Avec le petit scandale de l’utilisation d’influenceurs opérant sur youtube pour promouvoir le Service National Universel, l’opinion publique découvre l’ampleur du dispositif. Ce qu’elle voyait comme une simple initiative civique se révèle bien être un bourrage de crâne militariste.
Le Service National Universel ne va être mis en place que progressivement, pour concerner tous les jeunes à partir de 2026, pendant un mois. Concernant tous les jeunes hommes et toutes les jeunes femmes, il touche véritablement toute la jeunesse et à terme, il sera aisé pour l’État de prolonger sa durée, une fois les structures mises en place, à la première « crise » venue.
C’est une remise en place du service militaire qui est visée, dans une interprétation correspondant aux exigences de la guerre moderne. L’État veut être capable d’encadrer psychologiquement et culturellement la jeunesse, d’en faire un levier pour diffuser dans la société le nationalisme et le militarisme. Et également bien entendu d’avoir suffisamment de main d’œuvre pour la guerre.
Comme l’ont formulé Rodrigo Arenas et Carla Dugault, les coprésidents de la FCPE, la fédération des parents d’élèves :
« Le SNU est la réintroduction au pas de l’oie et à grand renfort de communication du service militaire. »
Ce qui se joue, c’est la militarisation de la société, dans le cadre d’une tendance à la guerre. Et cela de manière particulièrement bien organisée.
Le Maroc vient par exemple également de revenir au service militaire, abandonné il y a douze ans. La décision a été prise brutalement, sans prévenir et de manière intéressante, les soutiens de famille y échapperont, ainsi que ceux qui font des études. C’est une belle manière de chercher à encadrer une génération précise, qui servira de chair à canon sans déranger ni la formation de cadres pour l’économie ni l’économie elle-même.
La France, quant à elle, vise à la fois davantage et moins. Elle veut d’abord des forces soutenant l’armée telle qu’elle existe, et ensuite d’éventuelles réserves. La raison à cela est que comme l’a formulé le premier ministre Edouard Philippe lors du 14 juillet 2019 :
« L’armée est la protectrice de la nation et de son côté la nation respecte l’armée. »
Le fait que l’armée soit extérieure à la société est ouvertement assumée. C’est un corps étranger, pas une armée populaire. D’où la décision du gouvernement d’utiliser trois youtubeurs, qui ont chacun deux millions d’abonnés sur youtube, pour faire la promotion du Service National Universel.
Il s’agit de Sundy Jules, Enzo, tais-toi !, et Tibo InShape. Les deux premiers ont utilisé le principe de la « story » sur instagram, qui au moyen d’une vidéo permet de s’immiscer dans la vie privée des gens, en feignant donc un rapport non hiérarchique, non commercial. La vidéo de promotion du SNU était mis en avant et pour illustrer les propos tenus, voici notamment ceux de Sundy Jules :
« C’est ouf, c’est une vidéo inédite du SNU en France. Regardez ça, c’est iconique. »
Tibo InShape a quant à lui directement fait une vidéo « je fais le nouveau service militaire? ». C’est tout autant de la propagande, mais cela a le mérite de la franchise, puisque dans la vidéo on a même Gabriel Attal, en charge au gouvernement du service national universel. Tibo InShape, avec ses vidéos sur la musculation, est un habitué de la valorisation des normes « viriles » et de l’ambiance « entre mecs », c’est-à-dire ne volant vraiment pas haut.
Tout cela ne sera pas considéré par la jeunesse comme véritablement un problème, car elle a du mal à considérer les choses de manière sérieuse. Par contre, quand elle le fera, elle se révoltera. C’est le paradoxe de la société capitaliste développée de ce début de 21e siècle.
Il y a d’un côté des exigences conçues comme individuelles, avec une porosité très claire au nationalisme permettant le maintien d’un capitalisme fort, dominant les pays du tiers-monde. De l’autre, l’aspect personnel de ces exigences ne peut aller que de pair avec le refus du militarisme et de l’encadrement au service du nationalisme.
La bataille entre la Gauche et le militarisme doit s’appuyer sur cette base pour parer aux terribles coups qui restent à venir, car la tendance à la guerre est irrépressible.