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Le sixième numéro d’Action

Le sixième numéro d’Action, au format pdf (cliquer sur l’image pour l’obtenir) ; rappelons qu’il a été lancé comme organe du syndicat étudiant l’UNEF, des CAL (comités d’action lycées) et du mouvement du 22 mars.

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Jeunesse Communiste Révolutionnaire : « J’ai déjà voté sur les barricades »

Le 10 juin 1968, alors que des élections sont annoncées, la Jeunesse Communiste Révolutionnaire annonce une ligne combattive.

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Le canard enchaîné et mai 1968

Voici deux articles du Canard enchainé datant de mai 1968. Avec les grèves, la diffusion des numéros du 22 mai et du 6 juin avaient été toutefois très problématiques et celui du 29 mai n’est carrément pas sorti.

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Cinéma, cafés… l’orgie de tabassage policier en mai 1968

Mai 1968 a-t-il donc pu être un détonateur parce que le régime s’est posé comme intransigeant, alors qu’il aurait pu tenter de pacifier et d’endormir les étudiants, empêchant qu’ils servent de vecteur contestataire?

Il faut croire que oui puisque la cinquième république s’est maintenue. En même temps, le régime n’a pas réprimé mai 1968 dans le sang, avec l’armée, il s’est appuyé sur la police et les forces para-militaires comme les CRS.

Dans tous les cas, cela a marqué ceux et celles ayant une conscience sociale.

Il faut vraiment souligner que ce qui a permis aux étudiants de se galvaniser, c’est le haut-le-coeur de la population face à la répression brutale ayant eu lieu dès le début.

C’est à ce moment-là que le discours révolutionnaire de la gauche contestataire, auparavant marginale, conquière dans la nouvelle situation un écho significatif.

La tension était immense. Voici des témoignage du terrible 6 mai, point de départ de la tentative d’écrasement immédiate des protestations suite au 3 mai ayant été marqué par l’évacuation policière de la Sorbonne.

Cela doit permettre une réflexion sur la nature des événements de début comme détonateur. D’ailleurs, un fétiche existera à partir de ce moment-là, avec l’idée qu’un mouvement cherchant à s’affirmer doit justement provoquer la répression pour exister en tant que tel.

Une démarche ridicule qui deviendra cependant le fond de commerce d’une certaine extrême-gauche en France.

La répression, en effet, est toujours un choix tactique et stratégique de la part d’un régime. Si les cinémas, cafés… sont des cibles et les policiers sont pris dans une orgie de tabassage, c’est que le régime voulait régler les choses vite. Il a échoué, mais par la suite il a su pacifier, preuve qu’il pouvait faire l’un ou l’autre.

« Le lundi 6 mai, vers 23 h 30, rue Monsieur Le Prince, cherchant à regagner mon domicile après avoir dîné dans un restaurant du quartier Saint-Michel, les C.R.S. qui bloquaient le haut du boulevard Saint-Michel n’ont pas voulu me laisser passer; bien au contraire, ils ont chargé rue Monsieur-le-Prince des passants qui n’étaient manifestement pas des manifestants, d’autres C.R.S. qui se trouvaient à l’intersection de la rue Vaugirard et de la rue Monsieur-le-Prince les ont pris à revers; j’ai vu des C.R.S. marteler de coups des passants qui étaient tombés.

D’autres comme moi ont dû se réfugier dans un cinéma, ce qui n’a pas empêché les C.R.S. de casser à coups de crosse les vitres du cinéma, et d’assommer quelques innocents, repliés à côté du guichet en les traitant de « fumiers », « on aura ta peau », « vous êtes tous des salopes », « on s’en fout que vous ayez manifesté ou pas ».

Dans les salles mêmes du cinéma les spectateurs terrorisés suffoquaient, asphyxiés par les gaz lacrymogènes qui étaient entrés par les trous d’aération; des femmes pleuraient, une vieille dame, la tête dans les bras, disait : « Non, ce n’est pas possible, ce n’est pas possible. »

Il était impossible de sortir des salles : on entendait derrière les coups de crosse des C.R.S.

Ce témoignage ne traite pas d’un fait isolé. Habitant au coeur du quartier où se sont déroulées la plupart des manifestations, j’ai dû me rendre compte qu’il était absolument impossible de me rendre chez moi sans êtres systématiquement poursuivi par des corps de C.R.S. censés disperser les manifestants et qui ont fait de moi un manifestant, faute de pouvoir rentrer chez moi.

