Avant le conflit entre la Russie et l’Ukraine, agauche.org a pendant six mois alerté de l’imminence de ce drame historique et souligné la menace que cela faisait peser sur l’Ukraine. Le déclenchement du conflit a cependant fait basculer l’Ukraine dans un nationalisme forcené, totalement délirant, voulant effacer la Russie.
Le régime ukrainien n’est nullement actif « en défense » de l’Ukraine ; en réalité, son agenda est celui du nationalisme ukrainien combiné à celui de l’Otan, avec comme but la destruction de la Russie. Les exemples suivants montrent l’ampleur de cette fuite en avant nationaliste, où tombent les Ukrainiens qui espèrent obtenir les armes américaines et l’argent européen à l’infini.
Prenons le prix Erich-Maria-Remarque, du nom du grand écrivain allemand auteur d’A l’Ouest rien de nouveau. Le prix est décerné par la ville allemande d’Osnabrück, dans une optique qui se veut démocratique-pacifiste. Il y a un prix principal et un prix spécial.
Pour 2023, le prix principal est allé à Lioudmila Oulitskaïa. C’est une Russe, opposante depuis longtemps à Vladimir Poutine (un « criminel »). Écrivain, elle s’est opposée à « l’opération militaire spéciale » (une « honte ») en Ukraine et s’est dans la foulée installée en Allemagne. Elle dénonce la Russie depuis plus d’une décennie comme acculturée, nationaliste, ayant une folie impérialiste des grandeurs.
Eh bien celui qui a reçu le prix spécial, le dessinateur ukrainien Serhi Maidukov, a catégoriquement refusé de recevoir son prix. Hors de question d’être aux côtés d’une Russe ! C’est là qu’on voit le degré de fanatisme du nationalisme ukrainien, qui profite de l’appui massif des occidentaux (Maidukov travaille pour les New Yorker, Wall Street Journal, Washington Post, Zeit, Guardian, des quotidiens bellicistes).
Éloge par Le Monde d’une émission d’Arte racontant avec fierté l’interdiction de ce qui est russe à l’opéra de Kiev (« Kiev, un opéra en guerre« )
La contagion est générale ; elle ne concerne pas que l’opéra où tout ce qui est russe est interdit. Prenons Andreï Kourkov, qui est le romancier ukrainien dont les œuvres ont été le plus traduites à l’étranger. Il est né… dans la banlieue de Leningrad et tous ses romans ont été écrit en russe ! Mais lui-même est pour la suppression de la langue russe désormais. Ce qui ne n’empêche pas qu’il soit dénoncé en Ukraine comme « un collaborateur au long cours » pour ses romans écrits en russe…
Au début de 2023, il y a eu, autre exemple, le festival Prima Vista, en Estonie. C’est un pays fanatiquement anti-Russie également. Néanmoins, des opposants étaient systématiquement invités. Or, cette fois, les poètes ukrainiennes Olena Huseinova et Anna Gruver ont refusé de venir. La raison a tenu à la présence de la poète russe Linor Goralik ! Cela va si loin qu’Olena Huseinova a également dénoncé un poète russe habitant aux Canada ayant pris partie dans ses œuvres pour les « victimes » du conflit à Marioupol et Boutcha. Selon elle, c’est de l’appropriation néo-coloniale.
La romancière Oksana Sabuschko s’est pris une volée de bois vert en disant qu’elle n’avait rien contre le fait que ses œuvres soient traduites en russe, tout comme l’historien Jaroslav Hryzak pour avoir accordé une interview au média russe d’opposition (et interdit) Meduza. Pareil pour le romancier le plus connu en Ukraine, Iouri Androukhovytch, qui a été critiqué pour avoir parlé avec le romancier russe Mikhaïl Chichkine à un festival littéraire en Norvège en septembre 2022. Ce Mikhaïl Chichkine, dont la mère est Ukrainienne, vit pourtant en Suisse depuis 1995, publie dans tous les journaux occidentaux anglophones et dénonce Vladimir Poutine depuis le départ !
Le nationalisme ukrainien est une idéologie qui, depuis sa fondation au 19e siècle, vise à l’effacement de la Russie. Cette dernière ne serait qu’un assemblage artificiel produit par la « Moscovie ». Il n’y a donc rien de « russe » à reconnaître. Et même les Russes opposés à « l’opération militaire spéciale » sont donc dénoncés comme des agents du colonialisme. Tel est le fanatisme du nationalisme ukrainien, dont un exemple terrible est la nomination en septembre 2023 d’un nouveau ministre de la défense ukrainien, après un scandale de corruptions.
On parle ici de Roustem Oumierov, né en Ouzbékistan et Tatar de Crimée, où sa famille est revenue en 1991 : les Tatars avaient été déportés en 1944 par l’URSS en raison de leur soutien à l’Allemagne nazie. On comprend par sa nomination que c’est un symbole de la visée ukrainienne sur la Crimée. Cette dernière est russe historiquement et jamais la Russie ne l’abandonnera : le fait de nommer un tel ministre de la Défense montre qu’aucune solution pacifique n’est envisagée ni envisageable par l’Ukraine.
Roustem Oumierov est passé par les États-Unis, notamment avec le « Future Leaders Exchange ». C’est un agent américain. Mais pas seulement : il parle d’ailleurs turc et on comprend le double jeu de la Turquie, qui compte bien faire un partenariat approfondi avec le belligérant victorieux, que ce soit la Russie ou l’Ukraine. Telle est la bataille pour le repartage du monde.
La France a été une grande puissance coloniale en Afrique et elle a réussi à maintenir sa domination à différents degrés malgré les « indépendances ». C’est ce qu’on a surnommé la « Françafrique ». Le Gabon était considéré comme l’ex-colonie la plus sous le contrôle français, et en août 2023 un coup d’État surprise a changé la donne. Cependant, ce n’est pas au profit du bloc sino-russe : c’est en fait la superpuissance américaine qui a pris le contrôle du pays.
Le Gabon sur le continent africain
C’est une expression de l’effacement continu de la puissance capitaliste française. Alignée sur la superpuissance américaine, elle est aspirée par celle-ci, satellisée. La France ne peut faire que ce que la superpuissance américaine attend d’elle, comme faire un partenariat avec l’Ukraine pour une union politico-militaire au service des intérêts américains en Europe. Si elle est considérée comme pas assez fiable ailleurs, elle est dégagée.
Car le coup d’État au Gabon rentre dans le contexte de la bataille pour le repartage du monde dans la région. Depuis l’irruption de la crise du capitalisme en 2020, l’Afrique du Centre et de l’Ouest a connu une série de coups d’État au Niger, au Burkina Faso, au Soudan, en Guinée, au Mali et au Gabon. Si on excepte le Soudan, on parle de pays francophones et de passage dans l’orbite sino-russe.
Le coup d’État au Gabon est le fruit d’une logique américaine qui dit : la France perd toutes ses billes en Afrique et il faut la remplacer, exactement comme ce fut le cas pour le Vietnam, où la superpuissance américaine avait remplacé la France.
Il faut dire que la présence française au Gabon relevait d’un néo-colonialisme vraiment à l’ancienne. Omar Bongo, le premier président du Gabon « indépendant », est resté à la tête de pays de 1967 à sa mort en 2009. Il a été de toutes les magouilles militaires et économiques avec la France, ainsi que politiques puisqu’il a arrosé des partis politiques. Il a eu 33 femmes et une cinquantaine d’enfants, plaçant toute sa famille à tous les échelons de l’État, etc.
C’est d’ailleurs son fils Ali Bongo Ondimba qui a prit le relais et le coup d’État a suivi de quelques minutes la réélection de celui-ci pour un troisième mandat, avec pratiquement 65% des voix. C’était tellement invraisemblable, tellement bricolé, qu’à part pour les Français arrogants traditionnellement, il était évident que l’instabilité prévaudrait.
C’est pourquoi ce sont les propres services de sécurité de la présidence qui ont mené le coup d’État. C’est une fausse révolution de palais : pour que rien ne change, tout doit changer.
Voilà pourquoi les réactions sont très différentes de lors des coups d’État favorables à la Chine et à la Russie. Le Conseil de Paix et de Sécurité de l’Union africaine a annoncé la suspension avec effet immédiat du Gabon. Mais il n’y a pas la menace d’une intervention militaire.
La France ne compte pas évacuer ses ressortissants ou couper les fonds des « aides ». Le chef de la diplomatie de l’Union européenne, Josep Borrell, a pratiquement excusé le coup d’État.
« Au Niger, le président était un président démocratiquement élu (…). Au Gabon, quelques heures avant le coup d’État militaire, il y a eu un coup d’État institutionnel car les élections ont été volées (…). Je ne peux pas dire que le Gabon était une vraie démocratie avec une famille qui dirigeait le pays depuis 50 ans. »
Selon lui, le vrai coup d’État « institutionnel » serait même d’avoir truqué les élections ! Autrement dit, rien n’a changé au Gabon à part la puissance tutélaire.
Et tout cela est allé très vite. En juin 2023, Ali Bongo Ondimba etait encore l’invité d’honneur de la rencontre à Paris sur le financement durable, celui-ci étant considéré comme proche par Emmanuel Macron.
Toutefois, il y a eu des signes avant coureurs, surtout l’adhésion du Gabon en 2022 au… Commonwealth ! C’est-à-dire l’union historique de l’empire britannique, et en fait surtout de nos jours une union à caractère anglophone, donc liée de fait à la puissance américaine.
La puissance française a tout simplement été mise de côté. C’est une expression double : à la fois de sa propre décadence et de l’alignement forcé sur les deux superpuissances, américaine et chinoise. On va à la troisième guerre mondiale de repartage du monde et elle a en fait même déjà commencé en Ukraine.
La France est un satellite américain : l’exemple suivant le révèle entièrement. Chaque année, les ambassadeurs français viennent à Paris, afin d’écouter le ministre des Affaires étrangères donner les directives officielles. On parle ici non pas tant des initiatives « secrètes » propres à la « diplomatie » que du discours officiel à adopter dans chaque pays par les ambassadeurs. Ce discours correspond au bruit de fond que la France entend orchestrer.
Les ambassadeurs français fin août 2023
En août 2023, la conférence des ambassadeurs a été placée dans une optique totalement favorable au régime ukrainien. La ministre française des Affaires étrangères, Catherine Colonna, a tenu des propos bellicistes sans aucune ambiguïté : la Russie doit s’effondrer, s’effacer. Elle avait d’ailleurs invité son homologue ukrainien, Dmytro Kuleba. Une conférence de presse commune a même été réalisée.
C’est là tout à fait révélateur, et on comprend tout lorsqu’on voit que Dmytro Kuleba s’est vanté d’avoir rencontre les responsables du Complexe Militaro-Industriel français. L’Ukraine est une colonie américaine et la France cherche à être le meilleur satellite américain en Europe, en se collant à l’Ukraine.
