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Guerre

Yémen : une tribune politique réclame un meilleur contrôle des ventes d’armes françaises

Une tribune signée par de nombreuses personnalités de gauche réclame un meilleur contrôle des ventes d’armes par la France, notamment via le Parlement.

En arrière plan, il y a bien sûr la question du Yémen, avec cette note « Confidentiel-Défense » dévoilée par le site Disclose, en partenariat avec d’autres médias, qui prouverait que le gouvernement est au courant d’un usage massif d’armes françaises par la coalition dans la guerre qui sévit au Yémen.

Entre temps, la ministre des Armées Florence Parly a affirmé à la radio que les armes vendues par la France « ne sont pas utilisées de façon offensive dans la guerre au Yémen », et qu’elle n’a en tous cas « pas d’éléments de preuve permettant de dire ça, que des armes françaises sont à l’origine de victimes civiles au Yémen ».

Voici la tribune, initialement publiée dans Libération ce lundi 15 avril 2019 :

« Depuis 2015, la coalition militaire menée par l’Arabie Saoudite et les Emirats arabes unis, soutenue par les Etats-Unis d’Amérique, la Grande-Bretagne et la France a engendré «la pire crise humanitaire au monde» selon l’ONU. Le bilan est terrifiant, 10 000 morts selon les chiffres officiels, et plus de 70 000 d’après les ONG. Du fait de l’embargo et de la destruction des infrastructures civiles, une famine sans précédent touche 16 millions de Yéménites. Cinq millions d’enfants sont touchés par la malnutrition retardant ainsi leur développement physique, mental et cognitif. Un enfant meurt au Yémen toutes les cinq minutes, une génération entière s’éteint.

Au service de l’industrie de l’armement

La communauté internationale détourne le regard. La France n’échappe pas à cette règle, tiraillée entre les ventes d’armes aux membres de la coalition, Arabie Saoudite et Emirats arabes unis en tête, et ses engagements internationaux. Le président de la République a beau affirmer qu’«il est faux de dire que l’Arabie Saoudite est un grand client aujourd’hui de la France», elle se hisse pourtant à la deuxième place en matière d’exportations d’armes.

Le gouvernement a connaissance de la gravité de la situation mais refuse toute responsabilité. Le président de la République justifie sans complexe cette stratégie, considérant que «c’est pure démagogie que de dire d’arrêter de vendre des armes à Riyad». Lorsque des milliers de Yéménites meurent et que des millions d’autres sont menacés par la famine, le dilemme n’est plus économique mais moral.

Au mépris du droit international

Cette politique d’exportation, rentable financièrement, se fait au mépris des traités internationaux, et engage, comme lors des quinquennats précédents, la responsabilité de notre pays. L’article 6 du Traité sur le commerce des armes, ratifié en 2014 par la France, interdit en effet toute vente d’armes dès lors qu’elles sont susceptibles d’être utilisées contre des populations civiles. Et pourtant ce sont près de 3,4 milliards d’euros d’armement qui ont été livrés à l’Arabie Saoudite entre 2015 et 2017, au plus fort du conflit. En vendant ces armes (chars Leclerc, avions ravitailleurs A330 MRTT, corvettes Gowind, canons Caesar, systèmes de ciblage pods) la France s’est même engagée auprès de l’Arabie Saoudite à assurer leur maintenance sur plusieurs décennies. Malgré le conflit, notre pays maintient sa coopération militaire avec Riyad.

Si le Parlement européen – comme d’autres pays européens tels que la Finlande, les Pays Bas, la Suisse – s’est prononcé en faveur de la suspension des livraisons d’armes à l’Arabie Saoudite et aux Emirats arabes unis en décembre 2018, le gouvernement reste inflexible. Les récents votes du Sénat et de la chambre des représentants sur l’arrêt du soutien militaire, dont les ventes d’armes, n’auront pas non plus suffi à infléchir la stratégie américaine.

Contrôle opaque et antidémocratique

Ce commerce lucratif pour les industries de défense s’appuie sur des règles opaques, excluant de fait tout contrôle démocratique. En effet, l’attribution des licences d’exportation est entièrement aux mains de l’exécutif. Les règles d’attributions ainsi que les décisions prises par la Commission interministérielle pour l’étude des exportations de matériels de guerre (CIEEMG), chargée de conseiller le Premier ministre en la matière, sont protégées par le secret-défense. Le Parlement est totalement absent de ce processus décisionnaire. La seule information dont disposent les citoyens se fait sous la forme d’un, très sommaire et peu précis, rapport au Parlement publié chaque année. Ni l’intitulé précis du matériel vendu, ni le nom du fabricant, ni la quantité du matériel ne sont indiqués. Malgré la demande des ONG françaises depuis 1997 de la création d’un office parlementaire, le contrôle des exportations a posteriori, notamment la traçabilité, est quasi inexistant.

Dans d’autres pays européens, une plus grande implication du Parlement permet un meilleur contrôle des autorisations d’exportations d’armes. Pour que cette situation cesse, nous demandons la mise en place d’une délégation parlementaire qui participera au processus de décisions pour l’attribution des licences d’exportation. L’urgence commande de telles mesures, pour que la France mette sa diplomatie au service de la paix, et cesse de se rendre complice de puissances criminelles.

Alexis Corbière député France insoumise, Christian Hutin, député socialiste, Jean-Paul Lecoq député Gauche démocrate et républicaine, Sébastien Nadot député non-inscrit, Esther Benbassa sénatrice Europe Ecologie-les Verts, Frédérique Dumas députée UDI, Jean Felix Acquaviva député Liberté et territoires, Manon Aubry candidate France insoumise aux élections européennes, Clémentine Autain députée France insoumise, Joël Aviragnet député socialiste, Marie-Noëlle Battistel député socialiste, Marie-George Buffet députée Gauche démocrate et républicaine, Ugo Bernalicis député France insoumise, Alain Bruneel député Gauche démocrate et républicaine, Moetai Brotherson député Gauche démocrate et républicaine, Erica Bareigts députée socialiste, Gisèle Biémouret députée socialiste, Christophe Bouillon député socialiste, Guy Bricout député socialiste, Luc Carvounas député socialiste, André Chassaigne député Gauche démocrate et républicaine, Eric Coquerel député France insoumise, Alain David député socialiste, Pierre Dharreville député Gauche démocrate et républicaine, Jean-Paul Dufrègne député Gauche démocrate et républicaine, Laurence Dumont députée socialiste, Elsa Faucillon députée Gauche démocrate et républicaine, Olivier Faure député socialiste, Caroline Fiat députée France insoumise, Guillaume Garot député socialiste, Raphaël Glucksmann candidat Place Publique aux élections européennes, David Habib député socialiste, Régis Juanico député socialiste, Sébastien Jumel député Gauche démocrate et républicaine, Marietta Karamanli députée socialiste, Manuéla Kéclard-Mondésir députée Gauche démocrate et républicaine, Jean Lassalle député non-inscrit, Michel Larive député France insoumise, Jerôme Lambert député socialiste, Bastien Lachaud député France insoumise, Serge Letchimy député socialiste, Josette Manin députée socialiste, Jean-Luc Mélenchon député France insoumise, Jean Michel Clément député Libertés et territoires, Paul Molac, député Libertés et territoires, Danièle Obono députée France insoumise, Younous Omarjee France insoumise aux élections européennes, Mathilde Panot députée France insoumise, Georges Pau-Langevin député socialiste, Stéphane Peu député Gauche démocrate et républicaine, Christine Pires-Beaune députée socialiste, Dominique Potier député socialiste, Loïc Prud’homme député France insoumise, Adrien Quatennen, député France insoumise, Valérie Rabault députée socialiste, Jean-Hugues Ratenon, député France insoumise, Muriel Ressiguier députée France insoumise, Fabien Roussel député Gauche démocrate et républicaine, Sabine Rubin députée France insoumise, François Ruffin député France insoumise, Bénédicte Taurine députée France insoumise, Sylvie Tolmont députée socialiste, Hervé Saulignac député socialiste, Hélène Vainqueur-Christophe députée socialiste, Boris Vallaud député socialiste, Michèle Victory députée socialiste, Hubert Wulfranc député Gauche démocrate et républicaine. »

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Politique

Djordje Kuzmanovic lance « République souveraine »

Ancienne figure de La France Insoumise, Djordje Kuzmanovic lance un nouveau mouvement, que l’on doit qualifier de nationaliste : République souveraine. La polarisation Droite / Gauche serait dépassée, il s’agirait de défendre désormais la nation française pour qu’elle retrouve sa « puissance ».

Djordje Kuzmanovic avait fait parler de lui récemment, notamment au sujet de la question de la migration. Cela lui avait valu les foudres de nombreux responsables de La France Insoumise et il avait finalement démissionné de son poste d’orateur national de ce mouvement. Il justifiait alors sa position en faisant référence à l’Allemande Sahra Wagenknecht et au mouvement ouvrier historique.

En cela, il avait indubitablement raison ; jamais le mouvement ouvrier n’a fait des migrations un phénomène positif, tout en soulignant évidemment à côté les droits des travailleurs immigrés. Sahra Wagenknecht n’a fait que rappeler des fondamentaux, et son discours est ouvertement anti-militariste, anti-guerre, anti-nationaliste, opposant les riches et les pauvres.

> Lire également : Immigration : Jean-Luc Mélenchon désavoue Djordje Kuzmanovic

Impossible par contre de faire confiance à Djordje Kuzmanovic, qui n’utilisait cet argument de la Gauche historique que par démagogie. Et, finalement, cet ancien militaire, fier d’aller à la séance religieuse du dimanche de l’ultra-réactionnaire Église orthodoxe russe, lance aujourd’hui son propre mouvement, République souveraine.

La rhétorique est classiquement d’extrême-droite. Dans le cadre d’une « situation de crise profonde : sociale, économique, politique, morale et existentielle », il faut que toutes les forces s’unissent comme cela avait été le cas pour le Conseil National de la Résistance.

La France serait-elle occupée ou sous tutelle, comme à l’époque par l’Allemagne nazie et l’Italie fasciste ? Selon lui, oui, par la Commission européenne et les traités de libre-échange. D’où l’appel « à une union sacrée, à un sursaut patriotique pour mener la reconquête de notre souveraineté perdue ».