Des représentants de l’ordre guettant rue Monsieur- le-Prince un petit groupe d’étudiants et de civils qui débouchait de la place Edmond-Rostand, attaquèrent ces derniers qui s’enfuyaient par cette même rue.

Ils les matraquèrent en s’acharnant à plusieurs sur la même victime. Une de celles-ci, allongée sur le pare-brise d’une voiture en stationnement fut matraquée jusqu’à ce que le pare-brise cède.

Puis les représentants de l’ordre policier s’acharnèrent sur des civils qui soit sortaient du cinéma « le Luxembourg », soit s’enfuyaient dans la rue Monsieur-le-Prince. Ils brisèrent de plus les vitrines de l’hôtel Médicis et du cinéma « le Luxembourg » pour empêcher la population soit d’aider les blessés, soit de se réfugier.

Lundi 6 mai, vers 21 heures, alors qu’il n’y avait aucun trouble ni attroupement important, j’ai vu les forces de l’ordre lancer une grenade lacrymogène sans sommation ni raisons apparentes, contre une jeune fille qui fut atteinte à la face. »

A Saint-Sulpice également, incident grave dans un café :

« Soudain le café fut cerné par un groupe de C.R.S.et un civil frappa sur la porte de verre du café.

Le patron s’empressa d’aller ouvrir. Le civil, une longue matraque à la main, entra suivi d’un autre policier. Celui-ci, C.R.S., avait son casque à la main.

Le civil donna l’ordre d’évacuer le café en tapant sur les tables avec son bâton et sur certaines personnes peu pressées d’exécuter son ordre. Quand certaines passaient devant lui, il les désignait de son bâton, c’était essentiellement des jeunes.

Je me retrouvai derrière un homme assez jeune qui déclara en sortant avec un fort accent : « Je suis étranger et… » il fut coupé par un C.R.S. qui le frappa en lui répondant : « Ouais, et tu viens nous faire chier en France. »

Puis je fus happé par plusieurs mains et je fus frappé sur la tête et le corps par des matraques. Je tombai à genoux et un C.R.S. me donna un coup dans le ventre et je tombai donc sur le dos et fus frappé à la face. Je me relève tant bien que mal toujours sous une pluie de coups et réussis à m’enfuir dans la rue Notre-Dame-des-Champs.

Après une dizaine mètres, saignant énormément, je m’arrêtai et demandai aux gens se trouvant devant leur porte si personne ne pouvait m’aider. Deux jeunes filles nie firent entrer chez elles et m’allongèrent sur un lit, puis allèrent prévenir le secours de la Croix-Rouge qui vint me chercher et je fus emmené en ambulance.

L’ambulance m’emporta à l’Hôtel-Dieu. Là je fus reçu par le chef de service des urgences qui m’examina et m’envoya au service des radios. On me fit plusieurs radios de la face. Je remontai au service des urgences et le médecin de service, après avoir regardé les radios, déclara que j’avais une fracture du nez et sans doute une fracture du maxillaire. »

Voici deux autres témoignages, datant quant à eux du 7 juin. La situation est la même. Cela se passe ici dans le quartier de Montparnasse :

« J’ai assisté mercredi 8 mai à 1 h 30 du matin, boulevard du Montparnasse, à l’assaut donné contre « Le Select ». Ils ont chargé droit sur le café dont les grilles étaient fermées, et dont les consommateurs étaient de paisibles noctambules.

Après avoir demandé au directeur de faire sortir tous les clients, celui-ci s’y est opposé en disant qu’il n’y avait aucun manifestant. Ils ont alors cassé les glaces et ont envoyé des grenades lacrymogènes. Ensuite, ils sont partis sur les manifestants et ont forcé un autre café où d’autres personnes ont été blessées. »

Et, un autre, plus tard dans la soirée :

« Il est deux heures du matin, mercredi 8 mai je viens d’entrer avec un ami dans le café « le Rond- Point» boulevard Montparnasse. Nous sommes sur le point de nous asseoir quand un homme entre en courant; il est pourchassé par les C.R.S.

Presque immédiatement le gérant du café éteint les lumières et ferme la porte à clé; un ou plusieurs policiers brisent une partie du vitrage et lancent des grenades.