Le ministre ukrainien des Affaires étrangères Dmytro Kuleba salue sa rencontre avec le Complexe Militaro-Industriel français pour une nouvelle coopération et coproduction
Je suis heureuse d’être devant vous en compagnie de Dmytro Kuleba.
En fait, si nous avons donné ensemble, souvent, des points de presse, à Kiev, à Odessa, et aux Nations unies à New York, c’est la première fois que nous le faisons ici, à Paris.
Merci, Monsieur le Ministre, merci, cher Dmytro, d’être venu jusqu’ici. C’est la deuxième fois que vous le faites depuis le début de la guerre, puisque j’avais pu vous accueillir au mois de mai dernier, lorsque vous aviez accompagné le Président Zelensky à Paris. »
Elle a enchaîné en expliquant que la France soutenait le régime ukrainien à tous les niveaux, y compris militaire. On a ici la preuve absolument claire que la France est en guerre contre la Russie. Une guerre indirecte, ayant une forme historique particulière, mais une guerre tout de même.
La ministre française des Affaires étrangères, Catherine Colonna
D’ailleurs, la Russie est présentée comme tous les pays ennemis lors d’une guerre : l’ennemi est inhumain, massacre les civils, n’a aucune morale, menace la paix, etc. Par conséquent, la guerre à l’ennemi est une « nécessité absolue », comme le formule Catherine Colonna.
« Cela fait plus d’un an et demi que la Russie ne cesse de cibler, de façon quasi quotidienne, les infrastructures civiles et les populations civiles en Ukraine, comme nous l’avons vu encore ces derniers jours.
Je dois répéter ce que dit clairement le droit international : cibler intentionnellement des objectifs civils est constitutif de crimes de guerre. Plus d’un an et demi, également, que le peuple ukrainien résiste, résiste avec bravoure, et mérite notre admiration, résiste pour défendre la liberté, la souveraineté de son pays, injustement agressé.
Et alors que le Président de la République l’a dit hier, je veux redire après lui que, comme je le disais aussi ce matin à nos ambassadrices et à nos ambassadeurs : la France apporte et apportera tout son soutien à l’Ukraine, dans tous les domaines, politique, diplomatique, juridique, économique, et bien sûr militaire, pour aider ce pays à exercer son droit à la légitime défense.
Et ce soutien se poursuivra, il se poursuivra et s’intensifiera aussi longtemps qu’il le faudra, pour mettre en échec l’agression russe. C’est une nécessité absolue, nous le savons. Une nécessité absolue pour défendre l’Ukraine, mais au-delà, pour défendre aussi notre sécurité collective et l’avenir du système international fondé sur le droit et non sur la force.
Catherine Colonna mentionne les propos du président de la République Emmanuel Macron, qui allaient dans le même sens la veille, tout en expliquant de son côté, de manière voilée, pourquoi la guerre contre la Russie a pris cette forme « indirecte ». C’est qu’elle dispose de l’arme nucléaire ! Le 28 août 2023, il formulait la chose ainsi aux ambassadeurs.
« Je considère que le contexte international se complique et fait courir le risque d’un affaiblissement de l’Occident et plus particulièrement de notre Europe. Il nous faut être lucide, sans être excessivement pessimiste dans ce contexte (…).
A l’issue de ces deux lois de programmation, nous aurons doublé le budget de nos armées, ce qui est inédit dans la période contemporaine. (…).
Notre sécurité collective et celle de la France, de ses alliés, de ses partenaires européens est, évidemment, avant toute chose, remise en cause par l’agression Russe en Ukraine.
J’ai eu l’occasion de m’exprimer à plusieurs reprises sur ce sujet devant vous l’année dernière et je l’ai fait encore ces derniers mois, en particulier à Vilnius. Il ne faut pas perdre de vue la singularité de ce conflit. Elle repose d’abord sur le fait qu’en Europe, la guerre revient.
La deuxième chose, c’est qu’elle vient de manière très claire, fouler aux pieds et violer la souveraineté populaire et l’intégrité territoriale d’un État européen. Et à cet égard, violer le droit international.
Qu’elle s’est aggravée avec des crimes de guerres multiples, d’attaques de populations civiles et des scènes que nous avons pu voir et sur lesquelles d’ailleurs nous travaillons par une coopération de nos magistrats, de nos policiers, de nos gendarmes exemplaires.
Ensuite, parce qu’elle implique un membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, qui plus est, puissance dotée. Ce qui change les termes de l’efficacité d’une réponse diplomatique et de la nature, évidemment, de l’engagement politico-militaire. »
On remarquera l’insistance sur la dimension juridique. C’est pour couper les ponts, empêcher tout retour en arrière. Du moment que la Russie est présentée comme criminelle et devant être jugée afin d’être condamnée, par définition il ne peut y avoir aucune négociation et la guerre doit aller jusqu’au bout.
« Notre soutien est enfin juridique avec le travail mené autour d’un tribunal internationalisé pour juger des crimes commis par la Russie en Ukraine, et l’appui que nous apportons à la Cour pénale internationale et aux enquêteurs ukrainiens.
Avec la conviction que la justice est l’une des conditions de la paix : j’ai ainsi eu l’honneur de présider la première session ministérielle du Conseil de sécurité consacrée à l’Ukraine, et spécifiquement à la lutte contre l’impunité, en septembre dernier (…).
Voici 18 mois maintenant que la Russie a déclenché une guerre sans merci contre l’Ukraine. Voici 18 mois de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, dont la Cour Pénale Internationale s’est saisie et qui valent à Vladimir POUTINE d’être l’objet d’un mandat d’arrêt dans l’un des dossiers les plus abjects parmi ceux dont il s’est fait la spécialité : l’enlèvement d’enfants ukrainiens, déplacés de force en Russie.
Voici 18 mois que la Russie détruit tous les cadres juridiques et moraux qui gouvernent l’ordre international et fondent la paix et la stabilité dans le monde. La constance du crime n’en réduit pas la gravité. »
La France n’est nullement une puissance « indépendante », cherchant à « équilibrer » les forces mondiales, et même s’imaginer qu’elle le devrait est une farce réactionnaire. La France est, de par sa nature même, un satellite américain, un aspect de l’Occident sombrant dans une décadence complète, exprimant l’effondrement du capitalisme à l’échelle historique.
La France s’aligne sur la superpuissance américaine et cherche uniquement à avoir une meilleure part de gâteau… de ce que laissera la superpuissance américaine à ses satellites. Mais le maintien de l’hégémonie américaine est impossible. Le 20e siècle est terminé, et avec lui l’époque de l’hégémonie occidentale. Ce sont les masses mondiales qui font irruption au niveau planétaire et vont faire vivre le 21e siècle !
Le nom Brics vient de l’acronyme BRICS formé par les initiales du Brésil, de la Russie, de l’Inde, de la Chine et de l’Afrique du Sud (South Africa) ; c’est une alliance informelle entre ces 5 pays, élargie à partir de 2024 à l’Arabie saoudite, l’Égypte, les Émirats arabes unis, l’Argentine, l’Iran et l’Éthiopie.
C’est la Fédération de Russie qui est à l’origine de ce regroupement, en 2006, en marge d’une assemblée générale de l’ONU. Il y a eu ensuite différents jalons en vue des coopérations multilatérales entre ces pays se considérant au même niveau dans l’échiquier mondial : trop faible pour peser directement face aux puissances occidentales historiques, trop forts pour se contenter d’appartenir au tiers-monde.
Le premier véritable « sommet » des Brics n’eut lieu toutefois qu’en 2009, le 16 juin à Iekaterinbourg en Sibérie occidentale (et quatrième plus grande ville de Russie). La déclaration commune à l’issue disait avoir comme but de :
« promouvoir le dialogue et la coopération entre nos pays de manière progressive, proactive, pragmatique, ouverte et transparente.
Le dialogue et la coopération des pays BRIC sont propices non seulement à servir les intérêts communs des économies de marché émergentes et des pays en développement, mais également à construire un monde harmonieux de paix durable et de prospérité commune.
Le document expose une perception commune des moyens de faire face à la crise financière et économique mondiale. »
Cela ne souffre d’aucune ambiguïté : la volonté des Brics est d’exister de manière alternative à l’hégémonie de la superpuissance américaine. De par leur développement économique respectif, l’importance de leur population (plus de 40 % de la population mondiale) et la primauté de leurs ressources naturelles, ces pays entendent exister mondialement sans avoir à se soumettre aux États-Unis, mais tout en s’intégrant parfaitement dans la mondialisation capitaliste.
C’est pour cela que les Brics ne formaient pas, jusqu’au début des années 2020, une alliance formelle, de type militaire ou encore avec une intégration économique commune d’envergure. Il s’agissait normalement surtout d’une alliance de circonstance, pour peser et faire valoir leur puissance économique qui représentait en 2013 environ 27 % du PIB mondial.
La donne a toutefois changé depuis 2020. D’abord, il y a eu la crise sanitaire, qui s’est généralisée sur le plan économique, a changé la face du monde et chamboulé tous les rapports. Ensuite, il y a le conflit militaire en Ukraine, qui a accéléré la contradiction entre l’occident (sous domination américaine) et la Russie, créant un gigantesque clivage politico-diplomatique planétaire.
L’expansion potentielle des Brics
Surtout, la Chine s’est énormément développée durant les années 2010, devenant ouvertement une superpuissance challenger à l’hégémonie de la superpuissance américaine. Impossible dorénavant de considérer les Brics sans prendre en compte l’importance et le rôle de la superpuissance chinoise.
En fait, il faut même dire que l’existence des Brics, sa forme, ses discours, ses prétentions, intègrent totalement la stratégie chinoise d’hégémonie « alternative ». Voici le titre de l’allocution du président chinois Xi Jinping lors du 15e sommet des Brics à Johannesbourg en août 2023, où a été annoncée l’élargissement de l’alliance :
« Rechercher le développement par la solidarité et la coopération et assumer les responsabilités pour la paix. »
Ces mots choisis de manière très précise résonnent très fort dans tous les pays du tiers-monde, qui comprennent qui leur est proposé de suivre une autre voie que celle de la domination habituelle de la superpuissance américaine.
La Chine, particulièrement en Afrique, passe son temps à faire des accords économiques, acheter des terres, vendre des marchandises, proposer des appuis militaires, tout en prétendant ne pas du tout reproduire le schéma américain de domination.
