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Société

Un révélateur index de la vie végétarienne dans les grandes villes du monde

La France est totalement en retard dans son rapport aux animaux et cela se lit forcément aussi avec les lieux de restauration.

Nestpick est une base de données d’appartements meublés visant à servir d’entremetteurs pour la location dans un autre pays, pour une durée plus ou moins longue, visant ainsi les étudiants et les expatriés. Elle fait des études afin de promouvoir les départs et a réalisé un index concernant la pratique du végétarisme.

Il est évident qu’un tel choix est assez flou, car le végétarisme a perdu tout son sens (moral et pratique) depuis l’irruption du véganisme et l’entreprise a fait en sorte de mélanger les deux pour simplifier. Dans ses informations, on trouve cependant également le pourcentage de restaurants vegans, à côté du prix dans la ville concernée des fruits et des légumes, des protéines végétales et des restaurants, et également une note reflétant la tenue d’événements et de festivals.

Le top 5 des villes « végétariennes » donne Londres, Berlin, Munich, Vienne, Glasgow, rappelant que les Britanniques et ceux relevant de la culture allemande sont les plus tournés vers les animaux (la sixième ville est d’ailleurs Zurich, Genève étant 40e). Pour les restaurants vegans, le top 5 est Ubud en Indonésie (à Bali), Édimbourg, Bristol, Glasgow et Tel Aviv.

Mais regardons vers la France pour voir ce qu’il en est. Paris étant la métropole internationale qu’on connaît, on pourrait s’attendre à au moins une situation un peu positive sur ce plan. La ville n’est cependant qu’à la 61e place. Cela en dit long sur plein de choses : sur la nature des touristes qui viennent (soit consommateurs superficiels, soit grands bourgeois visant le luxe), sur la nature des gens vivant en région parisienne (d’esprit consommateur petit-bourgeois, pas prêts à se plier à des conformités morales).

La première ville française est Strasbourg, à la 42e place, et on connaît la part immense de la culture allemande dans la culture de cette ville, dont bon nombre de gens ne parlaient d’ailleurs nullement le français en 1918. Dans le classement, qui regroupe 75 villes, on a également Nice à la 71e place. Rappelons que cette ville a une dimension internationale, de par la porte d’accès qu’elle présente pour la Côte d’Azur.

Du côté de nos voisins belges, Bruxelles est à la 34e place, devancé par Gand à la 24e. Même les Italiens et les Espagnols font mieux que les Français, avec Palma de Majorque (7e), Madrid (29e) et Barcelone (55e), ainsi que Rome (11e), Milan (27e), Turin (37e) et Naples (44e). Disons « mêmes » non pas parce que les Italiens et les Espagnols seraient « moins bien » que les Français, mais afin de bien souligner qu’on ne peut pas prétendre que les « latins » seraient en général indifférents aux animaux, comparé au caractère « hippie » des Allemands, par exemple.

Une des multiples productions d’Alba.Paris

Bien entendu, ce sont seulement des comparaisons entre les villes. Il n’en reste pas moins que l’arriération française est évident. Si Pittsburgh (30e) est devant toutes les villes françaises, avec ses 300 000 habitants, ou encore Oklahoma City (32e, avec 650 000 habitants)…

Non, la vérité est que les ambiguïtés et le racolage à la L214 ont démoli le mouvement pour les animaux, que la crise sanitaire a liquidé la question, que la forteresse beauf française est toujours là. Ceux qui ont vendu comme une avancée que la question animale soit intégrée dans le panorama générale n’ont pas compris qu’ainsi elle était désintégrée, ou plutôt n’ont pas voulu voir car ils ont profité d’un prestige médiatique, universitaire, social, économique !

Et encore comme on le voit les petit-bourgeois et les bobos qui ont dévie le mouvement pour les animaux n’ont même pas réussi à faire un vrai capitalisme vegan, ni même un capitalisme végétarien ! L’index montre la faillite de toute une approche anti-populaire et incapable d’assumer la question de manière franche. Le relativisme français est insupportable particulièrement en ce domaine et là on en paie le prix.

