rejeter la faute sur les Ukrainiens et les occidentaux ne voulant pas discuter. Prenant acte de la volonté de la Chine de « s’efforcer de mettre en place un processus de négociation », le ministère russe des Affaires étrangères a surtout dénoncé la partie adverse, ce qui fait directement le jeu de la Chine.

« Les autorités ukrainiennes et leurs soutiens occidentaux ont déjà démontré leur capacité à saper les initiatives de paix ».

De son côté, la superpuissance américaine s’est montrée forcément très ennuyée par le jeu de la superpuissance rivale. Le porte-parole du Conseil de sécurité nationale américain John Kirby a ainsi expliqué à la presse à propos de cet appel téléphonique :

« Nous estimons que c’est une bonne chose. Cela dit, savoir si cela peut déboucher sur une initiative, une proposition ou un plan de paix sérieux, nous l’ignorons pour l’instant. »

Surtout, il rappelle le rôle des États-Unis, qui ont véritablement la main sur le régime ukrainien et qui feront nécessairement tout pour saboter les œuvres chinoises, alors que les chinois font ici tout pour saboter les œuvres américaines.

« [la discussion de paix] ne sera pas viable ou crédible si les Ukrainiens et le président Zelensky, personnellement, n’y sont pas impliqués et ne la soutiennent pas».

C’est un moment marquant de la 3e guerre mondiale qui se déroule et s’amplifie chaque jour.

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Guerre

La nouvelle alliance sino-russe contre les États-Unis

La Russie intègre officiellement le bloc formé par la superpuissance chinoise.

Du lundi 20 au mercredi 22 mars 2023, le président chinois Xi Jinping effectuait une visite d’État en Russie, sa première visite à l’étranger depuis sa réélection à la tête du pays. C’est une visite historique, car elle vient sanctionner une perspective entièrement nouvelle sur la scène internationale. La Chine parle même de « l’ère nouvelle ».

C’est la question de la guerre en Ukraine qui est ici la clef pour changer la donne. Jusqu’à présent, ce sont les États-Unis qui avaient la main, menant une campagne mondiale ultra-agressive contre la Russie pour l’isoler et l’acculer militairement, au prétexte de défendre la souveraineté territoriale de l’Ukraine.

La Chine regardait cela avec distance et hauteur, n’intervenant que très peu sur le sujet, restant officiellement neutre, se contentant de ne pas faire le jeu de la superpuissance américaine en ne participant pas aux sanctions et à l’isolement ciblant la Russie.

Toutefois, le 24 février 2023, la Chine est officiellement entrée dans la danse en proposant une feuille de route en 12 points dans la perspective de mettre fin au conflit. La Chine n’utilise pas le terme de « guerre », par ailleurs.

C’était une première manœuvre diplomatique, afin de se placer comme grande puissance capable d’être une alternative à l’hégémonie occidentale, surtout contre la superpuissance américaine poussant à l’escalade.

La Chine utilise la question ukrainienne pour développer sa propre hégémonie alternative. La Russie accepte de s’y plier et intégrè donc officiellement le bloc formé par la superpuissance chinoise.

Voici le communiqué du ministère des Affaires étrangères de la République populaire de Chine (dans sa version française officielle) évoquant la Déclaration conjointe historique entre les deux pays.

« Dans l’après-midi du 21 mars, heure locale, le Président Xi Jinping et le Président russe Vladimir Poutine ont signé et publié, au Kremlin, à Moscou, la Déclaration conjointe entre la République populaire de Chine et la Fédération de Russie sur l’approfondissement du partenariat de coordination stratégique global à l’ère nouvelle.

Sur la question ukrainienne, les deux parties estiment que les buts et principes de la Charte des Nations Unies doivent être observés et le droit international, respecté.

La Russie salue la position objective et impartiale de la Chine sur la question ukrainienne.

Les deux parties s’opposent à la recherche, par quelque pays ou groupe de pays que ce soit, des avantages militaires, politiques et autres au détriment des intérêts sécuritaires légitimes d’autres pays.

La Russie réaffirme son engagement à relancer rapidement des pourparlers de paix.

