L’ordre des vétérinaires a publié son atlas national pour 2020. Ce qu’on comprend, c’est que la nature libérale de la profession est un préjugé du passé.
On trouve dans l’atlas une photographie qui dit absolument tout sur la nature des vétérinaires en 2020 en France. On y voit une vétérinaire, une cliente et un animal. Mais ce dernier est flou, le cadrage préférant insister sur la cliente ravie et la vétérinaire dans une posture commerciale digne des années 1970.
La fonction de vétérinaire joue en effet sur la corde de l’amour des animaux, mais dans les faits c’est bien différent. Il y a ainsi, comme le dit l’atlas, 18 874 vétérinaires inscrits à l’ordre, dont 10 225 femmes. Or, toutes leurs activités relèvent pratiquement entièrement du secteur privé. Cela signifie que c’est le marché qui décide, pas les besoins des animaux. Qu’ils le veuillent ou non, les vétérinaires portent le capitalisme.
Cela est vrai y compris des vétérinaires s’occupant plus spécifiquement des animaux dits de compagnie, qui en représentent la grande majorité. Ce chiffre de 15 176 vétérinaires s’occupant de ces animaux est d’ailleurs surprenant, il semble ridicule en fait, en comparaison au nombre d’animaux dits de compagnie par exemple.
Et encore cela est-il encore plus vrai, puisque la plupart des vétérinaires s’y connaissent en chien et chats, mais peuvent se voir rapidement débordés sur le plan des connaissances pour les rats, les hamsters, les cochons d’Inde, sans parler des oiseaux qui relèvent encore plus d’un monde à part.
Qui plus est, tous ne sont pas chirurgiens ou pas spécialisés (en dentisterie, neurologie, etc.) et tous ne disposent pas, très loin de là, forcément du matériel nécessaire. Seule une planification centralisée, autour de centres de soins quadrillant le pays selon les besoins, peut correspondre à la réalité et satisfaire les exigences des animaux à soigner.
Il suffit de regarder les cartes. La situation en Auvergne-Rhône-Alpes est un scandale, celle en Corse un drame.
Cela est d’autant plus vrai pour les « animaux de rente ». Qu’un vétérinaire participe déjà à la boucherie est déjà incohérent au possible. Mais on voit en plus qu’il n’y a que 6 411 vétérinaires pour s’occuper des animaux de rente.
Cela donne entre les centaines et les centaines de milliers d’animaux de rente et une poignée de vétérinaires censés s’occuper d’eux…. c’est-à-dire en réalité, vérifier que la production puisse fonctionner sans blocages majeurs. Ils sont d’ailleurs payés 30 % plus grosso modo que les vétérinaires pour les animaux dits de compagnie.
Voici la carte pour les bovins, une carte tout en vert, juste pour dire : tout va bien, il y a plus d’un vétérinaire pour 10 000 bovins !
Pour les cochons… il y a un pays sans vétérinaires pour ainsi dire, à part en Bretagne !
Pour les chèvres et les moutons, on a le même panorama.
Il en va de même pour les poulets.
Il suffit de comparer ces cartes avec celle montrant le nombre de vétérinaires spécialisés dans les chevaux, ici en rapport avec les établissements équestres (la carte des élevages équins est très proche). Là, comme le cheval a une valeur économique reconnue, les vétérinaires sont présents. Les animaux dits de rente ne sont que de la matière première et leur vie destinée à la mort implique une absence de soins aux yeux d’un capitalisme cynique et cohérent dans son approche pragmatique meurtrière.
On l’aura compris : les vétérinaires sont sympas quand ils sont jeunes ou encore étudiants, avant de devenir des carriéristes basculant dans le cynisme. Comment expliquer sinon cette disparité du décalage par rapport au revenu moyen des vétérinaires ? Au Mans et à Poitiers il n’y aurait que des bourgeois, donc les prix sont bien plus élevés ?
Voici ici les salaires en moyenne pour les vétérinaires s’occupant des animaux dits de compagnie et qui sont établis dans l’exercice libéral. Ils sont 11 202 et gagnent bien plus que les 3 425 salariés du secteur libéral (qui gagnent pratiquement 38 000 euros en moyenne).
Cette situation est intenable et indigne. Il faut évidemment nationaliser tout le secteur des vétérinaires et planifier les centres de soins en fonction des besoins, en les reliant bien entendu aux soins prodigués aux animaux de la vie sauvage. Cela présuppose bien entendu une approche bienveillante envers les animaux et non pas un esprit mercantile ou expérimental ; le contre-exemple connu est « Faune Alfort » qui s’occupe d’animaux sauvages mais dépend de l’école vétérinaire de Maisons-Alfort, et donc de l’expérimentation animale, d’une vision utilitaire des animaux, etc.
Il ne faut par contre guère attendre quelque chose des vétérinaires eux-mêmes. Seule une poignée a une conscience générale de la situation, les autres font leur carrière et ne s’investissent par exemple jamais contre la chasse ou même en faveur des animaux en général. Ils n’apportent aucun soutien au refuge, à part pour une poignée. Ici, les ASV (Auxiliaire Spécialisé Vétérinaire) disposent par contre d’un niveau de conscience bien plus élevé.
Cela signifie que pour faire les choses bien, il faudra établir des centres de soins avec des relais et non pas négocier avec chaque vétérinaire individuellement, ce qui ne pourrait aboutir à rien. L’État, à condition qu’il soit réellement porté par le peuple, qu’il soit démocratique, mettra les moyens et fixera les orientations : les vétérinaires devront suivre, ils ne sont qu’un maillon de la chaîne, ce n’est pas à eux de commander.