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Société

La drogue se banalise toujours plus en France

Dans un document publié début de décembre 2020, l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies fait le point sur les tendances récentes (depuis 2019) à propos des usagers et des marchés de substances psychoactives. Le constat est simple : les tendances en cours depuis 20 ans s’aggravent, la drogue se banalise et son commerce est de plus en plus sophistiqué.

L’Observatoire français des drogues et des toxicomanies a un dispositif particulier pour saisir les tendances récentes et nouvelles drogues, en s’appuyant sur des données de terrains minutieusement récoltées. Au sens strict, on n’apprend pas grand-chose de nouveau dans le bilan qui est fait en décembre 2020, si ce n’est que la situation empire.

En ce qui concerne les personnes marginalisées et ayant une consommation particulièrement dure de drogues, il n’y a aucune avancée. Il y a une tendance a écarter ces personnes du cœurs des grandes villes, mais l’héroïne et le crack, ainsi que l’alcool, continuent leurs ravages à la périphérie des villes, menant à des situations d’autant plus précaires pour les toxicomanes que l’État les laisse volontairement vagabonder.

C’est la même chose pour le milieu de la techno, particulièrement pour sa frange urbaine où la drogue continue son expansion. L’observatoire explique de manière très précise le phénomène de banalisation de la MDMA (ecstasy) qui accompagne la généralisation des soirées techno dans des lieux officiels, ou semi-officiels comme les soirées warehouses en périphéries des grandes villes, phénomène absolument massif en 2019.

Les before et afters, c’est-à-dire les rassemblement à domicile entre amis avant ou après les soirées en club ou warehouse, sont également des lieux de généralisation de la drogue, et surtout de diversification des produits. Les free parties restent toutefois les lieux où la consommation de drogue est est la plus intense et diversifiée, avec notamment le LSD, la kétamine, les champignons et la DMT.

Toutefois, le phénomène le plus marquant pointé par le rapport de l’Observatoire est l’accroissement fulgurant des réseaux de livraison à domicile permettant d’écouler des quantités toujours plus grandes de marchandises.

Cela date déjà d’il y a quelques années, mais il y a clairement un tournant et la France se retrouve maintenant submergée par la drogue, en raison d’un réseau de distribution absolument massif. En clair, au moyen des différents réseaux sociaux, les réseaux mafieux s’invitent directement chez les consommateurs et banalisent totalement leur marchandise.

En 2019, puis en 2020 avec le confinement, cela ne concerne plus seulement les bourgeois des grandes villes, mais le phénomène « s’étend aux zones périurbaines, concourant à une disponibilité accrue des produits illicites sur l’ensemble du territoire. »

Les saisies records par les forces de l’ordre pour l’année 2019 montre un accroissement massif de la circulation de drogue, particulièrement pour la cocaïne, alors que dans le même temps les services de polices se retrouvent littéralement submergés par les trafics.

Le constat est également que les prix sont très stables et les produits très concentrés, avec des teneurs en augmentation. C’est le reflet d’un commerce international extrêmement dynamique et florissant.

On a donc une société française particulièrement malade, où la drogue s’impose dans le quotidien d’une part toujours plus grande de la population, et pas seulement dans la jeunesse. Parallèlement, l’État est pratiquement aux abonnés absent, laissant les réseaux mafieux gagner du terrain et de l’influence en toute quiétude. Dans un tel contexte, la perspective pour les cinq prochaines années est particulièrement alarmante.

Il y a urgence : il faut écraser avec force les réseaux mafieux et combattre avec acharnement l’influence culturelle de la drogue, particulièrement dans la jeunesse. C’est une des tâches historiques les plus fondamentales de la Gauche dans un pays comme la France.

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Politique

Le Parisien, le PCF et le dealer

Le Parisien a publié un article évoquant le PCF Saint-Ouen qui peut provoquer de la surprise, voire de la stupéfaction, au point qu’on se dit qu’on y comprend plus grand-chose…

Le 29 août 2020, il y avait ce message publié sur le compte Twitter du PCF où on lisait :

« Trafic d’armes, trafic de drogues, trafic de personnes, reprenons le pouvoir dans toutes les rues de la République. »

Ce message a beaucoup fait jaser, parce qu’il sous-tend de reprendre la rue face à des gens violents. Et quand le PCF dit ça, cela a du sens, car de par le passé, il y a plusieurs décennies, il visait l’hégémonie dans les quartiers populaires, avec des comportements types, des valeurs, etc.

