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Événements significatifs

La contestation agricole de janvier 2024

Il n’y a plus de paysans en France. Il n’existe au 21e siècle plus que des entrepreneurs travaillant dans le domaine agricole, systématiquement au service de l’agro-industrie. Si les paysans ont été le pilier du pays, en tous cas numériquement, pendant des siècles, le capitalisme a tout changé au 20e siècle.

Il y a eu l’exode rural, c’est-à-dire de la main-d’œuvre devenant ouvrière allant massivement vers les villes. Puis il y a eu l’industrialisation des campagnes et plus récemment la tertiarisation des campagnes, alors que dans le même temps les aires urbaines se sont étendues loin à la campagne.

En 2020, la France métropolitaine comptait 389 800 exploitations agricoles, environ 100 000 de moins qu’en 2010. Cinquante ans auparavant, en 1970, il y en avait encore 1,6 millions, alors qu’en 1900, près d’un Français sur deux travaillait encore dans les champs…

Les agriculteurs d’aujourd’hui sont ceux qui ont racheté petit à petit les terres des autres, arrachant au passage les haies et utilisant allégrement tout ce que l’industrie leur a vendu comme produits chimiques et engins agricoles. Il y a bien sûr des exceptions, mais c’est à la marge. Et il ne s’agit pas de paysans, mais plutôt de petits entrepreneurs en mode artisanal, avec souvent initialement une vie urbaine ou intellectuelle.

L’aspect positif, c’est que dans un pays comme la France, la population est sortie de la précarité alimentaire. Les risques de maladies végétales et animales, les intempéries, les crises économiques sont relativement maîtrisés et en tous cas ils sont couverts par la quantité de production (concentrée à l’échelle nationale avec des interactions mondiales).

L’aspect négatif, c’est que l’agriculture ne sert plus à nourrir la population, mais à fournir de la matière première pour que l’agro-industrie fabrique des marchandises alimentaires. Ces marchandises sont généralement de très mauvaise qualité nutritives, voire franchement nocives, en plus d’être le plus souvent issue d’une souffrance animale abominable.

Les agriculteurs d’aujourd’hui n’ont pas subi ce système : ils sont dans leur très grandes majorité de droite, c’est-à-dire qu’ils sont réactionnaires sur le plan des mœurs et libéraux économiquement. Ils ont allègrement participé à ce système tout autant qu’ils l’ont promu. Le salon de l’Agriculture de Paris exprime parfaitement cette mentalité.

Les plus mesquins d’entre eux s’en sont très bien sortis financièrement et sont devenus de riches entrepreneurs, roulant en 4×4 flambant neuf et employant une myriade de petites-mains, souvent étrangères pour mieux les exploiter. On imaginera ici un riche viticulteur prenant régulièrement l’avion pour négocier de nouveau marchés à l’export.

Les plus naïfs d’entre eux travaillent sans merci chaque jour de la semaine, ne prennent jamais de vacances et sont l’otage des banques, pour un bénéfice commercial très maigre, offrant une vie à la limite de la précarité. On imaginera ici un éleveur de vaches laitières complètement asphyxié par la multinationale Lactalis à qui il vend tant bien que mal sa marchandise.

Bien entendu, ce sont les premiers qui dirigent les organismes représentatifs des agriculteurs, mais ce sont les seconds qui sont mis en avant pour faire pleurer dans les chaumières.

C’est exactement ce qui se passe en janvier 2024 avec les différents mouvements de contestations et de blocages/manifestations. Deux organisations portent le mouvement, plus ou moins en concurrence.

Il y a la FNSEA (et sa succursale Les jeunes agriculteurs), l’organisation majoritaire qui a recueilli plus de 55 % des voix lors des dernières élections des chambres d’agriculture et qui revendique 212 000 membres. Elle est libérale sur un mode moderniste et turbo-capitaliste, avec une intégration totale à la politique agricole de l’Union européenne.

Et puis il y a la Coordination rurale, qui a recueilli environ 20 % des voix lors des dernières élections des chambres d’agriculture et qui revendique 15 000 membres. Elle est libérale aussi, mais sur un mode plus traditionnel et conservateur ; elle puise son origine dans la critique de la politique agricole de l’Union européenne, avec une tendance au nationalisme.

La 3e organisation est la Confédération paysanne, qui a recueilli un peu moins de 20 % des voix lors des dernières élections des chambres d’agriculture et qui revendique 10 000 membres, mais elle est en retrait de l’origine du mouvement en janvier 2024. Elle est aussi libérale, mais avec une prétention sociale et écologiste, et surtout un conservatisme romantique (d’où l’utilisation abusive du terme « paysan » dans son nom).

La FNSEA est depuis plusieurs semaines à l’origine de la mise à l’envers des panneaux d’entrées d’agglomérations dans les campagnes. La coordination rurale est plutôt à l’origine de blocages importants dans le sud de la France. Tout ce petit monde converge maintenant dans l’idée de bloquer Paris et le marché international de Rungis.

De manière générale, ils dénoncent des charges en hausse, des normes contraignantes (en général des normes écologiques, parfois quelques normes sanitaires), des prix bas, une pression de l’agro-industrie, une concurrence européenne ou mondiale inéquitable ainsi que des négociations insatisfaisantes avec la grande distribution.

Il y a ici forcément les effets de la crise du capitalisme, qui touche tous les secteurs et impose une pression toujours plus forte sur les petites et moyennes entreprises de la part des monopoles, les grands groupes internationaux. Les entreprises agricoles même les plus importantes restent en fait des PME, elles ne pèsent que très peu face aux monopoles.

C’est pour cela qu’il y a une crise dans ce domaine, une crise propre au capitalisme, qui nécessite une analyse approfondie.

Néanmoins, la question se pose aujourd’hui pour la Gauche de savoir s’il faut soutenir ce mouvement, en tous cas les plus petits agriculteurs subissant une pression accrue. Ceux-ci sont l’équivalent rural des immigrés livreurs Uber dans les villes : ils sont indépendants sur le papier, mais sont totalement soumis à un grand groupe en pratique ; leur indépendance ne signifie que précarité, sans aucune garantie propre au salariat.

Le problème réside précisément ici : les petits agriculteurs s’imaginent pouvoir maintenir leur indépendance, ils croient en la fiction d’une meilleure négociation des prix agricoles pour assumer leur rémunération de chef d’entreprise. Ils nient totalement la crise du capitalisme. Ils n’imaginent aucunement s’émanciper des plus gros capitalistes agricoles, ni s’affronter aux monopoles de l’agro-industrie.

S’il y avait des agriculteurs voulant produire une nourriture saine et de qualité, avec une perspective démocratique, avec l’ambition de respecter mieux l’environnement et les animaux… Mais il y a là des gens déversant du lisier, brûlant des pneus, revendiquant de manière racoleuse et outrancière.

Il y a des agriculteurs qui n’en ont en réalité pas grand-chose à faire de ce qu’ils vendent, du moment qu’ils peuvent le vendre sans trop de contraintes administratives, ni de normes écologiques et sanitaires. Et puis, voire surtout, il y a en fait là-dedans énormément de gens qui sont des éleveurs ayant mis en place un système carcéral pour exploiter des animaux servant de matière première à l’agro-industrie.

La Gauche ne peut certainement pas apprécier cela. La contestation agricole de janvier 2024 est clairement et largement de droite. L’image d’Épinal de l’agriculteur qui serait un paysan aimant nourrir les gens est une escroquerie digne des pires films publicitaires. L’agriculture en France en 2024 est monstrueuse, entièrement soumise à une agro-industrie destructrice.

À notre époque, c’est tout ou rien. Soit on change tout en faisant table rase du passé, soit rien ne change en bien, seulement en pire. La crise est bien trop profonde.

Le problème, c’est que personne ne voit ça, ou plutôt ne veut voir ça. Les sondages ne sont pas du tout étonnants : ce serait près de 90 % des Français qui soutiennent la contestation des entrepreneurs agricoles. Avec un tel panorama, la France est mûre pour une victoire de l’extrême-Droite, cela ne fait aucun doute. Nous aurons bientôt notre Donald Trump, notre Jair Bolsonaro, notre Javier Milei.

Des gilets jaunes aux agriculteurs en passant par le mouvement contre la réforme des retraites, les Français veulent simplement maintenir leur niveau de vie et rien d’autre. Ils n’ont ni conscience, ni envergure ; ils se ratatinent à l’image de l’occident.

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Rapport entre les classes

L’inflation comme moyen de pression capitaliste

La grande actualité économique de l’année 2023 est évidemment l’inflation. Celle-ci est gigantesque, particulièrement si l’on regarde en détail les postes de dépenses majeurs des familles : logement, énergie, alimentation, carburant.

L’indice des prix à la consommation de l’INSEE en France donne environ 5 % d’inflation sur un an en septembre 2023. Mais ces chiffres sont donnés de manière statistique et pondérée, en incluant une grande variété de choses. Cela ne donne qu’une idée vague de la réalité et cela minimise en général la pression financière réelle pour les familles les plus modestes, et même celles au niveau de vie moyen.

Il faut donc regarder plus en détail pour voir apparaître la réalité. Celle-ci est brutale, marquant un changement évidemment d’époque et de situation.

En septembre 2023, les prix des produits de grande consommation vendus dans la grande distribution augmentent de 10,2 % sur un an. C’est une pression constante : +14,6 % en mai, +10,9 % en août, +12,5 % en juillet, +13,8 % en juin…

En considérant l’ensemble des points de vente (pas uniquement la grande distribution), les prix des produits de grande consommation en septembre 2023 sont en hausse de 10,3 % sur un an, après +11,2 % en août.

En ce qui concerne les loyers pour le logement, les augmentations sont plafonnées par la loi à 3,5 % (ce qui est déjà beaucoup) ; sans ça, ce serait la catastrophe pour les locataires. Dans une ville comme Paris, un ouvrier ne peut tout simplement pas se loger, à moins d’accéder à un HLM.

Il en est de même pour le carburant, dont l’augmentation à été plafonnée par l’État en dessous des deux euros par litre, pour éviter des envolées stratosphériques, qui se produiront quand même à un moment.

En ce qui concerne l’électricité (la plupart des familles en France se chauffent et chauffent leur eau chaude à l’électricité), la facture va être salée pour l’hiver : les prix ont augmenté de 10 % en août 2023.

Mais pour les familles qui se chauffent au gaz, la situation n’est pas meilleure : l’augmentation est de 15 %, et encore cela est-il freiné par l’État.

Il est souvent expliqué que tout cela est la faute des Russes avec la guerre en Ukraine, ou encore de la pandémie de Covid-19. En réalité, ce sont les grandes entreprises, qui sont des conglomérats monopolisant leur secteur d’activité, qui mettent une pression gigantesque sur les prix.

Il y a une pression pour maintenir ou développer des marges immenses et garantir un niveau de vie très élevé à toute une armée de cadres dirigeants. On parle ici de millions de gens vivant dans des grandes appartements et des grandes maisons, roulant dans de grosses voitures, dépensant sans compter dans le luxe, les restaurants, les voyages, etc.

Il ne s’agit pas ici de faire dans la caricature et le populisme anti-riche de bas étage, mais bien de décrire la réalité. C’est de cela qu’il s’agit : la pression sur les prix pour les familles est inversement la possibilité de revenus immenses pour tout un tas de gens déjà riches.

Pour comprendre les choses plus en détail, on peut aller lire du côté des communistes du PCF (mlm) une analyse poussée et scientifique de la question, avec la nouvelle série d’articles « Karl Marx et l’inflation ». Il est expliqué comment les monopoles exercent et maintiennent une pression artificielle sur les prix.

« L’exemple le plus fameux de hausse artificielle est naturellement Apple, dont les produits voient leur prix ne cesser de croître, sous prétexte d’améliorations plus ou moins fictives. L’inflation s’appuie clairement sur un marché captif et la mode sert de masque pour un « progrès » provoqué artificiellement.

Ce phénomène est présenté par certains philosophes, dont Martin Heidegger est le plus connu, comme une conquête du monde par la technique. La technique envahirait la société humaine et la déformerait. En réalité, c’est l’idéologie de la technique qui est à l’œuvre, avec des modifications artificielles ou relevant de la mode pour « justifier » une inflation.

Et il y a une dimension commerciale dans la démarche qui consiste très clairement en une régression. Ce jeu sur la hausse des prix reflète une tendance au monopole associé à une logique commerciale, ce dont tout le monde s’aperçoit bien – et cela montre que d’un côté on est arrivé au monopole, et qu’en même temps le capitalisme ramène en arrière, à une logique féodale d’arrachage forcé.

Le capitalisme est mûr pour l’effondrement, à un tel stade. »

En 2023, les Français sont loin d’être pauvres. Ils ont une marge gigantesque avant de se soucier réellement de devoir se nourrir et se chauffer. Il n’en reste pas moins que le niveau de vie baisse et va baisser drastiquement. La grande promesse capitaliste de la consommation à outrance pour tous s’effrite très clairement.