Est-ce là du souverainisme, comme le propose par exemple Dupont-Aignan ? En fait, non. Car Dupont-Aignan est sincère dans sa démarche et, s’il est de Droite, il cherche d’une manière ou d’une autre à combiner des forces. Concrètement n’importe qui peut apporter son grain de sel.

À l’époque du Conseil National de la Résistance, il n’y avait pas l’effacement de la Droite et de la Gauche, mais leur combinaison temporaire face à un ennemi commun. Dupont-Aignan relève de cette même démarche, toutes choses étant égales par ailleurs.

Les souverainistes veulent ainsi l’unité de la Droite et de la Gauche en posant le cadre national comme prioritaire ; les nationalistes par contre, disent qu’il faut le dépassement de la Droite et de la Gauche. C’est donc tout à fait différent.

Voici ce que dit Djordje Kuzmanovic :

« Face à l’unification du bloc élitaire, incarné par l’actuel pouvoir, il faut dépasser les vieilles identités partisanes. Ce bloc est minoritaire, mais il peut continuer son œuvre de déprédation si les forces d’opposition restent prisonnières des stéréotypes de gauche et de droite qui les empêchent de s’entendre sur un socle commun.

Nous proposons à tous les républicains qui veulent lutter contre le bloc ultralibéral, européiste et atlantiste de se fédérer au sein d’un mouvement politique ouvert et structuré de façon à concilier efficacité de l’action et démocratie du fonctionnement (RIC interne) pour ensemble bâtir de nouveaux « jours heureux ». »

C’est là ni plus ni moins que du nationalisme. Il faudrait protéger la nation d’une agression extérieure insidieuse, réactiver la communauté nationale unifiée, au-delà des divergences politiques. C’est tout à fait dans l’air du temps : tout un pan des gilets jaunes dit la même chose. C’est bien pour cela qu’ils sont d’extrême-droite.

Djordje Kuzmanovic a-t-il pour autant changé de camp ? Sans doute pas, car il n’a jamais été de Gauche. Ce n’est pas pour rien qu’il a fait partie de La France Insoumise, qui a toujours eu des positions très strictes en ce qui concerne les ambitions militaires françaises et l’utilisation systématique de la rhétorique patriotique.

Il suffit de remarquer ici avec quel lyrisme Jean-Luc Mélenchon s’est adressé hier « aux militaires eux-mêmes », leur demandant de ne pas tirer « quand bien même ils en recevraient l’ordre », expliquant qu’il avait « compris que leur avis n’a pas été sollicité », prenant même le parti du chef d’état major des armées, dont « il n’est même pas certain [qu’il] ait été informé ».

D’où l’importance pour la Gauche de réactiver ses fondamentaux à ce sujet. Il y a un terrible recul dans la conscience de Gauche à ce propos. Car quoiqu’on pense du rôle au gouvernement du PCF et du PS, on est obligé d’admettre qu’ils ont aidé au renforcement et à la modernisation du militarisme, qu’ils n’ont jamais remis en cause ces institutions totalement réactionnaires que sont l’Armée, son administration, sa direction. On en paie le prix aujourd’hui.

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Guerre

Le film Le chant du loup et l’angoissante question de la bombe nucléaire

Le chant du loup est un film de guerre français à l’affiche depuis le 20 février 2019. À travers le prisme d’un opérateur sonar dans un sous-marin, il est question de la bombe nucléaire et du risque d’emballement guerrier.

Les films de guerre sont en général un problème parce qu’ils sont un moyen de mettre en valeur les militaires. C’est largement le cas dans le cinéma américain depuis de nombreuses années, et ce film d’Antonin Baudry, diplomate de carrière, adopte tout à fait cette perspective, au point qu’on se demande s’il n’est pas en service commandé pour la Marine nationale. Le chant du loup présente d’une manière favorable l’Armée française, en évitant soigneusement la question politique de la guerre. Il n’y a aucun esprit critique quant à ce qu’est une grande puissance militaire comme la France dans le cadre du capitalisme.

D’un point de vue cinématographique, le rendu n’est pas désagréable, mais le tout est assez lisse, presque documentaire. Le principal reproche qui lui est fait est de singer les codes du film guerrier américain, sans en avoir la dynamique. On doit y reconnaître en fait une touche française, avec cette focalisation psychodramatique sur les personnages, et une certaine lenteur de la narration propre à la volonté de présenter le sujet en profondeur, ou plus plutôt, très techniquement. C’est ainsi que la critique française a apprécié ces longues intrusions dans le détail du pilotage ainsi que, c’est au cœur de l’intrigue, les missions de l’« oreille d’or ».

Ce surnom est celui donné aux opérateurs sonars très qualifiés dont la mission est d’identifier les données sonores, ce qui est une tâche fondamentale dans un sous-marin. Ce travail est présenté par le réalisateur comme relevant du génie, alors qu’il est surtout le fruit d’un apprentissage et d’une longue expérience, afin de reconnaître et de mémoriser tout un panel de sons et d’identités sonores.

On a là un idéalisme tout à fait bourgeois, où il n’y a pas de reconnaissance pour le travail mais seulement pour la réussite individuelle, les destins individuels. Le personnage principal est ainsi le médiateur de toutes les péripéties et se retrouve presque responsable de déclencher une guerre nucléaire.

Le synopsis du film est de ce point de vue tout à fait ridicule, presque enfantin dans le propos :

« Un jeune homme a le don rare de reconnaître chaque son qu’il entend. A bord d’un sous-marin nucléaire français, tout repose sur lui, l’Oreille d’Or. Réputé infaillible, il commet pourtant une erreur qui met l’équipage en danger de mort. Il veut retrouver la confiance de ses camarades mais sa quête les entraîne dans une situation encore plus dramatique.

Dans le monde de la dissuasion nucléaire et de la désinformation, ils se retrouvent tous pris au piège d’un engrenage incontrôlable. »

Cette question de la guerre nucléaire est cependant le véritable sujet du film, avec cette angoissante question de la bombe nucléaire. Dans l’imaginaire collectif, il y a surtout le « bouton » nucléaire, avec ce pouvoir quasi magique du Président de la République d’appuyer pour déclencher le lancement d’une bombe nucléaire.

Cette vision est en partie fausse, car il y a bien sûr toute une chaîne de commandement, avec des procédures très précises et complexes, que le film présente en partie. Cette vision est fausse aussi car elle dépolitise la question de la guerre, qui ne relève pas seulement du choix d’individus, mais de contextes politiques, de rapports de forces.

L’angoisse populaire vis-à-vis de la bombe nucléaire est cependant très juste, car elle révèle l’incrédulité face à la stabilité du capitalisme. L’expérience du XXe siècle fait qu’on sait l’emballement possible, menant à la catastrophe, à une nouvelle grande catastrophe.

Le chant du loup n’est pas un bon film car il ne saisit pas cela, mais attribue le risque de guerre à une sorte de combinaisons de hasards malheureux, fruits de manipulations isolées. C’est la négation de la politique, la banalisation du militarisme.

Il faudrait accepter la guerre comme une possibilité, comme une menace ; il faudrait céder au chantage des militaires, des militaristes. Il faudrait revendiquer le patriotisme, réfuter l’internationalisme et voir en chaque pays un concurrent potentiel, voire un ennemi.

La Gauche doit dénoncer l’arme atomique, elle l’a toujours fait quand elle a assumé ses valeurs historiques, et elle doit être capable de comprendre le sens de cette insidieuse propagande en faveur du militarisme, de la banalisation d’une arme dont l’emploi serait un crime mettant le pays l’utilisant au ban des nations.

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Guerre

La concrétisation de l’avion de combat franco-allemand

Le moteur franco-allemand de l’Union Européenne ne vise pas qu’à la réalisation de projets d’ordre directement économique. Il promeut également une grande perspective militaire, dont l’avion de chasse est un aspect important, à côté du projet de char commun.

 

Quand on fabrique des avions de combat, ce n’est pas simplement pour la défense quand c’est une grande puissance qui le fait. On ne peut pas être de Gauche et posséder une quelconque naïveté à ce sujet. Alors lorsqu’il s’agit de deux grandes puissances qui s’allient, on se doute de ce qui se trame.

En l’occurrence, il s’agit de la France et de l’Allemagne, pour un projet qui en apparence concerne un avenir assez lointain. Le « SCAF » (Système de combat aérien du futur) est censé entrer en fonction en 2040 seulement. Vues les tensions mondiales actuelles, vingt ans c’est plus que lointain, c’est pratiquement un autre horizon.

Cependant, les premiers éléments doivent être prêts déjà dans quelques années, avec une démonstration publique des moteurs. De plus, c’est une manière de faire pression sur les autres pays de l’Union Européenne. Ainsi, dans quelques semaines l’Espagne doit rejoindre le projet, mais le ministère français des armées a prévenu : il faudra forcément reconnaître « la prééminence et le leadership franco-allemand dans le développement du SCAF ».

Enfin, cela participe à une généralisation des initiatives franco-allemandes. Un projet sur le long terme est censé montrer le sérieux de l’ensemble et débloquer toute une série d’initiatives du même type. Quand on annonce que les Rafale français et les Eurofigther allemands vont disparaître au profit d’un avion commun muni de drones d’accompagnement, on montre que l’affaire est sérieuse, la tendance générale. L’Allemagne a de son côté également exclu les F-35 américains de Lockheed pour le remplacement de ses Tornado, pour bien souligner la rupture en cours.

Le projet de Scaf s’appuie évidemment sur le tout récent traité franco-allemand. Dans celui-ci la France et l’Allemagne annoncent qu’elles « entendent favoriser la compétitivité et la consolidation de la base industrielle et technologique de défense européenne ». Elles se posent « en faveur de la coopération la plus étroite possible entre leurs industries de défense, sur la base de leur confiance mutuelle », et se proposent « [d’]élaborer une approche commune en matière d’exportation d’armements en ce qui concerne les projets conjoints ».

Pour cette raison, le projet de Scaf est particulièrement goupillé : l’architecture du programme et le concept sont attribués à Dassault Aviation et Airbus, l’architecture et l’intégration du moteur à Safran, l’entretien et les services à MTU.