La première des grenades est tombée tout près de mon ami : c’était une grenade lacrymogène en verre. Je ne sais pas combien de grenades ont été lancées mais l’atmosphère est devenue irrespirable au point que l’on était près de perdre conscience.

Le gérant du café a évité la panique en criant de se masser au fond du café; pendant cinq à dix minutes nous sommes restés accroupis dans le silence car personne n’avait la force de bouger. Ce silence était ponctué par des toux incessantes. Certaines personnes vomissaient…

Le gérant du café a surveillé la situation à l’extérieur et quand il a vu que la densité des C.R.S. diminuait il a conseillé aux gens de sortir par un ou par deux. Nous étions encore en état de bouger et nous sommes partis ainsi. Un C.R.S. nous a poursuivis à coups de matraque. »

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Le cinquième numéro d’Action

Le cinquième numéro d’Action, au format pdf (cliquer sur l’image pour l’obtenir) ; rappelons qu’il a été lancé comme organe du syndicat étudiant l’UNEF, des CAL (comités d’action lycées) et du mouvement du 22 mars.

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Le quatrième numéro d’Action

Le quatrième numéro d’Action, au format pdf (cliquer sur l’image pour l’obtenir) ; rappelons qu’il a été lancé comme organe du syndicat étudiant l’UNEF, des CAL (comités d’action lycées) et du mouvement du 22 mars.

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Culture

Le film « La chinoise » de Jean-Luc Godard (1967)

La fraîcheur du film La chinoise de Jean-Luc Godard ne tient pas seulement à la candeur des acteurs et actrices représentant des jeunes engagés dans les rangs « marxistes-léninistes » en mars 1967, ni à leur discours sur le blocage de l’université pour remettre en cause le régime annonçant directement mai 1968.

Il y a aussi une sorte de pureté graphique qui ressort de chaque image et de l’association de l’ensemble des petites saynètes, qui sont à la fois irrévérencieuses et surprenantes, authentiques dans la dignité de la révolte et en même temps ouvertement critiques quant à l’origine sociale des révoltés.

Car, et c’est un phénomène tout à fait français ou plus précisément parisien, une partie significative des meilleurs étudiants parisiens, issus alors des familles les plus aisées, ont fait le choix dans la période 1967-1969 de s’identifier avec la révolution culturelle en Chine, avec le style de travail « marxiste-léniniste ».

D’où les innombrables citations de Mao Zedong dans le film, associées à la représentation parfois très humoristique et jamais prétentieuse des principales valeurs partagées, allant du refus catégorique de l’Union Soviétique à la volonté d’ouvrir la voie au soulèvement armé.

Jean-Luc Godard, avec ce collage, ce patchwork de moments où l’on discute et l’on fume, où l’on pose sa fragilité sentimentale et sa volonté d’aller de l’avant dans la révolution, où l’on revendique son besoin d’art, où l’on pose véritablement une identité en rupture tout en se sachant souvent soi-même d’origine bourgeoise, fait une véritable capture graphique d’un moment historique de grande signification.

En un certain sens, on ne peut pas comprendre mai 1968 sans voir La chinoise, à moins de réduire cet épisode historique à une logique iconoclaste anarchiste – situationniste. Ce qui caractérise en effet les marxistes-léninistes, c’est-à-dire les maoïstes de l’Union de la Jeunesse Communiste (marxiste-léniniste), c’est le souci profond de la question esthétique, au sens d’une vision du monde cohérente et allant dans le sens d’une beauté totale.

C’est, bien entendu, l’esprit de la révolution culturelle sur le modèle chinois; cela se fait dans le film de manière revendicative, assumée, au moyen de grandes tirades sous forme de sentences :

« Ce que j’ai à vous dire, c’est que c’est pareil dans l’enseignement aussi bien littéraire que scientifique. Le colloque de Caen a proposé des réformes, la gauche propose des réformes.

Mais tant que Racine peindra les hommes tels qu’ils sont, tant que Sade sera interdit à l’affichage, tant qu’on n’enseignera pas les mathématiques élémentaires dès le jardin d’enfants, tant qu’on subventionnera dix fois plus les homosexuels de la Comédie-Française que Roger Planchon ou Antoine Bourseiller, ces réformes resteront lettre morte, parce qu’elles appartiennent à un langage mort, à une culture qui est une culture de classe, qui est un enseignement de classe, une culture qui appartient à une classe déterminée et qui suit une politique déterminée. »

La beauté, vivante et productive, est ici au cœur des exigences, mais on sait comment après mai 1968 le système profitera d’une vaste logique modernisatrice, où d’ailleurs Sade, Roger Planchon et Antoine Bourseiller auront plus que leur place !