Les Brics consistent essentiellement en ce support à la Chine dorénavant ; c’est une force d’appui à l’hégémonie « alternative » de la superpuissance chinoise. Voici ce qu’expliquait le porte-parole du ministère des Affaires étrangères chinois à Johannesbourg le 24 août 2023, expliquant les propos de son président durant le sommet :
« Les pays des BRICS sont une force importante pour façonner l’échiquier international, a déclaré Xi Jinping.
Le fait que nous choisissons en toute indépendance nos voies de développement, défendons ensemble notre droit au développement et avançons ensemble vers la modernisation représente l’orientation du progrès de l’humanité et influencera certainement en profondeur le cours du monde, a-t-il affirmé.
La coopération des BRICS se trouve à un moment crucial pour ouvrir de nouvelles perspectives sur la base des accomplissements réalisés, a souligné le président chinois.
Suivant la tendance du développement mondial et répondant aux aspirations des peuples du monde entier, le président Xi Jinping a fait une proposition en quatre points sur la coopération des BRICS dans divers secteurs, traçant la voie à suivre pour une croissance saine et substantielle de la coopération des BRICS.
Nous devons approfondir la coopération commerciale et financière pour stimuler la croissance économique.
Nous, pays des BRICS, devons être des compagnons de route sur le chemin du développement et de la revitalisation, et nous opposer au découplage et à la rupture des chaînes d’approvisionnement, ainsi qu’à la coercition économique, a déclaré XI Jinping.
Nous devons étendre la coopération politique et sécuritaire pour maintenir la paix et la tranquillité, a-t-il ajouté.
Les pays du BRICS doivent maintenir le cap du développement pacifique, se soutenir sur les questions relatives à leurs intérêts fondamentaux respectifs et renforcer la coordination sur les grandes questions internationales et régionales.
Nous devons proposer nos bons offices sur les questions brûlantes, en encourageant un règlement politique, a affirmé Xi Jinping. Nous devons intensifier les échanges entre les peuples, promouvoir l’apprentissage mutuel entre les civilisations et préconiser la coexistence pacifique et l’harmonie entre les civilisations, a-t-il proposé.
Nous devons promouvoir le respect de tous les pays dans le choix indépendant de leur voie de modernisation, a ajouté Xi Jinping.
Nous devons défendre l’équité et la justice et améliorer la gouvernance mondiale, a-t-il noté. Les pays du BRICS doivent pratiquer un véritable multilatéralisme, défendre le système international centré sur les Nations Unies, soutenir et renforcer le système commercial multilatéral centré sur l’Organisation mondiale du Commerce (OMC), et rejeter les tentatives de création de « petits cercles » ou de « blocs exclusifs ».
Nous devons faire avancer la réforme des systèmes financiers et monétaires internationaux et augmenter la représentation et le droit à la parole des pays en développement, a déclaré Xi Jinping. »
Les États-Unis, ainsi que tout le bloc occidental aligné sur la superpuissance américaine, sont directement visés. Il est fait allusion de manière très claire à la guerre en Ukraine entre l’Otan et la Russie ainsi qu’à la domination économique américaine au moyen du dollar et des embargos ou sanctions économiques. La République populaire de Chine prépare également très clairement le terrain en vue d’un affrontement direct avec les États-Unis sur la question de Taïwan.
Mais cela va plus loin que cela, car la Chine s’imagine pouvoir peser durablement et mise particulièrement sur le développement de l’Afrique au 21e siècle.
« En se concentrant sur le thème du sommet « Les BRICS et l’Afrique : Partenariat pour une croissance mutuellement accélérée, un développement durable et un multilatéralisme inclusif », les dirigeants des cinq pays BRICS ont eu un échange de vues approfondi et sont parvenus à un large consensus sur la coopération entre les BRICS et les questions majeures internationales d’intérêt commun.
Les parties sont d’avis que les BRICS doivent renforcer leur solidarité, continuer à embrasser l’esprit d’ouverture, d’inclusion et de coopération gagnant-gagnant, accélérer l’expansion des BRICS, rendre le système de gouvernance mondiale plus inclusif, plus juste et plus équitable, et promouvoir la multipolarité dans le monde.
Les BRICS doivent se soutenir sur les questions concernant les intérêts fondamentaux de chacun et respecter les voies de développement choisies indépendamment par les pays et adaptées à leurs réalités nationales.
Les BRICS doivent contribuer à accélérer la réforme du système financier et monétaire international, augmenter la représentation et le droit à la parole des marchés émergents et des pays en développement, faire progresser le développement durable et promouvoir une croissance inclusive. »
Depuis Johannesbourg, avec l’élargissement à d’autres pays, il devient évident que l’alliance des Brics n’est plus un regroupement informel, secondaire et de circonstance ; c’est un outil de développement pour l’hégémonie de la superpuissance chinoise en concurrence avec la superpuissance américaine.
C’est aussi, voire surtout en ce qui nous concerne en France, le marqueur de la dégringolade de la puissance américaine et de la fin de l’occident ! Non pas qu’il faille croire en l’hégémonie chinoise qui serait « meilleure » (si tant est qu’elle puisse se réaliser d’ailleurs), mais il faut se réjouir et appuyer l’effondrement occidental ; ce sera là le salut de la Gauche, la vraie, pour un monde qui doit changer de base!
Le groupe Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud (Brics) s’est élargi à l’occasion de son 15e sommet en Afrique du Sud, à Johannesburg, du 22 au 24 août 2023. Un tel événement, une année et demie après le début du conflit armé entre la Russie et l’Ukraine, reflète la vague de fond qui est l’affirmation historique du tiers-monde contre l’hégémonie de la superpuissance américaine. Non seulement il n’y a pas d’alignement sur cette dernière, mais il y a même un soutien appuyé à son concurrent, la superpuissance chinoise.
La raison de cela, c’est que l’incroyable croissance du capitalisme dans la période 1989-2020, désormais brisée par la crise, a produit un développement massif de trop de pays pour que l’équilibre des forces ne soit pas remis en cause. L’affrontement sino-américain ne concerne pas que les États-Unis et la Chine. Tous les pays du monde participent, à leur échelle, à la grande bataille pour le repartage du monde.
Les BRICS forment le camp des outsiders les plus affirmés. Et les pays membres vont être rejoints en 2024 par l’Arabie saoudite, l’Égypte, les Émirats arabes unis, l’Argentine, l’Iran et l’Éthiopie.
L’exemple de l’Arabie Saoudite est très parlant. Son État a été construit littéralement artificiellement par les États-Unis en raison du pétrole. C’est tellement un satellite néo-colonial que lorsque Ben Laden avec Al-Qaïda tente une révolte justement néo-coloniale contre les États-Unis, cela n’a aucun impact véritable. Et vingt ans après les attentats du 11 septembre 2001, l’Arabie Saoudite s’émancipe de la tutelle américaine pour partir à l’aventure.
Autrement dit, des pays à moitié féodaux, largement soumis économiquement aux pays « riches », deviennent tout de même assez riches pour chercher à tirer leur épingle du jeu. En Argentine, le peuple est dans la misère, mais le pays a atteint une masse suffisamment grande pour tenter de rentrer dans le grand jeu.
Tel est l’appel d’air fourni par en priorité la Chine, mais également la Russie (à travers sa taille et ses ressources), à quoi s’ajoutent l’Inde qui est concurrente de la Chine mais a besoin d’espace face aux États-Unis, le Brésil qui se verrait bien dominer l’Amérique du Sud, l’Afrique du Sud qui aimerait bien devenir la puissance dominante dans la partie Sud de l’Afrique.
Les dirigeants des pays des BRICS dans sa version 2023
Toute une série de pays est d’ailleurs à la porte des BRICS. On parle ici des pays suivants en première ligne, même si la liste n’est pas précisément fixe : Afghanistan, Algérie, Angola, Bahreïn, Bangladesh, Biélorussie, Gabon, Indonésie, Kazakhstan, Mexique, Nicaragua, Nigeria, Pakistan, République démocratique du Congo, Sénégal, Soudan, Syrie, Thaïlande, Tunisie, Turquie, Uruguay, Venezuela, Zimbabwe. Les prochains adhérents seront certainement l’Algérie et le Nigeria, l’Indonésie et la Thaïlande.
Il va de soi que l’intégration des prochains pays est déjà programmé. Le fait d’avoir intégré un pays latino-américain, deux pays africains, trois pays moyen-orientaux, est un signal fort. Il s’agissait de souligner un peu l’interventionnisme sur le continent américain (chasse gardée des États-Unis selon la doctrine Monroe en 1823), beaucoup la perspective africaine, à la folie la mise à la disposition des ressources en pétrole et en gaz.
Ce qui est dit, c’est : « nous avons la masse en termes d’habitants, nous avons le grand poids lourd économique chinois et le grand poids lourds en ressources russe, le moyen-orient se moque de qui dominera du moment qu’il est de la partie, vous avez tout à gagner à nous suivre. »
Le conflit armé en Ukraine a fourni la première étape de la grande remise en cause, la question de Taïwan en fournira la seconde. C’est la fin de l’occident qui se joue.
Le président français Emmanuel Macron a tenté de rendre visite au sommet des BRICS : il s’est fait recaler. La France est désormais clairement considérée comme un simple satellite américain. Elle est en première ligne pour l’intégration de l’Ukraine dans l’Union européenne et dans l’Otan. Ce qui est tenté, c’est un partenariat France-Ukraine pour remplacer l’Allemagne comme force principale en Europe. Pour cette raison d’ailleurs, la droite allemande rage totalement du soutien « trop faible » du gouvernement socialiste allemand au régime ukrainien. L’extrême-Droite exige par contre une alliance avec la Russie.
Le président russe Vladimir Poutine n’a pas pu venir au sommet des BRICS non plus, en raison des poursuites pénales promues par l’occident, par l’intermédiaire de la Cour pénale internationale. C’est le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, qui l’a remplacé, afin d’éviter à l’Afrique du Sud de se retrouver dans un imbroglio juridique international.
Les pays membres ou futurs membres des BRICS ne veulent que prendre la place des pays riches. Cependant, ils affaiblissent historiquement l’ordre mondial, ils contribuent à la remise en cause de l’occident. Et ils portent une pierre bien trop lourde pour eux. La remise en cause totale de l’hégémonie américaine n’impliquera pas l’affirmation de la Chine (ou bien de manière très temporaire), mais bien du Socialisme, car c’est l’ensemble du système capitaliste mondial qui sera totalement ébranlé.
C’est la fin de l’occident et cette fin implique la fin du capitalisme. Et si l’occident croit dans sa quasi intégralité que tout restera tel quel, c’est en raison de l’aveuglement propre à une force en décadence. Le monde a totalement changé depuis 2020, il continue de changer et il ne s’arrêtera plus de changer jusqu’à l’effondrement général du capitalisme !
