Dans une tribune publiée dimanche 10 novembre 2019, des dirigeants de la plupart des « organisations de jeunesse » liées à la Gauche appelaient à se joindre à la marche du jour contre « l’islamophobie ». La dirigeante de l’UNEF Mélanie Luce était d’ailleurs au premier rang du cortège derrière la banderole, au milieu de militants politique de l’islam.
La tribune, publiée sur le très bobo-libéral huffingtonpost.fr, est typique de ces propos qui divisent profondément la Gauche. Les « organisations de jeunesse » liées à la Gauche ( à l’exception notable des « jeunes communistes », qui appelaient toutefois à la manifestation ) ont fait le choix de jouer à fond cette carte de « l’islamophobie » en dénonçant une situation « d’une gravité extrême ».
Le panorama qu’elles dressent décrit un pays qui serait complètement arriéré sur le plan des mentalités, avec un racisme omniprésent et une guerre quasiment officielle menée contre les musulmans. On serait à les croire à l’aube d’un nouveau massacre de la Saint-Barthélemy.
C’est grandiloquent, mais tellement typique d’une partie des « organisations de jeunesse » liées à la Gauche, totalement petite-bourgeoises dans leur style, qui ont pour habitude de jouer la sur-enchère sur tout un tas de sujet, en espérant peser ainsi.
Il est donc affirmé qu’il y aurait une montée sans précédent de « l’islamophobie » et que leurs organisations exprimeraient la colère de leur génération disant « STOP » à cela. La « laïcité » serait instrumentalisée avec pour « simple objectif d’exclure petit à petit les femmes voilées de l’espace public. »
Les Jeunes Socialistes, les Jeunes Génération-s, les Jeunes Ecologistes, les Jeunes insoumis.es ou encore l’UNEF donc, ont un discours tellement auto-intoxiqué, pour ne pas dire saboté, ôté de toute substance de gauche, qu’ils en arrivent à écrire dans cette tribune une énormité populiste comme :
« Nous, organisations de jeunesse, rassemblons l’ensemble des jeunes quelles que soient leurs convictions et refusons les amalgames. »
Cela n’a aucun sens de dire que des organisations censées être de gauche rassemblent l’ensemble des jeunes. C’est une négation complète de la politique, de la bataille politico-culturelle de la Gauche contre la Droite d’une part et du grand travail de fond de la Gauche vis-à-vis des conceptions erronées au sein du peuple d’autre part.
Cette fausse Gauche, totalement convertie au post-modernisme, n’a plus aucun repère, car sa seule boussole est la quête unilatérale de l’extension infinie des « droits » individuels. Le voile, particulièrement mis en avant comme symbole de « l’islamophobie », est considéré dans cette optique comme une option parmi les autres à laquelle il faudrait avoir libre accès dans le grand supermarché des identités.
Voici la tribune :
« Notre génération ne sera pas celle de votre islamophobie!
A nos gouvernant·e·s, à tou·te·s ceux·elles qui alimentent l’islamophobie ambiante.
Notre génération est le témoin d’une montée sans précédent de l’islamophobie à laquelle nous disons STOP ensemble! Violence, discours islamophobe, stigmatisation, amalgame sont devenus progressivement notre quotidien. Nous avons grandi dans cette violence morale, physique et symbolique qui n’a cessé de croître ces dernières années et les quatre semaines qui viennent de s’écouler auront marqué un tournant.
Quatre semaines durant lesquels Emmanuel Macron a appelé à la construction d’une “société de vigilance” pour combattre l’“hydre islamiste”, quatre semaines durant lesquels Christophe Castaner et l’Université de Cergy ont établi le port de la barbe, le fait de ne pas faire la bise ou encore tout simplement certaines pratiques spécifiques à la religion musulmane (comme une pratique rigoriste durant le ramadan) comme des “signes de radicalisation”. Quatre semaines d’émissions titrant “Réformer l’islam ou le combattre?”, “Faut-il interdire le voile dans l’espace public?” etc. Quatre semaines pendant lesquelles une mère accompagnatrice de sortie scolaire a été humiliée et enjointe à sortir d’un conseil municipal simplement parce qu’elle porte le voile. Quatre semaines durant lequel Jean-Michel Blanquer a annoncé le besoin de signaler les “petits garçons” musulmans qui ne souhaiteraient pas tenir la main à des filles… Quatre semaines ayant abouti non seulement à l’adoption d’une loi par le Sénat interdisant le port de signes religieux par les parents accompagnateur·rice·s de sorties scolaires mais aussi à un attentat islamophobe à la mosquée de Bayonne blessant deux personnes.
Alors que certain·e·s disent défendre la fraternité de la société française, dans le même temps, il·elle·s stigmatisent les personnes musulman·e·s ou perçues comme telles. La situation que nous vivons est d’une gravité extrême.
Nous, organisations de jeunesse, rassemblons l’ensemble des jeunes quelles que soient leurs convictions et refusons les amalgames. Nous exprimons la colère de notre génération. Une colère contre l’instrumentalisation de la laïcité à des fins islamophobes. Une colère de voir certaines d’entre nous stigmatisées, humiliées, enjointes à se dévêtir au nom du féminisme. Être féministe c’est défendre le libre choix des femmes de leurs convictions, de leurs habits, de leur vie. Être féministe c’est défendre l’émancipation des femmes et revendiquer une égalité réelle. Être féministe c’est un combat à plein temps et pas uniquement quand cela vous arrange.
Nous refusons de nous voir divisé.e.s entre les bon·ne·s et les mauvais·e·s citoyen·ne·s, nous refusons l’exclusion d’une partie d’entre nous de l’espace public, nous refusons d’être pris à parti pour participer à l’amplification de la haine que subissent les musulman·e·s, nous refusons de vivre dans une “société de vigilance”.
À l’inverse de la société qui nous est promise, les jeunes aspirent à une société inclusive, où chacun·e a sa place et où l’on ne dicte pas aux femmes comment s’habiller, où on ne les oblige ni à se couvrir ni à se découvrir. Nous défendons une société laïque au sens de la loi de 1905 reposant sur deux principes: la neutralité de l’état et la liberté de culte des individus. Nous nous opposons donc à l’instrumentalisation en cours de la laïcité à des fins islamophobes ayant pour simple objectif d’exclure petit à petit les femmes voilées de l’espace public. Nous refusons toutes modifications législatives visant à restreindre la liberté de culte. Nous lutterons par tous les moyens à notre disposition pour rejeter l’islamophobie.
L’islamophobie n’est pas un débat de société, c’est une discrimination qui doit cesser.
Nous appelons à participer à la marche du 10 novembre à Paris et aux actions menées partout en France afin de dire, ensemble, STOP à l’islamophobie et aux messages de haine.
Les signataires:
Nathan Abou, Jeunes Socialistes
Alice Bosler, Jeunes Génération-s
Maxime Carpentier & Claire Lejeune, Jeunes Ecologistes
Aline Coutarel, Mouvement Rural de la Jeunesse Chrétienne (MRJC)
Aurélien Le Coq, Jeunes insoumis.es
Mélanie Luce, Union Nationale des étudiants de France (UNEF)
Héloïse Moreau, Union National Lycéenne (UNL)
Taylan Tuzlu, Didf-jeunes
Damien Chartes, Solidaires étudiant-e-s
Radia Bakkouch, Coexister »