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Écologie

«et même végétariens» (1926)

Willi Eichler (1896-1971) est une importante figure socialiste allemande. Membre de l’Union internationale de la jeunesse socialiste, il est à ce titre exclu des rangs des socialistes et rejoint ensuite l’ISK (Union de Lutte Socialiste Internationale), une petite structure entre les socialistes et les communistes, qui appelle notamment à leur union aux élections de juillet 1932.

Fuyant le nazisme, il est plein de désillusions et finit par se ranger culturellement, abandonnant son orientation alternative. Il rejoint alors les socialistes en Allemagne de l’Ouest.

L’extrait suivant provient de « Même végétarien », publié en 1926 par l’ISK.

« Les membres de l’union de la jeunesse sont fous, ils sont abstinents [de tout alcool] et même végétariens ». C’est ce qu’a formulé en passant un éminent membre du Parti social-démocrate d’Allemagne au sujet de l’Union de la jeunesse internationale (IJB).

« Même végétariens » – qui n’entend pas le dédain de ces paroles, qui ne devine pas concrètement le haussement d’épaules de regret et de pitié de l’homme politique moderne qui ne comprend pas que, alors qu’il y a de si grandes tâches auxquelles l’humanité est confrontée, on s’adonne de telles « bizarreries » comme le végétarisme et l’abstinence (…).

Qu’a le mode de vie végétarien à faire avec la lutte des socialistes ? Le socialisme, cela signifie la société sans exploitation – libre de toute exploitation. L’exploitation est possible de différentes manières : le capitaliste exploite le prolétaire, celui-ci très souvent sa femme et ses enfants ; l’Église se tient comme collègue du régime et aide par l’intermédiaire de l’exploitation spirituelle qu’elle fait tourner à ce que se maintienne le système contemporain d’exploitation sociale.

Ce qu’il y a de commun à toutes ces sortes d’exploitation repose dans le mépris des intérêts d’autres êtres vivants, dans le fait de léser leurs intérêts – bref, qu’en raison d’un rapport de violence, ils soient abusés d’eux pour des fins personnelles (…).

Mais certains demanderont, les animaux ont-ils des intérêts ? La réponse ne peut qu’être : regardez les animaux. Qui a une fois observé les animaux sait qu’ils ont des intérêts, car les animaux ont bien sûr la possibilité de nous faire part sans ambiguïté de leurs intérêts.

Il est vrai qu’il leur manque le langage, mais il en ressort qu’ils ne peuvent pas nous mentir. Un passage à l’abattoir nous enseigne assez (…).

Dans l’abattoir, il y a – lui-même déplorable victime d’exploitation – le boucher : sale, gluant, fumant de sang frais de haut en bas, son expression faciale ne montre que la grossièreté, du cynisme et du sadisme.

Le voir se tenir à côté du bœuf et n’hésiter ne serait-ce qu’un instant à lequel des deux, s’il fallait choisir, mérite le coup fatal sur la nuque, ce n’est pas avoir de cœur dans la poitrine (…).

Oui, même le prolétaire, qui est abusé à un point tel qu’il est envoyé à l’abattoir pour humains pour les objectifs impérialistes, qui est assassiné « sur le champ d’honneur », meurt au moins avec la conception, même totalement fausse, d’un but plus élevé, que ce soit la protection de la patrie, de la famille ou la « culture ».

L’animal d’abattoir, à l’opposé, perd avec sa vie ce qu’il possède de plus cher, et comme dit simplement pour un loisir culinaire humain. Ce n’est par là aucune consommation d’être massacré de manière « humaine », même si c’est sur le coup moins douloureux. Est-ce que les prolétaires appellent à une exploitation humaine ? Ou bien notre lutte n’est-elle pas justement pour qu’il n’y ait plus aucune exploitation ?