C’est ce qui fait d’ailleurs la grande faiblesse du film que de se tourner vers tout ce qui est moderne, expérimental, quitte à ne pas voir que le contenu visé – un éloge du marxisme-léninisme et de l’engagement – est inévitablement en opposition finalement frontale avec ce goût incongru et fétichiste du montage rythmé allant jusqu’à la mise en abîme, selon le principe de la nouvelle vague entendant toujours rappeler que ce n’est qu’un film, d’où les moments où l’on voit les cameramans par exemple.

Et pourquoi avoir intégré dans La chinoise une sorte de scénario, qui plus est emprunté au roman Les Démons de Fiodor Dostoïevski qui va à l’opposé du sens de l’engagement révolutionnaire ? Tout le film se focalise d’ailleurs sur un appartement bourgeois récupéré par des bourgeois.

C’est là encore l’un de ces mystères des raisonnements tortueux de Jean-Luc Godard; heureusement, La chinoise reste comme intouchable par rapport à ces erreurs significatives. On est dans un souffle continu, un chemin long et fastidieux, mais apparaissant finalement comme lumineux pour paraphraser Mao Zedong. Comme il est dit à la fin, « Je croyais avoir fait un grand bond en avant, je n’ai fait que les premiers pas d’une longue marche. »

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Parler de mai 1968 aurait été parler des brutalités policières systématiques

"Désolation au quartier latin"Le traumatisme des affrontements du lundi 6 mai 1968 sont forcément la cause du fait que les médias, pour les 50 ans de mai 1968, ne pouvaient pas en parler librement. Si aujourd’hui une petite ultra-gauche délirante parle de violence policière, cela n’est rien du tout comparé au déchaînement de violence policier de mai 1968.

C’est qu’aujourd’hui le régime est tout sauf en crise, alors qu’à l’époque il vacillait littéralement. Les forces de police étaient mobilisés pour écraser la formation d’une contestation ; quelques centaines d’étudiants proposaient quelque chose d’autre concrètement, une alternative de gauche, révolutionnaire, un changement de mise en perspective, de mentalité.

La rudesse des affrontements du 6 mai reflètent cette confrontation, avec au moins 345 policiers atteints par des projectiles divers, plus de 500 blessés chez les étudiants, et de simples passants tabassés par la police également.

Voici un témoignage montrant bien l’ambiance régnante :

« Nous marchions tranquillement place Saint-Sulpice (déserte) lorsque trente C.R.S. et Brigades spéciales nous ont matraqués et laissés pour morts. »

Si jamais on se demande pourquoi – à tort ou à raison – l’élection de François Mitterrand en 1981 a été autant apprécié à gauche, c’est simplement aussi beaucoup pour cela. Le régime était brutal, très brutal, ne laissant aucun espace.

Parler trop de mai 1968 du côté médiatique ou institutionnel, cela aurait été raconté tout cela…

Voici un autre témoignage du même type :

« Ainsi, vers 21 heures, rue de l’Ancienne-Comédie, j’ai aperçu des forces de police. Un Policier court vers le milieu de la place de Buci et lance une bombe ; je recule à l’angle de la rue Grégoire-de-Tours.

Quelques secondes plus tard, des policiers débouchent dans cette rue et se jettent sur moi : aucun étudiant n’était à ma connaissance dans cette rue. Je hurle que je ne suis qu’une passante. A cinq, ils me jettent par terre et me matraquent. Il en est résulté une fracture du bras gauche, un traumatisme crânien avec plaies ouvertes. »

Ou encore :

« Je passais vers 23 heures place de l’Odéon, le 6 mai, quand un cordon de C.R.S. nous arrêta (nous étions en voiture).

Demandant poliment (quand même) de pouvoir passer pour rentrer chez nous, nous avons reçu pour toute réponse un coup de poing par la portière, puis sans plus d’explications nous fûmes éjectés de la voiture par une dizaine de « vrais enragés », je veux dire les C.R.S. et fûmes alors savamment matraqués ; recevant entre autres des coups de matraques sur le nez, etc.