Safran vient pour ce faire d’inaugurer une fonderie de nouvelle génération d’aubes de turbine à haute pression, à Gennevilliers, en banlieue parisienne. La Direction générale de l’armement lui a attribué le Plan d’études amont « Turenne 2 », s’étalant de 2019 à 2024, pour 115 millions d’euros. L’idée est de faire en sorte que les moteurs soient plus puissants et supportent ainsi une température de 2100°C, au lieu de 1850°C. L’avion doit être en mesure de transporter effectivement plus d’armement encore.

Éric Trappier, PDG de Dassault Aviation, à l’occasion de la signature qui vient d’être faite il y a quelques jours justement à Gennevilliers par les deux ministres des armées, Florence Parly et Ursula von der Leyen, en a profité pour affirmer le traditionnel lyrisme des fabricants d’armes, comme quoi ils sont les meilleurs, etc.

« Cette nouvelle mesure est un élément fondamental pour assurer l’autonomie stratégique européenne de demain. Dassault Aviation mobilisera ses compétences d’architecte et d’intégrateur systèmes pour répondre aux besoins des nations et permettre à notre continent de rester à l’avant-garde du domaine primordial des systèmes de combat aériens. »

Dire que l’Europe est à l’avant-garde ne serait vrai que si l’on prend la Russie, et encore serait-ce là nier la haute technologie américaine, sans parler de la course effrénée de la Chine pour rattraper le niveau. A cela s’ajoutent les Britanniques, qui ont leur propre avion de combat, le Tempest, réalisé par BAE Systems allié au groupe italien Leonardo. On voit ici comment l’Italie mène sa propre barque.

C’est une véritable course à l’armement qui se joue et le moteur franco-allemand entend généraliser la démarche. Si pour l’avion de combat, c’est la France qui prime dans le projet, ce sera l’Allemagne qui aura le dessus pour la mise en place du « char de combat du futur », qui prendra la place tant du Leclerc français que du Leopard allemand. Pour ce faire, la société allemande KMV a formé une société à capitaux mixtes KNDS avec le français Nexter.

La Gauche doit refuser ce militarisme. Elle ne doit pas tomber dans le piège chauvin expliquant que la France doit avoir son « indépendance » militaire, mais bien lutter contre le militarisme.

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Guerre

L’Armée française a frappé plusieurs fois au Tchad depuis dimanche

Des avions de chasse de l’Armée française ont frappé depuis dimanche à plusieurs reprises sur le sol tchadien. Ils visaient une colonne d’une cinquantaine de pick-up armés d’un groupe d’opposition au pouvoir en place, montrant l’ingérence de la France dans les affaires locales.

Conformément à la Constitution, le Premier ministre Édouard Philippe a informé hier les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat que des frappes aériennes ont été menées au Nord du Tchad les 3, 5 et 6 février, « contre des groupes armés venus de Libye ». Celles-ci sont pourtant menées en toute confidentialité, cachées à la population française, pour masquer le fait que le pays agit toujours de manière coloniale en Afrique.

L’état-major français a expliqué dans un communiqué que « l’action des Mirage 2000, engagés depuis la base de N’Djamena, appuyés par un drone Reaper, a permis au total de mettre hors de combat une vingtaine de pick-up ».

Il est précisé que « ces interventions, menées à la demande des autorités tchadiennes, ont été conduites de façon proportionnée, graduée et précise », ne précisant pas qu’elles ont fait, logiquement, de nombreux morts. Quiconque à Gauche n’a aucune illusion sur la prétendue souveraineté de cette « demande » tchadienne, tant on sait que les pays de l’Afrique sont largement sous la domination des grandes puissances mondiales. Les régimes sont constitués d’élites corrompues, formées souvent dans les grandes universités françaises, anglaises, américaines et aimant les grandes avenues parisiennes ou les quartiers chics de Londres ou Manhattan.

Que l’Armée française ait une base à N’Djamena est déjà en soit une offense à l’indépendance nationale Tchadienne, une survivance du colonialisme. C’est pour cela que les partis d’opposition tchadiens sont obligé de critiquer cette intervention militaire en déclarant à l’AFP qu’elle est « inappropriée » et qu’elle « viole le droit international ».

Il s’agit effectivement ici de l’ingérence de la France dans les affaires tchadiennes. Les véhicules et troupes frappées étaient de l’Union des forces de la résistance (UFR), un groupe armé ayant tenté de prendre le pouvoir en 2008, mais qui fut stoppé par l’intervention française. Le porte-parole en exil de l’UFR avait déclaré plus tôt dans la semaine que leur colonne avançait vers la frontière du Soudan, dans l’Ennedi, mais l’état-major français a considéré que « le raid de cette colonne armée dans la profondeur du territoire tchadien était de nature à déstabiliser ce pays ».

Ce groupe dont l’ambition affichée est de former « un gouvernement de transition réunissant toutes les forces vives du pays » et « d’organiser des élections », considère évidemment que « le peuple tchadien répondra, [que] cela peut passer par manifester une hostilité à l’encontre des Français » et que « Paris est devenue une force hostile au peuple tchadien ».

On a là, on l’aura compris, un pays profondément déchiré, déstabilisé, avec un chef de l’État Idriss Déby quasiment mis en place directement par la France en 1990, qui est opposé à son propre neveu, Timane Erdimi, membre de la même ethnie des Zaghawa, originaire du nord-est du pays.

Les grandes puissances comme la France ont directement intérêt à diviser les pays d’Afrique, les maintenir dans la guerre, l’émigration et le sous-développement. La Gauche en France ne peut pas accepter cela et elle se renie elle-même en fermant les yeux sur ces interventions, ces ingérences relevant d’une forme moderne de colonialisme.

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Guerre

L’effondrement des investissements chinois en Europe et aux États-Unis

La Chine monte en puissance sur le plan technologique et industriel, et les États-Unis ne comptent pas accepter d’abandonner leur position de force. On va vers un conflit armé pour le repartage du monde et l’effondrement des investissements chinois en Europe et aux États-Unis est un reflet de cette montée de tension à l’échelle mondiale.

Les journaux économiques mondiaux ont beaucoup parlé ces derniers jours des chiffres concernant les investissements chinois aux États-Unis et en Europe. On sait en effet que Donald Trump a lancé la guerre commerciale américaine contre la Chine ; tous les observateurs de « géopolitique » ont compris que les États-Unis ne comptaient pas attendre passivement que la Chine devienne une grande puissance militaire, ce qu’elle n’est pas encore.

La situation est donc de mauvaise augure et savoir si les investissements chinois se prolongent ou pas est un bon critère pour savoir quelle est la tendance de fond. Va-t-on vers la guerre ou bien les échanges continuent-ils comme avant, indiquant par conséquent qu’il y a au mieux des frictions ?

Il apparaît qu’on va au désastre : les investissements chinois aux États-Unis et en Europe se sont effondrés de 73 % par rapport à l’année dernière, passant de 111 à 30 milliards de dollars. La Chine ne se désengage pas : elle a des positions très fortes dans certains pays comme la Grèce. Sa présence continue également de croître en France, en Espagne, en Allemagne, ainsi qu’au Canada (de 80 % l’année dernière).

Mais elle sait qu’il n’est pas dans son intérêt de mettre l’accent de ses investissements dans ce qui risque de se retourner contre elle. La preuve de cela apparaît quand on sait que 66 % des investissements chinois vont en Asie, 12 % en Amérique latine, qu’il y a une présence chinoise massive en Afrique.

L’Europe et les États-Unis ne sont que des choix secondaires pour les investissements chinois et le repli chinois montre bien qu’on va vers un affrontement pour le repartage du monde.

Les États-Unis ne comptent évidemment pas attendre que la Chine se soit renforcée au point de parvenir à un éventuel équilibre militaire. D’où la guerre commerciale américaine contre la Chine, d’où l’arrestation d’une dirigeante de Huawei au Canada (et sa libération sous caution au bout d’un certain temps), d’où l’arrestation d’un cadre de Huawei en Pologne pour espionnage.

Huawei est en termes financiers la sixième plus grande entreprise de technologie, avec 170 000 employés ; les États-Unis ne comptent pas laisser cette entreprise continuer sa croissance. Il faut également penser à ZTE, qui fournit des entreprises de télécoms et des gouvernements dans 160 pays.

C’est parce qu’il représente la ligne de l’affrontement que Donald Trump a été élu, de même que Bolsonaro a été élu au Brésil, que le Brexit est devenu la ligne du Royaume-Uni, que des forces isolationnistes – protectionnistes – nationalistes sont au pouvoir ou au gouvernement en Italie, en Hongrie, en Autriche, en Pologne, etc. Il faut bien entendu aussi prendre en compte la Russie, qui met de l’huile sur le feu. On aurait tort d’ailleurs de penser que la France ne relève pas de ce petit jeu, surtout avec sa présence massive en Afrique.

Dans un tel panorama, ne pas voir que la guerre est une tendance inexorable serait de la naïveté. Penser que la France, avec l’Union Européenne, pourrait éviter la guerre, serait également du cynisme, ou bien un espoir vain.

Il appartient à toutes les forces de Gauche de prendre conscience de ce à quoi amène la compétition mondiale sur le plan économique, et de prendre l’initiative pour faire face à la guerre qui vient. Il y a ici une responsabilité historique et ne pas l’assumer serait un crime !

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Politique

Le chaos du vote sur l’accord de Brexit

Le Parlement britannique a massivement rejeté hier soir l’accord négocié par Theresa May avec l’Union Européenne pour organiser le Brexit, alors qu’il ne reste que quelques semaines avant l’échéance du 29 mars. Comment un tel chaos est-il possible alors que ce qui se passe est d’une très grande importance sociale, culturelle, et bien sûr économique ? Ce qui se révèle ici, c’est la quête exacerbée de chaque pays à tirer les marrons du feu, c’est-à-dire le renforcement du nationalisme.

