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France : l’extrême-droite en tête des Européennes de 2019

Pour la seconde fois, l’extrême-droite est en France en tête des Européennes. Et le tête de liste, Jordan Bardella, a 23 ans ! Avec Marion Maréchal, il appartient à un mouvement de fond, celui de la constitution de cadres dirigeants. C’est la marche vers le pouvoir qui s’orchestre. L’avenir va amener des situations politiques d’une tension extraordinaire.

Après le débat du second tour des présidentielles, Marine Le Pen avait été enterrée par les médias et les commentateurs superficiels de la politique. Elle aurait été trop agressive, trop incapable de nuance, trop décalée. Quelle naïveté ! C’était un ballon d’essai pour voir jusqu’où il était possible d’aller. Elle a compris que les Français ne voulaient pas sortir de l’Union Européenne, mais elle a su en même temps se positionner pour le long terme comme la critique la plus radicale de sa forme actuelle.

D’où le résultat à ces Européennes de 2019, avec pratiquement un quart des électeurs. C’est un chiffre énorme. Énorme parce qu’il est stable, porté politiquement par un courant politique organisé et structuré, qu’il fédère encore et toujours des secteurs populaires entiers. Dans le Pas-de-Calais, si populaire, c’est 38 % des voix, soit le double de la liste suivante, celle de la liste de soutien à Emmanuel Macron, battue d’ailleurs au niveau national. Et cela aussi c’est significatif.

Le Rassemblement National se profile de plus en plus comme le principal mouvement d’opposition, le seul capable de fédérer, de par son poids, une alternative politique. La Droite va céder toujours davantage à son appel, à ses pressions. Bloquée par le Centre, elle va chercher des alliances à l’extrême-droite, tel un besoin vital, ne serait-ce que sur le plan électoral.

Et parlons de l’effet gilets jaunes. On se demandait à qui allait profiter leur mouvement. Eh bien voilà, on le sait désormais. Car on se doute bien que les gens pro-gilets jaunes n’ont pas voté EELV. Ils se sont abstenus ou bien basculent dans la dénonciation d’extrême-droite. Tous ceux qui ont prétendu le contraire doivent se remettre profondément en question. Ils n’ont servi qu’à encore plus déboussoler, désorienter, contribuer à ce que les thèses nationalistes s’installent.

Et appelons quand même ici que LFI, l’ultra-gauche et encore bien d’autres nous promettaient une grande révolte sociale à l’échelle du pays, un bouleversement sans précédent ! Ces gens-là ont été une catastrophe pour la Gauche.

Alors que faire ? La réponse est simple : repartir à la conquête des masses neutralisées par l’extrême-droite. C’est un travail gigantesque. Car, déjà il faut être capable de proposer des choses de gauche aux gens. C’est loin d’être simple. Il faut retrouver les valeurs de la Gauche. Il faut être en mesure de les diffuser. C’est un double travail énorme.

Mais, en plus, il va falloir réussir à briser la démagogie sociale et nationaliste de l’extrême-droite. Et là franchement, cela rajoute un obstacle immense. Comment va-t-on réussir à démolir ce qui est désormais une tradition dans une large partie de la population ? Et une tradition grandissante, s’amplifiant partout, qui plus est ? La Gauche va ici devoir disposer d’un très haut niveau intellectuel, culturel, moral !

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Pour qui voter ? Un billet d’humeur

Une tentative de porter un regard concret pour un vote utile pour ces élections européennes : quelles listes à Gauche s’assument telles quelles ? Lesquelles peut-on soutenir ? Rien que le fait que la question se pose montre le problème.

Pour qui voter ? Pour cela il y a les professions de foi ! Il suffit de les lire et de faire son choix ! Il y a « En marche pour l’Europe », la liste du mouvement d’Emmanuel Macron. On dira ce qu’on voudra, c’est propre et constructif, avec l’Europe comme utopie libérale-sociale. Qui ne dirait pas non d’ailleurs à une vingtaine d’universités européennes d’ici 2024 ? À une force de protection sanitaire contre les fraudes alimentaires ?