Bilan de l’affaire : un nez cassé, visage tuméfié, cuir chevelu décollé sans compter les insultes à l’égard de nous-mêmes et des jeunes filles qui nous accompagnaient. »

France Soir donne des indications de cette violence systématique :

« Parmi les blessés, une jeune femme serrant dans ses bras un bébé de trois mois (…) Incommodé par des gaz lacrymogènes à la station Odéon, l’enfant avait été pris de vomissements et avait dû être soigné d’urgence.

mai 1968« A minuit, l’hôpital était complet et il fallut faire appel au stock de couvertures pour compléter tous les lits.

« Pas de blessés graves, explique le chef de service ; mais beaucoup de plaies dues aux coups de matraque et par les pavés, quelques fractures, et surtout beaucoup de jeunes gens aveuglés par les grenades lacrymogènes. Quelques-uns, une dizaine environ, qui avaient perdu connaissance, ont été gardés à l’hôpital en observation.

« II entrait un blessé toutes les deux minutes environ dans la salle où j’étais hospitalisé, raconte X., à sa sortie de l’Hôtel-Dieu. Rien que dans ma salle une quinzaine ont été gardés pour la nuit… »

Les gens furent particulièrement marqués par la violence acharnée de la police. Voici un témoignage :

 « Le lundi 6 mai 1968, à 6 heures de l’après-midi, de l’intérieur d’un magasin situé rue Saint-Jacques j’ai été le témoin horrifié de la brutalité avec laquelle deux policiers se sont acharnés à matraquer un étudiant depuis longtemps déjà hors d’état de se défendre, sur le trottoir d’en face, juste devant le jardin de l’église Saint-Séverin. Quelques minutes après, l’étudiant s’est relevé avec difficulté ; il avait la tête en sang ! »

En voici un autre :

« Une charge de C.R.S. se dirigeait vers des étudiants se trouvant rue Monge et place Maubert. Certains étudiants ont été rattrapés, dont deux qui ont été coincés près d’une porte cochère donnant sur le boulevard Saint-Germain (près station Maubert-Mutualité).

Ces deux jeunes gens se sont fait matraquer par la première charge de C.R.S. Ils sont tombés par terre. Par la suite tous les C.R.S. qui arrivaient leur tapaient dessus alors qu’ils étaient par terre et qu’ils ne bougeaient plus. »

C’est une politique de terreur, visant à briser. Un médecin raconte ce qu’il a vu :

« Avoir été témoin, le 6 mai 1968, vers 18 heures, boulevard Saint-Michel, à quelques mètres de la rue Saint-Séverin, des sauvages matraquages sans raison apparente, et après bousculade délibérée ayant eu pour effet de le jeter à terre, d’un jeune homme par des policiers habillés en toile kaki.

mai 1968Je vaquais à mes occupations dans cette zone alors entièrement libre, les affrontements et barrages étant au boulevard Saint-Germain. Le jeune homme, très chevelu, ne faisait rien de mal.

Il déambulait du côté des numéros impairs. Il s’est mis instinctivement à hâter le pas quand il a vu les susdits policiers, qui n’étaient pas en bleu marine mais d’aspect militaire (et que, pour ma part, je voyais pour la première fois en cette tenue insolite) traverser le boulevard en se portant dans sa direction d’un air menaçant. Ils sortaient d’un car de police qui venait de s’arrêter devant le café qui fait le coin, du côté opposé, de la rue et du boulevard.

Ils l’ont rattrapé, jeté à terre et ensuite lui ont porté des coups de matraque sur le crâne. Ces coups résonnaient de façon épouvantable sur la boîte crânienne.

Leur oeuvre faite, ils ont regagné le car sans s’occuper des réactions des passants, parmi lesquels j’étais et avec qui j’ai contribué à relever la victime qui geignait. Une touffe de ses longs cheveux était détachée. »

Un phénomène connu fut les interventions jusque dans les lieux privés. Ainsi :

« Je vous informe que on mari a été brûlé par l’éclatement d’une grenade, le lundi 6 mai vers 16 heures alors qu’il se trouvait à l’intérieur des locaux de son travail, rue Jean-Beauvais.