La fin du mois d’août 2023 a été marquée par l’annonce de la Chine de ne pas permettre à la superpuissance américaine d’utiliser Taiwan comme futur « porte-avions » naturel contre elle. Et le moyen pour cela, c’est l’intervention militaire.
La superpuissance chinoise dit concrètement qu’elle ne laissera pas Taiwan être utilisée comme l’Ukraine pour la Russie, ou du moins qu’elle ne va pas attendre que ce soit encore plus le cas. Il faudra que la superpuissance américaine cède, ou ce sera la guerre.
D’un côté, sur le plan de la marine militaire, la Chine est bien moins puissante que les États-Unis. Mais l’Ukraine accapare beaucoup les initiatives occidentales. Un conflit sino-américain ouvert provoquerait une telle onde de choc que la superpuissance américaine pourrait largement vaciller.
Taiwan
La déclaration chinoise, faite à la chinoise diplomatiquement, c’est-à-dire de manière non explicite, s’est déroulée en deux temps.
Il y a eu d’abord un communiqué de l’agence de presse nationale chinoise pour expliquer que la Chine n’est pas dupe quant à la visite « indirecte » de Lai Ching-te aux États-Unis. On parle ici du vice-président de l’État de Taiwan, qui est en tête des sondages pour les élections présidentielles de janvier 2024. Il se présente comme un « indépendantiste pragmatique ».
BEIJING, 19 août (Xinhua) — Un responsable du Bureau de travail du Comité central du Parti communiste chinois (PCC) pour les affaires de Taiwan a fermement condamné samedi la nouvelle décision provocatrice du Parti démocrate progressiste (PDP) de Taiwan de poursuivre sa collusion avec les États-Unis.
Le responsable s’est ainsi exprimé en réponse à l' »escale » de Lai Ching-te aux États-Unis, décrivant cet acte comme les efforts éhontés de Lai Ching-te pour s’accrocher au soutien américain afin de rechercher « l’indépendance de Taiwan ».
Lai Ching-te s’est récemment rendu aux États-Unis au nom d’une « escale » sur sa route pour assister à l’investiture du nouveau président du Paraguay. Il a également tenu des propos préconisant « l’indépendance de Taiwan » dans une interview avec Bloomberg et a rencontré de hauts responsables américains lors d’occasions publiques au Paraguay, a indiqué le responsable.
Les autorités du PDP ont obstinément adhéré à la position séparatiste de « l’indépendance de Taiwan », continué de faire des provocations en s’appuyant sur les États-Unis pour rechercher « l’indépendance de Taiwan », ainsi que volontairement agi comme un pion des forces anti-Chine aux États-Unis et en Occident pour contenir la Chine, a souligné le responsable, ajoutant qu’elles avaient « trahi les intérêts de la nation chinoise ».
Lai Ching-te s’est entêté à défendre la position de « l’indépendance de Taiwan », a fait remarquer le responsable, ajoutant que la dernière « escale » de Lai Ching-te aux États-Unis était un déguisement qu’il a utilisé pour vendre les intérêts de Taiwan afin de chercher à obtenir des gains dans les élections locales par des actes malhonnêtes.
Les actes de Lai Ching-te ont prouvé qu’il s’agissait d’un véritable fauteur de troubles qui pousserait Taiwan au bord de la guerre et apporterait de sérieux problèmes aux compatriotes de Taiwan, a souligné le responsable.
« Nous sommes disposés à créer un large espace de manœuvre pour une réunification pacifique, mais nous ne laisserons aucune place aux activités séparatistes recherchant « l’indépendance de Taiwan » sous quelque forme que ce soit », a indiqué le responsable.
Selon lui, des mesures résolues seront adoptées pour lutter contre les forces séparatistes recherchant « l’indépendance de Taiwan », afin de sauvegarder fermement la souveraineté nationale et l’intégrité territoriale.
« Nous adressons un message clair à la partie américaine : elle doit adhérer fidèlement au principe d’une seule Chine et aux trois communiqués conjoints sino-américains, et traiter les questions liées à Taiwan avec prudence », a poursuivi le responsable.
Personne ne doit sous-estimer la ferme détermination, la forte volonté, ainsi que la grande capacité du gouvernement et du peuple chinois à défendre la souveraineté et l’intégrité territoriale de la nation », a déclaré la porte-parole.
En plus de ce communiqué, il y en a un autre, qui présente des exercices militaires. Ceux-ci sont bien entendu liés à la visite américaine de Lai Ching-te. Et il est souligné que leur nature tient… au contrôle maritime et aérien dans deux zones autour de Taiwan, afin d’améliorer des opérations de « confrontations systématiques ». Là encore, en langage chinois « indirect », il faut traduire et c’est la guerre que cela veut dire.
NANJING, 19 août (Xinhua) — Le commandement du Théâtre d’opérations de l’est de l’Armée populaire de Libération (APL) a effectué des exercices militaires dans les eaux et l’espace aérien au nord et au sud-ouest de l’île de Taiwan.
Les exercices ont été menés pour prendre conjointement le contrôle de l’espace maritime et aérien, la recherche de sous-marins et les opérations anti-sous-marines, afin de tester la capacité des forces du commandement à mener des opérations coordonnées et des confrontations systématiques, a indiqué Shi Yi, porte-parole du commandement.
Nous y voilà donc. Et la mécanique est impitoyable. Ainsi, le 18 août 2023, les États-Unis signaient un communiqué commun avec le Japon et la République de Corée (la « Corée du Sud »). Il y est parlé de « partenariat stratégique » et du fait que les États-Unis sont impliqués dans la « protection » du Japon et de la Corée du Sud.
La Chine est dénoncée comme militariste et comme cherchant à bouleverser l’ordre établi dans la zone indo-pacifique. On retrouve à l’arrière-plan les différentes revendications des uns et des autres. En ce sens, d’ailleurs, les Philippines ont convoqué l’ambassadeur chinois le 7 août 2023 après des tirs au canon à eau de la part de garde-côtes chinois sur des navires philippins. Le chef des armées des Philippines, Romeo Brawner, a prévenu qu’une telle action contre des navires de son armée pourrait être considérée comme un acte de guerre.
C’est que les navires en question ravitaillaient une base militaire philippine consistant… en quelques soldats sur un chaland de débarquement datant de la deuxième guerre mondiale et échoué délibérément sur un atoll en 1999, pour en revendiquer l’appartenance aux Philippines. Le porte-parole du Conseil national de sécurité, Jonathan Malaya, a dans la foulée affirmé que « Nous n’abandonnerons jamais l’atoll d’Ayungin ».
A ce petit jeu, tout le monde participe : Vietnam, Malaisie, Australie… La France, également, avec la Nouvelle-Calédonie. C’est une véritable poudrière. Et elle va exploser, bientôt !
L’occident avait médiatisé de manière massive l’offensive ukrainienne du Printemps 2023. Celle-ci s’est en fait réellement matérialisée au début de l’été, et elle a échoué. C’est donc la panique au sein des médias, notamment de tous ce gens faussement de gauche se plaçant dans le camp de la « démocratie » contre « l’ogre russe ».
L’Otan, ce ne serait pas bien, mais la menace principale, ce serait les vilains Russes et les affreux Chinois… Donc autant « sauver » les gentils Ukrainiens… au moyen de l’Otan. Voilà comment, à partir d’un point de vue partant de la Gauche, on arrive au militarisme. Le Canard enchaîné se lamente ainsi :
« Depuis deux mois, la contre-offensive menée par les Ukrainiens est une source de déception pour les états-majors occidentaux.
Ces stratèges s’étaient un peu vite persuadés que les soldats de Poutine ne pesaient pas bien lourd et que les armements déjà bien fournis par les Américains – l’équivalent de 43 milliards de dollars – allaient en faire de la pâtée.
Erreur : les envahisseurs résistent.
Un argument que Zelensky et ses généraux peuvent présenter en défense, et ils le font avec une relative discrétion, pour ne fâcher personne : « On ne nous a pas livré les 300 chars lourds et les dizaines d’avions de combat F-16 que nous avons réclamés dès janvier 2023. »
Il pourraient même ajouter que les autres matériels promis tout au long des dix-sept mois de cette guerre – batteries anti-aériennes, lance-missiles multiples, missiles de croisière, bombes à fragmentation, transports de troupes blindés, radars, drones, obus, munitions diverses, etc. – ont toujours été fournis à de petites doses, et avec beaucoup de retard. »
Tout l’article du Canard enchaîné va ainsi (« Les dangereux retards de l’aide fournie à Kiev », 16 août 2023). Et il est signé Claude Angeli, une figure majeure de cet hebdomadaire. Cet exclu du PCF dans sa jeunesse, en 1964, l’a rejoint en 1971 (c’est lui qui publie l’article sur les diamants de Bokassa touchant le président d’alors, Giscard). Il en est le rédacteur en chef de 1991 à 2012, pour ensuite s’occuper seulement de la politique étrangère.
Sa position est révélatrice de la situation actuelle, où parmi les pires militaristes se trouvent ceux qui veulent une France « sociale » et entendent la préserver à tout prix. C’est logique dans un pays où plus de 80% du chiffre d’affaires des entreprises du CAC 40 est réalisé à l’étranger. Le parasitisme à l’échelle mondiale produit un social-impérialisme agressif.
Le directeur du renseignement militaire ukrainien Kyrylo Boudanov dans ses bureaux avec la carte de la Russie découpée en plusieurs États
La raison de l’échec du régime ukrainien tient à l’excellence russe au niveau défensif. Il faut remonter ici loin dans l’Histoire, ce qui a perdu la quasi totalité des observateurs. Il faut en effet connaître le parcours de la Russie depuis Napoléon, avec notamment le violent contraste entre l’URSS des années 1920-1940 et celle des années 1960-1980. Cela fait beaucoup!
La Russie a en effet été longtemps une partie de l’URSS et dans l’esprit communiste de la première partie du 20e siècle, la logique militaire est celle de la « défense active ». Autrement dit, on part du principe que l’ennemi est le seul agressif et qu’il est supérieur sur le plan militaire ; il faut donc contourner ces faiblesses en le manœuvrant sur un terrain prédéterminé.
Le « modèle », c’est la guerre générale du peuple russe contre l’armée de Napoléon au début du 19e siècle, combinant armée traditionnelle évitant les combats et harcèlement par la guerre des partisans. La dynamique de cette guerre est admirablement décrite dans le grand classique de Tolstoï, Guerre et paix. Les communistes soviétiques ont repris le concept de par sa dimension populaire.
Mais c’est en Chine que cette stratégie a été développée à une échelle la plus grande, conduisant à la victoire des communistes chinois en 1949 avec à leur tête Mao Zedong. Ce dernier a longuement théorisé les principes de cette « guerre populaire ». On trouve dans les « dix principes d’opération » les éléments fondamentaux de cette défense active.