On ne va pas regretter le vieux monde. Qu’il s’effondre ! Tant mieux ! Mais soyons clairs : ce sont les prolétaires ayant cru en les mirages capitalistes, avec leur pavillon de banlieue (ou de campagne devenue banlieue), leur deux voire trois voitures par foyer… qui vont payer l’addition. Et plus ils seront dans l’amertume, pour ils se tourneront vers le nationalisme et les fausses promesses populistes (de Jean-Luc Mélenchon et de Marine Le Pen), et moins ils s’en sortiront.

C’est tout qui est à revoir, et pas seulement les salaires pour compenser l’inflation. Il faut chambouler la vie quotidienne, il faut renverser les grands monopoles du capitalisme. Pour cela, il faut des mentalités nouvelles, assumant ouvertement le Socialisme. Et c’est historiquement inévitable !

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Rapport entre les classes

La France bientôt en faillite

L’heure est particulièrement grave pour les finances françaises, malgré l’incroyable silence médiatique. Non seulement la dette publique est abyssale (3 000 milliards d’euros au 31 mars 2023, selon l’Insee), non seulement la France produit moins de richesses que ce qu’elle doit à ses créanciers (la dette représente 112,5 % du PIB), mais en plus la France va avoir de plus en plus de mal à emprunter de l’argent pour faire face à ses dépenses.

Plus précisément, emprunter de l’argent coûte de plus en plus cher à l’État français. On parle de taux d’intérêt, dont la référence est l’obligation (OAT) à 10 ans (l’État emprunte une somme qu’il doit rembourser dans 10 ans). Jusque récemment, encore en 2021, il était systématiquement mis en avant des taux d’intérêt négatifs (une bizarrerie technique du système financier moderne) pour justifier tout et n’importe quoi. C’est maintenant de l’histoire ancienne.

En septembre 2023, le taux d’intérêt des obligations de l’État français à dix ans est de 3,3%, alors qu’il était de – 0,4% en janvier 2021. En deux ans et demi, cela fait une augmentation de 3,7 points. C’est littéralement un krach qui se dessine sous nos yeux. Il ne faudrait surtout pas s’imaginer pouvoir se rassurer en comparant avec les taux d’intérêt au 20e siècle (qui étaient plus élevés) : à l’époque, la France (et le capitalisme en général) ne vivait pas autant à crédit. La France n’a jamais été aussi dépendante que maintenant des marchés financiers.

Cela d’autant plus que la France n’est pas seule : elle est empêtrée dans la zone euro avec certains voisins tout aussi en difficulté, notamment en Italie, où le taux d’intérêt à 10 ans est de 4,5 %. Même en Allemagne, dont les comptes publics sont bien plus stables (et positifs), l’heure n’est plus à la fête au crédit. Finis les taux d’intérêt négatifs, l’Allemagne emprunte maintenant à 10 ans à 2,75 %.

Il faut bien se souvenir qu’il y a encore quelques mois, il a été rabâché qu’il n’y avait pas de crise, que les dettes des États européens n’étaient pas un problème, que ceux-ci étaient suffisaient solides pour emprunter de l’argent indéfiniment, et que d’ailleurs emprunter de l’argent ne leur coûtait rien. Mensonge !

La situation ne va faire que s’aggraver durant les prochains mois. L’inflation, qui plombe littéralement le capitalisme, est immense : proche de 6 % en France (et encore plus si l’on regarde uniquement l’alimentaire, qui est le véritable étalon). Cela n’aide en rien, et surtout cela empêche la Banque centrale européenne d’intervenir en trafiquant l’économie.

Jusqu’à présent, elle intervenait en baissant ses taux directeurs (les taux auxquelles les banques lui empruntent de l’argent, qui définissent ensuite directement tous les autres taux). Sauf qu’avec l’inflation, la Banque centrale européenne est piégée : si elle continue d’intervenir comme avant (avec des taux bas ou négatifs), elle fabrique encore plus d’inflation (en inventant de l’argent magique). Alors elle maintient et va maintenir des taux directeurs hauts (en tous cas plus élevés que ces dernières années), ce qui va continuer à pénaliser les États dans leur capacité de financement sur les marchés.

Le taux directeur de la BCE est supérieur à 4 % en septembre 2023, alors qu’il était encore à zéro il y a un peu plus d’un an. Personne n’imaginait une telle évolution il y a un an, alors que la BCE prétendait encore que l’inflation se stabiliserait. Fumisterie ou incompétence ? Toujours est-il que l’heure est grave pour le capitalisme, avec un risque de faillite généralisée de plus en plus évident.

La plus grande menace d’ailleurs vient de la contradiction existant au sein de la zone euro, avec d’un côté des pays en crise, mais avec des finances maîtrisées (l’Allemagne surtout), de l’autre des pays en crise et avec des finances totalement dans le rouge. Cet écart, qui se reflète surtout dans la capacité des États à emprunter de l’argent, crée un déséquilibre mortel pour la zone euro. On parle de spreads pour mesurer l’écart entre les différents pays : ceux-ci sont scrutés de près par les économistes (et surtout par les acteurs du marché financiers), car ils indiquent la cohérence économique, la stabilité, de la zone euro. Les spreads, notamment entre l’Allemagne et l’Italie, mais aussi entre l’Allemagne et la France (qui sont le moteur de l’Union européenne) montrent une zone malade et incohérente, avec un mélange de pays encore riches et relativement solides, et d’autres de plus en plus faibles, avec une économie (donc ici une capacité d’emprunt) relevant de plus en plus clairement du tiers monde.

De manière tout à fait pragmatique, les investisseurs, dont dépendent les États, se demandent maintenant jusqu’où les pays “sérieux” de la zone euro vont continuer à soutenir les pays malades. A l’époque de la crise de la dette de l’État grec, quand le pays avait été littéralement sauvé de la faillite par l’Union européenne (au prix d’une exploitation aggravée pour les travailleurs grecs), il s’agissait simplement de trouver 350 milliards d’euros. Aujourd’hui la dette publique italienne, c’est 2 800 milliards d’euros. La dette publique française, c’est 3 000 milliards d’euros. La donne n’est clairement pas la même.

Si la France était une entreprise, elle serait déjà en faillite. Elle va avoir de plus en plus de mal à trouver de l’argent pour assurer son train de vie monumental. Il suffit maintenant d’un rien pour que la machine déraille, comme nous l’avions vu depuis le début de la crise amorcée par la crise sanitaire de 2020. Les milliards d’euros tirés du chapeau pour sauver le capitalisme ne sont pas sans conséquence ; le système se retourne maintenant contre lui-même et est prêt à exploser.

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Restructurations économiques

Loi de programmation militaire et restructuration

Le militarisme, c’est la restructuration capitaliste.

En mars 2012, les États membres de l’Union européenne adoptaient le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG). Il prévoyait la mise en place d’un pacte budgétaire européen visant à un contrôle strict des dépenses de l’État dans le but de maîtriser les déficits publics, et donc le niveau d’endettement des États.

Cela faisait suite à la crise de la dette souveraine, notamment avec la Grèce qui avait été placée en défaut de paiement, menaçant d’explosion la zone monétaire européenne.

Cela a eu pour conséquence en France la création d’un Haut conseil aux finances publiques qui a pour but d’évaluer la cohérence et la soutenabilité des dépenses publiques au regard de la croissance intérieure (PIB). Il s’agit de mettre en relation les dépenses de chaque loi dite sectorielle avec la loi de de programmation des finances publiques (LPFP) et la trajectoire de la croissance française pour les prochaines années.

Car lorsque les comptes sont déficitaires, cela a pour conséquence soit de baisser le niveau des dépenses et donc d’assumer l’austérité, soit de trouver de nouvelles recettes fiscales, soit de lever des emprunts de dette.

Le 5 avril 2023, Pierre Moscovici, président du Haut conseil aux finances publiques a donc été auditionné pour fournir l’avis de l’institution pour le budget prévu pour la loi de programmation militaire 2024-2030 (LPM). Cela fait suite à la dépose par le gouvernement du projet de LPM à l’Assemblée nationale le 4 avril, devant donc être débattu au parlement en juin.

Pour le HCFP, tout est pris d’incertitude car la LPFP, présentée en septembre 2022, est pour l’heure rejetée par les députés de l’Assemblée nationale et les prévisions de croissance sont incertaines. Pour autant, le président du HCFP a d’ores et déjà été très clair sur la situation.

Il a rappelé ainsi que le niveau d’engagement budgétaire de la LPM pour la période 2023-2030 était très important. On parle ici de 413 milliards d’euros, en fait de 400 milliards prévus directement par la LPM et de 13 milliards extrabudgétaires, faisant passer le niveau de dépense militaire de 47 milliards en 2024 à 69 milliards en 2030.

Cela aura pour conséquence une « contrainte très forte sur les autres dépenses du budgets de l’État« . Alors que le niveau de dépenses publiques a diminué de 0,3 % entre 2012 et 2019, l’orientation budgétaire de la LPM impliquerait une diminution de 1,4 % entre 2023 et 2027. Comme il l’a déjà été affirmé ici, la nouvelle mouture de la réforme des retraites 2023 est d’ailleurs issue de ces conditions financières.

A cela s’ajoute le fait que la France a « connu une érosion progressive des ses finances publiques » avec une explosion de sa dette, passée de 58 % de son PIB en 2000-2001 à plus de 111 % en 2022.

C’est l’une des plus importantes augmentations de la dette souveraine dans la zone euro, puisque sur la même période, l’Allemagne a augmenté le niveau de sa dette de 10 points, l’Italie de 40 points… Et pourtant la France vise à dépenser encore et encore pour la santé, l’éducation, l’écologie, etc., ce qui pousse Pierre Moscovici a résumer la chose de la manière suivante :

« Face à la montagne d’investissements, nous avons un mur de dettes très élevé. »

On notera la réaction d’Eric Coquerel, député LFI-NUPES de la 1ère circonscription de Seine-Saint-Denis et élu président de la Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire en juin 2022 :

« Je suis d’accord avec lui, le président de la commission défense a expliqué que l’effort en termes de réarmement, l’effort militaire, ne devait pas rentrer en concurrence avec les autres efforts, par exemple en matière de santé, d’éducation, en matière de préservation du climat »

Et d’ajouter que cela pose donc la question des recettes et de la fiscalité. On comprend alors toute la stratégie politique qui vise à légitimer la taxe sur les « superprofits », ce qui révèle parfaitement la nature sociale-impérialiste de La France Insoumise.

Car pour l’auteur de « Lâchez-nous la dette » publié en 2021, l’explosion de la dette est un faux problème puisque l’on peut « partager les richesses » et imposer plus fortement le capital.

Ce qui revient à dire que puisque la bourgeoisie française est grasse, très grasse, on peut lui en prendre un peu plus pour faire se continuer tout comme avant dans un niveau de vie occidental. La chose est donc entendue : oui, l’élévation faramineuse de la dépense militaire est acceptée, mais attention à ce que ne cela ne brise pas le « consensus social » sur le niveau vie dans la grande puissance française.

La taxation des riches est toutefois une perspective réformiste qui pouvait faire illusion avant 2020, mais qui n’est plus qu’une fable tant la France se ratatine et prétend à un niveau de vie qu’elle ne peut plus assumer dans les conditions de la nouvelle situation générale post-Covid-19. Il faut maintenant pressuriser les travailleurs, faire accepter une chute de haut niveau de vie des français pour relancer le capitalisme français.

Il est donc évidement que cette augmentation du budget militaire français relève de la restructuration du capitalisme dans le cadre de l’aiguisement de la compétition économique internationale suite aux dérèglements consécutifs à la pandémie de Covid-19.

A ce niveau, on voit combien la Gauche française s’est liquidée elle-même à l’instar de ce qui s’était passé en 1914. Sa revendication de plus de dépenses sociales en omettant de critiquer le militarisme et la tendance à la guerre ne peut que la faire évoluer vers une position social-impérialiste.

Il faut même dire que cette position est même déjà établie depuis le positionnement officiel de toute la Gauche française lors du premier anniversaire de la guerre en Ukraine. Mais cela va être toujours plus visible, toujours plus officiel à mesure que le vote de la LPM va être sur le devant de la scène.

Sans critique du social-impérialisme, la Gauche ne peut que servir de tremplin au nationalisme comme proposition réaliste de sauvegarde de la « France puissance » par la remise au travail à marche forcée du plus grand nombre.

Servons la Gauche historique, ses valeurs, sa vision du monde, pour la recomposition du prolétariat !

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Restructurations économiques

La nature de la réforme des retraites

Pas un choix, mais une nécessité pour la bourgeoisie.

Sur agauche.org, la position a été claire depuis le début : la contestation actuelle de la réforme des retraites relève du passé. Elle illustre un monde militant en déliquescence, qui ne sait plus que se rattacher aux miettes de la puissance française.