Des étudiants pourchassés par la police s’y étaient réfugiés. Actuellement il est toujours hospitalisé. »

Voici comment une concierge raconte comment elle s’est prise une grenade lacrymogène :

« Lundi 6 mai environ 20 h 30 – 21 heures. J’étais allée fermer la porte d’entrée. Dans le couloir il y avait un groupe de gens parmi lesquels cinq ou six locataires de l’immeuble. J’ai reçu comme un bloc de glace sur la tête, la tête s’est mise à me brûler, j’ai senti un liquide couler sur tout mon corps et une sensation d’étouffement. J’avais très mal surtout au visage, principalement aux yeux.

Le couloir s’est rempli d’une odeur épouvantable et l’évaporation du liquide remplissait l’air. Mon mari et les gens qui étaient dans le couloir pleuraient. Quelques personnes, parmi lesquelles ces locataires de la maison ont eu aussi des petites brûlures, trois locataires. »

C’est que la violence policière devait frapper vite, fort et à tout prix. Un étudiant non manifestant vit la scène suivante du haut de son balcon rue Monsieur-le-Prince :

« Le lundi 6 mai, les violences ont redoublé, nous étions suffoqués et aveuglés par les gaz lacrymogènes que la police lançait sur les manifestants et dans les vitrines.

Forces de l'ordreCe jour-là un enfant de douze ans environ qui revenait de l’école avec son cartable a été bousculé et renversé par les C.R.S. qui l’ont laissé sur place sans prendre la peine de voir s’il était blessé.

Lorsqu’un C.R.S. parvenait à s’emparer d’un manifestant, aussitôt cinq ou six autres policiers au moins venaient à la rescousse pour, s’acharner sur leur victime qu’ils laissaient ensuite au milieu de la rue dans un état plus ou moins grave.

Entre 19 heures et 19 h 30, des manifestants et des passants poursuivis par la police ont essayé de se réfugier sous le porche du 63 du boulevard Saint-Michel. La porte ne s’est pas ouverte assez vite, les C.R.S. sont arrivés, deux jeunes filles matraquées sont tombées à terre et ont été blessées.

Mais les plus gravement atteints ont été deux étudiants qui, assommés et roués de coups, ont été emmenés sans connaissance quelques instants plus tard par une ambulance. »

Parler de mai 1968 cinquante ans après aurait été parler des brutalités policières systématiques. Cela aurait été remettre en cause la cinquième République, la nature du régime. Comme la Gauche a capitulé à ce sujet, malheureusement, le patrimoine de mai 1968 n’est pas correctement défendu.

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Jeunesse Communiste Révolutionnaire : « Aujourd’hui »

A partir de la fin du mois de mai 1968 et jusque la mi-juin, la Jeunesse Communiste Révolutionnaire a produit un bulletin pratiquement quotidien : aujourd’hui.

Voici les bulletins regroupés au sein d’un fichier au format pdf.

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Faut-il une « désintox » pour l’affiche d’Emmanuel Macron en SS?

Qu’est-ce que la vérité, comment la comprendre ? Est-ce une chose en mouvement, ou une chose statique ? En voici un exemple bien parlant…

Car il existe une mode depuis quelques années dans les milieux journalistiques, visant à prôner un stop à « l’intox », à se lancer dans une dénonciation du complotisme. S’il peut s’agir parfois d’un vrai souci de rationalisme, bien souvent c’est un mépris des gens, du peuple en général, considéré comme trop idiot, trop inculte.

Les gens auraient besoin d’une enquête journalistique, faite par quelqu’un de diplômé, qui maîtriserait ses émotions par rapport au bon populo… Seul le journaliste sait ! Seul le journaliste comprend ! Le monde est statique, les bas peuple versatile !

Affiche Emmanuel Macron SSL’affaire de l’affiche représentant Emmanuel Macron en SS lors de la marée humaine de samedi dernier a justement été un thème de cette campagne de « désintoxication » ces derniers jours ; elle en révèle parfaitement les limites que l’on doit qualifier, sans aucun doute, de petites-bourgeoises intellectuelles.

En effet, à force de à prétendre une neutralité qui n’existe pas, en prétendant à une objectivité froide qui n’a jamais existé, on finit forcément par se prendre les pieds dans le tapis.

En l’occurrence, il est expliqué que l’insigne sur le bras d’Emmanuel Macron ne serait pas un drapeau israélien, mais bien l’insigne de destruction de blindés présent sur l’original.