Chou Enlai et Mao Zedong dans la base de Yenan en 1935
L’URSS a abandonné le principe de défense active à partir des années 1950, la bureaucratie capitaliste transformant à partir de là tout le pays et donc également les objectifs. L’URSS visait à devenir la puissance hégémonique mondiale. La stratégie militaire agressive a ainsi formé une superstructure théorique sur le principe de « défense active ».
Il s’agissait cette fois d’attaquer, suivant le principe traditionnel bourgeois du « blitzkrieg », l’attaque-éclair. L’Otan avait une peur bleue de cette stratégie et pour cette raison il était prévu d’utiliser immédiatement des bombes atomiques tactiques (en Allemagne et en Autriche) pour briser une éventuelle avancée des forces du Pacte de Varsovie.
Cependant, dans cette stratégie offensive, il y a des restes de « défense active », en raison de la supériorité considérée comme acquise de l’aviation occidentale. Pour cette raison, la « défense active » dans sa version impérialiste soviétique s’appuyait notamment sur les lignes de défense et les mines, afin de forcer l’opposant à agir sur un terrain prédéfini (et hors aviation).
Il faut savoir en effet que la stratégie militaire de l’Otan repose entièrement sur l’aviation : celle-ci écrase tout et après on envoie les troupes. La guerre contre l’Irak dans les années 1990 est un exemple fameux. Les lignes de défense avec une très forte artillerie et les mines sont une tentative soviétique de contrer ce principe.
C’est même tellement un arrière-plan qu’en fait, les soviétiques ne savaient pas faire autrement (et de fait ni les Russes ni les Ukrainiens aujourd’hui non plus). Voici par exemple ce qui a posé problème à l’URSS lors de sa conquête de l’Afghanistan en 1979. La carte suivante montre ce qui n’allait pas : l’invasion est passée par les grandes routes, mais le territoire contrôlé n’a jamais réellement dépassé l’environnement de ces grandes routes.
Pourquoi ? Parce que malgré des bombardements aériens terribles, les rebelles afghans n’ont jamais pu être détruits par l’artillerie soviétique puisqu’ils n’entraient pas dans le jeu de la défense active. Résultat, ce fut la défaite soviétique.
De manière incroyable, en 2023, les Ukrainiens sont par contre rentrés dans ce jeu. C’est sidérant, même. Le piège était énorme, mais le nationalisme ukrainien a tellement aveuglé les stratèges qu’ils ont tenté de passer en force.
Ils ont été aidé en cela il est vrai par l’Otan, qui a formé pendant des semaines des milliers de soldats ukrainiens pour « percer » la défense active. Tout le matériel distribué, avec les blindés, allait en ce sens (ce sont les Leopard, les Stryker, les Challenger 2, etc.). Or, c’était une opération suicide, au point que l’armée ukrainienne elle-même a arrêté d’utiliser les principes de l’Otan dans ses opérations.
Voyons pourquoi. Les lignes de défense russes sont composées de trois lignes. Le schéma suivant présente leur configuration générale (de manière grossière et néanmoins expressive).
Le terrain des lignes se rétrécit, afin de laisser le temps aux troupes de rejoindre la ligne précédente en cas de défaite
L’armée russe a eu des semaines pour former ses lignes. Donc cela donne la chose suivante.
Vous avancez, comme sapeurs, à pied. Vous vous prenez de l’artillerie sur la tête. Une artillerie vous appuie, sans la même envergure pourtant (les Russes ont beaucoup plus de munitions). Vous cherchez à dégager les obstacles et à combler le fossé anti-char. Ensuite vous tentez de déminer. Sauf que là vous êtes tellement près de la première ligne russe que des drones suicides se précipitent sur vous. Vos drones sont bien moins efficaces également, en raison des systèmes utilisés pour les déboussoler (l’armée russe est très forte désormais en ce domaine).
Et en cas d’échec, la première ligne russe a le temps de remettre de nouvelles mines, d’adapter celles-ci (pour les blindés par exemple). Et tout est à recommencer.
C’est un cauchemar. Et il faut avoir conscience qu’on parle ici de millions de mines, sans doute autour de 8 millions ! Pour cette raison, à la mi-août 2023, l’armée ukrainienne… n’a même pas atteint la première ligne de défense, à part en un ou deux points grosso modo des 800 km de la ligne générale de front.
C’est un désastre, avec un front gelé sauf en de très rares points, mais un gel coûtant la vie à des centaines de soldats chaque jour.
La stratégie de l’Otan, historiquement mis en place dans les années 1970 face à l’URSS, dit qu’il faut cibler un point de la ligne de défense et foncer. Sauf qu’il faut des forces énormes pour passer sans se faire étriller de tous les côtés. C’est pour cela que des blindés ont été fournis en masse au régime ukrainien. Mais cela ne suffit pas.
L’offensive ukrainienne du printemps, en fait de l’été, est donc un carnage total. Et ce d’autant plus qu’il y en a pour six mois d’artillerie (à un rythme bien moins élevé que l’armée russe), et après il n’y a plus rien.
Pour cette raison, des dissensions s’expriment pour la première fois quasi ouvertement dans le régime ukrainien à la mi-août. Les « politiques » sont très déçus de l’échec de l’offensive et se demandent si elle vaut encore le coup, car il va falloir continuer de tenir. Les « militaires », avec à leur tête Valeri Zaloujny le commandant suprême de l’armée ukrainienne, disent qu’il faut prolonger l’effort coûte que coûte.
Le grand espoir de l’armée ukrainienne est de passer le Dniepr, au moyen d’un millier de soldats formés par les Royal Marines britanniques. Rappelons ici que l’objectif très clair du Royaume-Uni, c’est de faire passer sous sa coupe le port d’Odessa. Pour la Russie, c’est hors de question et le conflit ne s’arrêtera pas de son côté tant que la « Nouvelle Russie » historique au bord de la Mer Noire n’est pas récupérée.
Tout cela a lieu alors qu’il y a eu au début d’août 2023 des rumeurs infondées mais révélatrices de possible coup d’État militaire en Ukraine, alors qu’inversement les « politiques » ont procédé à l’éviction de la totalité des responsables de centres de recrutement de l’armée ukrainienne, en raison de la corruption.
Et mi-août, le chef du bureau du secrétaire général de l’Otan, Stian Jenssen, a parlé d’un éventuel accord où l’Ukraine rejoindrait l’Otan en échange de territoires remis à la Russie. Il s’est bien évidemment rétracté. Cependant, tout cela correspond à un état d’esprit fondé sur la compréhension de l’échec de l’offensive ukrainienne de Printemps. La situation semble sans issue.
Ce qui rend fou de rage l’Allemagne qui a changé totalement de ligne et est désormais pro-régime ukrainien de manière totale. Tout ça pour ça ! Aussi prône-t-elle l’escalade. Elle compte fournir des missiles Taurus, d’une portée de 500 km.
Les SCALP/Storm Shadow ont été fournis par la France et le Royaume-Uni
Cela ne ferait que prolonger le conflit de quelques mois, sans en changer la donne. En l’état actuel des choses, les carottes sont cuites pour le régime ukrainien, dont la majorité des finances provient des aides occidentales. Sur le plan des troupes, ce n’est pas un problème, on est loin des statistiques horribles de la guerre de 1914-1918 et cela pourrait durer encore longtemps.
Mais le soutien occidental ne durera pas au-delà de la fin de l’année 2023 en raison de l’ombre de l’intervention chinoise pour récupérer Taïwan en 2024. Et une victoire militaire marquante à court terme semble impossible.
On touche un point névralgique du conflit, un tournant, un noyau dur faisant passer d’une situation à une autre. Cela ne rend que les choses encore plus dangereuses de par le contexte de guerre générale pour le repartage du monde.
Historiquement, la France connaît une large influence de l’idéologie gaulliste, qui appelle à une sorte d’équilibre entre les plus grandes puissances. La France pourrait tirer son épingle du jeu en étant dans le camp américain, mais avec une sorte de perspective sociale-humaniste, le « pays des droits de l’Homme ».
Tout cela est désormais du passé et il n’existe plus aucune importance politique du gaullisme en France. L’irruption du conflit militaire entre la Russie et l’Ukraine a balayé toutes les positions gaullistes au profit d’un alignement complet sur la superpuissance américaine.
Aucun retour n’est plus possible. La première raison, c’est que la Russie a été expulsée d’Europe. Ses avoirs sont gelés et s’il n’était le fétichisme de la propriété, tout serait confisqué. Tout le sera de toutes façons, ces avoirs iront à l’Ukraine comme « avances » pour les futures dettes russes lorsque la Russie perdra… si elle perd.
La seconde, c’est que la France soutient militairement le régime ukrainien. Elle lui fournit des informations obtenues par ses satellites (CSO, Pleiades et Helios). Elle a envoyé des missiles anti-chars (Milan, Javelin et Akeron) et des systèmes portatifs de défense antiaérienne (Mistral). Elle a offert des obusiers (Caesar, TRF1) et deux systèmes de défense sol-air Crotale R-400.
Elle a mis en place la fourniture de dizaines et de dizaines de véhicules blindés de transport de troupes (VAB, AMX10-RC, ACMAT Bastions), ainsi que des véhicules légers (TRM 2000, GBC 180, Peugeot P4). A cela s’ajoute des mines HPD2A2, et tout ce qu’on ne sait pas (y compris masqués dans les tonnes d’aides humanitaires), car officiellement il n’y a aucune communication de l’armée française.
Tous les médias français, unanimes, sont pour la défaite totale de la Russie. Cet objectif était auparavant conçu comme possible et souhaitable, une opportunité à court terme. Désormais, même si cela doit prendre des années, l’Ukraine est censée aller au combat jusqu’au bout. Dans son éditorial du 9 août 2023, « Cette longue guerre qui attend l’Ukraine », Le Figaro expose les choses sans ambiguïtés.
« Céder face à Poutine n’est pas une option. Cela signerait une défaite stratégique catastrophique pour l’Occident (…).
Les alliés de Kiev devront accélérer le rythme et la qualité des livraisons d’armes, prendre de court Moscou (…).
L’Occident sera-t-il à la hauteur du défi? A-t-il encore le choix? Son avenir se joue en Ukraine… »
Constructions à Marioupol, que la Russie s’efforce de reconstruire rapidement, afin d’assurer sa crédibilité
C’est qu’il est trop tard pour reculer. Au-delà des intérêts stratégiques, où la France peut diverger de la superpuissance américaine, il y a le mode de vie. Et l’Ukraine s’est faite le bras armé de ce mode de vie. Il est tout à fait utile pour l’occident d’avoir un pays pauvre avec une population fanatiquement pro-américaine, pro-Otan, pro-Union européenne. Cela contribue à présenter l’occident comme un paradis, un modèle à suivre.
