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Effondrement de la France

La civilisation capitaliste n’existe pas

agauche.org a une marque de fabrique incontournable dans le panorama proposé à gauche, ou ce qu’il en reste, en France. Au-delà des thématiques abordées et de la ligne rouge assumée, il y a un élément majeur qui dénote et rend la perspective réellement constructive : c’est la défense de la civilisation.

En creux de cette défense, il y a le fait d’assumer que la France est en plein effondrement, position que seul notre média met en avant et assume en pratique. Il n’y a qu’à voir la cinquantaine d’articles publiés sous cette étiquette depuis moins de 6 mois ! Personne en France n’assume une telle lecture des évènements, terrifié par les implications que cela recoupe.

Car l’effondrement ne concerne pas simplement la France, on l’aura bien compris, mais tout l’Occident, avec toutefois la France comme véritable maillon faible de la chaine. Or voilà, il y a parfois des simplifications qui sont faites, maladresse causée par le flux d’une actualité française qui ne cesse précisément d’être marquée par les spasmes de cet effondrement de civilisation.

Dans l’article publié le 28 septembre 2024 et intitulé Armés d’une kalashnikov sur une trottinette… il a été parlé de « civilisation capitaliste ». C’est une erreur. Voir la chose ainsi ne relève pas d’une analyse dialectique car le capitalisme n’est pas une civilisation, pas plus que le féodalisme ou l’esclavagisme. La civilisation donne à l’être humain des traits de comportement en lien avec ses propres manières de produire et de consommer mais sans y être reliés de manière absolue, seulement relative.

Qu’est-ce que la civilisation ? Pour simplifier à grands traits, c’est un processus au long cours de l’Humanité pour stabiliser, pacifier, puis raffiner ses relations sociales. Dans ce parcours, l’Humanité a établi des manières de produire et de consommer qui ont pris les traits de l’esclavage, du féodalisme, puis du capitalisme mais dans le creux de ces conjonctures productives, il y a une sédimentation de normes et de règles de vie commune qui deviennent des acquis de civilisation, c’est-à-dire détachés de tel ou tel mode de production.

En fait chaque mode de production survient comme défense et prolongement de la civilisation, qui est sinon menacée dans son entièreté. C’est pourquoi il fut rappelé dans l’article la révolution est toujours, au fond, un sursaut de civilisation que :

La révolution n’est pas simplement le processus de transformation d’une classe exploitée et dominée en une classe dominante, c’est aussi et surtout le passage d’une classe dirigée à une classe dirigeante. Et pour diriger, il faut orienter, fournir un axe, une perspective. Cela ne peut que relever de la civilisation en tant que condensé du meilleur de l’Humanité dans les mœurs, dans les manières de vivre.

Prenons l’exemple des relations sentimentales, de l’union amoureuse. La nature d’une telle relation exprime le niveau de civilisation qui peut être acquis par l’Humanité au cours de son histoire.

Ainsi, pendant la période esclavagiste, il y avait une avancée par rapport à la période communautaire antérieure en ce que le rapport limité à la tribu avait été proscrit, dépassé. Et en même temps, cela était inférieur, avec sa misogynie assumée, à ce qu’allait être l' »amour courtois » du seigneur féodal, lui-même étant régressif par rapport à l’union libre proposée par la pointe avancée de la bourgeoisie au XVIIIe siècle.

Si l’on regarde en creux, la civilisation apparait bien comme le processus par lequel l’être humain parvient à contrôler et réprimer certains aspects bestiaux, spontanéistes pour mieux les envelopper dans une forme raffinée.

On ne mange par-exemple plus avec les doigts, mais avec des couverts, on ne s’exprime plus avec un verbiage lié directement au travail pratique de la terre mais avec des langues donnant caractère national, etc. De la même manière que la relation amoureuse a gagné en sincérité et en respect mutuel, faisant du caractère sexuel bestial un aspect non-civilisé.

On voit d’ailleurs ici combien le drame de Mazan relève d’une chute de civilisation, avec des individus incapables de se comporter de manière civilisée et ayant basculé dans des formes barbares, spontanéistes, à mille lieux du développement acquis par l’Humanité. En fait, cela n’est pas si éloigné que cela car, et c’est là tout l’enjeu de la révolution, le retour à des formes barbares est conditionné par le mode de production capitaliste en crise faisant régresser les esprits à tous les niveaux. Ce sont des gens relevant du processus de décivilisation en cours, comme cela avait définit ici :

En creux de la décivilisation, il y a à l’absence de conscience d’autrui ou pire la conscience qu’autrui est un obstacle à enjamber, et le refus de soumettre son individualité à des codes et des règles collectives permettant des rapports sociaux pacifiés et raffinés.

Le modèle de l’union libre proposé par la bourgeoisie ascendante, permettant d’élever le niveau de civilisation dans les relations amoureuses avec plus de respect mutuel par rapport au féodalisme, s’est transformé en son contraire : la société de consommation en roue libre donne libre cours en fait à une sexualité pulsionnelle « encadrée » par une industrie pornographique.

Pour en revenir au début du propos, il y a en réalité deux autres courants qui reconnaissent la chute de civilisation. D’abord celui du nationalisme identitaire, faisant du « grand remplacement » l’expression même de la perte de civilisation. Evidemment, il n’y a ici aucune remise en question du capitalisme et de son rôle fondamental dans le maintien du semi-féodalisme au niveau mondial. Puis, il y a les post-autonomes « anti-tech ». La différence est qu’en plus de confondre capitalisme et civilisation, ils font de la technologie et de la science des éléments naturels de ce même capitalisme, donc de la civilisation. Et forcément, en toute logique, la proposition ne peut être que le retour à la communauté primitive.

La différence sur agauche.org est qu’il est donc reconnu la chute de la civilisation du fait de son oxydation par un capitalisme entré en crise générale depuis la pandémie de Covid-19. Toutes les normes communes, les valeurs de stabilité et de pacification, les mœurs et les goûts raffinés, civilisés, s’érodent sous le poids tout à la fois de la marchandisation généralisée et de la tendance à l’impérialisme, banalisant la violence et la guerre comme résolution de tous les problèmes.

C’est bien pourquoi Rosa Luxemburg avait dit en 1915, Socialisme ou barbarie ! C’est le Socialisme pour sauvegarder et prolonger la Civilisation ou bien la rechute dans la barbarie du fait d’un capitalisme moisi. Défendre la civilisation face à la crise du capitalisme, voilà le mot d’ordre, voilà la perspective à assumer face à l’Histoire !