Le chef de l’opposition travailliste Jeremy Corbyn a parlé d’une « défaite catastrophique » pour le gouvernement de Theresa May, la « plus grande depuis les années 1920 ». Le vote avait en effet été reporté depuis le 11 décembre pour éviter un tel camouflet. Il était considéré qu’à moins de 100 voix d’écart entre les pour et les contre, la ministre aurait une marge de manœuvre pour renégocier avec l’Union Européenne, mais il y a eu 230 voix d’écart.

Le résultat du vote était attendu tellement la situation est tumultueuse au Royaume-Unis, la seule question était celle de l’ampleur de ce rejet. Celui-ci fut donc très grand, avec 432 voix contre et seulement 202 voix pour, ce qui plonge le pays dans une grande instabilité.

Ce rejet massif relève lui-même d’une grande confusion, car les votes contre ont exprimé des opinions diverses, soit pour dire qu’il ne fallait pas d’accord du tout, soit pour dire qu’il fallait rester dans l’Europe, avec bien-sûr toutes les nuances intermédiaires.

C’est là quelque chose de très chaotique et le bon sens voudrait qu’on procède à un nouveau référendum pour savoir si vraiment il y a une majorité pour le Brexit dans le pays. Cependant, les énormes conflits d’intérêts économiques existant au sein des couches sociales dominantes britanniques empêchent toute rationalité.

Cette proposition d’accord était d’ailleurs elle-même très irrationnelle, parce qu’inacceptable par nature pour un pays. Elle consistait pour le Royaume-Unis, de fait, à garder les règles européennes tout en perdant son pouvoir de décision vis-à-vis des pays membres de plein droit. C’était un bricolage pour faire face à l’urgence, pour tenter de gérer une situation ingérable au vu des différentes contradictions que posent cette sortie de l’Union Européenne.

Il faut bien se douter en effet de l’importance d’un vrai problème de fond, pour que l’une des principales puissances mondiales ne sache pas à ce point si elle veut être ou non dans l’Union Européenne. Il y a au sein des couches dominantes britanniques des partisans d’une alliance avec les États-Unis, d’autres d’un repli sur le Commonwealth, enfin encore d’autres d’une ouverture à l’Union Européenne, sans parler des différentes variantes plus ou moins intermédiaires entre ces options.

On ne sait pas trop qui a le dessus et l’Union Européenne elle-même aimerait bien le savoir, pour savoir si elle doit laisser ouverte la porte, si elle doit la fermer lentement ou carrément brutalement. En clair, avec les événements d’hier soir, puisqu’il n’y a pas d’accord, on peut même imaginer que le Brexit soit repoussé jusqu’aux élections du printemps… à moins que les frontières soient subitement reformées de manière stricte dès le 29 mars avec un « hard-Brexit » !

La question des frontières est d’ailleurs un grand problème ayant empêché tout accord cohérent puisque la question de l’Irlande est très complexe. S’il n’y a plus l’Union Européenne, alors il faut d’une manière ou d’une autre une frontière physique, et donc une frontière terrestre entre l’Irlande du Nord et l’Irlande, qui entend de son côté plus que jamais rester dans l’Union Européenne. Sauf que personne n’imagine concrètement une telle frontière, même chez les plus ardents partisans du Brexit, cela d’autant plus que la question nationale irlandaise est encore très brûlante.

Il est évident qu’aucun décideur économique ne peut apprécier une telle situation, sans parler des gens normaux pour qui tout cela est très troublant. La société britannique ne peut qu’en être par ailleurs profondément tourmentée et divisée. Cela renforce l’ambiance anxiogène mondiale qui, avec Trump, Poutine, Erdogan, etc., n’en avait pas besoin.

Mais c’est malheureusement le sens de l’histoire. La Gauche n’a pas écrasé les forces faisant de la guerre un moyen de solution aux problèmes économiques et sociaux. On a beaucoup parlé du racisme comme vecteur d’une régression culturelle et sociale. Cela est juste, mais cela n’est jamais qu’une composante de la pratique de « diviser pour régner » allant de pair avec le principe comme quoi c’est par la guerre que se résolvent finalement tous les problèmes.

La mobilisation de la population vers de fausses solutions est un levier classique pour profiter d’énergies souvent sincères et aller plus efficacement dans le sens de la confrontation économique, politique, militaire. La question du Brexit, c’est évident, ne peut être comprise que dans son rapport avec la notion de guerre, de nationalisme, de bataille pour le repartage du monde.

Il faut souligner ici, pour ce qui nous concerne en France, le rôle absolument néfaste d’un Jean-Luc Mélenchon qui s’est empressé de saluer le résultat du vote :

« Accord Brexit rejeté à la chambre des Communes. L’Union européenne décompose les gouvernements qui pactisent avec elle »

« Le pire accord de libre-échange jamais accepté par la France vient d’être battu au Parlement anglais : pas de regrets »

Lui dont le succès est issu d’une vague de fond nationaliste ayant suivit le référendum sur la Constitution européenne en 2005, participe directement de ce climat délétère, voir franchement nauséabond, tendant à la guerre.

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Le Brexit, un pas vers la division, vers la guerre

L’accord ente l’Union Européenne et la Grande-Bretagne, qui doit encore être validé par le parlement britannique, est l’expression de la tendance au repli isolationniste des pays capitalistes, dans un contexte de bataille pour le repartage du monde.

Brexit

Les choses sont donc désormais fixées : le gouvernement britannique est parvenu à un accord avec l’Union Européenne au sujet du Brexit. Le document de l’accord fait 600 pages et celui-ci rentrera en vigueur le 29 mars 2019. Le parlement britannique doit encore valider cet accord le 11 décembre, ce qui ne va pas forcément de soi.

C’est en effet tout le paradoxe : une large partie de la population britannique n’est pas pour le Brexit, et c’est vrai même pour une partie importante des entreprises, des bourgeois et des grands bourgeois. Seulement voilà, ce qui décide en dernier ressort, c’est la tendance historique.

Or, la tendance historique est à l’affrontement pour le repartage du monde, parce que c’est nécessaire pour obtenir suffisamment de profits. La croissance interne ne suffit pas, elle ne peut jamais suffire, et la Grande-Bretagne a les moyens de faire sa propre aventure, de par les restes de son empire et sa puissance financière. Cela est d’autant plus vrai que l’Union Européenne est inéluctablement marquée par l’hégémonie du tandem franco-allemand.

Angela Merkel vient d’ailleurs d’affirmer que « les Etats souverains doivent aujourd’hui, devraient aujourd’hui, être prêt à abandonner leur souveraineté ».

Le Brexit est donc strictement similaire à l’élection de Donald Trump aux États-Unis. Il y a bien d’autres équivalents, comme la prise du pouvoir en Autriche, en Hongrie, en Italie, en Pologne, par des réactionnaires brutaux focalisés sur l’optique isolationniste – nationaliste. La récente élection de Bolsonaro au Brésil relève du même principe.

> Lire également : Présidentielles brésiliennes : le succès ultra-réactionnaire de Jair Bolsonaro

La croissance permise par l’ouverture des marchés en Europe de l’Ouest, puis son élargissement à l’Est après 1989, a fait son temps. Elle n’est plus assez effective et c’est désormais le chacun pour soi, d’autant plus que ne pas le faire équivaut à renforcer la Chine, qui s’est habilement placée depuis 20 ans comme « usine du monde ». Chacun entend désormais remettre les compteurs à zéro et privilégier sa propre situation, afin de parvenir à trouver une croissance, coûte que coûte.

Cela sous-tend naturellement deux choses : d’abord que l’écologie est un thème définitivement passé aux oubliettes, ensuite que la tendance à la guerre émerge de manière ouverte, alors qu’elle était passée à l’arrière-plan avec le cycle ouvert par 1989.

On fait ici face à un problème : si les gens en France reconnaissent cela, ils n’y croient pas pour autant, ou bien pensent que cette guerre sera loin, en Asie. Personne ne prend la guerre au sérieux, à part bien entendu les généraux de l’armée française, ainsi que le haut appareil d’État. C’est très grave, vu comment les choses peuvent se passer très vite.

Rappelons ici brièvement quelques tensions importantes, alors que l’Ukraine a décrété la loi martiale en raison de tension avec la Russie dans la région de la mer d’Azov, de la mer noire. L’Espagne veut à tout prix récupérer Gibraltar, que les Britanniques ne comptent jamais abandonner. L’Autriche veut donner la nationalité autrichienne aux germanophones au Tyrol du Sud, considéré par l’Italie comme le Haut Adige. La Hongrie compte bien annexer les territoires des pays voisins où les Hongrois forment la majorité, la remise en cause du partage d’après 1918 étant son obsession. La Bosnie est une poudrière bureaucratique et mafieuse sous pression de la Croatie et de la Serbie, cette dernière entendant bien récupérer le Kosovo, que l’Albanie souhaite quant à elle annexer.

Des tensions comme cela il y en a encore de nombreuses en Europe, et c’est encore pire dans le monde. Cela ne jouerait pas vraiment si la tendance était à l’unification, aux échanges, mais là le capitalisme se contracte ; en perte de vitesse, il reprend ses bases nationales et donc la tendance à la compétition nationale, au repartage, à la guerre.

Le Brexit est l’expression d’une telle tendance et elle est un avertissement de la terrible menace qui pèse sur les peuples du monde : le monstre de la guerre ressurgit !

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Présidentielles brésiliennes : le succès ultra-réactionnaire de Jair Bolsonaro

Jair Bolsonaro a été élu avec un large succès à la tête de l’État brésilien. Fanatique anticommuniste, chantre de la religiosité, grand nostalgique de la dictature militaire, anti-écologiste primaire, il est un exemple de plus du grand repli nationaliste et militariste de chaque pays dans le monde.

Jair Bolsonaro a été élu ce dimanche de manière tout à fait nette, avec 55,1% des voix, soit 57,8 millions de votes, contre 44,9% soit 47 millions de voix à Fernando Haddad, qui tentait de maintenir en vie le cycle d’hégémonie du Parti des Travailleurs, qui prônait une Gauche engagée mais n’a dans les faits jamais cherché une quelconque rupture, provoquant un désenchantement profond dans la population.