La toute-puissance occidentale est un facteur idéologique majeur. Et aucun changement profond n’est possible sans briser cette chape de plomb. Il suffit de voir la France en 2023. Les grèves contre la réforme des retraites et les émeutes de l’été n’ont été que des rides sur la surface de l’eau. Dans ses fondements, tout reste stable, même si décadent, ou justement stable parce que décadent.
L’occident, ce serait la diversité dans la liberté, dont les LGBT sont l’exemple fer de lance. Ce serait la seule vraie option, à rebours des « modèles autoritaires ». Sur le plan du contrôle social, c’est un bénéfice énorme. Il n’y a rien de tel pour justifier une pacification sociale. Des troubles, des problèmes ? Tout cela sera résolu, car rien d’autre n’est possible que le capitalisme occidental !
Sarah Ashton-Cirillo, trans américain nommé porte-parole pour les médias occidentaux des forces territoriales de l’armée ukrainienne
Aucune fiction n’est donc possible au sujet d’une « autre » France, qui pourrait être une force de paix si elle était souveraine. C’est impossible non seulement parce que l’État est inféodé à la superpuissance américaine, mais également parce que la société l’est tout autant.
Les occidentaux ont un mode de vie individualiste « hédoniste » et n’ont pas un soutien actif à la guerre contre la Russie. Mais indirectement, ils y participent et en sont même les vecteurs. Tout ce qui est guerre contre le tiers-monde est en fin de compte dans leur intérêt. A moins d’assumer la rupture, ils participent à la machine de guerre économique, sociale, idéologique, culturelle.
La Russie est d’ailleurs de plus en plus effacée sur le plan de la culture, dans l’indifférence ou dans le fanatisme. Tant que le capitalisme propose, les gens disposent. C’est pourquoi il faut souhaiter la « défaite stratégique catastrophique de l’Occident ». Elle ne serait en rien une victoire pour la Russie et la Chine, ou peut-être à court terme. Elle serait une victoire pour le tiers-monde.
Affiche chinoise des années 1970: « Bienvenue aux amis du tiers-monde »
La France est en guerre contre l’Ukraine, et pour que les choses puissent changer en France, il faut une défaite stratégique occidentale. C’est à ce prix que la lutte des classes peut se réaffirmer, le prolétariat se recomposer en sortant de son statut de « masse consommatrice passive ». Et la défaite stratégique occidentale est inévitable. C’est de là qu’il faut partir pour la moindre initiative qu’on puisse avoir – tout le reste relève d’un monde en perdition, condamné à disparaître.
Depuis l’émergence de la crise en 2020, l’humanité est dans un état de sidération. Les esprits conscients s’atterrent, par contre, et cet appel de début août 2023 en est un exemple. Il est signé par les principales revues médicales mondiales et exige l’abandon des armes nucléaires.
Les signataires sont :
Acta Obstetricia et Gynecologica Scandinavica Acta Paediatrica African Health Sciences African Journal for Physical Activity and Health Sciences African Journal of Clinical and Experimental Microbiology African Journal of Current Medical Research African Journal of Gastroenterology and Hepatology African Journal of Primary Health Care & Family Medicine African Journal of Reproductive Health Afro-Egyptian Journal of Infectious and Endemic diseases Allergy AlQalam Journal of Medical and Applied Sciences American Journal of Psychiatry Anatomy Journal of Africa Annales Africaines de Medecine Arabian Journal of Scientific Research Bayero Journal of Medical Laboratory Science Biomolecules & Biomedicine BJU International BMC Pregnancy and Childbirth BMJ Complementary Therapies in Medicine Croatian Medical Journal Current Medical Research & Opinion Cytopathology Diseases of the Colon & Rectum Dutch Journal of Medicine East African Medical Journal ESC Heart Failure Ethiopian Journal of Health Sciences European Journal of Heart Failure Farm Animal Health and Nutrition Ghana Medical Journal Haematological Oncology Indian Journal of Medical Ethics International Journal of Gynecology & Obstetrics International Journal of Health Policy and Management International Journal of Medical Students International Nursing Review JAMA JAMA Cardiology JAMA Dermatology JAMA Health Forum JAMA Internal Medicine JAMA Network Open JAMA Neurology JAMA Oncology JAMA Ophthalmology JAMA Pediatrics JAMA Psychiatry JAMA Surgery Jos Journal of Medicine Journal de la Faculté de Médecine d’Oran Journal of Applied Pharmaceutical Science Journal of Contemporary Language Research Journal of Exploratory Research in Pharmacology Journal of Internal Medicine Journal of Lab Animal Research Journal of Medical Imaging and Radiation Sciences Journal of Neurosciences in Rural Practice Journal of Pathology Journal of Pathology: Clinical Research Journal of Pediatric Endocrinology and Diabetes Journal of Phytomedicine and Therapeutics Journal of Postgraduate Medical Institute Journal of Public Health Policy Journal of Radiography and Radiation Sciences Journal of Surgical Sciences Journal of the Norwegian Medical Association Journal of the Royal Society of Medicine (JRSM) Journal of Veterinary Physiology and Pathology Journal of World’s Poultry Science Journal of World’s Poultry Research (JWPR) Khyber Medical University Journal Malawi Medical Joural Maternal and Child Nutrition Medical Journal of Australia Medical Journal of Indonesia Medscape Medwave Microbes and Infectious Diseases National Medical Journal of India New England Journal of Medicine Nigerian Hospital Practice Nigerian Journal of Medical and Dental Education Online Journal of Animal and Feed Research Open Access Macedonian Journal of Medical Sciences Orapuh Journal Paediatric and Perinatal Epidemiology Pakistan Journal of Medical Sciences Philippine Journal of Otolaryngology Head and Neck Surgery Reproductive, Female and Child Health Research in Biotechnology and Environmental Science Revista Cirujano General Revista de Saúde Pública Revista Medica Hondureña Romanian Journal of Clinical Research RUHS Journal of Health Sciences Small Animal Advances Sokoto Journal of Medical Laboratory Science Sokoto Journal of Veterinary Sciences The Cerebellum The Lancet Tunisie Medicale VOICE West African Journal of Medicine World’s Veterinary Journal (WVJ)
Encore une fois, la France brille par son absence dans l’engagement. Il n’y a pourtant pas de différences entre les médecins dans les pays occidentaux (dans les pays du tiers-monde, la situation est différente). Pourquoi des médecins, forcément aisés, des États-Unis s’engagent en ce domaine, et pas des médecins français, au même mode de vie ?
On sent tout le poids idéologique de la dissuasion nucléaire française, le nationalisme sous-jacent : la France devrait être une « puissance à part ».
Voici le texte de l’appel. Pour une compréhension de ce que représente l’horreur de la guerre nucléaire et ses conséquences, les films suivants sont incontournables : Le jour d’après, Threads, Le dernier rivage, Gen d’Hiroshima. Les deux premiers ont marqué l’Histoire et il faut les voir avec prudence de par leur immense charge émotionnelle.
Réduire les risques de guerre nucléaire
Le rôle des professionnels de santé
En janvier 2023, le comité scientifique et de sécurité du Bulletin of the Atomic Scientists a avancé les aiguilles de l’horloge apocalyptique à 90 secondes avant minuit, reflétant le risque croissant de guerre nucléaire (1).
En août 2022, le secrétaire général de l’ONU, António Guterres , a averti que le monde se trouvait désormais dans « une période de danger nucléaire sans précédent depuis le plus fort de la guerre froide » (2).
Le danger a été souligné par les tensions croissantes entre de nombreux États dotés d’armes nucléaires (1) (3).
En tant que rédacteurs en chef de revues médicales et de santé du monde entier, nous appelons les professionnels de la santé à alerter le public et nos dirigeants sur ce danger majeur pour la santé publique et les systèmes vitaux essentiels de la planète et exhortons à agir pour l’empêcher.
Les efforts actuels de contrôle des armements nucléaires et de non-prolifération sont insuffisants pour protéger la population mondiale contre la menace d’une guerre nucléaire par choix, erreur ou erreur de calcul.
Le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) engage chacune des 190 nations participantes « à poursuivre de bonne foi des négociations sur des mesures efficaces relatives à la cessation de la course aux armements nucléaires à une date rapprochée et au désarmement nucléaire, et sur une traité de désarmement général et complet sous un contrôle international strict et efficace. » (4).
Les progrès ont été d’une lenteur décevante et la dernière conférence d’examen des traités en 2022 s’est terminée sans déclaration commune (5).
Il existe de nombreux exemples de quasi-catastrophes qui ont montré les risques de dépendre de la dissuasion nucléaire pour un avenir indéfini (6).
La modernisation des arsenaux nucléaires pourrait augmenter les risques – par exemple, les missiles hypersoniques réduisent le temps disponible pour faire la distinction entre une attaque et une fausse alerte, augmentant ainsi la probabilité d’une escalade rapide.
Toute utilisation d’armes nucléaires serait catastrophique pour l’humanité. Même une guerre nucléaire « limitée » impliquant seulement 250 des 13 000 armes nucléaires dans le monde pourrait tuer 120 millions de personnes sur le coup et provoquer une perturbation climatique mondiale conduisant à une famine nucléaire, mettant en danger deux milliards de personnes (7) (8).
Une guerre nucléaire à grande échelle entre les États-Unis et la Russie pourrait tuer 200 millions de personnes ou plus à court terme et potentiellement provoquer un « hiver nucléaire » mondial qui pourrait tuer 5 à 6 milliards de personnes, menaçant la survie de l’humanité (7) (8).
Une fois une arme nucléaire déclenchée, l’escalade vers une guerre nucléaire totale pourrait se produire rapidement. La prévention de toute utilisation d’armes nucléaires est donc une priorité urgente de santé publique et des mesures fondamentales doivent également être prises pour s’attaquer à la cause profonde du problème, en abolissant les armes nucléaires.
La communauté de la santé a joué un rôle crucial dans les efforts visant à réduire le risque de guerre nucléaire et doit continuer à le faire à l’avenir (9).
Dans les années 1980, les efforts des professionnels de la santé, dirigés par l’Association internationale des médecins pour la prévention de la guerre nucléaire – International Physicians for the Prevention of Nuclear War (IPPNW), a contribué à mettre fin à la course aux armements de la guerre froide en éduquant les décideurs politiques et le public des deux côtés du rideau de fer sur les conséquences médicales de la guerre nucléaire.
Cela a été reconnu lorsque le prix Nobel de la paix de 1985 a été décerné à l’IPPNW (10).
En 2007, l’IPPNW a lancé la Campagne internationale pour l’abolition des armes nucléaires, qui est devenue une campagne mondiale de la société civile avec des centaines d’organisations partenaires.