Bref, cela a choqué les libéraux et autres tenants d’une société « inclusive ». Démagogie du PCF, retour aux sources ? La question pouvait se poser, puis il y a eu un article du Parisien du 15 septembre 2020.

On se dit alors qu’il y a une erreur dans cet article, dont le titre est « Mort de Sofiane et Tidiane : une «exécution» qui bouleverse Saint-Ouen ». On se dit, cet article va être modifié. Ce qu’on lit n’est pas possible. Cela ne peut pas être à ce point là.

L’histoire est on ne peut plus sordide, puisque deux jeunes de 25 et 17 ans ont été abattus dans une cave de la cité Soubise de cette ville de Seine-Saint-Denis. Le premier des deux  étant considéré, dans l’article, comme le chef du réseau local de drogue. Si l’on s’arrête là, c’est un affreux fait divers, reflétant une violence toujours plus grande et diffuse dans la société. Les dealers ne reculent devant rien et si on ne les stop pas…

Sauf qu’en même temps, cette personne est présentée par Le Parisien comme un encarté au PCF, sympathique, conscient, engagé. À lire l’article, il faudrait être admiratif, même. La suggestion de son activité de deal est mentionnée comme en passant, comme s’il était le garagiste du coin :

« Une source proche du dossier affirme que « le plus âgé était identifié comme étant le chef du réseau local du trafic » (…).»

Pour le reste, c’est un article unilatéral, avec un grand lyrisme dont voici quelques exemples :

« Un jeune adorable, un bel esprit », résume Jacqueline Rouillon, ancienne maire (PCF) de Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis) et très proche de la victime (…).

Sous le choc, Jacqueline Rouillon confie : « Je ne veux pas y croire. Pas lui. Il avait trop envie d’avoir une belle vie. Il avait d’ailleurs repris des études en BTS commerce et ressources humaines, mais il n’était pas parvenu à trouver un maître de stage cette année, comme beaucoup de jeunes. »

C’était aussi un compagnon de militantisme. Il avait pris sa carte au PCF et il était membre de l’association Citoyens solidaires. « Il était très présent dans la vie locale, mais il ne s’est jamais présenté sur une liste », précise-t-elle. L’ancienne maire veut retenir surtout sa personnalité « attachante ». « Tout de suite, il déclenchait la sympathie ». Denis Vemclefs, élu d’opposition, renchérit : « Nous avions beaucoup de discussions sur l’avenir des quartiers populaires. Il avait une réelle conscience politique. » (…).

Ce nouvel accès de violence illustre l’interminable guerre de territoire pour le contrôle des juteux points de stups de Saint-Ouen. Depuis juin, les règlements de comptes à coups d’arme à feu n’ont pas cessé dans la cité. »

On se dit donc que soit Le Parisien délire, soit c’est le PCF de Saint-Ouen qui délire. Et il semble bien que ce soit la seconde option, puisque la section PCF a réagit dans un communiqué, qui ne confirme pas l’appartenance au PCF, mais valide tout à fait l’existence du trafic de drogue et salue la mémoire du jeune homme…

Voici le communiqué :

« Ce mardi 15 septembre deux jeunes Audoniens ont été exécutés dans le quartier du vieux st Ouen.

Nous adressons nos sincères condoléances à la famille et à l’entourage de Sofiane Mjaiber et de Tidiane Bagayoko pour affronter cette épreuve.

Nombre de militants communistes ont eu l’occasion de connaître Sofiane et d’apprécier ses qualités humaines, sa joie de vivre et son intelligence. Apprendre son assassinat, est un grand choc, qui suscite tristesse et colère.
L’escalade de la violence sur fond de trafic de drogue a emporté deux jeunes hommes qui auraient dû avoir leur avenir devant eux. Ils sont victimes d’une guerre qui les dépasse.

Depuis le mois de juin dernier, une guerre de territoire fait rage dans plusieurs quartiers de notre ville. Les habitants de la place du 8 mai 1945, de Garibaldi, d’Arago et du Vieux st Ouen sont réveillés parfois plusieurs fois par semaine par le bruit des tirs.

Pour que les représailles ne soient pas suivies de vengeance le cycle de la violence doit être brisé. Le trafic qui gangrène notre ville et emporte inéluctablement dans son sillage violence et mort doit être combattu sans aucune ambiguïté.
La mobilisation de tous, habitants, municipalité, État doit être engagée.

