Le Sénat a adopté le 11 avril un amendement créant un délit d’entrave à la chasse, puni d’un an de prison et de 30 000 euros d’amende. Cela s’inscrit dans un contexte général faisant de la chasse une cause à défendre pour les réactionnaires, avec une collusion politique entre la Droite et la majorité présidentielle d’Emmanuel Macron.
Cela ne fait aucun doute, il s’agit d’un amendement directement destiné à enrayer le mouvement démocratique et populaire d’opposition à la chasse à courre en France. Le succès et le développement du collectif AVA est tel que les forces réactionnaires s’organisent, pour tenter de maintenir l’ordre existant dans les campagnes.
La fin de la saison de chasse à courre le mois dernier a ainsi été marquée, en plus des rassemblements d’AVA, par d’importants contre-rassemblements. Cela s’inscrit dans une dynamique générale de la Droite traditionnelle, qui fait de la défense de la chasse un étendard du conservatisme.
L’opposition à la chasse à courre est vécue comme une grande menace par des gens qui pensent que les valeurs écologiques et en faveur des animaux sont une agression à leur encontre. Il faut lire ici avec attention les discours de l’Association de défense de la ruralité et de ses traditions, qui organisait les rassemblements contre AVA.
> Lire également : Le front réactionnaire dans les campagnes pour défendre la chasse à courre
Il y a là une expression politico-culturelle très aboutie, avec des arguments rodés, puisant dans la tradition réactionnaire française du XXe siècle.
Cette Droite traditionnelle, conservatrice, est aussi très présente politiquement, notamment au Sénat qui est dominé par une majorité Les Républicains (LR). On a ainsi vu le sénateur de l’Oise Jérôme Bascher (LR) défendre l’amendement en reprenant tels quels les mensonges des partisans de la vénerie. Il n’a pas hésité à qualifier les anti-chasse à courre de « terroristes », avec des méthodes ressemblant aux « black blocs ». Le sénateur du Loiret Jean-Noël Cardoux (LR) a fait de même, affirmant de manière mensongère qu’il y avait des attaques à l’intégrité physique des personnes et des animaux.
Cela est bien sûr grotesque puisqu’en deux ans d’existence, « pas une seule entrave à la chasse n’a été constatée par les forces de l’ordre », comme l’a rappelé AVA dans un communiqué.
Cela montre une terrible crispation de la part de notables et de leur représentants politiques, qui ne supportent pas que la population mette le nez dans leurs affaires, qu’un mouvement démocratique ose dénoncer leurs activités moyenâgeuses.
Il faut bien comprendre aussi que l’amendement créant un délit d’entrave à la chasse n’est qu’une partie d’une offensive plus générale de la Droite en faveur de la chasse. Le Sénat a en effet largement modifié le projet de loi organisant la fusion l’année prochaine entre l’Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage (ONCFS) et l’Agence Française de la Biodiversité.
La sénatrice socialiste de l’Oise, Laurence Rossignol, a expliqué que :
« Cet amendement a été voté uniquement par la droite du Sénat. Comme les autres amendements ajoutés, il accroît encore la complaisance de la loi à l’égard de toutes les chasses »
Le nom de l’organisme nouvellement créé a ainsi été modifié par les sénateurs pour y ajouter le mot « chasse », devenant l’Office français de la biodiversité et de la chasse.
Cette fusion relevait à l’origine d’une sorte de compromis entre les chasseurs et ce qui est nommé la défense de la biodiversité, compromis organisé par le ministre de la Transition écologique François de Rugy.
Les différentes associations environnementalistes qui soutenaient ce projet se sont offusquées des changements opérés par le Sénat, considérant « le futur Office français de la biodiversité menacé par les lobbies de la chasse ».
Dans un communiqué signé par une quarantaine d’associations vendredi 19 avril, il est dénoncé le fait que les sénateurs « ont complètement dénaturé le projet de loi » et que « le nombre de cadeaux indécents abandonnés au monde de la chasse, notamment fiscaux, marqueraient un recul historique de la protection de la nature en France et hypothéquerait les chances de succès du futur établissement public. »
Le texte amendé par le Sénat prévoit en effet un nombre important de mesures en faveur de la chasse, qui sont détaillées et dénoncées dans le communiqué. Ces mesures sont également présentées en détail dans un article écologiste qui dénonce une « sacralisation de la barbarie ».
Selon toute vraisemblance, le texte va être définitivement adopté dans la semaine après sa validation par une commission mixte paritaire de députés et de sénateurs. Il semble peu probable que l’Assemblée nationale, dominée par la majorité présidentielle, veuillent rediscuter la loi, tant on a compris depuis plusieurs mois à quel point Emmanuel Macron soutient le dispositif réactionnaire visant à défendre la chasse en général et la chasse à courre en particulier.
Rappelons ici que le projet d’Office de la biodiversité avait initialement été porté par Nicolas Hulot, qui a finalement démissionné du ministère en dénonçant le « lobby » des chasseurs. Quelques mois plus tard, on retrouvait quatre membres du gouvernement au congrès de la Fédération nationale de la chasse : le ministre de la Transition écologique François de Rugy, le ministre de l’agriculture Didier Guillaume, le ministre des Collectivités locales Sébastien Lecornu et la secrétaire d’État à la Transition écologique Emmanuelle Wargon.
Le président de la fédération des chasseurs Willy Schraen y avait alors expliqué que « le président de la République, Emmanuel Macron, a fait plus pour la chasse française qu’aucun de ses prédécesseurs. »
> Lire également : notre dossier sur la chasse à courre
Il est important pour la Gauche de saisir le sens de cette offensive générale en faveurs de la chasse et des chasseurs. Il ne faut pas laisser faire, laisser se développer un front des conservatismes en France, avec la question de la chasse comme moyen mobilisateur. Le risque serait énorme ensuite de se faire broyer pour toute personne défendant l’écologie et luttant contre les conservatismes dans les campagnes.
La création du délit d’entrave à la chasse est inacceptable pour la Gauche, tant il consiste en l’annihilation par la peur de toute contestation démocratique et populaire envers les réactionnaires.