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Victoire de Giorgia Meloni, pour un Brexit à l’italienne

Encore une nouvelle victoire du populisme en Europe.

Encore une victoire du populisme en Europe.

Ce qui s’est passé en Italie dimanche 25 septembre 2022 est très lisible depuis la France, car c’est exactement ce qui nous attend si tout reste en l’état. Il suffit de s’imaginer Marion Maréchal au pouvoir, à la tête d’une coalition de droite, sur un mode populiste pour une version italienne du Brexit.

Giorgia Meloni, qui a fondé et dirige le parti Fratelli d’Italia (dont le mari de Marion Maréchal est un haut cadre), a mené une coalition également composée par Forza Italia, le parti de Silvio Berlusconi, et la Liga, de Matteo Salvini. En remportant les élections législatives pour la désignation du Parlement (400 députés et 200 sénateurs), elle devient présidente du Conseil italien, c’est-à-dire cheffe du gouvernement italien.

Au soir du 25 septembre, la coalition des Droites obtiendrait entre 111 et 131 sièges, pour seulement 33 à 53 pour la Gauche parlementaire, 14 à 34 pour le Mouvement 5 étoiles, 4 à 12 pour Italia Viva.

Giorgia Melon profite en fait d’un positionnement ferme ces dernières années, ayant été la seule à droite à ne pas participer au gouvernement de Mario Draghi.

Celui-ci, devenu extrêmement impopulaire en Italie, est dénoncé comme une figure technocratique européenne responsable de tous les maux ; il est d’ailleurs l’ancien président de la Banque centrale européenne (de 2011 à 2019).

En raison de la crise, il y a comme partout en Europe un grand rejet de l’Union européenne et un repli nationaliste.

Mais il faut bien voir qu’en Italie, Mario Draghi avait été présenté comme l’homme providentiel devant redresser le pays faisant feu de tout bois ; il était même surnommé de manière pompeuse « super Mario ». Il a donc à son égard une grande amertume dans la population.

C’est que l’Italie n’échappe pas à la crise, bien au contraire. Tout comme la France, le pays est extrêmement endettée, à hauteur du 150% du PIB et surtout a violemment subi la crise sanitaire. Les sommes colossales du Plan de relance européen, dont l’Italie est la principale bénéficiaire en raison de sa situation, n’apaisent aucunement le pays.

Et le problème c’est que, tout comme en France, il n’y a pas en Italie une Gauche démocratique et populaire capable d’organiser la défiance populaire sur un mode rationnel et social. Alors c’est le triomphe des populismes, des critiques en surface, des anti-vaccins, des anti-pass sanitaire, des promesses de retour en arrière à l’age d’or du capitalisme, du repli individualiste, du chauvinisme national, etc.

Giorgia Meloni ne triomphe pas d’ailleurs tant pour ses idées, mais surtout parce qu’elle s’est habilement construite une image alternative à la classe politique italienne, y compris à droite. Le fait qu’elle arrive au pouvoir aux côtés de Silvio Berlusconi, pourtant une figure politicienne incontournable italienne des 30 dernières années, ne change rien à l’affaire, mais en dit long sur le caractère populiste de sa démarche.

On aurait donc tort de chercher de la cohérence chez Giorgia Meloni, ce n’est pas du tout ce à quoi elle sert, ni ce pourquoi elle a été élue. Il s’agit simplement d’une réaction, d’un contre-coup de la crise dans un grand mélange des genres, exactement comme ce qu’a été le Brexit au Royaume-Uni.

Giorgia Meloni est libérale économiquement, elle considère qu’il faut le moins possible freiner les entreprises, mais pour autant elle n’entend surtout pas régler la question de la dette italienne et promeut au contraire l’assouplissement des règles européennes à ce sujet.

Son engagement politique depuis sa jeunesse est marqué par le style fasciste, son organisation elle-même étant la continuité de mouvements politiques fascistes (eux-mêmes totalement disparates), mais elle a choisi comme nom de son mouvement des paroles de l’hymne national italien, à connotation républicaine.

Et si Giorgia Meloni assumait totalement Mussolini dans sa jeunesse, elle explique maintenant qu’il était erroné de la part du fascisme d’écraser la démocratie (en tous cas ce qu’elle considère comme étant la démocratie) pour gouverner.

Il faut également pointer la question de l’OTAN, que Giorgia Meloni défend, s’assumant totalement comme atlantiste, c’est-à-dire prônant l’alignement sur la superpuissance américaine et défendant en ce moment totalement le régime ukrainien contre la Russie. Pourtant, la principale motivation de son succès électoral est justement le rejet de l’Union européenne, équivalent sur les plans politiques et culturels de l’OTAN sur le plan militaire.

On a donc apparemment un nationalisme italien… aligné sur la superpuissance américaine. En fait, comme Marion Maréchal, Giorgia Meloni est très proche des franges ultra-conservatrices de la Droite républicaine américaine à la Donald Trump. D’ailleurs, elle était aux côtés de Marion Maréchal invitée au Conservative political action conference en février 2018.

Et tous comme Marion Maréchal, Giorgia Meloni est surtout très opposée à la Gauche et ses traditions. Elle propose notamment d’abolir la fête nationale italienne célébrant le 25 avril la Libération lors de la deuxième guerre mondiale.

Et elle profite pour le reste d’une critique facile de la décadence post-moderne et cosmopolite pour séduire les classes populaires sur les thèmes sociétaux : immigration, catholicisme, avortement, gestation pour autrui, union homosexuelle, etc.

C’est l’esprit de l’époque : le nationalisme pro-brexit d’un côté, le cosmopolitisme consommateur de l’autre, le tout précipitant, accompagnant et exprimant la décadence du capitalisme, son triomphe mondial et l’émergence de luttes intestines pour chercher à surmonter la crise en repartageant le monde.