Pour autant, il n’en reste pas moins vrai que la réforme des retraites représente en soi une offensive de la bourgeoisie française. Elle exprime la restructuration du capitalisme français dans un tout nouveau contexte, non pas celui des années 1990-2000, mais bien de celui né du grand dérèglement produit par la pandémie de Covid-19.

C’est là que l’on voit que les contestataires sont des opportunistes car ce qu’ils contestent c’est précisément le fait que cette réforme illustre le grande chamboulement des choses, la déstabilisation de la puissance française qui n’a dorénavant plus le choix que d’aller à la confrontation intérieure et extérieure.

Non pas simplement dans une optique d’anticipation budgétaire, comme cela pouvait être le cas avant 2020, mais bien plus dans le but de la survie même du mode de vie capitaliste en France.

La réalité des faits est la suivante : la pandémie de Covid-19 a obligé à des dépenses économiques et sociales faramineuses tout en accentuant les antagonismes entre capitalismes nationaux.

Depuis lors, il s’agit de rester dans la course en conservant la capacité de financement du train de vie des pays riches pour assurer la paix intérieure tout en se militarisant pour limiter la perte des zones d’influences prisées par le bloc russo-chinois, principalement la superpuissance chinoise.

Une tendance vieille comme le capitalisme en crise : la paix intérieure pour la guerre à l’extérieur. Mais contrairement au siècle passé, le capitalisme vomit tellement de richesses qu’il ne peut plus vivre, paradoxalement, qu’à coup de crédits.

C’est ce qui a été expliqué par l’économiste libéral Alain Minc, comme quoi la réforme des retraites est là pour assurer la capacité d’endettement de la France à un niveau soutenable. Cela est tout à fait juste et exprime bien en quoi elle est liée historiquement au « quoi qu’il en coûte » de la période 2020-2021. La réforme des retraites n’est pas « imposée » par les marchés financiers, elle est rendue nécessaire par la configuration même du capitalisme entré en crise générale en 2020.

Mais en période de crise du capitalisme, à la capacité financière s’ajoute une autre nécessité de toute grande puissance, la capacité militaire. A ce titre, une commentatrice déclarait sur la chaine télévision LCI à propos du manque de munitions occidentales en direction de l’Ukraine la chose suivante :

« Certains choix budgétaires ont prix le dessus sur la défense. On a choisi dans nos sociétés, surtout en France mais aussi dans certains autres pays européens, on a dit que qu’en ces temps de dividende de la paix [période d’après la chute de l’URSS] où la guerre n’était plus concevable, où l’Europe allait pour toujours vivre en paixle budget devait se concentrer sur les dépenses sociales et donc maintenant on est vraiment dans la merde. Parce qu’on est face à un choix absolument cornélien, c’est-à-dire que la France endettée comme on l’est n’a pas les moyens de fournir l’effort de défense qu’il faudrait pour se réarmer et récupérer notre niveau d’antan et pouvoir répondre de manière conséquente à toutes les crises qui nous menacent, et je pense que celle d’Ukraine n’est que la première, après on risque d’avoir la crise iranienne et la crise Chine-Taïwan, on aura pas les moyens suffisant pour gonfler le budget de défense et de garder le niveau d’aides et de dépenses sociales qui est le notre. »

Le gouvernement aurait pu assumer entièrement cette position, tant les français sont attachés au modèle pavillon-consommation. Quoi de plus simple que dire aux français que s’ils veulent conserver leur taux de crédit pour devenir propriétaire et avoir une belle voiture équ’il faut passer par le fait de travailler deux ans de plus tout en acceptant le renforcement militaire ?

Et quoi de plus simple si une crise parlementaire intervenait avec dissolution de l’Assemblée nationale que de dire : qui est responsable ? Voulez-vous payer trois fois plus cher votre emprunt immobilier car la France est en train de perdre toute crédibilité financière ?

Car les français sont piégés, ou plutôt ils se sont auto-piégés en acceptant les règles du mode de vie capitaliste alors même que la situation issue de la pandémie de covid-19 va toujours plus les mettre sous pression pour continuer à bénéficier de ce mode de vie dont ils n’osent pas se séparer. Ils veulent la paix intérieure, c’est-à-dire qu’ils veulent conserver à tout prix le mode de vie qui pourtant les précipite dans l’abime de part ce qu’il implique historiquement – militarisation et restructuration anti-sociale.

Les français sont de bout en bout des petits-bourgeois. Pour eux, il n’y a pas vraiment de crise, les riches se gavent et la dette ne seraient que des choses abstraites sans rapports avec la réalité, la pandémie aurait montré qu’on peut « générer » de l’argent sans aucunes conséquences, etc., etc.

Et les contestataires de la réforme des retraites ne les aident pas à sortir de l’ornière. Car ils soulèvent une pierre trop grosse pour eux, ils se heurtent à un problème qu’ils refusent de traiter pour ce qu’il est : l’illustration de la crise du capitalisme français. Historiquement, ils apparaissent comme des brouilleurs de la prise de conscience historique.

Quand on voit que leur seule perspective c’est la « taxation des ultra-riches » sur fond d’acceptation totale du mode de vie bourgeois, ces gens ne peuvent que nous précipiter dans les bras de l’extrême-droite par leur incapacité même d’assumer la crise.

Du fait de sa nature, la réforme des retraites devrait se heurter non pas à une contestation syndicale du type de celle qui existe depuis 40 ans en France, mais à une grève politique de masse. Elle devrait être le prélude à une remise en cause générale du mode de vie occidental, à la perspective de la prise du pouvoir par le peuple à tous les niveaux pour transformer de fond en comble le mode de vie capitaliste.

Cela passe par une nouvelle conscience, une conscience de la crise du capitalisme et de sa sortie historique, le Socialisme.

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Société

Il ne s’agit pas d’être « pour » ou « contre » les coupures d’électricité

On se situe au niveau de la civilisation elle-même.

L’annonce de coupures d’électricité par le gouvernement, avec un plan détaillé à ce sujet envoyé à toutes les préfectures, devrait normalement interpeller les gens sur la situation de blocage que vit l’humanité. Mais, cela semble passer comme tout le reste, et c’est normal car il y a là un problème complexe qui exige un niveau de conscience adéquat.

Quand on y réfléchit raisonnablement, on se dit qu’on ne peut ni être « contre », ni être « pour » les coupures d’électricité. On voit d’ailleurs ici combien le populisme style gilet jaune renforce la logique pragmatique de la bourgeoisie qui gère les choses en fonction d’une société minée par une crise profonde.

Pour les populistes, il ne s’agit que d’une « mauvaise gestion » due à deux hommes, François Hollande puis Emmanuel Macron. Par miroir inversé, le gouvernement peut facilement s’appuyer sur la réalité de la guerre en Ukraine, mais aussi et surtout sur l’impact qu’a eu la pandémie sur la maintenance des centrales nucléaires pour dire que le problème vient de là. À « la mauvaise gestion » répond la « gestion du cours des choses ».

Au centre de ce débat, les gens normaux restent désemparés. Il a été compris qu’on avait affaire ici à un problème d’une grande complexité où s’entremêlent de nombreux aspects. A ce titre, il ne faut pas écouter la bourgeoisie qui nous parle d’une succession de crises pour mieux masquer le fait que c’est une seule et même chose qui s’appelle la crise générale du capitalisme en ce début de XXIe siècle, et qui va donc en fait marquer tout ce siècle.

De quoi relèvent les coupures d’électricité ? D’une mauvaise gestion ou d’une nécessité liée à une « conjoncture » ? Évidemment, cela n’est ni l’un ni l’autre : les coupures d’électricité, c’est l’expression émergée du crash du capitalisme, en tant que mode de production apte à reproduire la vie quotidienne des gens.

Derrière les multiples causes que sont la guerre en Ukraine et l’inflation du prix du gaz qui impact, en tant que dernier moyen de production mobilisable pour fournir de l’électricité, le prix général de l’électricité, la sécheresse estivale comme expression de l’écocide qui mine les réservoirs des barrages d’hydroélectricité, sources essentielles pour faire face aux pics de consommation hivernale, et le retard de maintenance de centrales électriques due à la pandémie, il n’y a pas une accumulation d’aspects, mais un seul et même problème qui s’exprime à travers divers phénomènes.

Cet aspect central, c’est le fait que le capitalisme se heurte à son propre blocage historique, blocage qui lui est propre car c’est bien sa dynamique d’accumulation qui a fait entrer l’humanité dans ce mur et continue à le faire en forçant le cours des choses.

C’est finalement la même chose qu’au début de la pandémie, où le confinement était critiqué par certains comme une « gestion du moyen-âge » alors même qu’il ne s’agissait pas de savoir si l’on était pour ou contre, car telle était dorénavant la situation, exigeant d’y faire face, mais de comprendre comment et pourquoi une telle situation minait l’humanité toute entière.

Et comme pour les coupures d’électricité, on trouvait là concentré en lui le réchauffement climatique, la destruction de la nature, l’enfermement et l’anéantissement des animaux, l’asphyxie de la grande ville, etc.

C’est bien là qu’on voit qu’il y a une continuité historique entre les effets de la pandémie et la cause des coupures d’électricité, renvoyant aux oubliettes la logique d’explication de « cause à effets ».

Le rapport bancal de l’Humanité a amené à la situation d’une pandémie historique, bloquant l’ensemble de la production mondiale qui, pour redémarrer dans un cadre capitaliste, donc marchand, a connu des distorsions majeures.

Distorsions qui sont le terrain à l’accentuation d’antagonismes entre puissances, donc à la tendance à la guerre de repartage… mais aussi à des pénuries en tout genre, y compris de main d’œuvre qui minent le travail de maintenance alors même que l’écocide s’exprime toujours plus, comme les canicules et sécheresses majeures de l’été 2022.

Les potentielles coupures d’électricité de l’hiver 2022-2023 ne sont donc pas un « nouveau » phénomène après la pandémie, puis après la guerre en Ukraine et à côté du réchauffement climatique, mais l’expression nouvelle d’un même phénomène, celui de la crise générale du capitalisme.

De fait, les coupures d’électricité ne posent pas la question formelle « pour ou contre », mais bien une problématique d’ordre civilisationnel de type : « comment faire pour ne plus arriver dans une telle situation ? ».

De plus, il est fort à parier que l’anarchie du capitalisme associée à la décadence toujours plus prononcée des couches dirigeantes, cette autre expression de la crise générale, vont donner, si elles ont lieu, une tournure ubuesque à ces coupures d’électricité…

La Gauche historique se doit d’être à la hauteur de sa responsabilité en posant le problème au niveau de la civilisation humaine elle-même et non pas se ranger derrière la critique populiste, ou bien derrière un pragmatisme « de gauche » proposant une « autre gestion » plus « équitable », plus « rationnelle » etc.

On ne peut ni être pour, ni être contre les coupures d’électricité, mais on se doit d’élever le niveau de conscience pour embarquer l’Humanité dans la nécessité d’une nouvelle civilisation qui s’épargnera à l’avenir les régressions qu’elle éprouve depuis maintenant trois ans et qu’elle ne va manquer d’endurer si elle ne s’émancipe par du cours des choses.

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Restructurations économiques

Les coupures d’électricité posent encore une fois la question de l’opposition ville/campagne

Le chaos du développement propre au capitalisme s’exprime ici.

La situation énergétique en France est catastrophique. Dès cet été, comme il l’avait été remarqué sur agauche.org, un membre de la majorité présidentielle promettait « du sang et des larmes » pour cet hiver.

Nous y voilà et le gouvernement tente de sauver ce qu’il peut sauver en assurant une continuité des activités tout en annonçant clairement de possibles délestages, c’est-à-dire concrètement des coupures d’électricité.

Et lorsque le capitalisme est confronté à une crise d’une telle ampleur, il fait payer les pots cassés aux classes populaires qui sont sa variable d’ajustement.

Cette situation se comprend bien à travers la lecture de l’opposition ville/campagne, que les coupures d’électricité risquent de mettre encore une fois à nu.

En effet, dans son annonce d’un plan de coupures d’électricité, le gouvernement a repris une circulaire du 5 juillet 1990 qui prévoit l’organisation de délestage par zone, en excluant 14 000 sites prioritaires et secrets, mais dont on se doute qu’ils rassemblent les lieux de sécurité, de santé et de la défense.

Cela signifie qu’il sera procédé au cas échéant à des coupures sur des zones d’environ 2 000 habitants qui sont raccordées à la même ligne électrique, soit entre 8h et 13h, soit entre 18h et 20h. Sauf si cette même ligne alimente un site prioritaire !

Ce sont 40 % de la population qui sont quasi certains d’échapper à ces coupures parce qu’ils vivent dans un quartier relié par leur ligne électrique à un site prioritaire. Ainsi de nombreux foyers de grandes villes comme Paris, Lyon, Marseille, Bordeaux, Nantes, vont voir le risque de coupure amoindri car la densité urbaine est telle qu’il sont forcément rattachés à une ligne alimentant un site stratégique.

