Dès le lendemain du désaveu par l’Assemblée nationale du Premier ministre Michel Barnier qu’il avait nommé en septembre 2024, le Président de la République Emmanuel Macron a pris la parole pour essayer de reprendre la barre.
Il nommera dans les prochains jour un nouveau chef du gouvernement, il ne démissionnera pas. Il faut souligner bien sûr le caractère monarchique d’une telle prise de parole, se voulant au-dessus de la mêlée, expliquant à la population ce qui est bon pour elle ; il faut souligner surtout à quel point le Président français prétend à nouveau enjamber la crise de régime, alors que c’est impossible.
En réalité, le régime français de la 5e République a commencé à vaciller dès 2022, lorsqu’Emmanuel Macron a été réélu sans une majorité solide pour le soutenir au Parlement. C’était déjà une première faille pour le régime, anti-démocratique par nature, né d’un coup d’État, et qui est censé allé de haut en bas, avec un Président-monarque irriguant un parlementarisme de façade pour aller dans son sens et garantir la stabilité pour la bourgeoisie.
Et ce régime français de la 5e République est définitivement entré en crise lorsqu’au mois de juin 2024, Emmanuel Macron s’est imaginé pouvoir forcer les chose en ordonnant la dissolution de l’Assemblée nationale, sans rien obtenir d’une telle manœuvre.
Dans les faits ,la France est ingouvernable, non pas depuis le 4 décembre 2024, mais depuis juin et juillet 2024 avec l’incapacité du personnel politique français à former un Parlement capable d’appuyer un gouvernement (d’abord avec les élections, puis avec une coalition).
C’est là un terrible coup de canif au dispositif bourgeois pour canaliser la « politique ».
La France tient bien sûr, car elle n’est pas une démocratie authentique mais une grande administration générale, avec en particulier dans les ministères et les institutions un personnel fonctionnaire qui administre de toutes façons, quelles que soient les orientations législatives ou gouvernementales.
Toutefois, le capitalisme ne peut pas se permettre un tel immobilisme : il a besoin de la politique pour mobiliser la population dans le sens du régime et également afin d’assumer de grandes directions.
Voilà pourquoi l’allocution du Président Emmanuel Macron le 5 décembre 2024 est un mensonge sur toute la ligne. Celui-ci a fait semblant qu’il n’y avait pas de crise, mais simplement l’irresponsabilité de quelques-uns (« à quelques jours des fêtes de Noël »), et que tout sera rattrapé d’ici mi-décembre avec une loi spéciale pour reconduire le budget 2024 puis une nouvelle loi en février 2025.
C’est impossible, car la situation est en réalité explosive. La France est un maillon faible de l’occident sur le plan financier, elle est au bord de la faillite. Elle est un maillon faible sur le plan culturel aussi, avec des mœurs qui se dégradent et qui empêchent concrètement un bon climat des affaires pour la bourgeoisie.
Elle est un maillon faible sur le plan pratique, car elle est polluée par l’insécurité, l’ampleur du narcotrafic et de la délinquance routière, la gravité de la fraude de masse à tous les niveaux (administratifs, fiscaux, travail, etc.)
Le personnel politique français est dorénavant ouvertement incapable d’y faire face, car il est avant tout le reflet d’une bourgeoisie française décadente, en perdition, en fin de règne. La bourgeoisie française est tellement mauvaise, tellement en crise, qu’elle ne produit plus ses hommes et femmes politiques en mesure d’assumer ses orientations.
Le grand problème historique est bien entendu le fait qu’en face, dans le camp populaire, il n’y ait rien. Certes, il y a la décadence bourgeoise qui irrigue aussi dans les classes populaires et influence négativement les choses. Mais cela n’explique pas tout. La France est un pays de lutte des classes, avec une grande tradition politique et des acquis en matière de conflictualité sociale.
Forcément, il y aura un sursaut. Pour cela, il faut une Gauche, une vraie Gauche, capable d’assumer les bonnes orientations. En l’occurrence, il s’agit surtout et urgemment de faire face à la guerre.
Dans le camp de la bourgeoisie, c’est entendu : la guerre est en préparation, en particulier le renforcement de la guerre menée à la Russie par l’intermédiaire de l’Ukraine. Cela va continuer et d’ailleurs Emmanuel Macron n’a pas manqué de l’évoquer à demi mot dans son allocution.
Il a dit qu’il fallait « continuer de préparer nos armées », et surtout que l’Europe (en fait l’Union européenne) devait être « prête à de nouveaux conflits ».
Voilà qui est clair. Ces mots ont du sens, et ce sont d’abord eux qui comptent. La France, ancienne puissance dorénavant soumise à la superpuissance américaine, n’a plus qu’une seule orientation : se précipiter dans la guerre pour faire face à la crise dans laquelle elle s’enfonce.
L’actualité populaire ne peut être que la guerre à la guerre, le sabotage des plans bourgeois, et en l’occurrence des plans d’Emmanuel Macron pour préparer et développer la guerre.
La recomposition de la classe prolétaire dépend de sa capacité à comprendre les initiatives nihilistes du capitalisme, et à s’y confronter. Tout dépend de l’émergence ou non d’un pouvoir populaire se confrontant à la réalité capitaliste, dans la vie quotidienne, dans l’ensemble des rapports sociaux, dans la vision du monde.