Le tout sécuritaire, la politique du chiffre, a fait preuve de son inefficacité pour lutter contre le trafic. Si des effectifs supplémentaires de police nationale, annoncée depuis plusieurs mois par le gouvernement, seront bienvenus ils ne suffiront pas.

La Seine-Saint-Denis ne doit plus être un territoire délaissé par l’État qui n’a cessé de réduire les moyens alloués aux collectivités, aux services publics et au tissu associatif.
La rupture d’égalité territoriale, sociale et éducative n’est pas une fatalité. En cette période incertaine des perspectives doivent être offerte à la jeunesse audonienne durement secouée par ces morts.

Face à la violence, la cohésion sociale ne doit pas être affaiblie par des coupes budgétaires, elle doit au contraire être renforcée. Nous ne pourrons agir contre la violence et la peur qu’en recréant du commun, ensemble.»

Tout cela est lunaire. On peut donc apparemment être chef d’un point de deal, ou en tous cas impliqué dans le deal, tout en ayant une conscience politique et en agissant en fonction de celle-ci, être au PCF, ou en tous cas proche de lui et apprécié de lui ?

On ne s’étonnera pas qu’on préfère en revenir à la Gauche historique, plutôt que de tolérer cela.

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Politique

Grève nationale des dockers samedi, après l’assassinat sauvage d’un docker au Havre

La CGT des travailleurs portuaires appelle à une journée de grève ce samedi 20 juin 2020 dans l’ensemble des ports français, en hommage à Allan Affagard. Ce docker du Havre, délégué syndical, a été sauvagement assassiné en rentrant chez lui la semaine dernière et le trafic de drogue est directement mis en cause.

Allan Affagard a été retrouvé au petit matin sur le parking d’une école avec le corps sévèrement mutilé (les détails sont ignobles). La CGT pointe directement du doigt le trafic de drogue, à propos duquel elle alerte depuis longtemps.

La police judiciaire a tenu à préciser à la presse qu’il était mis en examen dans un dossier de trafic de stupéfiants, toujours en cours d’instruction, pour des faits datant de 2017. Cependant, la CGT, son syndicat, réfute totalement qu’il puisse être lié au trafic de drogue, en expliquant au contraire :

« Notre camarade Allan n’a jamais été condamné pour le moindre fait concernant le trafic de drogue et pour quoi que soit d’autre d’ailleurs ; à l’inverse, il a toujours été au front pour combattre ce fléau pour le port du Havre, et donc pour les ouvriers dockers »

L’ouvrier docker de 40 ans était par ailleurs père de famille, sportif et impliqué dans son club de rugby, le Racing Club Port du Havre. Son syndicat le décrit comme « un frère d’armes apprécié par tous. »

La grève de samedi, en plus de l’hommage indispensable à un camarade disparu dans des conditions atroces, sera également importante pour dénoncer les trafics de drogue dans les ports.

Voici le communiqué de la CGT des Travailleurs Portuaires du Havre :

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Culture

«Validé», la série qui célèbre les comportements anti-sociaux en pleine crise sanitaire

La série française « Validé » rencontre un grand succès ces derniers jours. Elle devrait pourtant être rejetée, conspuée, comme étant une contribution à ce que la société porte de plus mauvais, de plus décadent, de plus anti-social.

La crise sanitaire dit beaucoup de notre société, de ce qu’elle a de plus puissant et positif, mais aussi de ce qu’elle a de plus arriéré et insupportable. En ces temps compliqués, la responsabilité et la discipline collective deviennent une nécessité non plus philosophique, mais immédiate, vitale. Les comportements anti-sociaux apparaissent quant à eux d’autant plus ignobles.

Qu’il est troublant alors de constater l’immense succès dans la jeunesse de « Validé », avec plus de 15 millions de visionnages revendiqués ces deux dernières semaines. Cette série ne consiste pourtant qu’en la valorisation de ces mêmes comportements anti-sociaux, ruinant l’effort social collectif…

« Validé », c’est l’histoire d’un banal délinquant livreur de drogue. Son « travail » consiste, de manière tout à fait réaliste (et insupportable), à livrer de la drogue à domicile aux bourgeois parisiens branchés. C’est ni plus ni moins que le « Uber » du shit, de la cocaïne et de la MDMA. Pour faire plus vrai que nature, l’histoire commence le jour où il doit livrer à la radio Skyrock, pendant un direct de la célèbre émission « Planet Rap ». Canal +, qui produit et diffuse la série, se permet même d’assumer tranquillement ce genre de trafic de drogue, en faisant dire au personnage qui l’accompagne : « alors on va [livrer] où cette fois ? Canal+ encore? ».