D’ailleurs, si l’on peut parler de délestage pour un quartier en ville, ce sera plusieurs communes en campagne.

On pourrait se dire « ô et bien c’est comme ça »… Or non car c’est là l’expression de tout un développement réalisé par le capitalisme, ou plutôt à travers le capitalisme, et son anarchie intrinsèque.

Car ce que cela signifie c’est qu’il y a une majorité de gens qui sont éloignés de sites qualifiés de prioritaires mais en fait essentiels à la vie quotidienne, tel un hôpital, un commissariat, une caserne de pompier, etc.

Ce n’est pas un hasard si plus de 6 millions d’habitants vivent à plus de 30 minutes d’un service d’urgence, l’immense majorité vivant à la campagne.

A ce titre, un scénario parlant serait celui de la perte d’accès aux donnés mobiles téléphoniques (4g et mobile) car l’antenne relais à côté de chez soi serait touchée par un délestage alors que ne le serait pas l’électricité courante pour chez soi car la ligne serait différente que celle alimentant l’antenne téléphonique !

Dans les grandes villes, ce risque serait là aussi moins prononcé du fait d’un réseau bien plus dense d’antennes relais mobiles qu’à la campagne…

Cela montre combien le capitalisme a concentré ses éléments clefs en ville et sa proche périphérie, à commencer par sa matière humaine tels les cadres supérieurs, les ingénieurs, les directeurs et présidents-directeurs, etc., et les infrastructures fondamentales.

Alors qu’il a dans le même temps expulsé dans la campagne les prolétaires qui travaillent dans des zones industrielles infâmes, se déplacent en voiture sur des routes dangereuses tout habitant dans des maisons uniformisées et loin de tout…

Et maintenant, à ce triste panorama, il faut s’imaginer la pagaille que va être la fermeture de l’école délestée et l’absence de feux de circulation…

Le délestage de l’électricité révèle en fait tout le pourquoi du comment le capitalisme est un mode de production qui est périmé…parce que cette situation est l’expression de tout un système bancal, inégal et anarchique, et que la propension qu’a prise l’opposition ville/campagne illustre parfaitement.

La bourgeoisie croit ainsi qu’il suffit de faire un plan pour « s’adapter » aux « crises », mais c’est une illusion qui masque le fait que c’est bien tout le développement des choses qui est à revoir.

Sans même parler que ces délestages sont le résultat nécessaire de toute une situation historique marquée par la guerre (de repartage) en Ukraine ainsi que par l’écocide (effets de la pandémie sur les retards de maintenance des centrales, sécheresses pour les barrages hydroélectriques…).

Bref, c’est tout le logiciel de civilisation qui est à revoir et au coeur de ce reformatage, il ne peut y avoir que les prolétaires, marqués au fer rouge par l’opposition ville/campagne et qui s’ils s’emparent de la Gauche historique, seront à même de tout surmonter.

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Restructurations économiques

Le lithium en Alsace, une catastrophe

C’est la restructuration du capitalisme vers l’économie de guerre.

De vastes opérations de restructurations industrielles agitent l’appareil de production français en Alsace autour de la question du lithium. Cette question est venue à travers celle de la géothermie, c’est-à-dire de la captation de la chaleur d’une poche de magma sous la surface terrestre dans des zones où la profondeur de ces poches est relativement faible, ce qui est le cas en Alsace, qui sur le plan géomorphologique est un morceau du vaste bassin d’effondrement rhénan.

L’exploitation des capacités géothermiques en Alsace a cependant une dimension toute autre, qui pour les capitalistes français est en fait l’aspect principal : c’est l’opportunité d’exploiter les eaux de profondeur, dont la teneur en lithium est ici particulièrement élevée. C’est notamment le cas en Alsace du Nord, où ce métal est présent aggloméré dans des roches volcaniques formée il y a près de 400 millions d’années. Il s’agit en fait un type de granit abondant dans le sous-sol, dans un vaste secteur autour de la petite ville thermale de Niederbronn.

Et les travaux de géothermie menés depuis plusieurs décennies ont permis de constater que les eaux géothermales avaient une teneur en lithium intéressante au plan industriel.

Présentée comme une énergie propre et abondante, la géothermie avait une relative popularité au sein des masses locales, mais tout a changé depuis l’échec catastrophique de Fonroche, ayant provoqué en décembre 2020 une série de 11 séismes en un mois frappant tout le nord de la ville de Strasbourg, et dépassant souvent une magnitude 3,5 sur l’échelle de Richter. Après de longs atermoiements, un arrêt administratif de la production et de toutes les activités sur le site, avait été décidé par la préfecture du Bas-Rhin.

> Lire aussi : https://agauche.org/2020/12/06/strasbourg-violent-seisme-cause-par-un-projet-industriel-geothermique/

La large émotion ayant alors agité les masses avait fait prendre conscience de l’enjeu du lithium dans la question. Les capitalistes ont donc provisoirement reculé, pour revenir depuis quelques semaines en ciblant une zone moins densément peuplée que l’agglomération strasbourgeoise.

L’entreprise en charge de cette nouvelle opération s’appelle de manière significative « Lithium de France », et elle développe une active propagande en direction des masses devant illustrer la capacité des industriels du capitalisme français à gérer correctement la question. Il est assuré déjà qu’il s’agit là d’une activité « décarbonée » sans que personne ne comprenne vraiment en quoi de manière concrète, mais surtout, il s’agit de paralyser les interrogations des masses sur les dangers environnementaux en rationalisant en apparence la technique mise en oeuvre par les industriels. Voici comment Guillaume Borel, le directeur de Lithium France a présenté cela :

« Pour l’instant, et c’est aussi une leçon retenue de Fonroche, on prend les choses les unes après les autres. On va se concentrer sur notre première centrale, et faire les choses proprement. C’est aussi un devoir moral vis-à-vis de la population. On doit montrer qu’on sait travailler de façon correcte et propre, avant d’envisager la suite. L’un des deux puits servira à remonter l’eau, afin d’en extraire son lithium, mais également ses calories. Car il s’agit de faire d’une pierre deux coups, et de permettre par la même occasion de chauffer des bâtiments industriels ou des serres agricoles dans un rayon d’une quinzaine de kilomètres. Ce sera comme une éponge sélective, qui ne va capter que le lithium, et ensuite, il ne restera plus qu’à rincer l’éponge. C’est un circuit fermé. Et ce n’est pas de l’eau de consommation, on est loin des nappes phréatiques. On veut s’assurer dès le départ que le procédé qu’on met en œuvre sera effectivement celui avec le plus faible impact environnemental »

« L’éponge » dont il parlé ici est en fait constituée de titanate de lithium, nécessitant en lui-même du lithium, dont la fabrication en masse sera assurée par des usines chimiques locales : GeoLith à Haguenau et Tronox à Thann. Tout cela est présenté comme relevant d’une technologie propre, sûre et fiable, mais s’il participe des profonds cycles équilibrant le sous-sol de notre biosphère en rapport avec sa surface, le lithium est justement un matériau extrêmement délicat à ramener à la surface terrestre.

Le lithium métallique réagit en effet autant avec l’azote, l’oxygène et la vapeur d’eau dans l’air. Par conséquent, la surface de lithium devient une mixture d’hydroxide de lithium (LiOH), de carbonate de lithium (Li2CO3) et de nitrure de lithium (Li3N). Or, le lithium d’hydroxide présente un risque potentiel significatif car il est extrêmement corrosif, en constituant donc une menace directe sur les environnements aquatiques et les organismes s’y étant développés. Le risque est donc considérable de fait, et l’exploitation industrielle sera forcément définitivement instable et dangereuse.

Mais la population doit donc ici se contenter bien lamentablement des assurances a priori de l’appareil industriel aux mains des monopoles de la bourgeoisie française pour se rassurer.

Le matraquage en faveur du lithium, malgré la méfiance croissante des masses, est à mettre directement en relation avec le vaste mouvement de restructuration de l’économie française, dans le cadre de l’Union européenne. On trouve là le projet industriel LIFE (LIthium For Europe), déclinaison de la tendance au « souverainisme industriel et numérique », devant couper l’appareil industriel européen de sa dépendance à l’égard des pays émergents, et désormais adversaires, avec la Chine comme cible de premier ordre, et de ses approvisionnements énergétiques extérieurs.

Cette restructuration est en elle-même entraînée par la Crise du capitalisme dans son mouvement en direction de l’économie de guerre, en ce qu’il s’agit explicitement de tenter d’assurer au capitalisme français une relative indépendance dans le cadre de l’Union européen, afin de l’élancer à nouveau contre les pays émergents, en restaurant sa capacité industrielle à être une puissance du capitalisme.

Il suffit d’ailleurs d’écouter le chantage qui est fait sur cette question aux emplois et à la souveraineté économique de la France, devant faire bloc dans le cadre de l’Union européenne contre ses rivaux capitalistes pour s’en rendre compte. Tout se met en place donc pour piéger les masses dans la fuite en avant du capitalisme dans son agression généralisée contre la Vie. Rien ne manque en fait avec cette question du lithium, ni le pillage et la destruction de la biosphère comme horizon économique, ni la volonté de paralyser les masses dans les exigences toujours plus furieuses du capitalisme en crise, ni la tendance à la guerre, en fait au centre même des dynamiques.

Le lithium des capitalistes n’est donc pas un miracle pour les masses qui leur assurera une énergie propre et abondante. C’est un piège à tout point de vue qui alimente la fuite en avant folle furieuse du capitalisme dans son impasse historique tragique. Et quand on sait en outre que le lithium fournit aussi un isotope permettant la fabrication d’armes nucléaires, on se dit vraiment que l’horreur est ici complète.

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10,6% d’augmentation en un an des prix des produits de grande consommation

La bourgeoisie récupère ses profits.

L’inflation n’avait pas jusqu’à présent été aussi élevée en France que dans la plupart des autres pays européens. Cette fois, c’en est bien fini. Si les prix des produits de grande consommation vendus dans la grande distribution (les hypermarchés et les supermarchés) n’avaient pris que 0,3% d’inflation au moins de septembre, en octobre cela a été de 1,5%.

Sur un an, cela donne 10,6% d’inflation. Pour les prix hors grande distribution (supérettes et épicerie du coin), l’inflation est la même, après avoir pris 1,3% au mois d’octobre.

L’inflation est naturellement très inégale selon les produits. Il est intéressant ici de voir que l’un des fameux arguments contre le véganisme comme quoi cela coûte cher tombe totalement à l’eau, puisque c’est la viande qui voit ses prix exploser.

Cela étant, c’est vrai également des produits simili-carnés, une bonne occasion donc de quitter les produits d’alimentation transformés pour retourner aux mélanges céréales – légumineuses historiquement développés par les peuples (pain et lentilles, semoule et pois chiches, maïs et haricots rouges, sésame et pois chiches, etc.).

Car l’inflation touche en fait tous les produits transformés industriellement. Plus le produit est transformé, plus il va coûter cher. La faute en est d’une part à la pénurie provoquée dans de nombreux domaines par la pandémie, d’autre part par la crise énergétique provoquée par la guerre en Ukraine…

Ces deux aspects en formant un troisième, par synthèse : la bourgeoisie compte rattraper ses profits aux dépens des travailleurs consommateurs.

Si au 19e siècle en effet, la base consommatrice était étroite, ce n’est pas le cas au début du 21e siècle. Au 19e siècle, le bourgeois était gros, les travailleurs minces ou maigres. Au début du 21e siècle, c’est le contraire. Au bourgeois les produits de qualité, aux travailleurs la quantité médiocre. Le bobo va de temps en temps au resto, le travailleur tout le temps au McDo ou au kebab.

L’élévation des prix permet ainsi un rattrapage des profits par la consommation. Naturellement, la perte de valeurs de l’argent joue également pour ceux qui en ont beaucoup. Sauf que ceux qui ont beaucoup d’argent en font quelque chose, alors que ceux qui en ont peu ne le peuvent pas.

On notera d’ailleurs ici un aspect important qu’il reste à étudier. Il y a la légende selon laquelle acheter un logement coûte moins cher, à terme, que payer un loyer. Cela est entièrement faux. Les études économiques à ce sujet sont formelles. Elles ne sont évidemment pas étalées dans la presse ni les médias, et pour cause ! Le logement est en fait un vecteur de consommation capitaliste et de sens de la propriété absolument essentiel au capitalisme moderne.

Cette légende profite en réalité de la constatation de l’élévation massive des prix des logements depuis une quinzaine d’années. Mais outre que c’est une période particulière qu’on ne peut pas généraliser, cela profite concrètement aux propriétaires de dizaines, de centaines, de milliers de logements, pas au propriétaire individuel. Ce dernier voit son logement prendre de la valeur, mais s’il le revend et qu’il veut en prendre un autre, c’est le serpent qui se mord la queue.