Affiche Emmanuel Macron SS - image originaleComme sur la photo originale, le logo est le même, qu’il n’a pas été changé, il y a une « désintox » de faite, par exemple par Conspiracy Watch – Observatoire du conspirationnisme, Jean-Paul Lilienfeld, etc.

Quelle naïveté ! Quelle pseudo objectivité !

Car, quand on étudie une chose, on doit la regarder dans son mouvement, dans sa réalité, en tant que processus. On ne peut pas voir les choses statiquement.

Il faut voir comment l’image a été transformée, dans quel but. Il faut regarder quelles sont les valeurs de la personne qui l’a transformée. Il faut délimiter dans quelle mesure cette personne a conscience de ses propres valeurs.

Il faut regarder les valeurs de la société à un moment donné, en saisir les codes.

Affiche Emmanuel Macron SS - image originaleFaisons ainsi les choses sérieusement, en s’aidant d’une image présentant les images côte à côte, en faisant attention parce que l’image connaît une autre variante.

Déjà un travail sérieux aurait en effet été de trouver la source directe de ces images. Il s’agit d’une entreprise proposant des tenues de western, de Batman, de nazis, etc. Ce n’est nullement une photographie historique.

Donc, le logo SS a été changé par celui d’en marche, la tête de mort par « EM » (pour Emmanuel Macron ou En marche). L’aigle avec la croix gammée a été remplacée par « $$ », pour SS avec une allusion aux dollars (même pas à l’euro donc).

Une des épaulettes a été modifiée avec le symbole de l’entreprise Vinci. Sur l’avant-bas gauche, l’inscription « Götz von Berlichingen » a été remplacé par MEDEF. Götz von Berlichingen est un chevalier allemand ayant pris le parti des paysans révoltés à l’époque de Martin Luther, avant de finalement les trahir. Son nom a été employé pour nommer une division d’infanterie mécanisée de la Waffen-SS, la 17e Panzergrenadier Division SS.

La croix de fer (ici nazie), très connu en France, a été enlevé, pas les trois autres insignes nazis.

Affiche Emmanuel Macron SS et image originale

Affiche Emmanuel Macron SS, détail tankEt il y a donc, sur le côté gauche, sur le bras droit près de l’épaule, l’insigne de destruction des blindés, mis en place par Adolf Hitler en 1942.

Sur la photo ayant servi au montage, la couleur de cet insigne est déjà bleu, ce qui est une erreur historique de la part de ceux qui ont refait le costume.

Mais la question n’est pas là. La question est : est-ce que la personne qui a fait le montage a sciemment laissé cet insigne bleu comme une allusion au drapeau israélien, ou bien n’a pas touché en général les insignes secondaires?

Voilà la véritable question, parce que l’image a été retouchée de manière professionnelle ; il est évident que chaque aspect de ce qui a été touché ou pas a été pensé.

Et cette question demande une réponse politique, pas une réponse de journaliste. Il n’y a pas de pseudo objectivité qui tienne ici.

D’ailleurs, il ne faut pas être idiot. Le fait de déguiser Emmanuel Macron en nazi montre bien que la personne qui a fait le photomontage ne connaît rien à la Shoah et dispose d’une mentalité particulièrement malsaine.

N’importe qui voyant l’assimilation d’Emmanuel Macron non seulement au grand capital (ce qui est vrai en partie) mais également aux dollars devine aussi très bien la mentalité du photomontage : on a ici affaire à un anticapitalisme “antiimpérialiste” qui s’est largement développé ces dernières années, avec Jean-Luc Mélenchon, Alain Soral, l’ultra-gauche, le GUD, etc.

On n’a pas ici affaire à la Gauche historique. Partant de là, il est évident que l’insigne sur le côté est une allusion au drapeau israélien. Il est inévitable que le fait de l’avoir laissé sur le côté, avec sa forme et sa couleur bleue, ferait penser au drapeau israélien.

Il y a tellement ce genre d’allusions ces derniers temps qu’il n’y a pas de hasard. Pas de hasard… si l’on prend un point de vue politique.

Et le point de vue politique se moque de savoir si le choix est objectif ou subjectif. Historiquement, tout le monde a saisi cela comme une allusion. Politiquement, il y a donc responsabilité.

Ce que les partisans de la « désintox » ne prennent pas, en raison de leur « objectivité » froide, apolitique… les amenant à capituler devant cette affiche.