Le « héros » se retrouve ensuite en direct à la radio, ce qui propulse sa carrière de rappeur, avec comme trame narratrice un « clash » tout ce qu’il y a de plus puéril avec le rappeur initialement présent pour l’émission. Il faut savoir ici que ces « clashs » sont devenus une habitude dans le milieu du rap, qu’ils soient parfaitement orchestrés ou bien relevant d’une stupidité patriarcale bien réelle. On a régulièrement des embrouilles de cours d’école mises sur la place publique, dans le but justement de faire parler dans les cours d’école, en visant précisément les publics collégiens et lycéens.

C’est stupide, violent, vulgaire, profondément arriéré, mais Canal+ trouve cela bien et en fait une série pour la jeunesse. Pire, la chaîne est aidée en cela par le « service public », donc l’État, puisqu’apparaissent dans la série à plusieurs reprises la radio « Mouv » (du groupe Radio France), ainsi qu’une vraie prison filmée en détail.

L’administration pénitentiaire, qui n’a que peu de considération pour les gardiens de prison en première ligne face à la délinquance, ne voit par contre aucun problème à ouvrir ses portes à un tel tournage, où est mis en scène un rappeur prisonnier se filmant en direct depuis sa cellule avec un portable pour passer dans l’émission « TPMP » de l’immonde Cyril Hanouna. C’est d’ailleurs un moment clef de l’intrigue, qui va précipiter le « clash » entre les deux protagonistes principaux. Pour le reste, on a comme décors tout ce que Paris a à offrir de mode de vie décadent, de fascination pour les grosses voitures, la vitesse, les femme-objets, les soirées privées select, les marques de luxe, la futilité des « réseaux sociaux », etc.

Comment la jeunesse peut-elle ne pas être révolté par une telle nullité qu’on lui sert ? Comment, particulièrement la jeunesse des cités HLM, peut-elle ne pas être révoltée par un telle mise en scène consistant à lui maintenir la tête sous l’eau dans la délinquance et la fascination pour la réussite individuelle, la drogue, la brutalité ?

Tout cela apparaît tellement décalé, insupportable, alors que l’humanité se retrouve confrontée à une crise sanitaire majeure en raison de son comportement erroné avec la nature et les animaux sauvage en particulier.

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Tribune des parents d’élèves et habitants contre le trafic de drogue à Saint-Denis (93)

Voici une tribune publiée par Le Parisien-Aujourd’hui en France, dénonçant l’abandon de la jeunesse aux mains des réseaux mafieux liés au trafic de drogue. Elle est écrite par des parents d’élèves et habitants du quartier Delaunay-Belleville Sémard à Saint-Denis (93). Ils y réclament des actions et des moyens de la part de l’État, en rejetant une réponse qui serait uniquement répressive.

> Lire également à ce sujet : Des familles face aux dealers devant une école de Saint-Denis

« Tribune

Comme chaque matin depuis le mois de mai dernier, nous, parents d’élèves et habitants du quartier Delaunay-BellevilleSémard à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), formons une chaîne humaine devant nos écoles pour protéger nos enfants du trafic de drogue qui s’étend toujours plus dans nos quartiers nord. Normal ?

Dire tout haut l’enfer vécu au quotidien par les habitants et la colère de voir une jeunesse abandonnée aux mains des réseaux mafieux. Dénoncer enfin les conséquences d’une rupture d’égalité républicaine qui fait sombrer non seulement Saint-Denis mais la Seine-Saint-Denis toute entière.

Les intrusions répétées d’individus liés aux trafics symbolisent la faillite de l’État sur notre territoire. Un État paraissant incapable de garantir de façon égale aux enfants de la République de grandir dans un espace serein, sûr, propice à l’éducation et à l’épanouissement.

La gravité de notre situation n’a pas échappé à M. Leclerc, préfet de Seine-Saint-Denis qui nous a reçus le 4 septembre dernier.

Les « efforts consentis » sont pour la plupart de nature sécuritaire et répressive : 28 agents supplémentaires quand il nous en faudrait 200 de plus rien que pour Saint-Denis.