De plus, les gens oublient systématiquement l’apport financier massif de papa-maman dans l’opération d’achat du logement. Et ils sont également contents d’être propriétaire, au point d’oublier psychologiquement les frais divers et variés.

Il y a là un aspect important de la question de l’inflation, parce que les « classes moyennes » vont payer plein pot dans la période actuelle, l’inflation visant à les appauvrir pour rattraper les profits capitalistes perdus avec la crise ouverte en 2020.

L’inflation correspond à la polarisation de la société entre bourgeoisie et prolétaires, avec la prolétarisation de la petite-bourgeoisie si massive encore en France. On n’en est qu’au début du processus. Les faits sont là toutefois : ce processus est enclenché.

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Restructurations économiques

La situation énergétique de la France est catastrophique

C’est la grande panique avant l’hiver.

Lors de la conférence de presse du gouvernement pour évoquer la « situation énergétique » du pays en vu de l’hiver, il a été dit la chose suivante par la Premier ministre Élisabeth Borne :

« si chacun prend ses responsabilités, il n’y aura pas de coupures »

Si on interprète correctement, il faut comprendre : c’est tout à fait possible qu’il y ait des coupures de courant et de gaz, alors le gouvernement cherche le moyen de faire porter la responsabilités à d’autres.

D’ors et déjà il est prévu une campagne de communication à destination de la population. On y apprendra des choses du genre il faut éteindre la lumière en quittant une pièce ou lancer une machine à laver en dehors des heures pleines sur le réseau. C’est que les gens sont censés y mettre du leur, parce que la bourgeoisie française n’est plus sûre de sa capacité à fournir le standard de confort et de consommation vanté (et surtout, indispensable au capitalisme).

La crise frappe de plein fouet le pays, et cela va commencer à se voir cet hiver. Il y a clairement une panique au sommet de l’État français, terrifié de voir la population gronder face aux prix, ainsi que l’économie paralysée par des black-out en série.

La situation est en effet catastrophique. En ce qui concerne le gaz déjà, en raison de la guerre économique menée à la Russie par l’OTAN et ses pays membres. Les réserves de gaz pour l’hiver sont faites (à 94%), mais tous cela est précaire s’il n’y a pas de continuité dans l’approvisionnement.

Le directeur général de GRTgaz, le gestionnaire du réseau français, a été on ne peut plus clair dans sa conférence de presse précédent celle du gouvernement le matin même :

« Dans un hiver moyen, la France est capable de faire face à la demande de gaz tout en soutenant le système électrique et en contribuant activement à la solidarité européenne. Mais si l’hiver est froid ou très froid, on pourrait se retrouver en situation de tension plutôt en fin d’hiver, et donc il faut vraiment un effort de sobriété indispensable dès maintenant pour préserver les stockages tout au long de l’hiver ».

Difficile de faire plus explicite : si la population française ne joue pas le jeu, c’est la catastrophe annoncée. Le problème, c’est que le directeur général de GRTgaz a également parlé du mécanisme de solidarité européenne qui fait qu’à partir de la mi-octobre, du gaz doit être livré à l’Allemagne par la France : 100 GWh/jour, « soit la puissance de quatre tranches nucléaires ».

C’est gigantesque, et forcément cela ne passera pas. Les nationalistes et populistes ont déjà sauté sur l’occasion pour critiquer l’Allemagne de manière chauvine. Cela d’autant plus qu’il est déjà prévu des délestages pour les industriels gros consommateurs, c’est-à-dire les secteurs du verre, des engrais, des métaux, de la pétrochimie et de l’agroalimentaire, à moins que ceux-ci ne réduisent la voilure d’eux-mêmes.

On voit là clairement que la crise renforce elle-même la crise, ici en contraignant directement les capacités productives françaises. En parlant de capacités productives françaises, c’est d’ailleurs la catastrophe en ce qui concerne le nucléaire, censé être le fleuron industriel français.

Près de la moitié des réacteurs nucléaires français, soit 26, sont à l’arrêt pour des raison de maintenance. EDF, sous la pression immense du gouvernement, a fournis un calendrier très précis : 5 réacteurs doivent repartir en septembre, 5 en octobre, puis 7 en novembre, 3 en décembre, 3 en janvier et enfin 2 en février.

Sauf que concrètement, rien ne garantit le suivi d’un tel calendrier tout simplement car il n’y a pas la main d’œuvre. La France a des millions de gens dans des bureaux, mais manque d’ouvriers. EDF manque cruellement de tuyauteurs, de soudeurs, de robinetiers, de chaudronniers, pour assurer les travaux nécessaires.

Au passage, on notera que c’est la même chose pour la branche commerciale d’EDF : l’opérateur public a subi pendant des années une fuite de clients suite à l’ouverture du marché à la concurrence. Sauf qu’avec la crise, les prix explosent littéralement chez les opérateurs privés et EDF voit affluer des masses de clients voulant revenir à l’opérateur historique pour bénéficier du tarif réglementé… mais n’a pas le personnel et les moyens techniques pour absorber cela.

En tous cas, la tension sur le réseau électrique français cet hiver va être extrême. Sans compter l’explosion de tarifs pour les collectivités, qui doivent se fournir au prix du marché. La région Ile-de-France a communiqué là-dessus : « la hausse absolument colossale des prix de l’énergie va déferler sur les transports du quotidien ».

Il est prévu une augmentation de 950 millions d’euros des coûts pour l’exploitation du réseau, soit presque un milliard, pour un budget actuellement de 11 milliards.

C’est évidemment pareil pour toutes les villes, surtout celles avec tramways ou métro. Pour la SNCF, le problème se pose également. Et puis il y a le transport de marchandises, essentiellement thermique par camion en France, qui fait face à une explosion des coûts d’exploitation, qui vont forcément être répercutés et renforcer la crise.

Le gouvernement français est face à un mur qui menace de s’effriter. Il continue à vouloir boucher les fuites une par une, en déployant ici un bouclier tarifaire limitant la hausse des prix de l’énergie à 15% en 2023, là des chèques énergie exceptionnels pour 12 millions de foyers considérés comme modestes, etc.

Cela coûterait 45 milliards d’euros à l’État en tout, car il y a aussi des mesures prévues pour les entreprises, surtout les PME. Tout cela alors que l’État français est déjà au bord de la faillite, et que la croissance capitaliste du pays va être totalement chamboulée par les pénuries énergétiques et l’inflation cet hiver.

Les français cigale, ayant chanté tout l’été, un été qui dure depuis des décennie d’abondance capitaliste, vont se trouver fort dépourvus quand la crise sera clairement venue… Ils iront forcément crier famine chez la fourmi voisine, c’est-à-dire l’État, mais il les enverra danser, comme il l’annonce déjà.

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La crise ne fait que commencer…

C’est un processus d’effondrement général.

Après l’insouciance de l’été, voilà la rentrée qui s’impose à tous dans toute sa brutalité. Les français avaient l’impression de sortir d’une crise en continuant leurs « projets » ? C’était nier le réel, un réel où pas un secteur de la société ne vit un processus d’effondrement…

Après les pénuries de main d’œuvre en cascade qui touchent bon nombre de domaines d’activité humaine essentielle, à l’instar de l’éducation nationale, des chauffeurs de bus, les services de santé et de soin à la personne, etc., voilà que la flambée des cours de l’énergie annonce un grand chamboulement.

Si l’on regarde d’un point de vue individuel on peut se dire que le pire sera d’éventuelles coupures d’électricité, une plus grande difficulté à boucler les fins de mois, ce qui est déjà alarmant en soi. En réalité, cela va toucher, et touche déjà le cœur de la vie quotidienne.

Avec pour commencer l’impossibilité annoncée d’ouvrir pour certaines stations de ski. Pour un pays comme la France, dont une partie de la croissance est tirée par le tourisme, c’est très marquant, même si on ne va pas en vacances au ski. On l’a vu lors de la « saison blanche » 2020/2021.

Il en va de même pour les piscines municipales dont une trentaine a d’ores et déjà annoncé l’obligation de fermer à cause des prix de l’électricité, parfois dans des conditions rocambolesques où les collectivités territoriales mandataires étaient prévenues quelques jours, voir quelques heures avant la fermeture !

Pour les familles, cela va poser des problèmes pour les cours de sports scolaires et en club, rajoutant à la désorganisation générale sur fond de galères liées aux pénuries de professeurs.

Et ce n’est que la partie immergée de l’iceberg car ces structures fonctionnent sur contrats établis à l’avance. Combien de stades ou gymnases municipaux vont devoir supprimer des créneaux pour ne pas utiliser l’éclairage ? Quelles autres activités du quotidien vont être touchées, au pire par une fermeture, au mieux par des « régulations » ? Les cantines scolaires vont-elles faire le même choix que cette commune de Seine-Maritime qui a choisi de rationner entre le dessert, le fromage ou l’entrée plutôt que d’augmenter le prix du repas ?

Cela va être vécu comme un véritable cauchemar, avec à nouveau des pertes d’activités, du chômage partiel qui ne pourra de toute manière pas durer éternellement, avec des faillites d’entreprises qui ne pourront pas être soutenues éternellement aussi.

Ce sont déjà de nombreuses grandes entreprises sidérurgiques qui ont annoncé une baisse de leur activité, ce qui va avoir un impact général puisque fournisseurs de matières premières. Le secteur de l’automobile qui sort à peine de la pénurie de semi-conducteurs, et qui reste miné par la sous-consommation, s’inquiète de cette inflation monstre de l’énergie, le tout formant une spirale qui s’auto-alimente jusque vers la récession.

D’autant plus qu’il est clair que la crise de l’énergie va s’installer dans le temps, la guerre en Ukraine n’étant qu’un amplificateur d’un problème d’ordre historique, pour ne pas dire civilisationnel car étant lié à la question centrale du réchauffement climatique et de la construction de nouvelles sources d’énergies moins émettrices de CO2.

Cela même sans parler du fait que justement tout est incertain, de l’issue de la guerre en Ukraine en passant par les multiples zones de poudrière qui peuvent s’embraser à tout moment. Et on aurait tort ici d’oublier les désordres au niveau de l’économie capitaliste elle-même.

Alors que les aides et autres boucliers tarifaires sont prolongés, le risque de faillites en cascades d’entreprises incapables de faire face à la fois aux remboursements de leurs PGE contractés pendant les années de pandémie et à leurs factures d’électricité menacent d’un effondrement général de l’économie capitaliste elle-même.

Et c’est tant mieux ! Enfin, cela serait tant mieux si on avait des secteurs de la population faisant preuve d’une conscience sociale et politique à la hauteur de l’époque. À l’inverse, on a le populisme et l’indifférence qui règnent. Il est frappant de voir à quel point il y a un gouffre entre l’inquiétude de la bourgeoisie qui peine à assurer son rôle de gestion et les gens qui ne se soucient de si peu et sont loin de pouvoir prendre la relève.

Ce qui devrait être pourtant compris, c’est que le capitalisme se heurte à une telle désorganisation qu’il entraîne la société toute entière dans une sorte de chaos généralisé, sans capacité d’organisation rationnelle de longue durée.

Il est un système en fin de course, condamné car reposant sur la pagaille de l’économie de marché… et c’est dans l’ordre des choses que la Gauche historique se batte précisément pour un ordre nouveau.

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« Dark stores » et « dark kitchens » : l’agonie du capitalisme

La société marchande est condamnée.

Depuis plusieurs années, les villes françaises sont polluées par la prolifération de service de livraison à domicile. Cela a d’abord concerné les restaurants déjà en place, puis il y a eu des restaurants se spécialisant dans la livraison, sans aucun service d’accueil sur place. À ces « dark kitchens » s’ajoutent maintenant tout un tas de « dark stores », soit l’équivalent de supérettes ou supermarchés, mais uniquement destinés à la livraison.

Ces entrepôts posent des problèmes évident de nuisance dans les rues où ils sont implantés. D’abord en raison du va et vient des scooters (qui attendent longtemps sur place, sur les trottoirs, les éventuels commandes), mais aussi à cause des livraisons pour l’approvisionnement. Un « dark store », c’est plusieurs camions semi-remorques ou gros porteurs par semaine, souvent tôt le matin, parfois en journée, y compris le samedi. Et ce sans infrastructures, ni aucune concertation préalable avec les municipalités, contrairement aux supermarchés classiques (quoi que c’est de moins en moins vrai pour les supermarchés classiques).

Ces entrepôts sont installés en toute illégalité, et bien sûr en toutes connaissance de cause de la part des entrepreneurs. Il est joué sur la prétention de dire qu’il s’agit de commerces traditionnels (ce qui serait légal), alors qu’ils s’agit manifestement en droit urbain d’entrepôts, donc soumis à des règles et des autorisations particulières.