Il ne faut pas s’étonner que des gens aient de l’espoir en cela, au-delà bien entendu de leur intérêt économique. Mais justement, le libéralisme, c’est non, alors regardons la suite.

Il y a les écologistes, avec Yannick Jadot. Après tout, la planète est en train de souffrir. Mais bon, pas certain qu’un repas végétarien optionnel dans la restauration collective change grand-chose… Ni d’ailleurs le droit de vote à seize ans ou l’accueil digne des migrants. Même pas des réfugiés : là on est carrément dans le libéralisme le plus poussé… Passons à autre chose.

Il y a Lutte Ouvrière. Sympa ! Non, ce n’est pas le mot, car c’est fade. Mais c’est digne. Le camp des travailleurs, une enseignante et un ouvrier en tête de liste, le rejet de la grande bourgeoisie, au moins c’est posé. Pas politique, car c’est la même chose depuis des décennies, mais c’est déjà ça. La profession de foi du PCF est plutôt claire aussi, elle est très propre, c’est plus politique : les salaires, l’urgence climatique, l’opposition aux traités ultralibéraux… Minimaliste, mais politique. S’il n’y avait pas en tête de liste Ian Brossat, ce dandy de la mairie de Paris, cela serait plus crédible…

Bon allons voir la liste de Benoît Hamon. Lui au moins il est sincère, et déprimé apparemment en ce moment. Il pense que ses idées vont être coulées si là son score est trop faible. En même temps, la profession de foi est tellement faible, il tend le bâton pour se faire battre. Il faut battre la Droite au pouvoir et les nationalistes, mais il n’y aucune référence à la Gauche. Alors allons voir la liste de Raphaël Glucksmann, lui voulait unir la Gauche ! Mais non, il est juste parlé d’une Europe forte, « pour peser face à l’Amérique de Trump, la Russie de Poutine et la Chine de Xiping ».

Dupont-Aignan et Debout la France ? Même plus gaulliste social, désormais c’est de droite et ce ouvertement. Les « Européens » ? Des centristes qui font la gueule à Emmanuel Macron. Les Républicains ? La même chose en plus conservateur. L’UPR ? La secte du Frexit, uniquement bonne à dire que la France serait l’esclave de l’Union Européenne. La France Insoumise ? Pareil et la base tend d’ailleurs toujours plus aux souverainistes et aux fachos.

Marine Le Pen et Jordan Bardella ? La même chose en encore plus démagogique, et son score va faire mal, très mal. Et c’est là qu’on se dit qu’il faut voter quand même. Parce que l’abstention + un carton de l’extrême-droite, cela va être difficile à digérer. En même temps, ils sont tellement nuls tous à Gauche : sans ambition, sans utopie, sans romantisme, sans socialisme. Pour les plus dégoûtés – les plus conscients peut-être, voter est impossible. Pour d’autres, plus sentimentaux, plus résignés, il y a Benoît Hamon, Ian Brossat, et la liste de Lutte Ouvrière, en sachant que seuls les deux premiers peuvent éventuellement arriver au 5 % nécessaire pour avoir un élu.

Dans tous les cas, un bulletin de vote ne suffira pas à quoi que ce soit : une liste unie à Gauche aurait pu être un vrai marqueur, un témoignage d’une recomposition qu’on soutient. Là c’est trop faible, bien trop faible, alors qu’il y a la catastrophe climatique, le capitalisme en crise et l’extrême-droite qui progresse de manière ininterrompue. Les prochaines années vont être celles de bien des exigences !

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Élections européennes : les dix points de la Fédération des Associations Familiales Catholiques

La famille est un thème essentiel pour l’Église catholique, au sens où pour elle c’est le point de départ et d’arrivée de l’individu et de la société. Sa lecture est, de fait, anti-historique et anti-culturelle, mais face au libéralisme économique et à la « déconstruction » promue par les libéraux culturels, elle trouve le moyen de maintenir ses positions et de repartie à l’offensive.