Le développement des trafics se nourrit d’autres graves défaillances : justice pénale et civile ralentie par ses effectifs insuffisants et ses tribunaux saturés, dispositifs de protection de l’enfance devenus inefficaces, prévention spécialisée décimée, non-remplacement des enseignants absents contribuant aux difficultés scolaires et aux décrochages, une absence de programmes sociaux de lutte contre la précarité, difficulté d’accès aux soins et à l’emploi, un tissu associatif qui vivote par absence de subventions publiques, affectation de néo-titulaires et instabilité des équipes qui freinent le bon fonctionnement des services publics, etc.

Le constat est tel qu’il a poussé cinq maires du 93 à entamer une action en justice contre l’État. La mobilisation des citoyens partout dans le 93 mais aussi à Toulouse, Montpellier et Marseille témoigne de leur volonté de reprendre la situation en main et de ne plus subir.

Suite à la parution en mai 2018 du rapport parlementaire n°1014 sur « L’évaluation de l’action de l’État dans l’exercice de ses missions régaliennes en Seine-Saint-Denis » et à la séance de débat qui a suivi à l’Assemblée le 5 février 2019, vous vous êtes engagé à « adapter l’action » de l’État aux enjeux du territoire.

Vous avez alors chargé le préfet de la Seine-Saint-Denis de mettre en place et coordonner des groupes de travail. Selon le Préfet, ces groupes, auxquels nous, parents d’élèves et habitants de la ville, n’avons pas été conviés et dont nous ne connaissons ni la composition ni le travail, se sont réunis. Leurs conclusions vous ont été remises sans être communiquées au grand public, principal concerné.

Nous demeurons très dubitatifs quant aux 55 mesures, non encore toutes détaillées, du « plan anti-drogue » qui semble exclure une action conjointe avec les ministères de la Santé et de l’Éducation Nationale.

Nous demandons une augmentation significative non seulement des effectifs de police mais aussi d’éducateurs spécialisés, de professeurs remplaçants, de fonctionnaires qualifiés.

Une réponse uniquement répressive est insuffisante. Nous ne voulons pas non plus d’un énième « plan banlieue ». Nous demandons simplement un service public à la hauteur et le rétablissement de l’égalité territoriale. »

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Un grand plan «anti-stups» qui ne vise pas à endiguer le trafic de drogue

Le ministre de l’Intérieur a annoncé mardi un grand plan « anti-stups », non pas pour en finir avec les trafics de drogue, mais pour encadrer cela dans un sens administratif/anti-démocratique. La drogue est acceptée, mais la grande marche quotidienne du capitalisme ne doit pas être perturbée par les trafics illégaux.

Le trafic de drogue est tellement implanté en France, il est si omniprésent et conquérant, que l’État doit réagir pour ne pas être débordé. Le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner a présenté à Marseille mardi 17 septembre un plan national censé lutter contre les stupéfiants. Il était accompagné de son secrétaire d’Etat Laurent Nunez, de la garde des Sceaux Nicole Belloubet et du ministre des Comptes publics Gérald Darmanin, pour présenter en grandes pompes une nouvelle organisation des services.

Depuis l’hôtel de police de Marseille, il a annoncé la création d’un nouvel Office anti-stupéfiants (Ofast) en 2020, accompagné de 55 mesures censées parer à l’urgence de la situation. En lien avec les autorités judiciaires, cette nouvelle entité doit coordonner les services de police, de gendarmerie, des douanes ainsi que ceux du secrétariat général de la mer, du ministère de l’Europe et des affaires étrangères et du ministère des Armées.

Il s’agit surtout de mieux organiser les renseignements, tout en ayant une surveillance plus fine des territoires. L’enjeu pour l’État est de reprendre la main dans un certain nombre de quartiers et sur un certain nombre de réseaux, après avoir littéralement laissé pourrir des situations pendant de nombreuses années. Le choix de la cité phocéenne pour annoncer ce plan n’est pas anodin puisque la ville est littéralement rongée par les trafics, rendant certains quartiers invivables pour la population, avec déjà 9 morts issus de règlements de compte depuis le début de l’année. D’autres villes comme Lille ou Grenoble, ainsi que bien-sûr certains endroits de la région parisienne, sont aussi particulièrement touchés.

