Si les « identitaires » ont été un véritable succès d’exportation, l’extrême-Droite française s’est méfiée de ce néo-existentialisme qui, finalement, est plus apprécié par les postmodernes qu’autre chose. Avec son « alliance latine », Marion Maréchal prône donc un alignement sur l’idéologie de l’Action française.
Identitaire ou conservateur révolutionnaire ? Il y a une différence majeure entre ces courants, ainsi qu’avec le fascisme. Le fond est bien entendu assimilable, car il s’agit de mouvements s’opposant à la Gauche, à la classe ouvrière. Mais les axes ne sont pas du tout les mêmes.
Marion Maréchal a ainsi participé le 4 février à une conférence à Rome intitulée « National Conservatism Conference ». Le titre est en anglais, la conférence précédente était à Washington, les organisateurs sont américains. Il s’agit de la Fondation Edmond Burke, un « think tank » surfant sur la vague Donald Trump.
Son dirigeant est l’Israélien et religieux juif orthodoxe Yoram Hazony, qui reflète ici le sionisme religieux apparu ces trente dernières années, avec toute sa pesanteur conservatrice associée à une religiosité bornée.
On n’est pas du tout ici dans une mise en perspective identitaire, racialiste, ou bien idéaliste, fasciste. D’ailleurs, affiché en grand derrière les orateurs, on pouvait lire écrit en anglais :
« Dieu, honneur, pays : le président Ronald Reagan, le pape Jean-Paul II et la liberté des nations »
Si l’on voit cela, et qu’on note le fait que Marion Maréchal a prôné une « alliance latine » comme Charles Maurras, alors on comprend qu’il y a un alignement sur l’Action française. Cette image mise en avant par l’Action française établit très bien la différence entre le « conservatisme révolutionnaire » et le populisme fasciste, à prétention contestataire.
Marion Maréchal a d’ailleurs directement fait allusion à la ligne de l’Action Française en parlant de « légitimisme » et de catholicisme social :
« [en France] il n’y a plus de mouvement conservateur depuis la Troisième République, mais il y a eu des moments conservateurs depuis la Révolution [comme] le légitimisme, le catholicisme social ou le gaullisme »
Parallèlement à cela, la question de l’héritage catholique a été plus directement au cœur de son discours, qu’elle a d’ailleurs terminé de manière lyrique à propos de Notre-Dame de Paris :
« Devant ces flammes, les Français ont ressenti ce besoin intense de préserver. Certains ont vu cet événement comme un symbole : celui de notre société mourante. D’autres, un signal d’alarme pour la vulnérabilité du patrimoine. Je préfère y voir une promesse d’espoir : celle des fondements encore debout de notre civilisation malgré les périls de l’époque ».
L’Action française ne dit pas autre chose. Elle a également dit :
« La France a été considérée pendant des siècles comme la « Fille aînée de l’Eglise ». Que reste-t-il de cela, quand mon pays est devenu l’arrière-cour du salafisme ; à l’heure où 150 quartiers français sont aux mains des islamistes ? »
C’est très précisément la thématique de l’Action française, là encore.
Elle a également repris le thème des gilets jaunes, qu’elle avait déjà abordé l’année dernière, en se félicitant qu’il s’agisse d’un équivalent français des « brexiters » britanniques (ce en quoi elle a tout à fait raison), qui a été selon elle été « moralement blâmé et réprimé physiquement ».
Elle voit en eux la preuve que :
« Les Français ont le sentiment qu’une approche conservatrice est devenue une nécessité vitale pour protéger leur patrimoine matériel et culturel ».
Ici encore, on a la même position que l’Action française, avec l’opposition entre une élite corrompue, pourrie, et un peuple révolté attendant des chefs qui « méritent » d’être chefs.
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On a donc un alignement. Marion Maréchal vise la même chose que l’Action française : la formation d’une élite conservatrice, propre sur elle, sans regard sur l’origine ethnique, avec comme horizon romantique le passé, comme idéologie l’enracinement, le repli sur un minimalisme ayant comme garant une figure patriarche, un « roi », ou un président de la Ve République venant de l’armée.
Elle se distingue ici très clairement de l’approche social-nationaliste de Marine Le Pen, qui elle est plus directement concurrencée par les tenants du « Frexit ».