Une voie vers l’abolition nucléaire a été ouverte avec l’adoption du Traité sur l’interdiction des armes nucléaires en 2017, pour lequel la Campagne internationale pour l’abolition des armes nucléaires a reçu le prix Nobel de la paix 2017.
Les organisations médicales internationales, dont le Comité international de la Croix-Rouge, l’IPPNW, l’Association médicale mondiale, la Fédération mondiale des associations de santé publique et le Conseil international des infirmières ont joué un rôle clé dans le processus qui a conduit aux négociations et dans les négociations elles-mêmes, présentant les preuves scientifiques des conséquences sanitaires et environnementales catastrophiques des armes nucléaires et de la guerre nucléaire.
Ils ont poursuivi cette importante collaboration lors de la première réunion des parties au Traité sur l’interdiction des armes nucléaires, qui compte actuellement 92 signataires, dont 68 États membres (11).
Nous appelons maintenant les associations professionnelles de la santé à informer leurs membres dans le monde entier de la menace pour la survie humaine et à se joindre à l’IPPNW pour soutenir les efforts visant à réduire les risques à court terme de guerre nucléaire, y compris trois mesures immédiates de la part des États dotés d’armes nucléaires et de leurs alliés :
premièrement, adopter une politique de non-utilisation en premier (12) ;
deuxièmement, retirer leurs armes nucléaires de l’alerte de lancement rapide ;
et, troisièmement, exhorter tous les États impliqués dans les conflits actuels à s’engager publiquement et sans équivoque à ne pas utiliser d’armes nucléaires dans ces conflits.
Nous leur demandons en outre d’œuvrer à la fin définitive de la menace nucléaire en soutenant l’ouverture urgente de négociations entre les États dotés d’armes nucléaires en vue d’un accord vérifiable et assorti de délais pour éliminer leurs armes nucléaires conformément aux engagements pris dans le traité de non-prolifération, en ouvrant la moyen pour toutes les nations d’adhérer au Traité sur l’interdiction des armes nucléaires.
Le danger est grand et croissant. Les États dotés d’armes nucléaires doivent éliminer leurs arsenaux nucléaires avant de nous éliminer.
La communauté de la santé a joué un rôle décisif pendant la guerre froide et plus récemment dans l’élaboration du Traité sur l’interdiction des armes nucléaires. Nous devons relever ce défi de nouveau comme une priorité urgente, en travaillant avec une énergie renouvelée pour réduire les risques de guerre nucléaire et pour éliminer les armes nucléaires.
Références
1.
Science and Security Board. A time of unprecedented danger: it is 90 seconds to midnight. 2023 Doomsday Clock Statement. Bull Atomic Scientists 2023 Jan 24. https://thebulletin.org/doomsday-clock/current-time/
2.
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Le sommet de l’Otan des 11 et 12 juillet à Vilnius, en Lituanie, n’a quasiment pas été médiatisé en France. La raison est double : d’abord, le sommet n’a fait qu’officialiser ce qui était déjà en place. Ensuite, il faut continuer d’endormir l’opinion publique française. Tout fonctionne très bien pour l’Otan, donc il n’y a aucun besoin de trop remuer les choses, surtout dans un pays en perte de vitesse à tous les niveaux.
La France doit continuer de dormir en ce qui concerne la question ukrainienne. Il n’y a que dans la partie orientale de l’Europe où là, par contre, les opinions sont chauffées à blanc. La guerre à la Russie est mise en avant en faisant miroiter un niveau de vie et un style de vie à l’occidentale.
Un trolleybus typique de l’Est de l’Europe, ici à Vilnius en juillet 2023 avec le drapeau de l’Otan et l’appel à soutenir le régime ukrainien
Sans le matériel militaire occidental, sans les finances occidentales, le conflit militaire entre la Russie et l’Ukraine serait évidemment fini depuis longtemps. Mais c’est la crise et la bataille pour le repartage du monde. Désormais, il n’y a plus de retour en arrière possible et le sommet de Vilnius l’a reconnu.
D’une part, parce que le régime ukrainien est fanatique et veut détruire la Russie comme nation, et même entièrement l’effacer culturellement. C’est son agenda nationaliste « bandériste ». Ce projet est entièrement avalisé ou « oublié » par les pays de l’Otan qui soutiennent le régime ukrainien.
Ensuite, parce que la Russie a déjà perdu 50 000 soldats et qu’elle réfute l’Otan en Ukraine. Or, le sommet de Vilnius a promis justement que l’Ukraine rejoindrait l’Otan en un seul « acte ». Le « plan d’action » a sauté, et il était particulièrement compliqué, car l’Otan exige des réformes politiques et économiques très poussées, afin d’encadrer les pays selon les exigences des grandes puissances dominantes. Le régime ukrainien sera désormais invité quand l’Otan l’aura décidé, soit à la première occasion, lorsque la Russie titubera… Si jamais elle titube.
Ce sera donc l’affrontement militaire jusqu’au bout, immanquablement. Trop de sang a coulé, trop de choses sont en jeu, l’engrenage est là.
Grand symbole de ce bellicisme jusqu’au boutiste impliquant le démantèlement de la Russie, le président ukrainien Volodymyr Zelensky est lui-même venu assister en partie au sommet de l’Otan. Le président français Emmanuel Macron lui a promis de fournir une aide militaire bien plus importante, avec notamment des missiles longue portée de type SCALP (Système de croisière conventionnel autonome à longue portée, soit un missile de 500 kilos envoyé à 250 km).
Autre chef d’Etat ou de gouvernement présent en plus des 31 de l’Otan : le premier ministre suédois Ulf Kristersson, puisque la Turquie ne pratique plus de veto à l’intégration de la Suède. Cette dernière rejoint donc la Finlande et les pays baltes sur le flanc nord, avec Saint-Pétersbourg non loin.
Il faut ajouter à cette intégration de l’Otan celle, indirecte, de l’Autriche et dans une moindre mesure de la Suisse. Ces deux pays sont neutres en théorie, cependant l’Union européenne assume ouvertement que sa défense passe par l’Otan. L’Autriche est donc de facto dans la stratégie de l’Otan, chose accentuée désormais par l’European Sky Shield Initiative, que rejoint la Suisse également.
Ce projet consiste en un bouclier anti-missile commun, sous l’égide de l’Otan. C’est l’Allemagne qui a lancé le projet et 19 pays en font partie, mais pas la France. Celle-ci est mécontente que le matériel prévu soit le Patriot américain, le système allemand IRIS-T et le système israélien Arrow-3.
Vilnius en juillet 2023
Le sommet de l’Otan à Vilnius a également été marqué par un fait d’importance. Les chefs d’État ou de gouvernement ont dû avaliser des centaines de pages de documents consistant en les réponses militaires possibles en cas ce conflits régionaux avec la Russie. L’information n’est pas cachée, mais elle est naturellement très difficilement trouvable. L’euphémisme employé par l’Otan tient à l’expression suivante :
« les plans de défense les plus complets et les plus ambitieux depuis la fin de la Guerre froide ».
Emmanuel Macron a donc signé ces plans, sans compte-rendu à rien ni personne, conformément à l’organisation de la Ve République, un régime accepté par tous les partis politiques institutionnels depuis 1958… et né d’un coup d’Etat militaire portant de Gaulle au pouvoir. Au sens strict, on peut facilement dire qu’il n’y a plus de vraie Gauche en France depuis cette date.
Cette situation reflète que, de toutes manières, l’opinion publique française n’a rien contre tout ça. La France est heureuse de faire partie de l’occident, occident qui dispose de l’hégémonie mondiale, superpuissance américaine en tête. Elle assume donc le militarisme. L’armée française vient par exemple également de décider d’acheter 1515 missiles antichars à Lockheed-Martin. Sachant qu’aucune armée aux frontières ne va envoyer de chars envahir la France, ces missiles serviront bien entendu sur le front de l’Est…
Ce sommet de Vilnius entérine un triste constat : depuis le début du conflit armé entre la Russie et l’Ukraine, que nous annoncions plus de six mois avant son commencement, il n’y aucune opposition anti-guerre qui n’ait réussi à se constituer en France, ni même en Europe.
Pas même en Allemagne et en Italie, deux pays pourtant très marqués par la Gauche historique. Ni même en Angleterre ou en Espagne, deux pays où la tradition anti-guerre fut puissante par le passé.
Les capitalistes font ce qu’ils veulent, les grandes puissances mènent le bal : telle est la sinistre réalité. Le monde est précipité dans la barbarie. Mais les déchirures causées à l’ordre mondial font amener les peuples du monde sur le devant de la scène ! L’occident connaît son apogée finale, son hégémonie est pourtant condamnée !
C’est le rapport à la superpuissance qui détermine la vie politique française… et son absence.
S’il ne se passe rien en France, c’est également parce que les décisions ne sont plus prises à Paris, mais à Washington. Et de par l’ampleur d’un tel phénomène, c’est même le facteur principal : ce n’est pas également parce que Washington décide, mais surtout parce que Washington décide. C’est la superpuissance américaine qui décide des orientations internationales de la France (et de l’Union européenne), qui encadre ses perspectives militaires, qui orientent ses moeurs et même ses mentalités.
La société française suit un modèle américain, avec sa fragmentation sociale à la fois individualiste et communautaire ; tous les intellectuels universitaires se situent de manière assumée dans la perspective post-moderne dont le contenu tient à l’idéologie LGBTQ, l’écriture inclusive, l’art contemporain, le relativisme moral, la négation des classes (ou alors pour dénoncer le « classisme »), l’absence de toute critique du militarisme, etc., etc. !
La superpuissance américaine est le coeur du monstre capitaliste, c’est là que se décide le mode de vie dominant, qui se répand à travers les grandes entreprises américaines et l’influence étatique américaine. La crise de la civilisation capitaliste est avant tout la crise de la superpuissance américaine.
Ce n’est pas pour rien que des nationalistes français comme Eric Zemmour, Marion Maréchal, Marine Le Pen ont capitulé devant l’OTAN et le soutien au régime ukrainien lors du démarrage de l’opération militaire russe en février 2022. Ils savent que s’ils assumaient une rupture avec la superpuissance américaine, il aurait alors fallu une remise en cause du mode de vie français, et ça ils ne peuvent certainement pas l’assumer.
C’est une grande chance que nous avons en France, car à l’inverse en Russie malheureusement les forces nationalistes ont réussi à synthétiser une idéologie pour galvaniser les masses, prenant les commandes du refus de l’OTAN pour l’aligner sur un expansionnisme russe tout aussi impérialiste. Cela signifie qu’il existe un espace en France pour dénoncer la superpuissance américaine et basculer de là dans un rejet du capitalisme.