Cela concerne néanmoins tout le pays à des degrés divers. Il est expliqué dans le document présentant les mesures que le trafic de drogue a explosé ces 50 dernières années et particulièrement depuis le début du siècle. Le nombre de trafics identifiés aurait doublé entre 2000 et 2017 et si l’on s’en tient au cannabis, les saisies auraient augmenté de 343 % simplement entre 2010 et 2017.

On apprend également qu’en 1996, la France interpellait 46 000 personnes pour des affaires de stupéfiants, alors que le seuil des 200 000 a été franchi en 2013. En 1968, ces personnes n’étaient que… 283 ! L’État n’envisage pas cependant d’en finir avec la drogue et d’en revenir au moins à ce qui existait il y a 50 ans. Les annonces du ministère de l’Intérieur ne visent qu’à mieux encadrer un trafic qui a simplement été laissé faire avec peu de contrôle et une simple répression à la marge.

Il est estimé que le marché des stupéfiants génère 3,2 milliards d’euros de revenus en France. Ce chiffre est probablement donné à la volée, car on n’imagine pas que l’État sache véritablement ce qu’il se passe dans une situation qu’il admet ne pas contrôler. Il donne cependant un ordre de grandeur, qui correspond grosso modo à n’importe quel autre secteur commercial traditionnel.

C’est important donc, mais pas suffisamment pour justifier autant de troubles, comme l’insécurité chronique dans certains quartiers qui a tendance à s’étendre, mais surtout des comportements mafieux qui troublent de plus en plus l’ordre public ailleurs que dans les quartiers pauvres. Le trafic se « professionnalise », mais de manière chaotique, générant une grande instabilité. Le ministère estime que 80 % des règlements de comptes en France sont liés à la drogue et que 3 milliards d’euros sont blanchis chaque année grâce aux trafics.

Voici comment sont résumées les choses :

« Les réseaux du narco-banditisme utilisent toutes les nouvelles technologies et, de plus en plus, des méthodes violentes jusque-là réservées au grand banditisme ou au terrorisme (utilisation de moyens de géolocalisation, de vidéo et de sonorisation pour déjouer les surveillances de la police ou piéger une équipe concurrente, guetteurs dissimulés sur des points hauts et communiquant à distance, nouveaux lieux de stockage des stupéfiants en dehors des cités, utilisation d’armes de guerre pour sécuriser les lieux de vente ou procéder à des intimidations ainsi qu’à des règlements de comptes, vie en clandestinité de certains chefs de réseaux…). »

On annonce donc qu’on va faire du ménage, avec la prétention que la situation sera rapidement sous contrôle. Il est hors de question pour l’État d’accepter que les réseaux mafieux empiètent sur les autres secteurs industriels et commerciaux, perturbant la marche générale du capitalisme.

Il n’est nullement question cependant de procéder à un véritable plan d’éradication de la drogue dans le pays. Tout juste est-il question de « prévention », mais encore que cela n’est qu’un aspect annoncé au passage, avec une énième « campagne de prévention » bidon qui est annoncée, ne faisant même pas partie des 55 mesures opérationnelles du plan « anti-stups ».

> Lire également : Des familles face aux dealers devant une école de Saint-Denis

La volonté n’est pas de combattre démocratiquement ce fléau qu’est la drogue, en harcelant les trafiquants à la base, avec l’appuie de la population et particulièrement de la jeunesse. Cela reviendrait à donner du pouvoir aux habitants des quartiers populaires, ce qui est dangereux pour le capitalisme. Le trafic de drogue est au contraire très utile pour maintenir la tête sous l’eau aux habitants des quartiers populaires, afin d’endiguer tout esprit de révolte.

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Des familles face aux dealers devant une école de Saint-Denis

Les télévisions ont relayé ces derniers jours l’initiative de parents contre les trafiquants de drogue à Saint-Denis, au nord de Paris. Ce sont surtout des mères de famille qui ont repris avec la rentrée la chaîne humaine qu’elles constituent chaque jour devant l’école de leurs enfants, pour la protéger symboliquement. Le trafic de drogue y est en effet un véritable fléau, qui pourrit littéralement la vie des habitants.

L’intrusion de dealers dans le groupe scolaire l’Ermitage-Balzac-Hugo le 13 mai dernier a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. L’école est en effet située entre deux « fours », c’est-à-dire des points de vente très fréquentés, pour ainsi dire quasiment des supermarchés de la drogue, ou plutôt des drives où les clients ne font que passer rapidement.

