Présente à Rome pour une conférence internationale de néo-conservateurs, Marion Maréchal y a soutenu l’idée d’une « alliance latine ». Cette alliance permettrait, pour elle, une véritable dynamique qu’on doit qualifier de « conservatrice révolutionnaire ».
Marion Maréchal était à Rome en Italie ce mardi 4 février 2020 pour tenir un discours lors d’une conférence internationale sur le « national-conservatisme ». Elle y a parlé en anglais… d’une « alliance latine », ce qui est un paradoxe, mais aussi une manière de marquer sa différence, ou plus exactement sa convergence avec les conférenciers.
Ce thème de « l’alliance latine » (et catholique) avait été celui de Charles Maurras dans les années 1930, qui souhait unir le fascisme italien et son Action française, dans une perspective différente et opposée au national-socialisme allemand. L’Autriche fasciste entièrement aux mains de l’Église catholique, farouchement opposée au nazisme pangermaniste, prônait le même rapprochement, qui a fonctionné un temps.
On est ici dans une perspective plus agraire, plus catholique, plus traditionnelle, plus conventionnelle surtout. On est ici chez Salazar, Dollfuss, Pinochet et bien sûr Franco. Marion Maréchal était justement à Madrid la semaine dernière pour lancer la branche espagnole de son École « science-po » de droite, l’ISSEP. Elle avait expliqué pour l’occasion :
« je suis convaincue que les pays latins, Italie, Espagne et France notamment, ont la clef de l’avenir européen. C’est pourquoi je crois très important de s’attacher à la formation des futures élites de ces pays. »
Il va de soi que c’est tout à fait là satisfaire l’idéologie monarchiste espagnole, ainsi qu’au Vatican. L’idée est simple : la civilisation nécessiterait une révolution conservatrice. Il faut que les plus méritants, les plus porteurs de la stabilité, soient aux commandes :
« Nous sommes le nouvel humanisme de ce siècle. Pourquoi ? Parce que nous connaissons et défendons tous les besoins de l’âme humaine : ordre, liberté, obéissance, responsabilité, hiérarchie, honneur, sécurité. Tous ces besoins essentiels à l’être humain. »
Dans son discours à Rome, elle a présenté cela comme suit le principe de « l’alliance latine » :
« J’imagine une alliance latine entre la France, l’Espagne, l’Italie et le Portugal. Une alliance latine qui marcherait avec le groupe de Visegrad [Pologne, République Tchèque, Hongrie, Slovaquie – NDLR]. Une alliance qui garderait le lien avec la Grande-Bretagne et la Russie ».
On aura compris évidemment ici deux choses : tout d’abord, que Marion Maréchal ne croit pas du tout en la démagogie sociale-nationaliste, mais privilégie un nationalisme culturel et religieux. Ensuite, qu’elle prône très clairement une rupture avec toute la sphère influencée de près ou de loin par l’Allemagne. Cette idée d’alliance vise très clairement à faire contre-poids.
On a la même « peur » française d’une hégémonie allemande que dans les années 1910 et 1930, avec notamment Charles Maurras comme chef de file d’une « alliance latine » pour faire contrepoids. Avec, pareillement, l’idée d’un repli :
« Nous n’avons pas d’autre choix que de reconstruire nos frontières. Il n’y a pas d’autres choix que de protéger notre agriculture en tant que secteur stratégique, pas d’autres choix que de chercher à produire le plus possible sur place. Il n’y a pas d’autre choix que de fonder notre pouvoir non pas sur des chiffres mais sur l’ingéniosité ».
Charles Maurras et l’Action française n’ont jamais prétendu autre chose : il y a un côté autarcique très marqué, une forte volonté de temporiser, de maintenir les fondamentaux car le moment n’est pas encore opportun.
Idéologiquement, la base est la même d’ailleurs, puisqu’on a le refus d’une élite coupée du « pays réel », ainsi que le refus de toute idéologie bien déterminée, au nom du pragmatisme.
« La France est aussi connue comme l’État nation par excellence. Qu’est-ce qui a disparu à l’époque des technocrates et des juges européens qui ignore la volonté du peuple ? »
« Cette grande idée que le conservatisme n’est pas une norme, ce n’est pas une doctrine fixe. C’est avant tout une disposition d’esprit. Le génie de chaque peuple a traduit à sa manière le besoin universel de conservation de la société. »
On est là dans un romantisme national très 19e siècle, ce qui n’est pas mal en soi, bien au contraire… si ce romantisme était authentique et uniquement populaire. Car on se doute que Marion Maréchal a beau parlé de « révolution conservatrice », son objectif réel n’est pas de faire lire Racine, de faire savoir apprécier La Bruyère, de faire sentir les choses comme Du Bellay, de faire penser comme Montaigne, de faire écrire comme Balzac.
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Cela sera d’ailleurs le moyen essentiel de dénoncer la « révolution conservatrice » que de la démasquer comme une construction par en haut. Naturellement, seule la Gauche historique peut mener un tel combat, et pas les postmodernes dont la vision du monde est la même que Coca Cola, Google et Louis Vuitton.