Il va de soi que cette dénonciation de la superpuissance américaine ne saurait tenir en l’anti-américanisme ou en l’alignement sur la Russie ou la Chine, cette dernière voulant simplement prendre la place des États-Unis. Cette dénonciation doit reposer sur la critique systématique, complète, intransigeante du mode de vie capitaliste dominant, avec son exploitation et son aliénation, sa destruction de la culture et sa fuite dans la guerre.
Une telle chose fait que la question animale est par exemple essentielle, car McDonald’s est un grand symbole du mode de vie capitaliste destructeur. Tout comme la dénonciation des réseaux sociaux, calibrés pour assécher les esprits, les faire se désorienter dans une consommation abrutissante, doit prendre une place réelle. On ne peut pas dénoncer le capitalisme en perdant sa vie sur Instagram, Facebook, Twitter, Tinder, Youtube et autres variantes pas forcément américaines, comme TikTok.
Dire qu’en France l’ennemi principal c’est la superpuissance américaine, c’est opposer non pas la France au États-Unis, mais les intérêts démocratiques et populaires des larges masses à l’alignement sur la superpuissance américaine et ses valeurs dans tous les domaines.
L’apolitisme en France est l’expression de cet alignement et rien ne peut se faire sans le rejet affirmé de la superpuissance américaine !
L’utopique mondialisation s’est une nouvelle fois évanouie.
Hier, utopie du chemin de fer et de l’acier, aujourd’hui utopie de l’entrepôt et du conteneur, le rêve d’une humanité unifiée à travers les flux économiques parcourt le monde depuis que le capitalisme s’est réellement élancé au seuil du XIXe siècle.
Car la mondialisation telle qu’on l’entend aujourd’hui n’a pas commencé comme cela est souvent dit en 1991, mais véritablement au XIXe siècle lorsque se sont constitués les premiers trusts internationaux exportant leurs capitaux aux quatre coins du globe.
Et déjà en cette fin de siècle qui avait vu fleurir les mouvements de libération nationale, nombreux étaient les commentateurs proclamant la fin des guerres grâce au règne de la dépendance économique généralisée, alors baptisée « première mondialisation ».
A tel point que la Ligue internationale de la paix et de la liberté fondée en 1867 à Genève avait intitulé son organe « Les Etats-Unis d’Europe ». Il en allait d’une portée historique, celle d’un capitalisme bâtissant une nouvelle civilisation pacifiée. Douce et vaine illusion bourgeoise : le développement des richesses nationales restait fondé sur de puissantes inégalités entre pays, formant le lit de la rancœur et du nationalisme.
Si l’illusion fut critiquée théoriquement par quelques grandes figures du mouvement ouvrier international, tel par-exemple Rosa Luxembourg et Lénine à travers deux articles que sont « Utopies pacifistes » et « Du mot d’ordre des États-Unis d’Europe », l’horreur des tranchées de la première guerre mondiale se chargea du reste.
Maintenant soyons lucides. La « mondialisation » de l’après-guerre froide ne fut rien d’autre qu’un retour à l’élan de cette « première mondialisation ». De cet élan qui fit le bonheur des capitalistes de grandes puissances, trop content de s’élancer à la conquête des terres vierges de l’Est et de l’Asie, enfin domestiquées par l’économie de marché.
Hier comme aujourd’hui, l’illusion ne pouvait durer qu’un temps, le temps d’un cycle d’accumulation du capital. Un cycle qui a vu certains pays stagner, d’autres fleurir, le tout dans le chaos mondial d’une économie de marché qui devient tôt ou tard le tremplin pour une grande guerre de repartage.
Et c’est dans cette conjoncture historique que reprend forme le fameux « retour des nations », ce retour en arrière qu’a déjà connu l’Europe et le monde au seuil de 1914 et qui atteste la péremption de la bourgeoisie comme porteur de la civilisation humaine.
Ce processus qui prend partout en Europe, d’une manière ou d’autre, la forme d’un relatif retrait de certaines règles communautaire de commerce, voir carrément l’autonomisation de certaines chaînes d’approvisionnements économiques mondiales, à l’instar de l’industrie des semi-conducteurs.
À la télévision américaine CNN, Emmanuel Macron déclarait récemment d’une manière pragmatique qui sous-entend clairement la tendance à la guerre de repartage :
Il faut passer d’un monde où l’interdépendance et le commerce étaient un moyen d’éviter les guerres, à un monde où il faut être autonome et indépendant.
Ce qui se passe est donc tout à fait simple. La bourgeoisie a historiquement et positivement constitué des marchés nationaux à travers un processus d’unification sociale et culturelle nationale, puis de cet élan s’est constitué une spécialisation des économies alors interdépendantes, donnant lieu à un marché mondial, une « mondialisation ».
Mais la bourgeoisie ne peut aller jusqu’au bout de ce processus car sa portée historique est fondée sur l’économie de marché qui connaît des antagonismes économiques et des développements inégaux entre pays. Le clash est tôt ou tard inéluctable, et le retour à la base du marché national incontournable.
Le Brexit était déjà annonciateur de tout ce processus historique et les événements historiques de ces cinq dernières années n’ont fait que confirmer une accélération des choses.
Il y a évidemment l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Les poussées des forces nationalistes un peu partout en Europe, comme en France avec les 89 députés RN élus en juin, en Suède avec les « Démocrates de Suède » devenu deuxième force politique du pays aux dernières élections législatives, et dernièrement en Italie avec la poussée fulgurante de la figure de Fratelli d’Italia, Giorgia Meloni, passée de 4,35 % aux élections de 2018 à 26,47 % en 2022.
En Italie, Giorgia Meloni est très claire sur cette perspective, se disant « prête à faire revivre l’Italie » et à la « faire respecter en Europe ». Et c’est le rêve de l’Union européenne, corollaire de l’illusoire mondialisation, qui s’effondre : elle reste ce qu’elle a toujours été, une interface de négociations financières et commerciales pour les pays développés de l’Ouest européen.
Là aussi, il faut se souvenir de comment le mot d’ordre des « États-Unis d’Europe » était défendu dans les années 1900 par les forces libérales-modernisatrices, tel Georges Clémenceau cherchant à s’appuyer sur l’élan de la « première mondialisation ».
Chimère car déjà se cachait la soumission aux États-Unis qui allaient devenir la principale force capitaliste mondiale au sortir de la première guerre mondiale. Et l’on remarquera combien la filiation historique de Georges Clémenceau se trouve en Emmanuel Macron, l’un comme l’autre soutenant une Europe au service de la France dans le cadre d’une alliance avec les États-Unis.
Finalement, en ce début de XXIe siècle, nous voilà revenus au point de départ de la fin XIXe siècle. Et de ce point de vue, l’enjeu est de ne pas retomber dans les erreurs du mouvement ouvrier français, alors divisé entre réformateurs et syndicalistes, tous finissant dans l’Union Sacrée d’août 1914.
Reconnaître la fin de l’illusion bourgeoise, c’est repartir sur les bases de l’utopie socialiste, celle-là qui fait de la fin des antagonismes économiques et des inégalités de développement la condition pour la réalisation d’une coopération entre les peuples du globe.
La corruption capitaliste de la Gauche gouvernementale est patente.
Voici le passage du programme commun de 1972 concernant l’emploi de l’arme nucléaire et de l’armée, ou plus exactement du désarmement. Car le Parti socialiste et le PCF prônaient alors le refus de l’armée de métier, la réglementation des ventes d’armes, l’abandon complet de l’arme nucléaire, et l’affirmation du démantèlement de l’OTAN et du Pacte de Varsovie !
Qu’on compare cela aux derniers propos bellicistes de Jean-Luc Mélenchon !
Pour la Gauche à l’époque, en 1972, le programme commun était un compromis pour tenter de gagner la majorité. Désormais, c’est tellement à gauche que cela va bien trop loin pour toute la Gauche participant aux élections ! On voit à quel point il y a eu une décadence.
Et comment il faut reconquérir le terrain perdu alors que la France s’aligne sur l’OTAN et la superpuissance américaine !
Un classique de la véracité sur la guerre nucléaire.
« Threads » (les fils) est un téléfilm de 1984 qui est le pendant britannique du téléfilm américain Le Jour d’après. Dans ce dernier, on accompagne une famille de la campagne américaine dans la pénombre de la guerre nucléaire ; dans Threads, on accompagne une famille de la ville industrielle de Sheffield. Le Jour d’après était passé à la télévision sur ABC, Threads à la BBC.
Les deux téléfilms sont incontournables. Cependant, Le Jour d’après a une approche américaine ; son réalisme reste si ce n’est consensuel, du moins dans le cadre classique d’un téléfilm, même si forcément en raison du thème, cela reste émotionnellement très difficile. Threads s’appuie par contre sur une lecture anglaise du réalisme et c’est très cru. Ce n’est pas un film d’horreur, mais c’est l’horreur.
Dans les deux cas, on se rappellera toute sa vie de ces films et on est immanquablement horrifié par l’existence même de l’arme nucléaire. Mais Le Jour d’après est cauchemardesque, Threads est infernal. Peter Bradshaw du journal The Guardian résume ainsi ses impressions tout à fait compréhensibles :
« Ce n’est que lorsque j’ai vu Threads que j’ai découvert que quelque chose à l’écran pouvait me faire donner des sueurs froide et frissonnantes et me maintenir dans cet état pendant 20 minutes, suivi de semaines de dépression et d’anxiété. »
Threads s’appuie en effet sur toutes les analyses possibles des effets à court et moyen terme d’un holocauste nucléaire sur la Grande-Bretagne. Son exposition est scientifique et il est très bien réalisé. Ce qu’on voit est vraisemblable, voire on le considère comme vrai et comme pour Le Jour d’après, c’est totalement envahissant.
Cela parlait alors d’autant plus aux Britanniques que le Royaume-Uni avait tout un programme – Protect and Survive – passant à la télévision, à la radio, diffusé en brochures, etc. expliquant comment se « protéger » et « survivre » à une attaque nucléaire.
Threads est pratiquement une réponse point par point à l’absurdité de ce programme expliquant aux gens quoi faire, comme si cela serait suffisant. Le bourrage de crâne de Protect and Survive ne passerait plus aujourd’hui tellement c’est infantilisant, niais et absurde.
Threads est ainsi incontournable, mais il faut être prêt mentalement. Le Jour d’après est regardable en famille, même s’il est dur. Impossible pour Threads. En fait, il faut à la fois l’éviter au possible et en même temps absolument le regarder. Telle est sa nature.
Le film est visible en ligne ici, de manière légale et sûre (même si c’est un peu long à démarrer). C’est la version originale et l’anglais qu’on y trouve, celui de Sheffield, est indéniablement difficile d’accès. On comprend l’ensemble cependant sans soucis… malheureusement.