Et permettant donc à quelqu’un comme Jair Bolsonaro de prendre la tête d’un mouvement de défense de la religion, de la famille et de la propriété privée, avec un véritable engouement en sa faveur. Poignardé lors d’un bain de foule durant la campagne présidentielle, il n’en est devenu que davantage la figure quasi christique du sauveur venant rétablir les valeurs originales, essentielles, d’un Brésil totalement idéalisé.

Ce n’est en effet pas un homme fort plaçant l’armée au centre du jeu qui pourra supprimer une violence sociale endémique à une société déséquilibrée socialement et paralysée économiquement, pourri par les grands propriétaires terriens qui sont d’ailleurs les grands soutiens de Jair Bolsonaro.

Un feu d’artifice a été tiré à Rio pour fêter la victoire de Jair Bolsonaro, alors que le lendemain de celle-ci, le lundi, la bourse de São Paulo connaissait un record, avec l’indice boursier Bovespo gagnant 2,4% dès l’ouverture, l’entreprise pétrolière Petrobras 3,6%, le réal prenant 1,4% face au dollar américain. Jair Bolsonaro est considéré comme l’homme adapté à la nouvelle étape.

Député depuis 28 ans, il aura de fait adhéré en tout à neuf partis différents afin de parvenir à se positionner comme l’homme de la situation, le chef autoritaire d’une énième restructuration du pays. Après la tentative d’une modernisation sociale avec le Parti des Travailleurs de Lula (désormais en prison pour corruption), qui entendait faire du Brésil une grande puissance avec l’appui de la population et à travers l’État, cela sera désormais une stratégie plus traditionnelle, par en haut, sans mobilisation de la base du pays.

Naturellement, Donald Trump s’est réjoui de cette victoire de Jair Bolsonaro et annonce un travail étroit avec lui. Marine Le Pen l’a félicité. Le parti d’Emmanuel Macron, qui est lui modernisateur – libéral, en fait par contre une cible. Une manière de résumer le monde à un affrontement entre libéraux libertaires et nationalistes ultra-réactionnaires.

On voit ainsi encore une fois ce que ne comprennent pas les libéraux. Les médias ont  ainsi largement repris en France les nombreux propos agressifs de Jair Bolsonaro, ses propos odieux sur les femmes notamment, en particulier son « Je ne te violerai pas. Tu ne le mérites même pas »  visant, en décembre 2017, Maria do Rosário, députée du Parti des travailleurs (PT), juste après qu’elle ait rendu hommage aux travaux de la Commission nationale de la vérité sur les crimes commis par la dictature militaire.

Cela est tout à fait inacceptable, mais si Jair Bolsonaro a gagné, c’est surtout parce qu’il a dit qu’un bon bandit est un bandit mort. En cela, il correspond aux attentes d’une population ne pouvant plus vivre dans l’ultra-violence caractérisant le Brésil. Jair Bolsonaro pose le principe d’un Etat de droit, ce qu’une véritable Gauche devrait faire, mais cela signifie accepter le principe de révolution, car seul un nouvel État peut réellement établir l’ordre dans un Brésil corrompu et possédé par les plus riches.

En s’entourant de généraux et en prétendant rétablir un ordre qui en réalité n’a jamais été là, Jair Bolsonaro a mis en place un romantisme capable d’ensorceler une partie majoritaire du pays.

L’avenir du Brésil s’annonce bien sombre et c’est un pays de plus qui tombe dans le giron des partisans du repli nationaliste et du militarisme. Le processus est général et correspond à la mise en place de nouveaux rapports de force, de nouvelles perspectives de guerre, pour le repartage du monde.

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États-Unis : fin du traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire

Donald Trump a annoncé que les États-Unis annulaient le Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire. C’est un pas de plus vers une situation de crise militaire mondiale, avec en arrière-plan la compétition américaine avec la Chine, afin d’empêcher un repartage du monde.

Number of warheads / year (USA, USSR/Russia)

Les années 1980 ont été extrêmement difficiles sur le plan psychologique pour les populations européennes, car la menace d’une guerre était omniprésente, d’autant plus que des missiles atomiques étaient disposés de part et d’autres des deux camps en présence. L’URSS avait à l’est disposé des missiles SS-20, tandis que les États-Unis plaçaient à l’ouest des missiles Pershing ainsi que des camions porteurs de missiles, les BGM-109G Gryphon.

De très nombreux films, notamment de science-fiction, reflètent cette angoisse apocalyptique (2010 le premier contact, Abyss, Wargames…), alors que de nombreux pays connaissaient de très nombreux mouvements d’opposition. L’Angleterre notamment a connu un énorme mouvement anti-armes atomiques et l’Allemagne un énorme mouvement anti-guerre, alors qu’également des attentats anti-OTAN ou anti-guerre se multipliaient en Belgique, en Allemagne, en Italie, en France, etc.

La situation a connu une rupture totale avec le Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire, qui mit de côté ces missiles à partir de 1988. Cela correspondait à l’effondrement de l’URSS sous le poids économique monstrueux de son gigantesque complexe militaro-industriel ; le nombre de têtes atomiques soviétiques dépassait largement celui des États-Unis, par exemple.

En supprimant les missiles dont la portée était entre entre 500 et 5 500 km, on sortait de la confrontation violente offensive, pour en revenir à une ligne de friction et de menace nucléaire générale en cas de conflit ouvert. Cet équilibre de la terreur empêchait une confrontation franche, mais non totale.

En annonçant la fin de ce traité, Donald Trump retourne à la position offensive, visant de manière implicite la Chine. Celle-ci n’a jamais signé le traité, n’étant à l’époque pas du tout concerné. Comme l’affrontement américano-chinois est à l’ordre du jour, les États-Unis prennent l’initiative, même s’ils prennent comme prétexte que la Russie n’obéirait plus au traité.

D’ailleurs, on ne s’y est pas trompé il y a déjà un peu plus d’un mois, lors de l’université d’été de la défense. La ministre des armées Florence Parly a donné le ton lors du discours de clôture, à l’École militaire, résumant la question stratégique :

« Le doute s’est installé : pourrons-nous toujours compter, en tous lieux et en toutes circonstances, sur un soutien américain ? »

Car les États-Unis ont une obsession : empêcher l’émergence de la Chine, qui compte remplacer les États-Unis comme puissance dominante du capitalisme mondial. Les États-Unis veulent conserver leur hégémonie, la Chine veut un repartage du monde. C’est la guerre qui se profile.

Les capitalistes d’Europe s’inquiètent donc de tout cela. Le chef d’état-major des armées, le général François Lecointre, a qualifié d’urgent et de clair l’objectif d’une « autonomie stratégique européenne » ; la ministre de la défense allemande, Ursula von der Leyen, présente à l’ouverture, a appuyé cette exigence d’une « Europe souveraine ».

En arrière-plan, il y a l’idée de former un troisième bloc, capable d’avoir bien plus de puissance que des pays seuls. Tout dépend ici du « couple franco-allemand », dont Emmanuel Macron est un partisan absolu, Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen étant les représentants de la ligne du « cavalier seul ».

La seule position de Gauche possible ici ne peut être que l’affirmation du refus catégorique de la guerre et du militarisme, des valeurs guerrières et de l’esprit expansionniste, depuis les jouets sous la forme d’armes au budget de l’armée. Les peuples du monde veulent la paix, le capitalisme amène la guerre : il faut choisir son camp.

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Guerre

L’armée française à Djibouti

Djibouti est historiquement une partie de la Somalie davantage liée à l’Orient, à la croisée de l’Océan Indien et de la Méditerranée, plutôt qu’à l’intérieur du continent africain. La présence française dans le territoire se développe dès les années 1840 dans la perspective de l’ouverture du Canal de Suez, construit en Égypte par des capitalistes français et les anglais.

Djibouti, armée française

En 1862, cinq ans avant l’inauguration du Canal, l’armée française du Second Empire de Napoléon III, dans le cadre de sa politique impérialiste, établit une petite colonie à Obock, dans l’actuelle partie nord du territoire de Djibouti, afin de contrebalancer la présence britannique à Aden, au Yémen, de l’autre côté du détroit de Bab el-Manbed. La colonie se développe surtout à partir des années 1880, dans le cadre de la violente compétition impérialiste qui oppose alors les puissances de l’Europe occidentale en Afrique.

L’armée française déplace alors le siège de la colonie vers l’actuel site de Djibouti et l’État républicain encourage le développement des activités commerciales. C’est l’époque où le poète Arthur Rimbaud parcourt la région et commerce avec le roi Ménélik d’Ethiopie.

L’accès à l’Éthiopie, principal foyer de peuplement et d’activité de la région, constitue alors l’enjeu principal de la rivalité dans la région entre les puissances impérialistes françaises, britanniques et italiennes, qui mettent en coupe réglée la côte de Somalie et d’Érythrée. Djibouti est alors définitivement arrachée à l’influence ottomane, déjà toute formelle, et devient une colonie en 1896 sous le nom de « Côte française des Somalis et dépendances ».

L’édification du chemin de fer reliant le nouveau port de Djibouti à la nouvelle capitale éthiopienne Abbis Abeda, achevé en 1917, entraîne le rapide développement des deux agglomérations, Djibouti devenant depuis le principal débouché maritime de l’Éthiopie.

Les autorités coloniales françaises, appuyées sur l’armée et l’Église catholique, organisent alors formellement la ségrégation ethnique entre les Afars, nomades du nord et les Somalis, divisés en tribus dont la principale est celle des Issas. Dans les deux groupes, une élite francophone est formée, mais les tensions entre les deux ethnies, attisées par l’organisation coloniale, se développent et perdurent jusqu’à nos jours, le développement national inabouti n’ayant toujours pas vaincu cet écueil.

Après la Seconde Guerre Mondiale, Djibouti devient un port franc, maintenu sous contrôle français, mais avec une influence croissante de la puissance impérialiste américaine. Le territoire est secoué par de violentes émeutes durant les années 1960, violemment réprimées par l’armée française et particulièrement par la Légion Étrangère, notamment lors de la visite du Général De Gaulle le 26 août 1966. Finalement, le 27 juin 1977, la République de Djibouti est proclamée par l’élite francophone contrôlée par Paris, qui maintient une forte présence militaire et conserve un quasi monopole sur les institutions éducatives supérieures et sanitaires du pays et sur son économie par le biais de ses entreprises monopolistiques. Près de 60% du PIB se fait encore en lien direct avec les entreprises françaises aujourd’hui.