La Fédération des Associations Familiales Catholiques en Europe, présente dans 18 pays de l’Union Européenne, a rédigé un Manifeste proposant un engagement en dix points aux candidats aux élections européennes. Ce n’est pas rien : même si on refuse l’hypothèse d’un divinité omnisciente, omnipotente, etc., la religion est un phénomène social ayant de multiples caractères, qui porte historiquement également de nombreuses valeurs culturelles et civilisationnelles.

Ici, on sait comment on fait face à deux courants unilatéraux : celui qui fait de la religion une chose sacrée, le noyau de la civilisation, et celui qui, ne faisant confiance qu’à l’individu-roi, ne prend pas en compte en l’Histoire et donc la question religieuse. Ce second courant a largement travaillé la Gauche, malheureusement, et cela se lit très bien si l’on imagine les réponses possibles aux dix points de la Fédération des Associations Familiales Catholiques en Europe.

Surtout que l’Église catholique romaine est d’une intelligence rare. On ne le dira jamais assez. On comprend donc que tout est très subtil, très construit, résolument machiavélique. Prenons le point 7. La Gauche historique est bien entendu d’accord avec ce point en général, car il a une lecture biologique, naturelle. Les courants post-industriels, post-modernes, le rejettent par contre catégoriquement.

« 7. Reconnaître la complémentarité de l’homme et de la femme
La famille est le premier lieu d’ingénierie créative pour toute la société. Je reconnais la complémentarité de l’homme et de la femme, et m’opposerai à toute politique qui tenterait de gommer la différenciation sexuelle. »

Seulement voilà, à la dialectique homme-femme, il a été ajouté la famille comme « ingénierie créative pour toute la société ». C’est là un autre thème. Dire que l’humanité repose sur une opposition homme-femme productive, c’est une chose. Faire de la famille la base de la société, c’est autre chose. On voit comment, de manière subtile, l’Église profite des errements ou délires des courants post-industriel, post-moderne, pour réactiver le thème réactionnaire de la « famille » conservatrice, repliée sur elle-même, niant le reste de la société.

L’un des points proposés par la Fédération des Associations Familiales Catholiques en Europe est même explicite en ce sens :

« 2. Mettre en œuvre le « Family Mainstreaming »
La famille est la pierre angulaire de toute société. L’UE doit prendre en compte le développement des familles dans toutes ses décisions, dans le respect du principe de subsidiarité.

Je m’engage à promouvoir la mise en œuvre du « Family Mainstreaming », examen préalable des conséquences sur la famille, pour toutes les politiques publiques de l’UE. »

Le reste est du tout avenant : l’économie doit être au service de la famille (c’est dit tel quel, point 4), les associations familiales doivent se voir accorder un rôle significatif (point 3), il faut leur donner de l’argent pour relancer la démographie (point 1), la vie professionnelle doit s’adapter à la forme familiale (point 6).

Le point 5 est, quant à lui, un exemple pratiquement parfait d’anticapitalisme romantique, avec la « personne » avant l’économie et la finance, etc.

« 5. Un travail digne et productif, nécessaire pour chaque famille
La famille est un acteur premier et naturel dans la promotion de l’inclusion sociale. Je m’engage à travailler en faveur de politiques publiques n’abordant pas le marché du travail sous l’angle exclusif de l’économie et de la finance, mais d’abord en considérant la personne et ses talents, capable de contribuer au bien commun et de prévenir la pauvreté.

Je m’engage également à soutenir la reconnaissance du travail domestique accompli par les mères et pères de famille, et de la valeur du bénévolat comme contribution à la cohésion sociale. »

Le point 10 serait malheureusement accepté par toute une partie de la Gauche, devenue relativiste, communautariste. Il est considéré comme odieux, inacceptable, pour les partisans de l’universalisme, pour la Gauche historique.

« 10. Père et mère, premiers et principaux éducateurs de leurs enfants.
Les familles s’inscrivent toujours dans une perspective de long terme, et travaillent à un avenir durable. Je m’assurerai que les programmes de l’UE en faveur des jeunes respecteront et protégeront le droit des parents à diriger l’éducation de leurs enfants conformément à leurs traditions culturelles, morales et religieuses qui visent leur bien et leur dignité. »

Le point 9 est décevant et montre que l’Église n’est pas en mesure d’affronter les questions morales de notre époque. Il fait en effet seulement allusion à l’avortement et à l’euthanasie. Cela montre que l’Église est du passé, qu’elle n’est pas capable d’affronter l’ultra-individualisme et son utilitarisme.