Et si on parle de l’exploitation en tant que tel, alors on a soi-même pas le droit d’exploiter ; et même : justement les exploités sont les plus en situation de ressentir les tourments des animaux.

Si l’on voit ces tourments, et on les voit si on ouvre les yeux, alors on a le devoir de les faire cesser, au moins autant qu’on le puisse à ce moment-là. Et le pouvoir d’une personne va au moins assez loin pour être végétarien, c’est-à-dire, pour sa part, de se tenir loin du meurtre.

Je dis « au moins », car en vérité c’est encore bien trop peu (…). Qui ne se prononce pas au moins pour cette exigence honteusement modérée ne prend pas au sérieux la liquidation de l’exploitation (…).

Tant que nous exploitons nous-mêmes, nous perdons le droit à demander à d’autres de ne pas nous exploiter. Nous arrêtons alors d’être socialistes. Qui pense jusqu’au bout l’exigence d’une société sans exploitation devient végétarien.

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Écologie

« En défense du régime naturel »

Percy Shelley était un poète anglais de la première moitié du XIXe siècle : né le 4 août 1792, il mourut le 8 juillet 1822. Il est l’un des principaux poètes romantiques anglais avec  John Keats à qui il dédia une élégie célèbre (Adonaïs), et Lord Byron avec qui il se liera d’amitié.

Joseph Severn - Posthumous Portrait of Shelley Writing Prometheus Unbound 1845

Shelley est aussi connu pour son athéisme et une critique très forte de l’Angleterre de son époque. Ainsi, dans son premier grand poème intitulé La Reine Mab ; un poème philosophique; avec des notes, publié en 1813, la dix-septième note contient ce qui deviendra un pamphlet : A Vindication of Natural Diet (En défense du régime naturel). A ce moment Shelley est devenu végétarien depuis peu, sous l’influence de l’un de ses amis, Frank Newton.

Ce texte est remarquable par sa dimension totale et son esprit romantique. Shelley n’est pas dans une démarche purement individuelle de pureté morale. L’idée centrale est que l’humanité s’est éloignée de sa vie naturelle et que cet égarement est la cause de tous ses maux : « Je considère que la dépravation de la nature morale et physique de l’homme trouve son origine dans ses habitudes de vie contraires à la nature. »

L’auteur en appelle à retrouver un paradis perdu, dans un élan romantique. Ceci l’amène parfois à s’emporter à affirmer des choses que l’on sait aujourd’hui fausses (comme l’absence de maladies chez les animaux sauvages), mais ces quelques excès n’enlèvent rien à la force et l’intérêt historique du texte.

A Vindication of Natural Diet n’a rien à voir avec la manière dont la question du rapport aux animaux est posée aujourd’hui en France et dans d’autres pays. Loin de l’esprit individualiste et de petits commerçants qui s’opposent à une véritable prise de conscience démocratique sur cette question, A Vindication of Natural Diet permet de se rendre compte que celle-ci se posait déjà il y a deux siècles et sous une forme diamétralement opposée : pleine d’espoir et dans le cadre d’une remise en cause de toute la culture d’une époque.

Il est très intéressant de constater que la critique du meurtre d’animaux va de pair avec celle de l’alcool : ni meurtre, ni ivresse au jardin d’Eden de Shelley. Ceci fait sens si l’on suit sa logique : le meurtre d’un animal dérègle l’âme et est la source de la folie des hommes, de la même manière l’alcool dérègle les sens et éloigne l’homme de sa pureté originelle. Loin de faire l’apologie d’un retour en arrière, la démarche de Shelley est tournée vers l’avenir et n’appelle aucunement à rejeter la civilisation.

Le texte entier est accessible ici, en anglais uniquement.