Il y a quelques jours, l’adjoint à la mairie de Paris en charge de l’urbanisme s’est imaginé porter une grande cause en « dévoilant » un projet gouvernemental de légaliser les « dark stores » et « dark kitchens ». Il s’agit d’un petit article d’un arrêté de la Direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages, permettant de requalifier en « commerces de détail » ce qui est défini comme des « points de collecte d’achats commandés par voie télématique ». Cela mettrait définitivement fin à toute « interprétation » juridique de la chose.

C’est une vision des choses d’ailleurs très cohérente du point de vu capitaliste, car on à là effectivement des points de collecte de marchandises par des particuliers, la seule nuance étant qu’ils sous-traitent cette collecte à des domestiques.

De toutes façon, c’est là un détail tout à fait insignifiant, car en réalité ces entrepôts sont déjà légaux de fait, puisqu’ils se sont implanté de force et que personne ne les a empêché. Ni les administrations, ni les préfectures, ni les municipalités (y compris Paris), n’ont rien fait contre, alors qu’il y avait tout un tas de manières administratives et policières d’empêcher ces activités dès le premier jour.

Ne serait-ce qu’en réprimant concrètement l’occupation illégale de l’espace publique par les scooters accompagnants ces entrepôts. En réprimant l’exercice illégal de l’activité de livraison avec engin motorisé de la part d’auto-entrepreneurs grouillant autour de ces entrepôts. En réprimant la circulation sur bandes et pistes cyclables par les « speed bikes » utilisés par ces entrepôts, qui sont légalement des cyclo-moteurs.

Le ministre délégué à la Ville et au Logement Olivier Klein a mis fin à la polémique en faisant savoir qu’il n’était pas question d’imposer et que les collectivité locales doivent avoir la possibilité de refuser ces « stores », via les plans locaux d’urbanisme. C’est la magie du turbo-capitalisme : d’abord le droit est piétiné par des entrepreneurs, puis la puissance publique, qui n’a plus grand chose de publique, torpille le droit en légiférant dans le sens des entrepreneurs pour accompagner ce qui est déjà en place, et ensuite il prétendu qu’il y a le choix. Le « choix » étant l’alpha et l’oméga du turbocapitalisme.

Fini la démocratie dans sa forme moderne-républicaine donc, avec la bourgeoisie censée être la meilleure représentante de la société. Seul le marché compte avec le « choix » des consommateurs. Mais ce qui est vraiment remarquable dans cette histoire, c’est que même en ce qui concerne le marché, il n’y a en fait pas grand-chose.

Car il ne faut pas s’y tromper. Si ces « stores » représentent en partie une expansion du capitalisme, avec des marchandises disponibles 24h/24 ou presque, ils représentent surtout un ratatinement total du capitalisme. Ces stores n’apportent aucune plus value, ne représentent aucune valeur ni véritable modernité, si ce n’est une façon nouvelle d’avoir recours collectivement à des domestiques, sans être soi-même très riche.

Mais ces « stores » sont très loin d’être rentables et au sens strict, ils forment une concurrence déloyale aux commerces traditionnels. Mais comme les monopoles du commerce traditionnel (Carrefour par exemple) sont en général eux-mêmes actionnaires de ces nouvelles entreprises, alors ils accompagnent le mouvement en s’imaginant être placé pour l’avenir, face à la crise.

Si le capitalisme était vaillant, la bourgeoisie écraserait ces tentatives commerciales ridicules dans les centres urbains, en raison des nuisances évidente qui n’apportent en contre-partie rien au PIB du pays ni à la croissance capitaliste des villes. Mais le capitalisme est en crise, face à un mur, alors tous les moyens sont bons pour espérer. C’est ainsi que s’est développée la croyance (irrationnelle par définition) en les « start-ups » et les applications pour smartphone.

Alors, la modernité capitaliste serait de se faire livrer ses courses commandés sur iphone en 15 minutes, par des domestiques qui ont attendu sagement devant les entrepôts que le consommateurs du futur aient une petite faim, et surtout une grosse flemme de bouger du canapé ou de l’ordinateur. Il y a beaucoup de gens, surtout jeunes, pour trouver cela sympa et payer plus cher leur paquet de chips et leur sauce tomate pour ce « service » 2.0. Mais ce n’est pas ainsi que le capitalisme se sauvera de la crise, bien au contraire.

On peut d’ailleurs se douter qu’avec l’inflation et la crise énergétique, le problème des « dark stores » va être réglé rapidement. Quand les gens vont découvrir leur facture de chauffage cet hiver, alors que tous les prix vont drastiquement continuer d’augmenter en raison également de cette crise énergétique dans l’industrie et le transport, la donne ne sera plus la même. Et l’agonie du capitalisme en sera d’autant plus évidente.

Reste à savoir quelle sera la réponse populaire face à la crise sociale et économique. En attendant, sur le plan culturel, la faillite populaire est évidente, sinon ces absurdes « stores » n’auraient jamais pu voir le jour.

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Restructurations économiques

Électricité : du sang et des larmes cet hiver?

Les masses seront sacrifiées dès qu’il le faudra.

C’est le magazine Marianne qui raconte. Un personne importante de la majorité parlementaire leur confie la teneur des discussions. Les dépenses publiques, cela suffit et on ne pourra pas continuer les chèques à l’infini.

« Il va falloir qu’on arrête de laisser croire que l’État va pouvoir tout compenser quoi qu’il arrive. Qu’il pourra payer malgré la guerre, la hausse des prix de l’énergie des matières premières. »

C’est alors qu’il  « souffle » au journaliste de Marianne son discours de « vérité » :

« Il y a un moment où il faudra passer au discours du sang et des larmes. En tout cas, je vais militer pour ça. » 

Il aurait alors précisé :

« On a commencé à le faire, en annonçant les coupures d’électricité cet hiver. »

En effet, il fallait lire le Parisien (ou Valeurs actuelles qui a repris l’article) pour voir le député Renaissance Marc Ferracci annoncer la couleur :

« Il ne faut pas se mentir, ça va être dur. L’hiver va être compliqué. Tous les efforts sont faits pour limiter les contraintes, mais il va y avoir des contraintes. »

Quelques semaines auparavant, l’idée avait été répandue, y compris par TF1, que le gouvernement prévoyait un décret permettant les coupures d’électricité chez les particuliers, sans indemnisation (contrairement à ce qui se fait pour les entreprises).

Cela a été démenti, y compris par d’autres médias. Mais il y a malgré tout cette petite mélodie des coupures de courant qui est jouée, pour préparer les esprits. En effet, cela n’a rien de farfelu. En mars 2021, RTE (le gestionnaire du réseau électrique en France) avait prévenu dans un rapport qu’il fallait s’attendre à des hivers tendus sur le réseau jusqu’en 2024 en raison des difficultés de production du parc nucléaire.

Celui-ci est vieillissant, et surtout il a subi de plein fouet la crise sanitaire. Les travaux de maintenance ont pris énormément de retard. Et encore, le rapport date d’avant la découverte d’un problème de corrosion obligeant à la fermeture de 12 réacteurs.

Avant 2022, la France était le premier exportateurs net d’électricité (malgré les importations hivernales, elle exportait sur l’ensemble de l’année beaucoup plus). Ce n’est plus le cas et le pays est maintenant, selon un rapport publié début aout 2022, un pays importateur net en raison de ses difficultés de production.

On peut ajouter maintenant que les différentes vagues de canicule de cet été 2022 n’arrangent rien à l’affaire, bien au contraire même. Il y a des autorisation de relâcher de l’eau utilisée par les centrales pour se refroidir à une température plus haute que la normale, en prétendant que cela n’aura pas d’impact écologique.

Et puis il y a le parc automobile électrique qui se généralise, tout comme les trottinettes et vélos électriques qui, s’ils ne pèsent pas grand-chose, expriment une tendance de fond qui contribue à l’augmentation générale de la consommation électrique.

A l’heure actuelle, près de la moitié des 56 réacteurs français sont à l’arrêt. Si l’hiver est froid et avec peu de vent, alors la situation va forcément être très compliquée. Habituellement, la France joue la carte de l’importation hivernale. Sauf qu’avec la crise, et particulièrement en raison de la guerre en Ukraine et des difficultés en ce qui concerne le gaz et le pétrole, tous les pays habituellement fournisseurs vont aussi être en situation tendue.

De toute manière, les capacités françaises d’importation sont limitées pour des raisons techniques dues aux infrastructures. En décembre 2021 la France a déjà frôlé sa capacité maximale d’importation de 13 GW, ce qui n’avait jamais eu lieu auparavant.

En attendant, l’information est déjà sortie qu’EDF a repoussé sept arrêts de réacteurs pour maintenance cet hiver. Au risque de la sécurité ? Les experts en tous genre prétendront évidemment que non, mais en tous cas ce qui aurait dû être fait en termes de révision ne sera pas fait en temps et en heure.

Toujours est-il que si effectivement les particuliers français connaissent des coupures d’électricité cet hiver, cela va faire mal, très mal. Car c’est toute l’illusion de 70 ans de capitalisme stable et inaltérable qui va voler en éclat.

Il n’y a pas eu de coupures organisées, temporaires et prévenues, depuis le début des années 1950 et la généralisation sur tout le territoire d’un réseau moderne fiable et puissant par EDF. Le choc serait terrible, et à cela s’ajoute l’augmentation du prix de l’électricité justement.

La crise menace donc d’éclater au grand jour et il est évident qu’au plus haut de l’État, tout comme dans les plus hautes couches de la bourgeoisie (ce qui revient au même), cela fait trembler. La bourgeoisie envisage concrètement du sang et des larmes, car il sera hors de question pour elle de se remettre en cause, ni culturellement, ni en termes de train de vie. Et c’est aux classes populaire que sera envoyée la facture de la crise.

Quelle sera justement la réponse populaire ? Voilà tout l’enjeu de la période à venir.

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Restructurations économiques

Les signes avant-coureurs d’une crise de l’euro

L’euro pourrait bientôt s’effondrer.

C’est un cap symbolique qui a été passé le 12 juillet 2022, l’euro ayant atteint la parité avec le dollar. Autrement dit, un euro = un dollar, alors qu’auparavant l’euro était systématiquement plus fort que le dollar quasiment depuis sa création. C’est le résultat d’une dépréciation de 19% depuis le début de l’année 2022 et de 37% par rapport au record d’avril 22 avril 2008, lors de la crise financière touchant de plein fouet les États-Unis.

L’euro perd donc substantiellement de la valeur, car le dollar est la valeur étalon du capitalisme mondial. Cela reflète les faiblesses de l’espace économique européen qui sera bientôt touché-coulé par la crise. Car en pratique, si l’euro baisse ainsi, c’est parce qu’il y a un mouvement général de défiance à son égard, pour des raisons objectives très simples à comprendre.

La première, c’est que la Banque centrale européenne a joué avec le feu lors de la crise sanitaire en permettant aux États européens de s’endetter encore plus massivement qu’ils ne l’étaient déjà. De l’argent magique est apparu par milliards pour sauver le capitalisme sonné par la covid-19. Mais cet argent n’avait en réalité rien de magique et voilà la facture arrive. De l’euro est sorti de nulle part, alors il y a maintenant un rattrapage avec une dévalorisation de cette monnaie.

Bien sûr, le capitalisme américain n’a pas été en reste en ce qui concerne l’argent magique. Et, en substance, la valeur du dollar aussi est menacée. Mais la situation américaine est différente en raison de l’hégémonie du dollar et de la puissance économico-politique américaine.

Cela fait que concrètement la banque centrale américaine, la FED, a agi très tôt pour contre-carrer les effets de l’argent magique. Elle a resserré sa politique monétaire (hausse des taux directeurs) depuis le mois de mars, puis une seconde fois en juin. Alors que de son côté la Banque centrale européenne ne le fait qu’en juillet. De plus, cette dernière part de très loin, car les taux d’intérêt ont été négatifs (une absurdité typique de la crise du capitalisme), ce qui n’avait pas été le cas aux États-Unis.

L’autre grande difficulté européenne est sa grande disparité. L’écart le plus significatif, et le plus regardé, est-celui entre l’Allemagne et l’Italie. D’un côté l’Allemagne est considérée comme solide, a une dette considérée comme soutenable : elle emprunte donc pour pas cher. Au contraire, l’économie italienne est considérée comme faible en raison d’une dette publique astronomique, à proprement parler insoutenable : l’Italie emprunte donc à des prix élevés.

Cette différence entre les taux allemands et italiens est scrutée de près, le termes pour la désigner est le spread. C’est en soi un sujet de discorde qui affaiblit l’euro.

Si ce spread est élevé, cela signifie une zone économique déséquilibrée, et donc une monnaie euro qui n’est pas fiable. Alors il y a la volonté de réduire artificiellement ce spread en dirigeant une politique monétaire forte vers l’Italie (entre autre) avec du rachat d’actifs italiens. Le problème, c’est que cela revient encore à produire de l’argent magique et ne fait que repousser l’échéance.

