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Guerre Refus de l’hégémonie

La fin de l’utopie bourgeoise

L’utopique mondialisation s’est une nouvelle fois évanouie.

Hier, utopie du chemin de fer et de l’acier, aujourd’hui utopie de l’entrepôt et du conteneur, le rêve d’une humanité unifiée à travers les flux économiques parcourt le monde depuis que le capitalisme s’est réellement élancé au seuil du XIXe siècle.

Car la mondialisation telle qu’on l’entend aujourd’hui n’a pas commencé comme cela est souvent dit en 1991, mais véritablement au XIXe siècle lorsque se sont constitués les premiers trusts internationaux exportant leurs capitaux aux quatre coins du globe.

Et déjà en cette fin de siècle qui avait vu fleurir les mouvements de libération nationale, nombreux étaient les commentateurs proclamant la fin des guerres grâce au règne de la dépendance économique généralisée, alors baptisée « première mondialisation ».

A tel point que la Ligue internationale de la paix et de la liberté fondée en 1867 à Genève avait intitulé son organe « Les Etats-Unis d’Europe ». Il en allait d’une portée historique, celle d’un capitalisme bâtissant une nouvelle civilisation pacifiée. Douce et vaine illusion bourgeoise : le développement des richesses nationales restait fondé sur de puissantes inégalités entre pays, formant le lit de la rancœur et du nationalisme.

Si l’illusion fut critiquée théoriquement par quelques grandes figures du mouvement ouvrier international, tel par-exemple Rosa Luxembourg et Lénine à travers deux articles que sont « Utopies pacifistes » et « Du mot d’ordre des États-Unis d’Europe », l’horreur des tranchées de la première guerre mondiale se chargea du reste.

Maintenant soyons lucides. La « mondialisation » de l’après-guerre froide ne fut rien d’autre qu’un retour à l’élan de cette « première mondialisation ». De cet élan qui fit le bonheur des capitalistes de grandes puissances, trop content de s’élancer à la conquête des terres vierges de l’Est et de l’Asie, enfin domestiquées par l’économie de marché.

Hier comme aujourd’hui, l’illusion ne pouvait durer qu’un temps, le temps d’un cycle d’accumulation du capital. Un cycle qui a vu certains pays stagner, d’autres fleurir, le tout dans le chaos mondial d’une économie de marché qui devient tôt ou tard le tremplin pour une grande guerre de repartage.

Et c’est dans cette conjoncture historique que reprend forme le fameux « retour des nations », ce retour en arrière qu’a déjà connu l’Europe et le monde au seuil de 1914 et qui atteste la péremption de la bourgeoisie comme porteur de la civilisation humaine.

Ce processus qui prend partout en Europe, d’une manière ou d’autre, la forme d’un relatif retrait de certaines règles communautaire de commerce, voir carrément l’autonomisation de certaines chaînes d’approvisionnements économiques mondiales, à l’instar de l’industrie des semi-conducteurs.

À la télévision américaine CNN, Emmanuel Macron déclarait récemment d’une manière pragmatique qui sous-entend clairement la tendance à la guerre de repartage :

Il faut passer d’un monde où l’interdépendance et le commerce étaient un moyen d’éviter les guerres, à un monde où il faut être autonome et indépendant.

Ce qui se passe est donc tout à fait simple. La bourgeoisie a historiquement et positivement constitué des marchés nationaux à travers un processus d’unification sociale et culturelle nationale, puis de cet élan s’est constitué une spécialisation des économies alors interdépendantes, donnant lieu à un marché mondial, une « mondialisation ».

Mais la bourgeoisie ne peut aller jusqu’au bout de ce processus car sa portée historique est fondée sur l’économie de marché qui connaît des antagonismes économiques et des développements inégaux entre pays. Le clash est tôt ou tard inéluctable, et le retour à la base du marché national incontournable.

Le Brexit était déjà annonciateur de tout ce processus historique et les événements historiques de ces cinq dernières années n’ont fait que confirmer une accélération des choses.

Il y a évidemment l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Les poussées des forces nationalistes un peu partout en Europe, comme en France avec les 89 députés RN élus en juin, en Suède avec les « Démocrates de Suède » devenu deuxième force politique du pays aux dernières élections législatives, et dernièrement en Italie avec la poussée fulgurante de la figure de Fratelli d’Italia, Giorgia Meloni, passée de 4,35 % aux élections de 2018 à 26,47 % en 2022.

En Italie, Giorgia Meloni est très claire sur cette perspective, se disant « prête à faire revivre l’Italie » et à la « faire respecter en Europe ». Et c’est le rêve de l’Union européenne, corollaire de l’illusoire mondialisation, qui s’effondre : elle reste ce qu’elle a toujours été, une interface de négociations financières et commerciales pour les pays développés de l’Ouest européen.

Là aussi, il faut se souvenir de comment le mot d’ordre des « États-Unis d’Europe » était défendu dans les années 1900 par les forces libérales-modernisatrices, tel Georges Clémenceau cherchant à s’appuyer sur l’élan de la « première mondialisation ».