« On ne saurait être plus clair ! Prométhée (qui représente l’espèce humaine) rendit possible des grands changements dans la condition de sa nature, et l’appliqua d’abord à des fins culinaires. Il inventa ainsi un expédient pour cacher à son dégoût le spectacle horrible de la tuerie. Dès lors, ses organes vitaux furent dévorés par le vautour de la maladie. Laquelle consuma l’être humain sous toutes les formes de son infinie et détestable variété, incluant les ravage terrifiants de la mort violente et prématurée. Tous les vices nacquirent sur les ruines de la saine innocence. La tyrannie, la superstition, le commerce et l’inégalité furent les premiers à apparaître, alors même que la raison tentait vainement de guider les errances de la passion exacerbée.

[…]

La science humaine toute entière se résume à cette question : comment les agréments de l’intellect et de la civilisation peuvent-ils être réconciliés avec la liberté et les plaisirs purs de la vie naturelle ? Comment pouvons-nous conserver les avantages et rejeter les inconvénients du système, qui imprègne à présent chacune des fibres de nos êtres ? Je pense que s’abstenir de nourriture animale et de boissons spiritueuses nous permettrait, dans une large mesure, de trouver une solution à cette importante question.

[…]

Le crime est folie. La folie est maladie. Lorsque la cause de la maladie est découverte, sa racine, de laquelle procèdent tout le vice et toute la souffrance qui assombrissent le globe, sera exposée dans toute sa nudité au tranchant de la hache. Tous les efforts de l’homme, dès lors, pourront être considérés comme tenant à l’avantage bien compris de l’espèce. Aucun esprit sain dans un corps sain n’a recours au crime. C’est l’homme aux passions violentes, aux yeux injectés de sang et aux veines gonflées qui seul peut brandir le poignard du meurtre. Le régime naturel ne promet aucun avantage utopique. Il ne peut venir d’une simple réforme législative, tant que les passions furieuses et la propension au mal du coeur humain demeureront inassouvies. Ce régime frappe à la racine de tous les maux, et c’est une expérience qui pourrait être tentée avec succès, non seulement par les États, mais avant tout par de plus petits groupes humains, par des familles, et par des individus. »

[…]

Le prosélyte d’un régime simple et naturel qui souhaite jouir d’une bonne santé doit, dès sa conversion, se plier à deux règles :

N’absorbez jamais dans l’estomac une substance qui a eu vie.

Ne buvez jamais d’autre liquide que de l’eau rendue à sa pureté originelle par la distillation.

Des personnes suivant un régime végétal ont eu une longévité remarquable. Les premiers chrétiens s’abstenaient, selon le principe de la modification de leur chair, de manger celle des animaux.

Le Vieux Parr, 152 ans

Marry Patten, 136 ans

Un berger en Hongrie, 126 ans

Patrick O’Neale, 113 ans

Joseph Elkins, 103 ans

Élisabeth de Val, 101 ans

Aurangzeb, 100 ans

Saint Antoine, 105 ans

Jacques l’Ermite, 104 ans

Arsène, 120 ans

Saint Épiphane, 115 ans

Siméon, 112 ans

Rombald, 120 ans

Les raisonnements de M. Newton sur la longévité sont ingénieux et concluants :

« Le Vieux Parr atteignit l’âge de 152 ans. Tout homme peut être en aussi bonne santé qu’un animal sauvage. Donc, tout homme peut atteindre l’âge de 152 ans. »

Cette conclusion est trop timide. On ne saurait, en effet, supposer que le Vieux Parr ait échappé à l’hérédité des maladies, forgée par les habitudes contre nature de ses ancêtres. On peut en déduire que le terme de la vie humaine dépasse peut-être infiniment cet âge, si l’on considère toutes les circonstances qui ont contribué à abréger même celles du Vieux Parr.

Je veux ici remarquer que l’auteur et son épouse se nourrissent de fruits et de légumes depuis huit mois. Les améliorations de la santé et de l’humeur qu’il décrit plus haut sont donc tirées de se propre expérience. »