L’Allemagne considère donc qu’il n’est pas question de courir ce risque et que les pays comme l’Italie devraient tout simplement comprimer leur dette en réduisant la voilure de leurs budgets, ce que les bourgeoisies de ces pays refusent catégoriquement de faire pour l’instant. Le spread va donc continuer de grandir, ce qui continue donc d’affaiblir l’euro et de miner la confiance en cette monnaie.

Et comme l’Allemagne elle-même, moteur économique de la zone euro, est affectée directement par la crise, de manière toujours plus violente, alors il n’y a rien pour améliorer la situation de l’euro et de la zone économique européenne. Le secteur industriel allemand fait face aux pénuries de composants asiatiques et d’approvisionnements énergétiques, ce qui menace de fait tout le continent.

Il y a là une spirale négative qui va s’accélérer maintenant avec la faiblesse de l’euro par rapport au dollar. Tout simplement car maintenant, avec leurs euros, les pays européens pourront acheter moins de marchandises en dollars, la monnaie de référence mondiale. Inversement, il y a bien sûr un avantage, mais comme les pays de l’Union européenne exportent peu, ou de moins en moins, cet avantage est très relatif.

La dépréciation de l’euro face au dollar vient donc directement et concrètement renforcer l’inflation des prix, ce qui ajoute encore un problème au problème. L’Union européenne et la zone euro qui lui est liée est face à un mur. La crise ne fait que commencer et la crise de l’euro en sera probablement une première manifestation violente.

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Restructurations économiques

Investissement dans les semi-conducteurs en France, un pas de plus vers le Brexit à la française

La restructuration du capitalisme suit son cours.

La crise économique issue de la pandémie de covid-19 a permis de battre en brèche un mythe relativement diffusé dans certaines sphères de la critique du capitalisme, celle d’un capitalisme fondé dorénavant sur le travail immatériel.

La pénurie de semi-conducteurs qui a commencé à l’automne 2020 a rappelé que le capitalisme d’aujourd’hui restait fondé sur le même principe que celui d’hier : l’existence d’une base productive bien matérielle. Car il n’y a ni téléphones portables ni ordinateur, ni même rien d’électronique sans les puces électroniques et donc les semi-conducteurs, ces petites plaquettes de silicium sur lesquelles sont gravées des circuits intégrés.

Mais voilà, cette base productive est massivement détenue par des pays asiatiques, et notamment des industries géantes telles que Samsung en Corée du Sud et TSMC à Taïwan.

Et si cela ne posait pas de réels problèmes jusqu’à la pandémie de Covid-19, la désorganisation en chaîne a provoqué des pénuries telles qu’elles menacent la relance de l’industrie automobile et plus généralement celle de toute l’économie.

Car la production de semi-conducteurs, ce n’est pas simplement la fabrication d’objets connectés, c’est aussi la condition pour des tas de branches industrielles de pouvoir bien fonctionner.

C’est pourquoi le plan France relance 2030 a placé au centre des investissements publics ce secteur clef, en visant une base productive existante qu’est le bassin de Grenoble où se concentrent des industriels du secteur, dont le fabricant franco-italien ST Microelectronics installée depuis 1992.

Ce mardi 12 juillet, Emmanuel Macron était ainsi à Crolles pour annoncer l’investissement de 5,7 milliards d’euros d’argent public pour la construction d’une nouvelle unité productive de semi-conducteurs de 12 nanomètres sur la base d’un partenariat entre Global Foundries, le numéro 2 de la fonderie de gaufrettes de silicium, et ST Microelectronics. Elle devient l’une des plus importantes pour cette production en France.

C’est là clairement une manière d’assurer le positionnement de la bourgeoisie française sur le marché, à la fois pour donner un signal clair dans la capacité d’accumulation en France au vu du contexte explosif de la dette publique française, et à la fois pour assurer la « souveraineté industrielle » de la France.

A ce titre, on voit combien la CGT est toujours plus intégrée à la restructuration du capitalisme français, puisque les syndicats CGT de ST Microelectronics et de Soitec (un autre leader du secteur dans le bassin grenoblois) appelaient en octobre 2021 à la naissance d’un « TSMC européen »….

Et cela entre parfaitement en adéquation avec Emmanuel Macron qui est un tenant de la ligne libérale-européenne, et c’est pourquoi il a pu compter sur la présence du commissaire européen au marché intérieur Thierry Breton, qui a rappelé l’inscription de cet d’investissement dans un plan européen plus large , le « Chips Act » ou paquet législatif sur les semi-conducteurs.

Thierry Breton a parlé d’ailleurs de « reconquête stratégique », ce qui en dit long sur la nature de l’Union européenne, qui n’est rien d’autre qu’un organisme au service des grandes entreprises principalement françaises, allemandes et italiennes.

De fait, c’est une fois de plus une marche en avant vers le Brexit à la française, car on notera la place fondamentale des semi-conducteurs dans toute la chaîne de production industrielle, mais aussi évidemment pour les équipements militaires.

Ce n’est pas pour rien si des embargos pèsent sur la Chine pour se procurer de semi-conducteurs d’une très petite taille auprès du fondeur taïwanais TSMC, tout comme la Russie est privée par les embargos occidentaux des semi-conducteurs du sud-coréen Samsung…

Derrière la souveraineté industrielle ne se cache ni plus ni moins qu’un objectif de fortification nationaliste, en vue d’assurer l’indépendance de la bourgeoisie dans sa relance de l’accumulation du capital.

Et cela ne présage évidemment rien de bon pour les ouvriers de cette industrie, dont le travail, déjà ennuyeux, très répétitif et soumis à une hiérarchie rigide, va être de plus en plus soumis à l’unité nationale avec le capitalisme.

Une perspective qui vise ni plus ni moins qu’à assurer la place de la France en tant que grande puissance dans le monde, un monde courant droit vers la guerre…

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Restructurations économiques

Plan gouvernemental de « résilience » pour subventionner les entreprises

La collectivité va payer la crise, pour sauver le capitalisme.

La guerre en Ukraine a déclenché une nouvelle vague de tensions économiques. Le secteur de l’énergie, décisif, est directement impacté avec une envolé de certains prix, alors que ceux-ci ont déjà fortement augmenté depuis le début de la crise sanitaire en 2020.

Cette inflation des prix de l’énergie ne tombe pas du ciel. Elle n’est pas non-plus un plan machiavélique de la part de « spéculateurs » sur les marchés financiers. Non, c’est une application concrète et immédiate de la crise, qui touche de manière profonde et générale le capitalisme depuis 2020. C’est une crise dans la crise, un aspect particulier (et primordial), de la crise, sur le plan économique.

On pourra toujours chercher les aspects particuliers et précis qui expliquent tel ou tel prix, telle ou telle envolée. C’est important, ce serait toutefois perdre de vue l’essentiel. Ce qu’il faut comprendre surtout, c’est que le mode de production capitaliste est instable par nature, qu’il ne peut qu’aller de crises en crises, comme l’a montré de manière scientifique Karl Marx dans son fameux ouvrage Le Capital.

Face à ce constat, il y a deux réponses possibles. Soit une réponse ouvrière, consistant en le dépassement du capitalisme pour orienter l’économie de manière nouvelle, collective, démocratique, planifiée. Soit une réponse bourgeoise, qui consiste à vouloir sauver les meubles par la force, en restructurant le capitalisme au moyen d’une pression accrue sur la société.

C’est exactement ce qui est en train de se passer en ce moment, avec une nouvelle étape franchie en France au moyen d’un nouveau plan, cette fois nommé « plan de résilience » présenté par le gouvernement le 16 mars 2022.

Déjà, rien qu’avec le nom, on comprend la nature de la chose. La « résilience » est une métaphore pour exprimer l’idée de capacité à surmonter un choc ; en physique la résilience est la valeur caractérisant la résistance au choc d’un métal. La crise est là, et il va falloir y faire face par la force, pour sauver le capitalisme coûte que coûte.

En l’occurrence, pour l’instant, la « force » consiste en le fait de mettre de l’argent sur la table, beaucoup d’argent, énormément d’argent, pour les entreprises. Voici les principales mesures de ce nouveau plan :

  • aide spéciale pour les entreprises dont les dépenses en énergie (gaz, électricité) pèsent plus de 3% du chiffre d’affaires et avec une facture énergétique augmentée d’au moins 40% depuis le début de la guerre en Ukraine. Cela concerne beaucoup d’entreprises, et surtout beaucoup d’argent : le ministre de l’Économie Bruno Le Maire estime cette mesure à… 3 milliards d’euros.
  • prolongement et renforcement du PGE (prêt garantie par l’État) mis en place avec la crise sanitaire, ainsi que des mesures de report de charges.
  • aide financière exceptionnelle, équivalente à 35 centimes par litre de gazole de pêche pour les pêcheurs, 400 millions d’euros pour compenser les pertes dues à l’envolée du coût de l’alimentation animale pour les éleveurs et acompte de 25% du remboursement de la TICPE sur le gazole non routier pour tous les agriculteurs.
  • 15 centimes par litre de remise sur le prix de l’essence et du gaz naturel véhicule (GNV) pour les entreprises du transport.
  • aides spécifiques pour les entreprises exportant une partie de leur production à l’étranger.
  • mesures en faveurs des entreprises du bâtiment pour inclure les hausses de coûts non prévues dans les contrats initiaux.

En plus de cela, dans sa concurrence acharnée contre la Russie, l’État français lance un « appel à projet » pour subventionner jusqu’à la fin d’année les entreprises voulant couper les ponts avec la Russie.

Ce qui saute aux yeux, c’est évidemment que l’État n’a pas du tout cet argent. L’État français était très endetté et déficitaire avant la crise sanitaire. Il s’est encore plus endetté avec la crise sanitaire pour porter à bout de bras des pans entiers du capitalisme, en mettant de nombreuses entreprises sous perfusion. Et cela continue, l’État s’endette à nouveau drastiquement pour subventionner directement les entreprises.

C’est donc là le premier aspect de la restructuration du capitalisme dans le cadre de la crise : faire payer la crise à la collectivité au moyen de la dette publique.

Ce n’est là qu’une première étape, car l’argent magique n’existe pas, et il va bien falloir payer toutes ces subventions aux entreprises. Ce qui va se passer ensuite, et probablement très bientôt, est évident. La prochaine étape de la restructuration du capitalisme sera une accentuation drastique de la pression sur le travail, pour faire payer la crise aux travailleurs et non pas aux entreprises.

Baisse des salaires qui ne suivent pas l’inflation, moins bons remboursements de sécurité sociale, moins bonne assurance chômage, recul du droit à la retraite, augmentation du temps de travail et intensification du travail lui-même, effondrement des services publics et des dépenses sociales-culturelles : telle est l’actualité, qui va se renforcer drastiquement dans la période qui s’ouvre.

C’est ni plus ni moins que la lutte des classes, qui va redevenir la grande actualité de la société française.

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Société

Le covid, donc la guerre

Il n’y a pas de hasard ni de plan, c’est la crise générale du mode de production capitaliste.

L’épidémie de Covid-19 a été un coup de massue pour les français, qui au début ont rêvé d’un monde d’après. Il y a eu un début de réflexion sur le capitalisme et l’écologie, puis le déni s’est mis en place avec le grand retour des comportements libéraux et la mentalité « après moi le déluge ».

Il n’empêche que l’agenda imposé par le covid a profondément marqué les gens.

L’arrivée de la guerre en rajoute à l’hébétude, avec l’impression générale d’aller de Charybde en Scylla, comme succession de hasards malheureux. Certains veulent y chercher une signification, sachant que le hasard n’existe pas, ce qui est vrai, mais comme la gauche est faible, cela se résume à une lecture complotiste ou un refuge dans la religion, ce qui revient au même.

Seule la connaissance scientifique du capitalisme permet de conjurer les lectures fatalistes liées au hasard et celles idéalistes du grand plan. En effet quiconque voit les choses en terme de lutte des classes aurait dû prévoir que le grand arrêt dans les chaînes de production capitaliste et l’injection de quantité astronomiques d’argent fictif allait mener les grandes puissances à la guerre.

C’est ce que la revue Crise a documenté depuis le mois de mai 2020 et en cela c’est un travail incontournable.

Ce n’est donc pas le covid, puis la guerre mais le covid donc la guerre.

Concrètement, les grandes puissances capitalistes sont endettées jusqu’au cou et la production est mise sans dessus dessous par des ruptures d’approvisionnement, des ruptures de main d’œuvre et dans les secteurs stratégiques qui freinent la restructuration et nécessite de nouvelles alliances.

L’économie est désorganisée, la pagaille règne, l’incertitude gagne les esprits, les opinions publiques sont tendues.

Il y a donc un besoin d’une remise en ordre qui provient de la grande bourgeoisie et qui n’a comme seule option le fascisme et la guerre, le fascisme donc la guerre, la guerre donc le fascisme. 

Les grandes puissances sont donc des « challengers » à la veille d’un grand repartage du monde et les vieilles alliances sont pleines de tensions internes.