Chimère car déjà se cachait la soumission aux États-Unis qui allaient devenir la principale force capitaliste mondiale au sortir de la première guerre mondiale. Et l’on remarquera combien la filiation historique de Georges Clémenceau se trouve en Emmanuel Macron, l’un comme l’autre soutenant une Europe au service de la France dans le cadre d’une alliance avec les États-Unis.

Finalement, en ce début de XXIe siècle, nous voilà revenus au point de départ de la fin XIXe siècle. Et de ce point de vue, l’enjeu est de ne pas retomber dans les erreurs du mouvement ouvrier français, alors divisé entre réformateurs et syndicalistes, tous finissant dans l’Union Sacrée d’août 1914.

Reconnaître la fin de l’illusion bourgeoise, c’est repartir sur les bases de l’utopie socialiste, celle-là qui fait de la fin des antagonismes économiques et des inégalités de développement la condition pour la réalisation d’une coopération entre les peuples du globe.

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Guerre Refus de l’hégémonie

L’arc, les flèches et le refus socialiste-communiste de l’arme nucléaire de 1972

La corruption capitaliste de la Gauche gouvernementale est patente.

Voici le passage du programme commun de 1972 concernant l’emploi de l’arme nucléaire et de l’armée, ou plus exactement du désarmement. Car le Parti socialiste et le PCF prônaient alors le refus de l’armée de métier, la réglementation des ventes d’armes, l’abandon complet de l’arme nucléaire, et l’affirmation du démantèlement de l’OTAN et du Pacte de Varsovie !

Qu’on compare cela aux derniers propos bellicistes de Jean-Luc Mélenchon !

Pour la Gauche à l’époque, en 1972, le programme commun était un compromis pour tenter de gagner la majorité. Désormais, c’est tellement à gauche que cela va bien trop loin pour toute la Gauche participant aux élections ! On voit à quel point il y a eu une décadence.

Et comment il faut reconquérir le terrain perdu alors que la France s’aligne sur l’OTAN et la superpuissance américaine !

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Culture Refus de l’hégémonie

Le terrifiant et obligatoire téléfilm « Threads » (1984)

Un classique de la véracité sur la guerre nucléaire.

« Threads » (les fils) est un téléfilm de 1984 qui est le pendant britannique du téléfilm américain Le Jour d’après. Dans ce dernier, on accompagne une famille de la campagne américaine dans la pénombre de la guerre nucléaire ; dans Threads, on accompagne une famille de la ville industrielle de Sheffield. Le Jour d’après était passé à la télévision sur ABC, Threads à la BBC.

Les deux téléfilms sont incontournables. Cependant, Le Jour d’après a une approche américaine ; son réalisme reste si ce n’est consensuel, du moins dans le cadre classique d’un téléfilm, même si forcément en raison du thème, cela reste émotionnellement très difficile. Threads s’appuie par contre sur une lecture anglaise du réalisme et c’est très cru. Ce n’est pas un film d’horreur, mais c’est l’horreur.

Dans les deux cas, on se rappellera toute sa vie de ces films et on est immanquablement horrifié par l’existence même de l’arme nucléaire. Mais Le Jour d’après est cauchemardesque, Threads est infernal. Peter Bradshaw du journal The Guardian résume ainsi ses impressions tout à fait compréhensibles :

« Ce n’est que lorsque j’ai vu Threads que j’ai découvert que quelque chose à l’écran pouvait me faire donner des sueurs froide et frissonnantes et me maintenir dans cet état pendant 20 minutes, suivi de semaines de dépression et d’anxiété. »

Threads s’appuie en effet sur toutes les analyses possibles des effets à court et moyen terme d’un holocauste nucléaire sur la Grande-Bretagne. Son exposition est scientifique et il est très bien réalisé. Ce qu’on voit est vraisemblable, voire on le considère comme vrai et comme pour Le Jour d’après, c’est totalement envahissant.

Cela parlait alors d’autant plus aux Britanniques que le Royaume-Uni avait tout un programme – Protect and Survive – passant à la télévision, à la radio, diffusé en brochures, etc. expliquant comment se « protéger » et « survivre » à une attaque nucléaire.

Threads est pratiquement une réponse point par point à l’absurdité de ce programme expliquant aux gens quoi faire, comme si cela serait suffisant. Le bourrage de crâne de Protect and Survive ne passerait plus aujourd’hui tellement c’est infantilisant, niais et absurde.

Threads est ainsi incontournable, mais il faut être prêt mentalement. Le Jour d’après est regardable en famille, même s’il est dur. Impossible pour Threads. En fait, il faut à la fois l’éviter au possible et en même temps absolument le regarder. Telle est sa nature.

Le film est visible en ligne ici, de manière légale et sûre (même si c’est un peu long à démarrer). C’est la version originale et l’anglais qu’on y trouve, celui de Sheffield, est indéniablement difficile d’accès. On comprend l’ensemble cependant sans soucis… malheureusement.