Jusqu’aux début des années 2000, Djibouti est toujours en proie à de violentes révoltes, les unes opposants les deux ethnies principales pour le contrôle du pouvoir, les autres opposants les nationaux de la ville de Djibouti aux nombreux travailleurs étrangers recrutés pour les activités portuaires en particulier. Et ceci sans parler des nombreux réfugiés parqués dans les camps du HCR dont le nombre s’est encore accru ses dernières années.

Après les attentats de 2001 aux États-Unis, et dans le contexte du développement des échanges maritimes conteneurisés dans l’Océan Indien, Djibouti devient une place majeure du commerce maritime eurasiatique, tournant le dos à son hinterland africain, alors que l’Éthiopie et la Somalie s’effondrent et que se développent les réseaux du terrorisme islamique et la piraterie.

Mais Djibouti manquant de structures étatiques fortes et notamment en matière éducative, le pays ne peut espérer devenir une sorte de Singapour africain, et passe presque immédiatement sous contrôle étranger. Les États-Unis y installent dès 2002 une base opérationnelle d’au moins 1000 hommes, considérée comme étant dans une « zone de guerre » par l’armée américaine, chargée d’abord de lutter contre les réseaux liés à Al-Quaeda, puis à la piraterie, puis de nouveau à Al-Quaeda depuis l’effondrement du Yémen.

Parallèlement, l’Allemagne y installe elle aussi sa première base maritime à l’étranger. Mais depuis le début des années 2010, Djibouti est devenu un des enjeux de la nouvelle lutte inter-impérialiste qui s’annonce. Le port autonome est ainsi depuis 2013 sous le contrôle de l’opérateur DP-World, une firme monopolistique émiratie, de Dubaï, spécialisée dans la gestion des ports à conteneurs qui opère dans la plupart des ports chinois et européens (comme Rotterdam et Marseille) notamment depuis sa fusion-acquisition avec le britannique P&O.

Les Émirats Arabes, armés par la France, ont d’ailleurs ouverts à cette occasion eux aussi une installation militaire à Djibouti. Cet élan a incité la République « Populaire » de Chine à s’intéresser elle aussi à Djibouti dans le cadre de son expansion à visée impérialiste vers l’Afrique.

Armée française

La Chine a ainsi participé à restaurer la ligne ferroviaire vers l’Éthiopie et a installé à Djibouti une base de quelques centaines de soldats, appelée néanmoins à pouvoir accueillir éventuellement jusqu’à 10 000 soldats, soit presque autant que l’ensemble des forces armées nationales et trois fois plus que tous les autres pays réunis. Inquiet de l’expansion chinoise, le Japon à son tour y a installé sa première base navale extérieure. A parler clairement donc, Djibouti est en train de devenir une poudrière. La presse bourgeoise, notamment le Figaro, comme les commentateurs bourgeois en géopolitique, ont saisit cet enjeu, mais bien entendu dans une perspective de défense de l’impérialisme français.

C’est la raison pour laquelle la Gauche de notre pays ne peut pas fermer les yeux sur cette question. La tâche historique de la Gauche est d’œuvrer partout à l’amitié internationale et à la paix et de lutter contre l’impérialisme de son propre État. Or que voyons-nous ?

L’armée française dispose à Djibouti de sa plus importante base hors de notre territoire national, déjà particulièrement étendu à l’échelle mondiale du fait du maintien, et souvent brutalement, de certains territoire sous contrôle direct français. La présence militaire française à Djibouti est actuellement régie par un accord signé en 2014, selon lequel en contrepartie d’un versement annuel forfaitaire de 30 millions d’euros, les Forces Françaises de Djibouti (FFDj) bénéficient d’une totale immunité fiscale. L’effectif permanent sur place oscille entre 1000 et 2000 personnes en fonction des années.

L’armée française étant en outre chargée d’une mission de formation, de soutien à l’armée nationale et de coopération notamment en matière médicale. Il faut dire qu’en dépit de toutes ces « attentions » impérialistes y compris française au premier rang, ni l’eau courante potable, ni l’électricité, ni l’accès à la scolarisation de base de la population locale n’est assurée hors de la ville de Djibouti et que le paludisme y continue d’y être endémique en zone rurale.

Le dispositif militaire français à Djibouti est aussi le seul à être complet, toutes les armées y étant représentées. L’armée de Terre y stationne ainsi une unité d’élite, la seule de forme interarmées, disposant d’unités d’infanterie, de blindés et de moyens aériens propres : le 5e RIOM, en mesure d’être projeté n’importe où dans la région, notamment en Centrafrique par exemple.

C’est aussi une unité chargée de la formation, non seulement des forces nationales, mais aussi des unités militaires alliées comme celles des Américains via son « centre d’entraînement au combat et daguerrissement de Djibouti » (CECAD). Cette unité maintient des traditions particulièrement réactionnaires, sa devise « fier et fort » et ses liens historiques avec les unités de marine coloniale, les marsouins (infanterie) et les bigors (artillerie), fait qu’il n’est pas rare d’y entendre encore le cri de guerre « Et au nom de Dieu, vive la coloniale ! », liée au souvenir du Père missionnaire Charles de Foucauld, lors des cérémonies ou avant les engagements. Cette unité est encore renforcée par la présence de moyens de l’armée de l’Air (chasse aérienne et batterie de missiles) et bien entendu de la Marine (moyens logistiques et forces spéciales).

Les liens historiques entre notre pays et Djibouti imposent à la Gauche de notre pays de rompre avec toute forme d’impérialisme contre Djibouti.

D’autant que la concentration croissante de moyens militaires de puissances expansionnistes y impose d’assumer, même unilatéralement, un désengagement avant de dénoncer totalement toute présence militaire étrangère sur le sol de Djibouti. L’armée française doit donc se retirer totalement de ce territoire, ses bases et ses moyens militaires doivent être entièrement démantelés et les troupes stationnées réformées et dissoutes, notamment en ce qui concerne bien sûr le 5e RIOM.

Bien entendu, ce démantèlement et ce retrait ne doit pas signifier l’abandon pur et simple du peuple de Djibouti à son sort, c’est-à-dire aux appétits des autres puissances impérialistes ou expansionnistes.

Il y a lieu de considérer que les 30 millions alloués annuellement à la corruption du régime puissent déjà rapidement servir à développer les moyens sanitaires et éducatifs, notamment dans les zones rurales. Aussi, que par le biais de la francophonie, on sorte d’une logique de soutien aux élites corrompues pour passer à une logique d’échange idéologique et politique d’émancipation populaire, en soutenant l’alphabétisation en somali et en afar, langues officielles écrites en alphabet latin, vers lesquelles il faut développer traductions et bilinguisme en vue de soutenir une élévation générale du niveau d’éducation et une aspiration au développement de la démocratie contre le régime et contre les forces militaires étrangères stationnées à Djibouti.

Il est aussi important de développer une volonté de ré-ancrer Djibouti dans son environnement local plutôt que comme base commerciale au profit des intérêts capitalistes mondialisés. Bien entendu, un tel redéploiement sera aussi une manière de désengager les monopoles français de ce territoire, ce qui est une bonne nouvelle pour le peuple de Djibouti et pour le nôtre.

Il faut aussi dire qu’il ne s’agit aussi ici de sortir de toute logique « géopolitique » c’est-à-dire impérialiste de la francophonie, ce que par exemple la France Insoumise de Mélenchon ne parvient pas à accepter, pour masquer ses illusions sur une « géopolitique alternative ». Notre relation francophone avec Djibouti se résume concrètement à un simple appareil de contrôle des élites.

Le pays ne compte, expatriés compris, que 2 à 3% de francophones. Il appartient donc à la Gauche de valoriser par la langue française, mais vers les langues nationales majoritairement parlées à Djibouti un échange éducatif durable dans une perspective de développement nationale propre. Le français doit donc être considéré comme une langue de communication internationale et d’ouverture, au même titre d’ailleurs que l’anglais et l’arabe, mais l’éducation massive du peuple de Djibouti ne se fera qu’en afar et en Somali. Militer contre la présence militaire française à Djibouti et pour le développement d’une amitié populaire et internationaliste dans un esprit démocratique, est un devoir indiscutable de la Gauche française, il n’y a pas à chercher à maintenir une raison à la présence militaire française à Djibouti, il faut briser l’impérialisme de notre pays et rompre avec tout le charabia « géopolitique » et « pragmatique » qui cherche à le justifier.

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Gaza : le drame palestinien du 14 mai 2018

Le drame du peuple palestinien, dans le silence. Le 14 mai est passé, mais l’indignation qui a suivi d’une faiblesse extrême. Le peuple palestinien reste victime.

Victime du soutien massif des États-Unis d’Amérique à Israël, jusqu’à cette situation terrible du 14 mai, avec 62 Palestiniens tués, 2400 blessés.

Cela, en raison de l’application sanglante à Gaza, à l’encontre d’un rassemblement de masse, du règlement selon lequel toute personne dans un périmètre de 100 à 300 mètres de la barrière de sécurité serait une « menace » devant être abattue.

Victime du soutien massif des pays du Golfe à l’islamisme, avec le Hamas ayant englouti les initiatives, quand elles ne sont pas démolies par une OLP totalement bureaucratisée et corrompue.

Et prise en otage, dans sa nature, dans son humanité même, par une poignée de radicaux en Europe, qui sont bien plus proches de l’extrême-droite que des valeurs classiques de la gauche et du mouvement ouvrier.

Pendant que les Palestiniens meurent, l’étudiant occupant Sciences-Po lève le drapeau palestinien, le populiste d’extrême-gauche en fait son fond de commerce, le populiste de gauche rêve d’un interventionnisme français impérialiste mais « pour la bonne cause ».

Une situation odieuse, terrifiante même de par le rythme où vont les choses. Car, bien loin des fantasmes sur une résistance palestinienne ayant un poids quelconque, Israël agit en rouleau compresseur.

La Cisjordanie est devenue un protectorat et l’inauguration de l’ambassade américaine à Jérusalem le 15 mai 2018, à l’occasion des 70 ans de la fondation du pays, en est le symbole le plus direct.