La position internationaliste adéquate fera la différence sur le temps long et il ne s’agit pas ici d’une solidarité abstraite et de vague dénonciation mais d’une lutte contre les points de vue nationalistes qui vont former un étau toujours plus étouffant.

L’Internationalisme doit saisir tous les aspects de la crise pour refléter les besoins vitaux des peuples. Tout est en rapport, y compris ce qui nous a mené ici, la fuite en avant dans la destruction généralisée de la nature, les impérialismes, les tensions internes aux nations avec la montée du fascisme dans le monde, le triomphe de la consommation…

Seuls les grands idéaux du mouvement ouvrier peuvent mener à l’unification de l’humanité et la fin de ces guerres fratricides. 

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Guerre

Guerre : l’économie mondiale en panique

L’invasion de l’Ukraine précipite la crise économique.

La Bourse de New York a ouvert jeudi 24 février à 15h (heure de Paris) en forte baisse, l’indice Dow Jones poursuivant son effondrement dès la première demi-heure (une perte de 630,6 points, soit 1,9%). Idem pour le Standard & Poor’s 500 (-1,97%) et le Nasdaq Composite (-1,91%).

C’est que la crise est totale. L’ordre mondial est chamboulé et la panique est générale. En pénétrant militairement en Ukraine, Vladimir Poutine a fait bien plus que déclencher une guerre : il précipite définitivement le monde dans une grande crise, sur tous les aspects, y compris donc économique.

La lame de fond balaye tout et si on ne regarde que l’économie américaine, la plus grande puissance mondiale, on voit qu’avant même l’ouverture de la bourse, c’était un tremblement de terre jeudi 24 février. Les plus importantes capitalisations telles Apple, Alphabet (Google) et Microsoft était en recule important (respectivement -4,05%, -2,38% et -3,04%).

Mais au-delà de ces chiffres relatifs et circonstanciels, il y a surtout que l’économie mondiale était déjà sur des sables mouvants, tenue à bout de bras par les banques centrales mondiales dopant artificiellement les marchés à coup d’argent magique par milliards. La promesse d’une sortie imminente de crise sanitaire servait de ciment à l’immense mensonge de la croissance revenue, ou revenant, mais la guerre en Ukraine vient clairement doucher les espoirs du capitalisme.

Là où la crise est le plus marqué, c’est en toute logique dans le secteur de l’énergie, qui est déjà en très forte tension depuis le début de la crise sanitaire. Cela fait des mois que les prix sont hauts, voire très hauts, alors que les difficultés d’approvisionnement et de production ne font qu’alimenter encore plus l’inflation des prix. La guerre en Ukraine vient encore plus précipiter les choses et accélérer la crise.

Le baril de pétrole WTI américain a dépassé le seuil symbolique des 100 dollars. Idem pour le baril de Brent de la mer du Nord atteignant les 105 dollars, alors qu’il ne passait pas la barre des 90 dollars la semaine dernière (il était à 66 dollars début décembre 2021 et il descendait sous les 15 dollars au printemps 2020). L’explosion des prix de ces deux valeurs pétrolières directement due à l’annonce de la guerre est de plus de 7 % ; ce n’est probablement qu’un début.

Ce qui affole les marchés et le cours des valeurs énergétique, c’est bien sûr le fait que la Russie est l’un des premiers producteurs mondiaux de pétrole. Il y a la crainte de ruptures, ou en tous cas de difficultés majeures d’approvisionnement. En cas de rupture majeure, les autres grands pays producteurs ne pourraient véritablement compenser. C’est particulièrement le cas en ce qui concerne le gaz russe, dont le monde entier est dépendant. La Russie est le premier exportateur mondial de gaz naturel.

La France en est totalement dépendante, comme l’a rappelé le groupe TotalEnergies. Le président du groupe a même prévenu : «Si le gaz russe ne vient pas en Europe, on a un vrai sujet de prix du gaz en Europe». De fait, les prix ont déjà explosés, de 40% à 50 % sur la journée. C’est gigantesque et il faut prendre la mesure d’une telle situation. Le monde a véritablement changé, la crise se précipite.

Toutes les chaînes industrielles sont concernées directement, ainsi que le logiquement le transport, qui est lui aussi déjà en crise. La panique est immense également jeudi 24 février sur les marchés concernant les matières premières, tels l’aluminium, le blé ou le colza qui ont battu des records.

De fait, les principales places boursières européennes ont connu un petit « jeudi noir ». La bourse de Paris a clôturé en forte baisse de 3,83% après un pic à -5% en milieu de journée. Même chose à Francfort (3,96%), Milan (-4,10%) et Londres (-3,82%). Les Bourses russes quand à elles se sont effondrées de plus de 30%.

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Société

«Le souvenir de la bulle internet de la fin des années 1990 refait surface»

Dans son rapport trimestriel publié lundi 1er mars 2021, la Banque des règlements internationaux (BRI) pointe du doigt une envolée sans précédent sur les marchés financiers et dénonce des coups de folies. Elle fait ouvertement référence à la bulle internet de la fin des années 1990.

La BRI est une société détenue par les plus importantes banques centrales mondiales, c’est une sorte de garant de la coopération de l’ensemble des monnaies. L’une de ses principales mission est de garantir la stabilité monétaire et financière mondiale et il y a justement à ce propos un vent de panique.

La « banque des banques centrales » ne peut en effet que constater à quel point les prix de certains actifs se sont envolés au cours des derniers mois, ainsi que l’augmentation des introductions en bourse. Autrement dit, il y a énormément de spéculation et beaucoup de risques sont pris en conséquence des plans de relances faramineux des États, alors que les entreprises sont extrêmement endettées et que les conditions d’accès à l’emprunt sont extrêmement facilitées.

Il y a ainsi des fondations fragiles, sur lesquels viennent se produire des mouvements financiers irrationnels à grande échelle. Il est par exemple cité dans le rapport, sans le nommer explicitement, l’exemple de Signal. On se rappelle que le patron de Telsa, le très médiatique Elon Musk, avait incité les gens à utiliser l’application de messagerie Signal en lieu et place de WhatsApp. Cela avait immédiatement engendré une flambée de l’action « Signal Advance », de 11 560 % en 4 jours… Sauf que l’entreprise en question n’a rien à voir avec l’application Signal et son cours s’est ensuite effondré de 92 %.

L’entreprise Telsa est d’ailleurs elle-même un cas d’école. Sa valorisation est énorme, son action a bondi de près de 1000 % en un an, mais cela repose essentiellement sur du vent, de la communication, alors qu’elle ne produit que quelques centaines de milliers de voitures contre des millions pour les grands groupes du secteur.

La Banque des règlements internationaux est également très inquiète de la possibilité de grands mouvement financiers coordonnés par des petits investisseurs privés, en fait des boursicoteurs se concertant sur les réseaux sociaux. Il y a bien sûr l’épisode récent de l’action GameStop (une chaîne de magasins de jeux vidéos, qui possède l’enseigne Micromania en France) où des « petits » ont empoché des millions et coûté quelques milliards de dollars à des gros fonds de pensions.

Tout cela n’a bien entendu aucun rapport avec l’économie réelle (par exemple l’entreprise GameStop est extrêmement endettée et n’a aucune perspective), et relève d’une profonde irrationalité. L’exemple le plus flagrant est la folie des « cryptomonnaies », avec surtout le bitcoin dont le cours atteint des sommets astronomiques. Il ne s’agit aucunement d’une monnaie et cela n’a absolument aucune valeur à part être un actif ultra spéculatif ne servant… qu’à spéculer.

Il y a en fait dans l’économie tellement de richesses que celles-ci ne savent même plus où se diriger ni comment se diriger et cela part dans les tous les sens. Ce n’est pas nouveau, mais la pandémie ayant mis un coup d’arrêt à l’économie, cela a brusquement généré des quantités massives d’épargne, c’est-à-dire de capital, du patrimoine privé, cherchant à se placer.

Et comme l’économie de la finance réagit essentiellement à des tendances, et non pas à des valeurs réelles, alors puisque l’économie repart, cela génère des tendances à la hausse et donc des emballements spéculatifs. Le mouvement est bien sûr renforcé par la perspective des plans de relances des États et l’action monétaire forcenée des banques centrales. Cela est forcément très inquiétant pour qui regarde les choses avec sérieux et ce n’est donc pas pour rien que la Banque des règlements internationaux parle d’un « souvenir de la bulle internet de la fin des années 1990 [qui] refait surface ».

Il ne va pas suffire de grand-chose pour que le château de carte s’effondre ; la perspective d’un grand crash boursier ou d’une grande crise financière mondiale est une actualité tout à fait concrète pour le capitalisme.

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Politique

Le populisme d’Arnaud Montebourg à propos de la dette

Arnaud Montebourg fait partie des figures politiques dont il est de plus en plus souvent parlé pour l’élection présidentielle de 2022. Chantre du « made in France », sa marque de fabrique est une sorte de nationalisme « de gauche », c’est-à-dire qu’il fait du Marine Le Pen, mais en plus « soft » si l’on veut. Son nouveau credo, pour se donner un air « de gauche », est de prôner un peu partout l’effacement de la dette publique : c’est là du populisme, dans le but d’éviter à tout prix la lutte des classes.

Structurellement, le capitalisme fonctionne depuis de nombreuses années par la dette. Les grands États modernes sont endettés et s’endettent en permanence, mais c’est également le cas des grandes entreprises mondiales. La crise sanitaire du Covid-19 a profondément accéléré ce processus tout au long de l’année 2020 et cela devient de plus en plus une source d’inquiétude.

En effet, qui dit dette, dit remboursement et à un moment donné la question se pose toujours de savoir « qui va payer ». Par divers artifices, les banques centrales arrivent à repousser le problème en déversant artificiellement de la monnaie dans l’économie. Ce n’est pas nouveau, mais là encore cela s’est approfondie durant cette année 2020.

N’importe qui ayant un esprit rationnel et connaissant la vie quotidienne dans le capitalisme sait très bien qu’il n’y a pas d’argent magique. Alors quand de l’argent est créé ou emprunté, il faut bien que cela corresponde à une certaine valeur, et donc que quelqu’un en paie le prix, si ce n’est tout de suite, au moins à un moment donné. Pour payer, il y a la monnaie bien sûr, qui est dépensée ou dévaluée, mais il y a aussi et surtout le travail (qui est de toutes manières toujours à l’origine des richesses).

La réponse de la Gauche à cela, en tout cas de la Gauche historique, est très simple : il faut mener la lutte des classes, pour que ce soit la bourgeoisie qui paie et rogne sur son mode de vie, mais certainement pas les classes populaires qui devraient être plus pauvres et travailler plus. Cela nécessite cependant d’assumer l’affrontement contre le capitalisme et ses représentants, ce dont une personne comme Arnaud Montebourg (qui se vante d’être un chef d’entreprise) ne veut surtout pas entendre parler.

On peut même dire qu’Arnaud Montebourg a une crainte profonde à l’idée que les masses puissent se révolter contre le capitalisme, comme il l’explique à la presse :

« Si quiconque est capable de me dire comment nous allons rembourser 500 milliards de dette en plus, soit sept fois le produit annuel de l’impôt sur le revenu… C’est impossible, et nous ne pourrons pas le faire sans des jacqueries et des révoltes »

Pour éviter cela, il veut acheter la paix sociale et a donc une « magnifique » idée… Annuler purement et simplement la dette ! Un coup de baguette magique de la Banque centrale européenne, abracadabra les problèmes disparaissent !

Il prône donc :

« une annulation concertée de toutes les dettes Covid de tous les pays de la zone euro, et un rachat massif par la Banque centrale européenne, qui ne spoliera personne. »

Cela n’a aucun sens, à moins de risquer un effondrement total de l’économie, par une perte de confiance généralisée engendrant une crise sans précédent. Il y a toutefois de prétendus économistes pour expliquer aux gens qu’ils n’ont rien compris et que tout est possible dans le capitalisme, tellement le capitalisme est merveilleux. C’est le cas par exemple de Gaël Giraud du CNRS, sur lequel s’appuie Arnaud Montebourg pour défendre ses thèses fantaisistes.

Ces gens-là sont des menteurs bien entendus, mais leurs prétentions sont bien formulées et peuvent avoir de l’audience, surtout dans un pays comme la France qui a décidé de s’asseoir sur la lutte des classes depuis des années et des années pour croire au capitalisme (tout en prétendant ne pas y croire, pouvoir le réformer, etc.)

Mais on n’arrête pas ainsi la roue de l’Histoire et les gens comme Arnaud Montebourg n’iront pas bien loin quand celle-ci reprendra ses droits. Il en sera alors fini des mensonges populistes et ce sera à nouveau, enfin, l’époque de la lutte des classes ! Si les classes populaires ne veulent pas payer le prix de la dette « Covid », elles doivent faire payer la bourgeoisie : c’est aussi simple que cela !