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Refus de l’hégémonie

Ukraine et France, le tournant du 26 février 2024

Les moments historiques où se rejoignent la vie quotidienne et la vie en collectivité sont rares dans une société française capitaliste qui divise, sépare, compartimente. Mais l’Histoire avance et précipite les gens dans des situations auxquelles ils ne s’attendaient pas.

Les propos d’Emmanuel Macron le 26 février 2024, avec une véritable mise en scène à l’occasion de la conférence de soutien au régime ukrainien à Paris, reflètent ici un saut qualitatif. Vous ne voulez rien savoir sur la guerre en Ukraine ? Eh bien le président du pays explique qu’il faudra peut-être y faire participer l’armée française.

Et là, ça a été le choc. Les gens ont été choqués. C’est une claque, bien entendu relativisé par le rationalisme français qui relativise tout. Il n’en reste pas moins que cela a profondément marqué.

Les partis politiques ont d’ailleurs été obligés de prétendre être étonné et choqué aussi, tellement la surprise a été grande. Mais c’est hypocrite, car dans les faits, tant La France insoumise de Jean-Luc Mélenchon que le Rassemblement national de Marine Le Pen, tant le PCF de Fabien Roussel que Reconquête d’Eric Zemmour ont participé à la propagande de guerre contre la Russie, soutenu les mesures françaises de soutien au régime ukrainien.

Il suffit d’ailleurs de voir l’évolution des événements depuis six mois avant le conflit armé en Ukraine pour voir la montée en puissance de la narration belliciste, sous l’égide de la superpuissance américaine, y compris en France.

Pour prendre un seul exemple, il y a eu l’accueil triomphal réservé au président du parlement ukrainien Ruslan Stefanchuk, en février 2023. Mais il ne faut pas s’arrêter à quelques exemples et bien voir qu’il y a tout un fil narratif, une montée en gamme de la partition militariste.

Et juste après l’intervention d’Emmanuel Macron, il y a eu deux votes explicites au Parlement européen, le 29 février 2024, sur une ligne ouverte de défaite et de destruction de la Russie.

La vérité, c’est qu’à moins de dire qu’on ne veut rien avoir à faire avec le capitalisme français, on est obligé de le suivre. Si on veut des retraites plus fortes, on accepte de facto le capitalisme français qui va les financer et donc on ne veut pas qu’il s’écroule. Pareil si on prend la consommation avec un niveau de vie élevé au niveau mondial, les joies de la vie parisienne, etc.

Cela ne veut pas dire qu’il faille se replier au fond d’une forêt sous une tente, ou bien au sein d’une « ZAD » comme le veulent les anarchistes. Cependant, qu’il ne faut pas se faire corrompre par le capitalisme, même si on accepte de vivre dans une société dont les forces productives sont très développées.

Ce n’est pas simple, mais il y a un fil rouge, et la question de la guerre est ici décisive. Ceux qui ne parlent pas de la guerre de manière régulière sont hors-jeu, c’est aussi simple que ça. Ceux qui acceptent d’en parler mais rarement, simplement pour la forme, n’apportent pas grand chose.

Ceux qui, par contre, savent que dans 5, 10, 15 ans on va au carton, et qu’il faut empêcher cela, et que si on n’y parvient pas… alors il faudra assumer la révolution par la défaite de l’armée française – voilà ceux qui relèvent de la solution.

Ceux-là ont bien compris le sens du 26 février 2024, ils ont saisi que cette fois, le processus était enclenché, qu’il n’y aurait pas de retour en arrière.

Que faut-il faire ? Eh bien, la même chose que Rosa Luxembourg et Lénine, dans un contexte à la fois différent et similaire. Il faut prendre la position du défaitisme révolutionnaire. Dit autrement : la révolution comme négation du capitalisme revient sur le devant de la scène historique, car le capitalisme cherche à se sortir positivement de sa crise par la guerre.

Soit le capitalisme parvient à se relancer, soit il s’effondre. Soit le capitalisme parvient à la guerre et une force victorieuse relance un cycle capitaliste d’accumulation, soit il s’effondre sous le poids des contradictions, et c’est le Socialisme.

Telle est l’alternative !