Cela fait déjà des années que la ville de Saint-Denis en Seine-Saint-Denis, le fameux département 93, est ravagée par les trafics de drogue ainsi que tout un tas de comportements anti-sociaux. Le trafic y est tentaculaire, il s’insinue partout comme le rapporte une habitante. La ville est aux portes de Paris, relativement accessible, alors les clients parisiens viennent s’y approvisionner en masse.

Le trafic se fait à ciel ouvert, au vu et su de tout le monde. Les plus jeunes, qui officient en tant que simples guetteurs dont le rôle est de crier « ça passe », disent gagner 80 euros par jour. Ce commerce est complètement ancré dans la vie locale et son tissu économique et social.

Pour autant, il n’y a rien de véritablement organisé et c’est un véritable chaos qui règne dans ces quartiers gangrenés par le trafic et les comportements mafieux, soumis à une concurrence sauvage entre les différents « fours ».

On comprend alors que les familles en ont ras-le-bol, surtout quand le trafic s’insinue dans l’école du quartier, en pleine journée. Les propos du collectif « Coup de balai à Saint-Denis – Bien vivre à Saint-Denis 93 » sont ainsi très dures, mais aussi très justes :

« Nous sommes des parents, enseignants, habitants du quartier Delaunay-Belleville-Sémard à Saint-Denis (93) bien décidés à récupérer notre espace public envahi par la drogue et les dealers et à lutter pour plus d’égalité dans tous les domaines. »

Il faut s’imaginer ici que les gens sont venus chercher leurs enfants à l’école et ont vu la police armée dans l’établissement. Les élèves avaient été confinés dans les classes le 13 mai dernier (selon le même protocole qu’en cas d’alerte attentat), alors que des individus liés au trafic s’étaient introduits dans l’établissement parce que poursuivit par la police.

Trente grammes de résine de cannabis (l’équivalent de 100 euros de marchandise) ont été découverts quelques jours plus tard, alors que ce n’était pas la première fois que de la drogue était retrouvée dans le groupe scolaire.

Il est très intéressant d’écouter ici ce reportage diffusé mardi sur France culture, qui prend le temps de donner la parole aux habitants, y compris aux jeunes liés au trafic :

Le portrait de la ville qui y est dressé est vraiment saisissant. Une telle situation est absolument inacceptable et on se dit que, si cette chaîne humaine est un geste évident de dignité populaire, c’est bien la moindre des choses. Comment ne pas vouloir prendre la fuite, plutôt ? À moins de ne pas pouvoir partir, d’être coincé là…

On ne peut qu’être saisi d’effrois en entendant cette personne rapporter les propos du commissaire, disant que ce n’est pas son problème et que de toutes façons les gens sont complices, eux-mêmes étant consommateurs et peu enclins à aider la police. Quel triste panorama.

Il faut dire ici la faillite terrible du PCF, qui gère cette ville de 111 000 habitants depuis plus de cent ans (hormis quelques années où les maires PCF Jacques Doriot puis Marcel Marschall sont passés sous l’égide fasciste du PPF). Le premier maire SFIO, Gaston Philippe, y a été élu en 1912. C’était un bastion ouvrier, c’est devenu une zone de non-droit.

Il serait trop facile cependant d’incriminer simplement le « 93 ». Si le trafic de drogue existe ainsi dans cette excroissance sombre de la grande métropole capitaliste parisienne qu’est Saint-Denis, c’est parce que la drogue est aussi présente partout ailleurs. Il n’y a pas de trafic à Saint-Denis sans des centaines de milliers de consommateurs à Paris et dans toute l’Île-de-France, comme partout ailleurs dans le pays.

Ce devrait être le rôle de la Gauche, l’un de ses grands combats, que de rejeter fermement la drogue en la combattant culturellement et socialement. Seulement, il faut pour cela accepter d’en finir avec le libéralisme, cette idéologie bourgeoise qui fait qu’on considère que chacun a le droit de faire ce qu’il souhaite, qu’il doit se voir respecté en tant qu’individu, en fait en tant que consommateur.

La véritable Gauche, celle de la classe ouvrière, du mouvement ouvrier, n’accepte pas ce libéralisme. Le combat culturel et social contre la drogue est alors une évidence. C’est une condition indispensable pour reconquérir des endroits comme Saint-Denis, en refaire des bastions populaires, des places fortes de la Gauche en région parisienne.