La Gauche en France est arriérée sur le plan des idées et des valeurs. C’est un constat évident lorsqu’on regarde les interventions à propos de l’écologie des candidats lors du premier débat pour les élections européennes.
Déjà, et cela en dit long, il a fallu que les journalistes posent la question pour que les thèmes écologiques soient abordés. Sans ça, cela passait à la trappe, car finalement, ce n’est pas une préoccupation réelle, mais un « argument » de plus, parmi une multitude d’autres.
Il n’y a aucune culture alternative, aucune volonté de changer les choses en profondeur, et il est remarquable ici que la question animale n’ait même pas été abordée, tellement les figures de la Gauche en France sont très loin de tout cela, tant dans leur vie quotidienne que dans leurs conceptions des choses.
Ian Brossat du PCF fut le premier interrogé sur la question. Il s’imaginera certainement qu’il a été très percutant, en « osant » dire que « la pollution est un crime », car il y aurait 50 000 morts par an en France et 600 000 dans l’Union européenne.
Il faut bien voir cependant qu’il ne parle pas d’un crime contre la planète justement, d’un écocide, qui relève d’une critique écologique, mais seulement de pollution concernant les humains. « L’humain d’abord », c’est en effet le grand slogan du PCF qui, pour utiliser une expression triviale, est complément à la ramasse sur la question écologique depuis des dizaines d’années.
Doit-on en effet rire ou pleurer quand on entend Ian Brossat dire qu’il faudrait « dissuader d’utiliser l’avion », alors que le PCF a toujours soutenu de manière véhémente la construction de l’aéroport à Notre-Dame-des-Lande ? C’est pourtant le b-a-ba que de comprendre l’importance des zones humides, qu’il faut préserver. Mais c’est de trop pour le PCF, qui avait considéré que l’abandon du projet à Notre-dame-des-Landes était « grave de conséquences pour les populations concernées ».
Ian Brossat s’est donc mis au niveau des gilets jaunes, en disant qu’« on explique en permanence que le responsable de la pollution c’est l’ouvrier qui va utiliser sa voiture diesel, souvent sa vieille voiture, et qui est contraint de l’utiliser pour aller sur son lieu de travail, tout ça parce qu’on a fermé sa petite ligne de train. »
C’est de la pure démagogie, pour se dédouaner. Les ouvriers en France ne prennent pas leur « petite ligne de train » pour aller travailler, cela fait bien longtemps qu’ils ont choisi, subjectivement, de prendre la voiture pour aller travailler. Il suffit d’ailleurs d’aller sur le parking de n’importe quelle usine en France pour voir que la voiture a une grande importance pour les ouvriers, y compris chez les intérimaires, qui ne se gênent pas pour avoir de grosses voitures, quitte à se priver sur bien d’autres choses.
Il y a là un problème culturel énorme, et ce doit être le rôle de la Gauche que de tirer la classe ouvrière vers le haut, avec la conscience qu’il n’y a rien à attendre des riches justement. Car c’est bien beau de dire que « les ménages les plus riches polluent 40 fois plus que les plus pauvres », mais à quoi cela sert-il, à par à se dédouaner, si on ne dit pas en même temps qu’il faut confisquer les richesses des riches ?
Le PCF considère plutôt que la solution viendrait d’un « grand plan », qui serait financé par la Banque centrale européenne. C’est un discours de centre-gauche, mou, technocrate, sans aucune dignité ni aucune valeur sur le plan de l’écologie.
Benoît Hamon a été lui en peu plus loin dans les mots, en assumant ce terme d’écocide, qui est le véritable terme à utiliser pour qualifier le rapport actuel de l’humanité à la nature. Seulement, on se demande s’il a vraiment conscience de ce que cela signifie. Il explique en fait qu’il faudrait contre l’écocide… des institutions judiciaires européennes dédiées, qui reconnaîtraient la nature comme « personne morale ».
Là encore, une expression triviale : c’est complètement à côté de la plaque ! C’est tout sauf démocratique et populaire, ce n’est pas un discours de gauche, qui placerait l’espoir et la solution dans le peuple. C’est technocratique, hors-sol, complètement vain.
En fait, Benoît Hamon n’a pas mieux à dire que François Hollande en 2012. Il faudrait, un « plan d’investissement vert » pour faire des « obligations vertes », avec une politique de création monétaire par la Banque centrale européenne.
Le capitalisme, toujours le capitalisme, encore le capitalisme.
Tout cela est strictement parallèle à la position de Yannick Jadot, qui tourner sciemment le dos à la Gauche en présentant comme une sorte de version « écolo » d’Emmanuel Macron.
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On n’a donc pas été étonné qu’il ne parle que d’« investir », ou encore d’un « new green deal », car « la transition écologique, c’est l’emploi ».
Les exercices de Manon Aubry, dont on ne sait pas s’il faut la qualifier de gauche, et de Raphaël Glucksman, dont on ne sait pas non-plus vraiment s’il est de gauche, furent du même ordre.
La tête de liste La France insoumise veut instituer une « règle verte », qui consiste à ne prendre « à la Terre que ce qu’elle peut reconstituer elle-même ».
C’est un point de vue de gestionnaire, qui considère la planète comme une ressource, une matière première. Ce n’est certainement pas un point de vue écologiste, mais un keynésianisme tout ce qu’il y a de plus banal.
Il faudrait « 100 % d’énergie renouvelable d’ici 2050 » car « c’est aussi bon pour la croissance », et (le chiffre est sorti du chapeau) cela créera « près de 4 % de croissance ». Il faudrait pour cela, non pas un grand élan populaire et un grand bouleversement des valeurs, mais simplement « dé-serrer l’étau budgétaire, car on peut vivre avec 3 % de déficit, mais pas avec 3° de plus » !
On se demande si ces gens ont déjà entendu parler de Karl Marx, ou même de Jean Jaurès, tellement ils semblent fascinés par l’investissement capitaliste et la « croissance » capitaliste.
Raphaël Glucksman a eu au sujet de l’écologie un discours encore plus fade que les autres. Il n’a même pas été capable d’assumer ne serait-ce que le minimum du style bobo parisien, qui mangerait moins de viande et ferait un peu de vélo, en faisant attention aux déchets.
Il a proposé un « fond de budget climat », pour « créer des emplois », car « la rénovation énergétique des bâtiments » serait « une aubaine pour la justice sociale ».
Tout cela est très insuffisant, car l’écologie devrait être un terme majeur pour la Gauche, assumé concrètement avec une perspective culturelle bien meilleure que ce qui est proposé là. Cela est d’autant plus inquiétant que Marine Le Pen a décidé de faire de la préservation de l’environnement un thème fondamental.
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Le pire, c’est que tous disent strictement la même chose, mais ne sont pas capable de s’unir dans une liste commune pour tenter d’au moins sauver les meubles, et ne pas se faire laminer chacun de son côté.