Que faire face à quelqu’un d’autre ?
La chanson A night like this (Une nuit comme celle-ci), qui date de 1986, est particulièrement appréciée des fans du groupe The Cure, qui y voient un joyau inconnu du grand public.
Mais l’intérêt fondamental de cette chanson tient à quelques paroles prononcées durant la chanson :
« Se dire au revoir une nuit comme celle-ci
Si c’est la dernière chose que nous faisions jamais
Tu n’as jamais eu l’air aussi perdue que là
Parfois tu ne te ressemblais même pas
Il fait sombre
Il fait même encore plus sombre
Reste s’il te plait
Mais je te regarde comme si j’étais fait de pierre
Alors que tu t’éloignes »
Il y a ici quelque chose de très fort, car en peu de mots, et en des mots simples, il y a la retranscription du décalage psychologique d’une personne. Celle-ci était quelqu’un, elle devient quelqu’un d’autre, elle est déjà quelqu’un d’autre.
Comment faire face à ça ?
Dans le capitalisme à grande vitesse du début du 21e siècle, une rupture sentimentale se consomme rapidement, la dimension sentimentale s’effaçant vite, pense-t-on. De toutes façons, en dernier ressort, tout « choix » de consommation est bon, respectable socialement. On passe à autre chose.
Mais là, dans les années 1980, il y avait encore la capacité de constater comment quelqu’un pouvait se trancher dans le vif, pour « choisir » de « devenir » quelqu’un d’autre, par anti-romantisme, par corruption.
Le subjectivisme du capitalisme du début du 21e siècle rejettera naturellement une telle lecture des choses, en disant que de toutes façons, seules comptent les impressions. Peu importe de couler une relation sentimentale réelle, si les impressions en décident ainsi.
C’est là que le Socialisme s’oppose formellement au capitalisme, affirmant la romance comme construction constituant un prolongement de soi-même, et non pas un à-côté à gérer de manière formelle, bureaucratique, opportuniste, égoïste, manipulatoire.
Le capitalisme, sous prétexte d’inclusion de toutes les impressions, se révèle bien ici comme le grand systématiseur de la brutalité à tous les niveaux possibles d’émotions.
De là à dire qu’il suffit de lever le drapeau de The Cure pour avoir un équivalent du drapeau rouge, il n’y a qu’un pas, pourrait-on dire. Eh bien soit ! Dans l’absolu, c’est faux, mais relativement, c’est vrai !