Le 11 mars 2025 s’ouvrait à Paris, à l’École militaire, le Paris Defence and Strategy Forum. C’est une institution mise en place l’année dernière, pour discuter stratégie militaire.
C’est à cette occasion qu’Emmanuel Macron a reçu pas moins de 34 chefs d’état-major, de pays membres au moins de l’Otan ou de l’Union européenne, avec en particulier le Royaume-Uni, l’Allemagne, la Pologne, l’Italie, la Turquie, le Canada, l’Australie, la Nouvelle-Zélande et le Japon.
Il a tenu un discours, bien entendu à huis-clos. On est dans le « secret-défense ». Les bruits de couloirs médiatiques ont laissé entendre qu’il a parlé d’un plan de travail, sur la base d’une force terrestre de 20 000 à 30 000 soldats, à Kiev, Odessa et Lviv.

C’est habile : en apparence, on est à un forum, on parle stratégie, tout est « théorique ».
Le programme du Paris Defence and Strategy Forum est d’ailleurs très large. C’est un échange d’idées, rien plus, sur le papier.
Progamme_PDSF_2025_VF_18h25Puisque, formellement, rien n’est décidé, il n’y a donc pas lieu de rendre ça public, ni d’en informer la population. Tel est l’engrenage de la marche à la guerre : il est avancé à pas feutré, avec le calme d’un somnambule.
Il faut maintenant porter son attention sur le pendant de la réunion à Paris.
Au même moment se tenait une négociation à Jeddah en Arabie saoudite, qui a d’ailleurs duré neuf heures.
Les États-Unis et l’Ukraine sont parvenus à un accord en vue de la proposition d’un cessez-le-feu à la Russie : d’une durée de 30 jours, il doit concerner toute la ligne de front, et pas uniquement des zones d’exclusion maritimes ou aériennes.
Volodymyr Zelensky, qui avait été rappelé sèchement à l’ordre par Donald Trump lui expliquant qu’il n’avait « pas les cartes », est maintenant rentré dans le rang. Il remercie l’équipe américaine pour des « échanges constructifs » et il va accepter un accord sur les minerais rares ukrainiens, qui servira surtout à Donald Trump pour montrer à l’opinion publique américaine qu’il a obtenu quelque chose.
Quoi qu’il arrive, c’est la superpuissance américaine qui décide, car il s’agit de sa guerre contre la Russie (avec la Chine en arrière-plan) et l’Ukraine n’est qu’un pion utilisé et manipulé cyniquement dans ce but.
Il en va de même pour l’Europe, qui doit se charger du sale boulot restant.
Voici ce que Marco Rubio, le secrétaire d’État américain, a expliqué à l’issue de la réunion de Jeddah :
« Le point important de cette réunion est d’établir clairement les intentions de l’Ukraine.
Nous devons avoir une idée générale des concessions que l’Ukraine serait prête à faire, car il n’y aura pas de cessez-le-feu et de fin de la guerre si les deux parties ne font pas de concessions.
Nous n’allons pas tracer des lignes sur une carte, mais nous devrons avoir une idée générale des concessions qui sont possibles pour eux et de ce qu’ils exigeraient en retour, puis découvrir la position de la Russie à cet égard.
Cela nous permettra d’évaluer assez précisément la distance qui nous sépare. »
« Les deux parties doivent comprendre qu’il n’y a pas de solution militaire à cette situation.
Les Russes ne peuvent pas conquérir toute l’Ukraine, et il est évident qu’il sera très difficile pour l’Ukraine, dans un délai raisonnable, de forcer les Russes à revenir là où ils étaient en 2014.
La seule solution à cette guerre est donc la diplomatie et le fait de les amener à une table où cela est possible.
Les Français et les Britanniques nous ont beaucoup soutenus et aidés au cours de la semaine dernière. Nous espérons une réunion fructueuse.
Le président Trump va utiliser tous les outils dont il dispose pour tenter d’amener les deux parties à la table des négociations afin de mettre un terme à cette guerre. Il est le seul dirigeant au monde à avoir une chance d’y parvenir. »
Emmanuel Macron a salué l’aboutissement des négociations :
« Je me félicite des avancées permises par les discussions entre les États-Unis d’Amérique et l’Ukraine qui se sont tenues ce jour à Djeddah, en particulier sur l’idée d’un possible cessez-le-feu pour 30 jours. La balle est aujourd’hui clairement dans le camp de la Russie. »
Le premier ministre britannique Keir Starmer a dit de son côté :
« Je salue chaleureusement cet accord (…) et félicite le président Trump et le président Zelensky pour cette avancée remarquable.
La Russie doit maintenant accepter un cessez-le-feu et également une fin des combats. »
Ursula von der Leyen, la Présidente de la Comission européenne, a fait de même :
« Nous saluons les nouvelles d’aujourd’hui en provenance de Djeddah concernant les négociations entre les États-Unis et l’Ukraine, notamment la proposition d’un accord de cessez-le-feu et la reprise du partage de renseignements et de l’assistance en matière de sécurité des États-Unis.
Il s’agit d’une évolution positive qui peut constituer un pas vers une paix globale, juste et durable pour l’Ukraine.
La balle est désormais dans le camp de la Russie. L’UE est prête à jouer pleinement son rôle, avec ses partenaires, dans les prochaines négociations de paix. »
Donald Tusk, le Président de la Pologne, a tenu le même discours :
« Il semble que les Américains et les Ukrainiens aient fait un pas important vers la paix. Et l’Europe est prête à contribuer à l’instauration d’une paix juste et durable. »
Reste que la veille, l’armée ukrainienne a mené pour la première fois un raid massif sur Moscou, au moyen de 300 drones. Ce qui est cohérent : la ligne ukrainienne a toujours été jusqu’au-boutiste jusqu’à présent.
Tout le régime ukrainien est fondé sur la destruction de la Russie, qui doit être réduite à une Moscovie. Quant à la Russie, elle entend démilitariser l’Ukraine, au minimum.
Et, de toutes façons, que se passe-t-il véritablement ? Tout simplement la bataille pour le repartage du monde. C’est la crise, et le capitalisme en crise ne connaît qu’un seul moyen de s’en sortir : la guerre.
Personne n’y croit plus, car le niveau de conscience est retombé à celui d’avant 1914. Mais les choses n’ont pas changé, elles ont simplement changé de proportion.
Commencée en 2020, la crise précipite les choses. Le choix de surarmer à coups de milliards, de centaines de milliards d’euros, révèle que le basculement a été fait.
Ce qui se met en place, c’est donc le cadre de l’affrontement à venir. Il est parlé de paix, pour prétendre la vouloir, et pour justifier demain la guerre « pour la paix ».
La vraie question, c’est : combien d’années nous reste-t-il ? Combien de temps faudra-t-il à la France pour modifier son économie, transformer son armée, pour assumer l’engagement de haute intensité ?