Damien Rieu est un propagandiste très actif sur internet ; figure des identitaires, il est désormais assistant parlementaire du député européen Philippe Olivier, élu sur la liste du Rassemblement national. Le succès du rassemblement du Collectif La Vérité Pour Adama et son soutien quasi unanime à Gauche depuis le départ est pour lui une incroyable aubaine. En un tweet, il peut agir en démolisseur.
En niant les ouvriers et en niant la bataille collective au profit des acquis individuels, la « gauche » postmoderne est passé dans le camp du libéralisme et du populisme, avec un soutien massif au communautarisme. La société serait en effet une bourse où des idées s’affrontent médiatiquement pour acquérir une certaine hégémonie.
C’est la négation complète de la lutte des classes et il est aisé pour la démagogie d’extrême-Droite d’intervenir alors et de rappeler la réalité sociale. Il n’est ici même pas besoin de transformer les faits, comme c’est si souvent le cas. La « gauche » postmoderne est tellement sur une autre planète qu’il suffit de raconter. Quand en plus la famille d’Adama Traoré refuse de rencontrer la garde des sceaux hier, alors qu’elle a accepté par contre de rencontrer le président du Mali, on est là pratiquement dans un feuilleton dans lequel le scénariste a prévu de faire gagner l’extrême-Droite à la fin.
Notons bien que la réalité a un tout autre scénario, puisque le cœur de la réalité c’est la crise sanitaire et son impact économique (et inversement si on pense que la destruction de la nature par l’économie capitaliste est la cause du problème). Mais apparemment, cela n’intéresse pas grand monde, tout le monde étant très content de reprendre tout comme avant.
Que ce soit le cas pour le Collectif La Vérité Pour Adama, c’est cohérent, puisqu’on est dans une démarche directement parallèle ou convergente avec les « Indigènes de la République ». Que ce soit le cas pour l’extrême-Droite, c’est tout à fait logique avec sa quête de détourner l’attention du réel.
Mais comment la Gauche a-t-elle pu décrocher au point de ne pas voir que l’actualité, c’est la crise, que tout le reste n’est qu’opérations pour détourner l’attention de l’impact terrible qu’elle va avoir ?
Et comment des gens se voulant de Gauche ont-ils pu cesser tout regard critique au point de se mettre à la remorque d’une initiative comme le Collectif La Vérité Pour Adama, dont les définitions politiques, sociales, culturelles, idéologiques… n’ont rien à voir avec elle ?
Et comment ne pas voir que cette focalisation sur la police est typique de l’anarchisme, de l’esprit petit-bourgeois qui dénonce l’État mais en même temps ne le dénonce pas ?
Imaginons que les policiers soient aux ordres du capitalisme. Cela change-t-il qu’ils ne sont, au mieux ou au pire, qu’un aspect secondaire de la question fondamentale ? C’est là même une question réglée par le mouvement ouvrier il y a plus de cent ans ! Et on en revient à un tel niveau d’immédiatisme !
La vérité, c’est que toute ce bruit occupe un espace qui devrait avoir comme actualité la crise sanitaire, la crise économique, le rapport à la nature en général, le sort des animaux dans le monde en particulier. Et on a rien de cela, car tout est fait pour se tourner vers des courants identitaires, des mouvements protestataires de type « sociétal », des démarches ne touchant absolument jamais ni au capitalisme, ni aux couches dominantes.
Et les gagnants d’un tel cul-de-sac, ce sont les gens comme Damien Rieu avec leur proposition d’un « réalisme » d’extrême-Droite, qui est le masque de la militarisation et d’une pression anti-populaire maximale.