Quant à Gaza, cette bande de terre de 41 km de long, avec 360 km² pour pratiquement deux millions d’habitants, c’est une enclave en perdition. Qui, à l’horizon 2020, sera invivable sur le plan de l’eau et de l’énergie si le blocus israélien continue.

Et, donc, bien loin des fantasmes sur la résistance palestinienne qui est désorganisée, corrompue, islamiste, l’État israélien s’en moque totalement. Il a le rapport de forces suffisant, ce que justement la gauche palestinienne avait très bien compris dans les années 1970.

C’est la raison pour laquelle elle avait choisi la voie, évidemment erronée, de la prise d’otages dans les pays occidentaux. Cependant, elle avait vu qu’il y avait un décalage terrible entre l’armée israélienne, moderne et financièrement portée par les États-Unis, et les Palestiniens.

Il y avait une véritable réflexion à ce sujet. Ne pas voir cela est meurtrier, surtout alors qu’Israël a le vent en poupe. Aussi, la tentative de passer en force la frontière séparant Gaza d’Israël, le 15 mai 2018, relève d’un acte stratégiquement erroné.

Israël en a profité pour en rajouter dans sa pression militaire, avec le prix du sang. Comme on est loin de l’esprit, ouvert, tolérant, mis en avant par la candidate israélienne lors de l’Eurovision d’il y a quelques jours !

Et rappelons ici que le manifestations ont rapport non pas avec l’inauguration de l’ambassade, mais avec la célébration de l’anniversaire de la « catastrophe », la Nakba, ayant suivi la défaite de l’offensive militaire arabe à la naissance de l’État israélien.

Ce dernier a célébré sa victoire jusqu’à l’ignominie. Mettant un terme symbolique à tout espoir d’accord de paix, de solution à deux États.

Humiliant l’ensemble des Palestiniens, leur déclarant tout un mépris avec un profond sens de l’humiliation.

Mettant aussi un terme définitif, également, au rêve d’un mouvement démocratique unissant tous les pays arabes. Le silence de ces derniers est assourdissant. Désormais, c’est bien chacun pour soi, de manière décidée, et l’alliance entre Israël et l’Arabie Saoudite se fait donc aux dépens des Palestiniens.

D’ailleurs, à la fin avril, le parlement israélien a voté une nouvelle loi : désormais le pays pourra entre en guerre non pas avec l’aval de la majorité des ministres du gouvernement, mais en cas de « conditions extrêmes » simplement sur décision du Premier ministre et du ministre de la Défense.

Israël s’aligne totalement sur Donald Trump, sur les partisans d’une guerre avec l’Iran, l’Arabie Saoudite rejoignant ce tandem militariste.

La guerre, toujours la guerre !

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Les frappes en Syrie et le complexe militaro-industriel français

Emmanuel Macron est incontestablement un président de la République décidé à affirmer la puissance militariste de la France. A ce titre, il constitue une menace à la fois pour la paix mondiale et aussi pour notre pays en développant la pratique impérialiste.

C’est à ce titre qu’il convient de revenir sur les frappes décidées le mois dernier en Syrie, dans la nuit de du 13 au 14 avril. Hors de tout mandat international, au côté des États-Unis et du Royaume-Uni, elles visaient des sites supposés de production d’armes chimiques, dont la France et ses deux alliés accusent d’utilisation, sans toutefois détenir de preuves formelles, le régime de Bachar al-Assad, lui-même soutenu par la Russie et l’Iran.

Sans revenir sur la question du refus de ces frappes que nous avons déjà exprimé, il faut bien voir que, de toute manière, celle-ci avaient aussi un objectif symbolique, au-delà de toutes considérations tactiques.

Pour la première fois, la Marine française a fait usage de missiles de croisières naval (MdCN), lancés à partir de deux frégates de type FREMM (Frégates Muti-Missions), réputées furtives.

Ces navires ultra-modernes, ont été développés en partenariat avec l’Italie et Général Electrics pour la propulsion et sont capables de déployer 16 de ces missiles. Ils sont assemblés à Lorient, et outre la France et l’Italie, le Maroc et l’Egypte en ont aussi passé commande.

Les missiles en eux-mêmes sont construit par MBDA, une filiale d’Airbus (associé au britannique BAE systems) notamment installée à Le Plessis-Robinson dans les Hauts-de-Seine, mais dont l’usine d’assemblage se trouve à Selles-Saint-Denis dans le Loir-et-Cher, qui produit à elle seule près de mille missiles chaque année.

Cette arme est présentée comme un missile d’une grande précision, utilisant un signal GPS et capable de frapper de manière coordonnée, rapide et précise sa cible depuis une frégate ou un sous-marin. Les sous-marins français devraient d’ailleurs en être prochainement équipés.

L’engin pèse en tout près d’une tonne et demie, pour une longueur de plus de 6 mètres et embarque une charge de près de 250 kg à la vitesse de 800km/h. Il s’agit donc une arme particulièrement horrible et meurtrière, dont le coût à l’unité revient à 2,86 millions d’euros !

La « nouveauté » est que cela donne à la Marine française une capacité de frappe de près de 1000 km, autant dire presque n’importe où dans le monde depuis un littoral, sachant que plus de 70% de la population mondiale vit à moins de 100 km des côtes.

Jusque là, la France ne disposait pas de telles armes et devait utiliser des missiles embarqués sur des avions pour ses frappes. Seuls les États-Unis et la Russie et dans une moindre mesure le Royaume-Uni (mais depuis des sous-marins) avaient la capacité de telles frappes depuis des navires de surface.

Le choix de mobiliser ce nouvel armement, dont les média ont largement relayés l’information, est donc totalement délibéré : il s’agit de montrer les capacités modernes de l’armée française et de la placer au rang des principales puissances militaires. C’est donc une affirmation chauvine et impérialiste de premier ordre.

C’est aussi une opération de communication commerciale, ces missiles étant proposés à la vente depuis 2015, mais seule l’armée française en a jusque là acquis. Pour le coup, il était prévu de tirer 6 de ces missiles, mais seulement trois ont été effectivement lancés, depuis la frégate Aquitaine, la frégate Languedoc ayant échoué à tirer les siens.

Regardons les choses en face. Il est capital de se dresser contre la politique impérialiste d’Emmanuel Macron et de densifier cette opposition en nous attaquant à l’appareil militaro-industriel de notre pays qu’il nous faut identifier et combattre.

Il s’agit là d’une question de civilisation, de rapport à la vie. Ces armes n’ont rien à faire dans nos vies et n’apportent rien de bon au monde. Dénoncer les monopoles de l’armement en France, leurs sites, leurs entreprises, est une tâche nécessaire pour construire une France populaire, démocratique et pacifique.

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L’intervention militaire française, américaine et britannique en Syrie

« J’ai donc ordonné aux forces armées françaises d’intervenir cette nuit, dans le cadre d’une opération internationale menée en coalition avec les États-Unis d’Amérique et le Royaume-Uni et dirigée contre l’arsenal chimique clandestin du régime syrien. »

Emmanuel Macron assume parfaitement l’attaque, au moyen de plus de cent missiles, d’installations syriennes censées abriter des moyens de fabriquer des armes chimiques. Une « ligne rouge » qui apparaît, malheureusement, comme un farce et une fable de plus dans un conflit syrien sanglant ayant coûté la vie, depuis 2011, à plus de 350 000 personnes.

Car l’attaque commune à la France, le Royaume-Uni et les États-Unis n’est qu’un ajout à une liste extrêmement nombreuse d’interventions armées, de manipulations politiques, de gesticulations par les services secrets, tout cela au service d’une bataille pour le repartage du contrôle des territoires et des pays.

La guerre suinte de tous les pores des initiatives des grandes puissances et ici, bien entendu, c’est la Russie qui est particulièrement visée, dans une épreuve de force marquée par un esprit d’escalade militaire de plus en plus grand.

Et la France est une grande puissance au même titre que les autres. Ce simple fait est, comme toujours, nié par beaucoup, comme si somme toute la France n’était qu’une sorte de colonie. C’est la contribution classique à la négation de l’interventionnisme français, qui ne vaut pas mieux que les autres.

La France serait un pays voulant la paix et qui se laisserait en quelque sorte abuser, ou bien manipuler, par des Américains qui seraient les seuls fautifs. Marine Le Pen, par exemple, en allusion aux États-Unis, regrette que :

« La France perd à nouveau une occasion d’apparaître sur la scène internationale comme une puissance indépendante et d’équilibre dans le monde. »

Jean-Luc Mélenchon dit la même chose :

« C’est une aventure de revanche nord-américaine, une escalade irresponsable. La France mérite mieux que ce rôle. Elle doit être la force de l’ordre international et de la paix. »

Florian Philippot manie le même lyrisme nationaliste :

« Voir la France réduite au rôle de supplétif des faucons contre la paix du monde et ses propres intérêts est toujours une souffrance. »

Les « député-e-s » du Parti communiste français (eux aussi suivent la mode universitaire de l’écriture inclusive) adoptent un lyrisme patriotique traditionnel chez eux :

« Une décision illégale et dangereuse qui confirme la rupture avec notre tradition d’indépendance nationale fondée sur la valeur de la paix et du multilatéralisme.

Si cette tradition faisait notre singularité et notre grandeur, sa remise en cause questionne notre place dans le monde : la France est-elle condamnée à s’aligner sur la volonté et les intérêts américains ? »

Le Nouveau Parti Anticapitaliste dénonce pareillement (et on se rappellera qu’il prônait en 2011 le soutien des grandes puissances à la « révolution syrienne »!) :

« la nouvelle aventure militaire dirigée par Trump en Syrie »

Comme si la France n’était pas impliquée en Syrie. Comme si la France avait reçu des ordres pour envoyer cinq frégates multimissions et des bâtiments de protection et de soutien en mer Méditerranée, neuf chasseurs pour tirer 12 missiles de croisière (trois depuis une frégate, neuf depuis les chasseurs).

Le fait d’avoir choisi d’ailleurs de lancer des missiles depuis une frégate vise à valoriser le missile de croisière naval (MDCN) utilisé ici pour la première fois. Cela correspond à l’esprit d’une démonstration de force.