La Chine y exprime son appréciation. La Russie salue la volonté de la Chine de jouer un rôle actif pour régler la crise ukrainienne par des moyens politiques et diplomatiques, ainsi que les propositions constructives présentées dans le document Position de la Chine sur le règlement politique de la crise ukrainienne.

Les deux parties indiquent que pour régler la crise ukrainienne, il faut respecter les préoccupations sécuritaires légitimes de tous les pays, éviter la confrontation des blocs et se garder de mettre de l’huile sur le feu.

Elles soulignent qu’un dialogue responsable est le meilleur moyen pour régler solidement la question, et que la communauté internationale doit soutenir les efforts constructifs dans ce sens.

Les deux parties appellent à cesser tout acte susceptible d’engendrer la tension et de prolonger les conflits, de sorte à prévenir la dégradation voire le dérapage de la crise.

Elles s’opposent à toute sanction unilatérale non autorisée par le Conseil de Sécurité des Nations Unies. »

La visite d’État a été de fait l’occasion d’une affirmation anti-américaine très forte, en assumant à la face du monde une coopération alternative, tant militairement qu’économiquement et culturellement.

Le Président de la République populaire de Chine et le Président de la Fédération de Russie ont publié également une Déclaration conjointe sur le plan de développement des priorités de la coopération économique sino-russe d’ici 2030.

La perspective, principalement sur le plan énergétique, est un approvisionnements en gaz russe vers la Chine d’ici 2030 qui sera d’au moins 98 milliards de mètres cubes, avec en plus de 100 millions de tonnes de GNL.

Presque tous les paramètres du grand projet de gazoduc sino-russe Power of Siberia – 2 ont été convenus lors de la visite d’État, entérinant le fait que la Russie devienne l’énergéticien de la superpuissance chinoise.

La Russie se place quasiment pour devenir une semi-colonie chinoise, acceptant les règlements en Yuan, renforçant la formation des étudiants russes dans les université chinoises, se disant même prête à aider les entreprises chinoises pour remplacer les entreprises occidentales qui ont quitté la Russie.

Ce qui se passe est très facile à voir : la Russie est utilisée par la Chine comme faire-valoir alternatif à l’occident sur le plan international. Voici comme la Chine raconte elle-même (en version française) le soutien de Vladimir Poutine à sa propre hégémonie alternative.

« Il a affirmé que la Russie soutenait fermement la Chine dans ses efforts pour préserver ses intérêts légitimes sur les questions liées à Taiwan, à Hong Kong, au Xinjiang et autres. Il a félicité la Chine d’avoir fait aboutir à des résultats historiques le dialogue entre l’Arabie saoudite et l’Iran à Beijing, estimant que cela illustre pleinement la place importante et l’influence positive de la Chine en tant que grand pays dans le monde.

La partie russe, a-t-il dit, salue la position objective et impartiale que la Chine poursuit depuis toujours dans les affaires internationales, soutient l’Initiative pour la sécurité mondiale, l’Initiative pour le développement mondial et l’Initiative pour la civilisation mondiale lancées par la Chine et entend intensifier encore davantage sa coordination avec la partie chinoise sur la scène internationale. »

De son côté, le président chinois Xi Jinping a été extrêmement clair pour présenter et affirmer l’intégration de la Russie au bloc chinois contre le bloc américain.

Il a expliquée que les deux pays doivent dorénavant :

  • se soutenir mutuellement sur les questions touchant aux intérêts vitaux de part et d’autre et combattre ensemble les ingérences des forces extérieures dans leurs affaires intérieures ;
  • renforcer la communication et la coordination dans les affaires internationales, notamment au sein des Nations Unies, de l’Organisation de Coopération de Shanghai, des BRICS et dans d’autres cadres multilatéraux ;
  • porter le véritable multilatéralisme, combattre l’hégémonisme et la politique du plus fort, contribuer à la reprise mondiale dans l’après-COVID-19, promouvoir la tendance à un monde multipolaire et à favoriser la réforme et l’amélioration du système de gouvernance mondiale.

La superpuisance américaine est très clairement désignée, la bataille pour le repartage du monde est entièrement assumée. Et celle-ci a déjà commencé. Et notre ennemi est notre propre camp.

Pour la défaite de l’OTAN et la déroute de l’occident !