Jean-Paul Delevoye, le haut-commissaire chargé de piloter la réforme du système des retraites a démissionné ce lundi 16 décembre après de multiples révélations sur les mandats qu’il n’avait pas déclaré à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique ainsi qu’un cumul illégal de rémunération. C’est le marqueur d’une grande régression au sommet de l’État, avec des classes dirigeantes d’une grande médiocrité, incapables de procéder à quelque chose d’aussi élémentaire que la vérification des antécédents d’une personne avant de la mettre sous le feu des projecteurs.
Ce n’est pas comme si il n’y avait pas eu ces derniers années de nombreuses affaires en France impliquant des personnalités politiques sur la question de leur probité, ou en tous cas au moins de la transparence de leurs activités présentes ou passées. On aurait donc pu imaginer qu’un homme ayant la prétention de remettre à plat le système des retraites français, sachant qu’il se retrouverait confronté à une opposition conséquente, prenne un minimum de précautions.
On aurait pu penser aussi que le gouvernement d’Emmanuel Macron, qui s’est prétendu l’incarnation de la modernité libérale contre « l’ancien monde » politique, aurait tout anticipé pour une réforme aussi importante et emblématique du quinquennat.
Tel n’est donc pas le cas puisque Jean-Paul Delevoye avait rempli à la volée (avec même de nombreuses fautes de frappe) sa déclaration à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique en s’imaginant que rien ne puisse se passer, que rien ne puisse lui arriver. Quel amateurisme, quelle décadence !
Il a d’ailleurs eu le culot de prétendre que ce serait en fait à cause de sa femme, car monsieur ne gère pas ce genre de banalités du quotidien :
« J’avoue, autant je suis rigoureux sur les budgets publics, autant c’est ma femme qui s’occupe de tout ce qui est l’administratif de la maison Delevoye. »
Jean-Paul Delevoye est de ces figures bourgeoises typiques, venant de la Droite, qui cumulent les mandats en ayant pour ainsi dire le nez partout, en s’assumant pleinement comme une figure de la classe dirigeante.
Il a été maire, conseiller général, député, sénateur, Ministre de la fonction publique (gouvernement de Jean-Pierre Raffarin), président de l’Association des maires de France, Médiateur de la République ou encore président du Conseil économique, social et environnemental, dont nous avons parlé justement récemment à propos de la réforme des retraites de par l’importance essentielle de cette institution.
Lors de son mandat de député (de 1986 à 1988), sa fiche le désignait comme « Chef d’entreprise agroalimentaire ». Plus récemment, il a été ou est encore membre du conseil d’administration de la Fondation SNCF, de la Fondation du Crédit agricole Nord de France, président d’une fondation gérant un monastère, ambassadeur et administrateur du comité stratégique de la Fédération française des diabétiques, président de l’Association des orchestres nationaux de France et la Chartreuse de Neuville, président de l’Observatoire régional de la commande publique des Hauts-de-France ou encore membre du conseil d’orientation de l’Institut de recherche et débat sur la gouvernance (IRG).
Ce qui a posé problème, c’est qu’il n’avait pas inscrit dans sa déclaration sa fonction de représentant au conseil d’administration de l’Institut de la formation de l’assurance pour le groupe IGS. Cette omission est une faute pénale, notamment car il y a un lien direct entre les secteurs de l’assurance et la réforme du système des retraites, qui irait dans le sens des entreprises de l’assurance.
D’autre part, son mandat de président du think tank Parallax, qu’il avait déclaré, était rémunéré en plus de sa rémunération par le gouvernement, ce qui est complètement illégal. Notons qu’il touchait en plus de cela sa retraite du régime général ainsi que sa retraite complémentaire comme ancien élu local.
Tout cela fait beaucoup pour une personne chargée d’expliquer qu’il faut absolument changer le système actuel des retraite. Laisser mener la réforme par cette personne était un risque inconsidéré, une négligence incroyable. Sa démission, en plein mouvement social contre la réforme qu’il menait, est ici un grand désaveu pour le gouvernement et le terrible reflet de la décadence des couches sociales dominantes.
Une figure du commentaire politique qu’est Christophe Barbier expliquait d’ailleurs lundi matin, quelques heures avant sa démission :
« Il va quitter le gouvernement. Mais pas tout de suite, parce qu’il a été sauvé par Philippe Martinez qui, la semaine dernière faisait l’éloge de l’homme de dialogue qu’était Jean-Paul Delevoye et qui là a tourné casaque et réclame sa démission. Or, évidemment, en pleine crise quand l’adversaire réclame le scalp du ministre, on ne lui donne pas. »
Cet amateurisme de la part de l’exécutif français en dit très long sur la décrépitude de la bourgeoisie française, totalement déconnectée des réalités. Cependant, comme il n’y a pas de Gauche politique, seulement une opposition syndicale-corporatiste, le grand risque est une modification du régime par en-haut, au moyen d’un remue-ménage épaulé par l’armée.
Cela afin de laisser libre-cours à la pleine participation de la France dans la bataille pour le repartage du monde, avec en toile de fond l’affrontement inéluctablement militaire entre les États-Unis et la Chine.