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France du terroir, terreau de la réaction

Une femme enceinte de 29 ans a été tuée par des chiens samedi 16 novembre 2019 dans l’Aisne, dans la forêt de Retz. Que ce soit des chiens de chasse à courre ou pas, dès mardi 19 décembre, deux équipages y chassaient.

Une femme enceinte de 29 ans a été tuée par des chiens samedi 16 novembre 2019 dans l’Aisne, dans la forêt de Retz. Que ce soit des chiens de chasse à courre ou pas, dès mardi 19 décembre, deux équipages y chassaient : la Futaie des Amis et l’équipage de Villers-Cotterêts. Quelle indignité ! Cela en dit long sur tout un état d’esprit, propre à la France profonde, celle du terroir, qui forme le terreau historique de la réaction dans notre pays.

Les grands mouvements populaires de l’histoire de France se sont toujours brisés sur la France du terroir, que ce soit la Commune de Paris, le Front populaire ou bien mai 1968. C’est que l’arrière-pays – dont l’esprit peut exister dans les grandes villes – est imprégné du triptyque petite propriété – conformisme – consommation en mode patriarcal.

L’univers mental est totalement restreint, réduit à la reproduction du passé, de manière améliorée. Il suffit pour s’en convaincre de regarder les terribles faiblesses culturelles de la France dans tous les domaines si l’on compare aux pays voisins. Paris a phagocyté les forces vives pour les mener dans la décadence, le reste du pays s’endort et grommelle lorsque Paris fait trop de bruit, dans un sens ou dans un autre.

Les gilets jaunes n’étaient donc pas l’avant-garde de la contestation de gauche, mais l’arrière-ban de la France du terroir qui proteste de manière véhémente, plébéienne, grossière contre « Paris » l’empêchant de continuer à tout faire comme avant.

Car le fond du problème est là : la France vit dans la nostalgie, de tout et n’importe quoi. De Napoléon, des années Chirac, des années yéyé, des années Mitterrand, du Paris jazzy d’après-guerre, du petit village avec son clocher, et ce à l’infini.

Et la solution est déjà là : la génération d’après 2000 s’est déconnectée du passé, elle est superficielle mais pétrie de modernité et d’activité. Le conflit est inévitable et il est fascinant de voir à quel point Emmanuel Macron, qui s’est présenté comme le grand représentant de l’avenir, a résumé tout cela à une partition de Daft Punk joué par une fanfare militaire un 14 juillet.

Qui aurait dit avant les élections présidentielles qu’il serait un farouche partisan des chasseurs, à part des observateurs aguerris de la cause animale ? Il est désormais connu qu’il y a eu en décembre 2017 un « pacte de Chambord » conclu entre lui et les responsables de la chasse en France. Nicolas Hulot s’est fait broyer en tant que ministre de la « transition écologique » par cette machinerie.

Tout le monde sait désormais que cette alliance existe, même les anarchistes de Nantes révoltée qui font le tour de force de parler de tout cela et de la terrible affaire de la forêt de Retz sans mentionner une seule fois AVA, le mouvement anti-chasse à courre qui a pourtant ébranlé tout un pan de la réaction dans notre pays. Les choses sont très claires quant à l’alliance d’un gouvernement libéral-social, entièrement libéral sur le plan des mœurs, social uniquement pour encadrer la concurrence un tant soit peu, et le vaste système réactionnaire que représentent les chasseurs.

Reste à comprendre la fonction historique de tout cela. Ce qui s’affirme ici, c’est la France du terroir, comme terreau de la réaction. Et cette réaction se retrouve tout à fait en phase avec le capitalisme, ce qui ne doit aucunement surprendre. Le grand malentendu de la Gauche française a toujours été de croire que l’Allemagne nazie et l’Italie fasciste étaient des « totalitarismes », une notion inventée par les théoriciens libéraux. En réalité, il s’agissait d’une sorte de société totalement libérale, au point de ne plus avoir de société civile, avec un État organisant le militarisme et exigeant une mobilisation en ce sens.

> Lire également : AVA : une force démocratique contre la chasse à courre

Les gens continuaient de vivre en Allemagne nazie et en Italie fasciste. Ils le faisaient, comme avant. Précisément comme avant, car la réaction avait triomphé et avait écrasé les forces de l’avenir. Ils vivaient, de manière libérale, mais comme des beaufs. Et tout ce qui n’était pas beauf était mis de côté, tout comme les gilets jaunes voulaient mettre de côté Emmanuel Macron. Le triomphe de l’ultra-libéralisme culmine dans l’aseptisation de la société réduite à des individus se cantonnant dans un vécu de beauf.