C’est pour cette raison que Benoît Hamon a eu tort quand il a affirmé que :

« Laisser Assad impuni après l’usage d’armes chimiques contre des civils est impossible. Mais il faut un mandat de l’ONU. Que ceux qui s’offusquent du bombardement d’une usine, sortent aussi du silence quand Poutine et Assad anéantissent les civils de la Goutha et d’Alep. »

C’est là en appeler à un système international de sécurité largement dépassé. Il y a quatre ans, la Russie annexait purement et simplement la Crimée, où était l’ONU ? Et que dire auparavant de la guerre contre la Libye en 2011, sans mandat de l’ONU ? De celle, bien connue, contre l’Irak, toute pareille, en 2003 ? De l’intervention, également sans mandat, au Kosovo en 1999 ?

La vérité est que la compétition internationale tend à la guerre de repartage. Ne pas assumer cela, c’est ne pas être de gauche ; accuser les Américains, c’est nier que chez les dirigeants, russes comme français, américains comme britanniques, iraniens comme israéliens, on éprouve l’envie, le besoin de se tourner vers la guerre de repartage.

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Non à l’intervention militaire, aux bombardements en Syrie!

La guerre, la guerre et toujours la guerre ! A force de se tourner vers le protectionnisme et le nationalisme comme seules solutions « accessibles », les pays les plus développés assument la compétition « géopolitique », avec l’assentiment d’une partie significative de la population.

Ce que cela signifie, c’est simplement la guerre, il faut bien le dire. Et on est tellement dans un jeu malsain que c’est par un message Twitter que Donald Trump l’escalade, disant à la Russie de se tenir prête face à l’intervention américaine en Syrie.

« La Russie jure d’abattre n’importe quel missile tiré sur la Syrie. Que la Russie se tienne prête, car ils arrivent, beaux, nouveaux et “intelligents” ! Vous ne devriez pas vous associer à un Animal qui Tue avec du Gaz, qui tue son peuple et aime cela. »

Il n’a pas hésité à écrire, pour en rajouter :

« Notre relation avec la Russie est pire maintenant qu’elle ne l’a jamais été, et cela inclut la Guerre froide. »

C’est là préparer l’opinion publique à la guerre, avec des cibles désignées : la Syrie tout d’abord, mais également l’Iran, ainsi que la Russie elle-même.

La visite du prince héritier saoudien,  Son Altesse Royale le prince Mohammed ben Salman ben Abdulaziz al-Saoud, à Paris ces derniers jours – il a pu manger son repas avec Emmanuel Macron devant le tableau « La liberté guidant le peuple », quelle honte – participe à ce mécano militariste, puisque l’Arabie Saoudite prône la guerre contre l’Iran.

L’Arabie Saoudite a même reconnu que les Israéliens avaient droit à un territoire, rompant avec sa position officielle traditionnelle, montrant qu’on est désormais dans le dur, dans le concret, dans la « realpolitik ».

La Grande-Bretagne l’a bien compris et Theresa May a ordonné l’envoi de sous-marins à proximité de la Syrie, alors qu’un autre sous-marin fait des manœuvres avec deux navires américains dans la zone arctique, pour la première fois depuis dix ans.

Cela va cogner et il faut avoir suffisamment de réseaux, d’alliances, de participations ici et là pour tenir. Ne pas comprendre que cela va cogner ou pire le nier est une faillite intellectuelle et morale – la guerre est inévitable, à moins de changements de régimes dans les pays concernés.

C’est bien pour cela, justement, que l’Europe comme projet politique a eu tellement de succès chez les peuples. L’Europe permet, en théorie, de dépasser les nationalismes, les patriotismes étriqués, et il y a 25 ans tous les Français pensaient qu’il y aurait à moyen terme un passeport européen, et bientôt un gouvernement européen, des États-Unis d’Europe.

C’est pour cela que beaucoup de gens croient encore en l’Union Européenne comme moyen d’éviter les conflits, tout en espérant souvent, en même temps, de manière directement impérialiste, que cela soit un empire face aux États-Unis et à la Chine.

Naturellement, c’est au nom des droits de l’homme encore une fois que les missiles sont présentés comme essentiels. L’hypothèse d’une attaque chimique en Syrie à Douma du 7 avril sert ici de prétexte à une immense campagne en faveur de la guerre, tout comme la question kurde pour l’intervention française annoncée il y a quelques jours.

Il ne s’agit pas ici, naturellement, de dédouaner la Syrie, l’Iran et la Russie. Ces régimes sont odieux. Cependant, l’ennemi c’est toujours notre propre nationalisme, notre propre chauvinisme, notre propre impérialisme. Les prétextes pour refuser cela ont permis la guerre de 1914-1918, alors qu’une révolte dans un pays aurait produit des révoltes dans les autres.

Il ne faut jamais accepter les initiatives militaires, militaristes, de la part de son propre pays !

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Non à l’envoi de troupes françaises en Syrie !

Quand un pays en envahit un autre depuis une centaine d’années, que ce soit par colonialisme ou par expansionnisme, il ne dit pas qu’il le fait car il veut s’étendre. Il affirme le faire par nécessité : pour sauver des gens, libérer une population, empêcher la barbarie, étendre la civilisation, etc.

Même l’Allemagne nazie, outrancière dans son agressivité, prétendait vouloir former une nouvelle Europe. Ne parlons pas non plus de la guerre de 1914 ou du colonialisme français, tout pétri de « bonnes intentions ».

Être de gauche, c’est inversement et par définition refuser tout interventionnisme militaire de son propre pays dans un autre. Toute acception d’une exception est une trahison de ce principe.

On peut soutenir un pays, un régime, comme par exemple la République espagnole face au soulèvement de Franco. On peut soutenir une résistance légitime à une occupation. Mais on ne peut pas soutenir une faction, des bandes armées, des troubles visant à dépecer un pays.

Par conséquent, être de gauche c’est rejeter par principe l’envoi de troupes françaises en Syrie annoncé hier. La décision, de manière subtile, a été annoncée non pas par l’Élysée, mais par un représentant des Forces démocratiques syriennes, les FDS, le Kurde Khaled Issa.

L’Élysée s’est contentée d’un communiqué de presse, expliquant avoir discuté avec des membres des FDS « à parité de femmes et d’hommes, d’Arabes et de Kurdes syriens » et disant d’Emmanuel Macron que :

« Il a assuré les FDS du soutien de la France, en particulier pour la stabilisation de la zone de sécurité au nord-est de la Syrie, dans le cadre d’une gouvernance inclusive et équilibrée, pour prévenir toute résurgence de Daech dans l’attente d’une solution politique au conflit syrien. »

La « stabilisation » en question est une allusion aux conséquences de l’intervention militaire turque ces derniers jours en Syrie du Nord, dans une zone contrôlée jusque-là par les forces kurdes, avec un chaos général, avec 160 000 personnes fuyant les combats.

La Turquie, aidée de « rebelles » syriens, contrôle déjà une importante zone (en turquoise sur la carte ci-conre).

Pour rappeler brièvement les événements, lors de la guerre civile en Syrie, les occidentaux avec la France en tête ont cru que le régime allait vite tomber et ont arrosé des opposants malgré la forte présence d’Al – Qaïda.

Non seulement le régime a tenu, mais ces forces sont devenues autonomes, alors que l’État islamique s’est développée.

La Russie et l’Iran sont alors intervenus pour soutenir le régime syrien, pendant que les États-Unis développaient une présence en se liant aux Kurdes de Syrie, également appuyées techniquement par des experts non officiels français et britanniques.

La Turquie, qui appuyait l’État islamique, est rentrée dans la danse et officiellement, l’État français vient pour « sauver les Kurdes ». C’est-à-dire, en réalité, pour participer au dépeçage de la Syrie, avec trois zones :

– le régime syrien officiel de Bachar Al-Assad, lié à l’Iran et la Russie ;
– un régime « arabo-kurde » lié aux États-Unis, la Grande-Bretagne et la France ;
– un régime arabo-islamiste aux contours flous encore ;
– une zone passant sous la coupe de la Turquie.

Tout le monde est gagnant : la Turquie empêche l’avènement d’un État kurde et renforce sa dimension « ottomane », pendant que les autres ont un pied à terre local. C’est gagnant-gagnant, aux dépens de la démocratie et des populations locales, jusqu’à la prochaine guerre de partage…

Il faut souligner ici l’importance, dans ce cadre d’un régime autoritaire. De plus en plus, avec la montée des tensions, les régimes deviennent de plus en plus pyramidales, que ce soit en Turquie ou en Russie, en Inde ou aux États-Unis, en Chine ou en Égypte.

Il y a à chaque fois un chef qui dirige le pays, prenant des décisions avec une approche ultra-populiste. C’est aussi le cas en France : la décision d’Emmanuel Macron est, naturellement, celle d’un président de la cinquième République, qui décide seul de la politique extérieure, sans le parlement, sans demander son avis à la population.

Il est inévitable, ici, de parler des Kurdes. Il est tout à fait compréhensible que l’on éprouve de la sympathie pour ce peuple sans État, aux populations vivant en minorité dans plusieurs États, et plus précisément en minorité opprimée, que cela soit en Turquie, en Iran, en Irak ou en Syrie.

Cependant, on ne découpe pas les États comme cela, encore moins quand ce sont des grandes puissances qui sont partie prenante. Cela n’a rien de démocratique, à moins de considérer les nations comme des fictions, les États comme des aberrations.

Lorsque, en France (mais aussi en Belgique), les anarchistes se sont massivement lancés dans des campagnes de soutien aux Unités de protection du peuple (YPG) kurdes agissant en Syrie, ils sont cohérents, puisqu’ils veulent une décentralisation, des communautés autonomes, un État central présent le moins possible, etc.

Mais être de gauche sans basculer dans l’anarchisme qui est bloqué à une vision individuelle des choses, c’est voir le rôle de la guerre, des grandes puissances, de la logique de partage par la conquête…

C’est refuser que des parties fassent ce qu’elles veulent aux dépens du tout, car une telle logique de dépeçage ne profite qu’aux conquérants qui utilisent le vieux principe : diviser pour régner !