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La polémique entre le NPA et Lutte Ouvrière

Un reflet d’une atmosphère de décomposition.

Un reflet d’une atmosphère de décomposition.

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Photothèque rouge/Martin Noda/Hans Lucas

Le Nouveau Parti Anticapitaliste a rendu public, le 5 mai 2022, une polémique à l’encontre de Lutte Ouvrière. Lors du meeting en mémoire d’Alain Krivine récemment décédé, qui fut dirigeant historique du NPA et de ses ancêtres que furent la Ligue Communiste Révolutionnaire, la Ligue Communiste et la Jeunesse Communiste Révolutionnaire, le 30 avril, le porte-parole de Lutte Ouvrière a tiré à boulets rouges sur la tradition du NPA.

On peut le voir ici prendre la parole à la 56e minute, une responsable du NPA tentant plusieurs fois de le stopper alors que le malaise est général dans la salle.

On remarquera qu’Edwy Plenel, un personnage ô combien détestable dirigeant le média Mediapart, s’en va au bout de quelques minutes, précisément au moment où le porte-parole de Lutte Ouvrière au meeting dénonce le nationalisme ukrainien.

Voici la critique de Lutte Ouvrière au NPA à ce sujet, publié dans Lutte de classe, l’organe théorique de Lutte Ouvrière, dans un article de bilan à la suite de l’élection présidentielle 2022.

« Cela s’est d’abord exprimé de façon éloquente à propos de la guerre en Ukraine. Sur ce terrain, le NPA a suivi pour l’essentiel les positions du Bureau exécutif de la IVe Internationale.

Il s’est tout d’abord très largement mêlé au chœur des dirigeants impérialistes et de leurs porte-voix faisant de Poutine et de ce qu’il nomme, sans vraiment se donner la peine d’expliquer ce qu’il entend par là, « l’impérialisme russe », l’unique responsable ou presque.

Son candidat a répété à de nombreuses reprises sa solidarité avec la résistance ukrainienne, parce qu’émanant d’une nation opprimée, et la nécessité d’armer celle-ci face à l’armée russe, sans qu’il soit jamais question de la nature sociale et politique de cette résistance, pas plus que de celle des oligarques et des soutiens anciens ou actuels de Zelensky.

Plus encore, il a soutenu les sanctions économiques contre la Russie imposées par les grandes puissances, là aussi au prétexte qu’elles étaient « demandées par la population ukrainienne », avant d’admettre confusément, plus tard, que ce n’était finalement « pas si simple que ça ».

La solidarité, l’antimilitarisme et l’internationalisme dont se réclame le NPA ont cessé il est vrai de longue date de correspondre à ce que devrait être l’internationalisme prolétarien.

La IVe Internationale dont il se réclame, comme la LCR ou ses devancières, l’ont montré à maintes reprises par le passé en présentant, parmi bien d’autres, Castro à Cuba, Ho Chi Minh au Vietnam, le FLN en Algérie, les sandinistes au Nicaragua, comme des révolutionnaires communistes derrière lesquels il fallait se ranger sans sourciller et sans émettre la moindre critique. Et surtout sans tenter de faire entendre les intérêts spécifiques du prolétariat. Plus récemment, ce sont les indépendantistes catalans ou, dans la dernière campagne, les nationalistes corses qui ont été présentés par le NPA comme des héros de l’anticolonialisme.

Leur mobilisation et les « combats de rue » ont été donnés par Philippe Poutou à plusieurs reprises comme « un exemple à suivre ». 

Or, si les communistes révolutionnaires se doivent effectivement de dénoncer l’oppression nationale lorsqu’elle existe, et les responsabilités de leur appareil d’État, ils doivent avant tout le faire au nom des intérêts propres du prolétariat et de l’internationalisme, c’est-à-dire en mettant en garde les travailleurs contre le piège que constituent la perspective nationaliste et les forces sociales qui la portent. »

On notera ici pour comprendre notamment la polémique sur le plan des idées que pour Lutte Ouvrière il existe seulement un impérialisme occidental, la Russie étant… on ne sait trop quoi, et que du côté du NPA, comme de l’ancienne Ligue Communiste Révolutionnaire, la tradition est que « tout ce qui bouge est rouge » même sans le savoir. L’opportunisme de la tradition du NPA concernant les mouvements – n’importe quel mouvement – est très connu, c’est une marque de fabrique de ce côté-là.

Le NPA est en tout cas fou de rage et a publié une lettre de protestation, avec une exigence d’excuse de la part de Lutte Ouvrière. Il est considéré que le discours du porte-parole de Lutte Ouvrière a été volontairement blessant, bref une provocation.

Et le même jour, le NPA a annoncé qu’il ne participerait finalement pas au front électoral de Jean-Luc Mélenchon (la « Nouvelle Union populaire écologique et sociale » – NUPES), qu’il se contenterait de soutenir les candidats de « rupture » faisant partie de ce front.

Le NPA aurait rêvé de l’intégrer et a durement négocié pour cela, mais a échoué à concrétiser le tir, alors qu’il subissait en même temps une violente critique en raison de cela de la part de Lutte Ouvrière, ou encore de Révolution permanente, une scission récente du NPA (on lire ici leur analyse de fond du front électoral « NUPES »).

Sur le plan des idées, tout cela peut être discuté dans un sens ou dans un autre. Mais si l’on se fie à la réalité sur le terrain, on peut voir que tout cela est forcé et consiste en une fuite en avant pour tenter de maintenir un cadre « militant » qui, dans les faits, n’existe plus à part comme une vague tradition et une accommodation pratique.

En réalité, ce qui règne c’est l’opportunisme pragmatique du côté de la Gauche gouvernementale version « NUPES », et une décomposition massive du côté de la Gauche se définissant comme contestataire, révolutionnaire, ou alternative, ou historique, comme on le voudra.

Cette décomposition est intellectuelle, morale, politique, idéologique ; le niveau est d’une faiblesse ahurissante, les cadres organisationnels ne se maintiennent que de manière fictive, les positionnements politiques sont artificiels.

La polémique que l’on a ici n’est donc pas une expression d’un combat idéologique au sens strict, c’est plutôt une tentative de subsister coûte que coûte en essayant de marquer des différences à tout prix, pour chercher à maintenir une position permettant de tenir jusqu’au prochain tour politique.

C’est un des aspects de la crise du capitalisme et de l’effondrement de tout un secteur étudiant – fonctionnaire fonctionnant telle une bulle avec des poches de radicalité « d’extrême-gauche ».