Une partie de la Gauche non plus d’ailleurs, qui considère l’avortement comme une simple formalité administrative, alors que cela pose la question du rapport à un être vivant en partie formée. La question de l’euthanasie est pareillement très délicate : si on peut juger tout à fait logique de vouloir abréger les souffrances (ce que l’Église catholique refuse), il n’en est pas moins vrai que vue la société, les critères vont être très bas afin de se débarrasser des indésirables, des inutiles…

« 9. Respecter la dignité de l’être humain jusqu’à sa mort naturelle
La famille est le lieu naturel de l’accueil de toute vie nouvelle. Je soutiens le respect de la dignité inhérente à toute vie humaine, à toutes ses étapes, depuis sa conception jusqu’à sa mort naturelle. Je soutiendrai les politiques et les bonnes pratiques accordant un soin particulier aux enfants avant et après leur naissance et à leurs mères, ainsi qu’aux familles d’accueil et aux familles adoptantes. »

Le point 8 contourne quant à elle la question du droit au mariage homosexuel, en disant qu’il ne faut pas modifier les lois sur le mariage dans l’Union Européenne et que cette dernière ne doit pas donner pas de définition légale du mariage. C’est là rater ce qu’est le libéralisme, qui ne vise pas tant à élargir le mariage, qu’à supprimer la notion même de couple, en appelant à une infinité de formes familiales, d’alliances individuelles, etc.

Il est vrai que l’Église catholique romaine cherche simplement à maintenir ses positions, pas à supprimer le libéralisme culturel ni le libéralisme économique, car elle a accepté le capitalisme. Cela n’était pas vrai encore dans les années 1930-1940, où elle cherchait une troisième voie, national-catholique et corporatiste (notamment avec l’Espagne et l’Autriche, ses deux bastions). D’un côté, tant mieux qu’elle cesse de diffuser un romantisme fasciste. De l’autre, ses prétentions à s’opposer à l’individu-roi sont devenues bien légères sans la charge de ce romantisme. Il n’y a même pas un semblant d’idéalisme à la Bernanos… L’Église est bien dépassée !

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Le long débat télévisé des élections européennes

Le premier débat télévisé des élections européennes s’est tenu hier, avec douze têtes de liste ayant le droit de parler douze minutes. Un format ingérable, obligeant certains candidats à devoir s’abstenir de s’exprimer, ce qui est absolument contraire à toute recherche d’un débat politique et d’une compréhension rationnelle des choses. Rien que pour cela, ce débat est une preuve de la décadence du niveau politique et culturel dans notre pays.

Il y a également eu beaucoup de polémiques avant sa tenue, car France 2 ne voulait pas inviter certains candidats, qui ont alors fait appel à la justice (Benoît Hamon, Florian Philippot et François Asselineau avaient contesté la décision via un référé-liberté). Force est de constater en tout cas que les candidats de la Gauche n’ont pas été dérangés par la non-présence de la tête de liste de Lutte Ouvrière, Nathalie Arthaud. Quoiqu’on pense de cette organisation, elle est active à Gauche depuis plus de cinquante ans et représente une certaine conception des choses, qu’on ne peut pas balayer d’un revers de la main.

Il y aurait eu l’occasion pourtant de mentionner cette absence lors d’une minute de présentation qui, par ailleurs, a acquis une dimension pratiquement surréaliste, puisque les candidats devaient amener un objet censé représenter leur vision du monde. Une séquence pittoresque, relevant du populisme télévisuel le plus infâme, et qui n’aurait jamais dû être accepté par quiconque a encore le sens des réalités.

Les nationalistes ont bien entendu pu surfer sur une telle indignité, car ce genre de démarche est tout à fait dans l’esprit de leur démagogie, de leur populisme, de leur simplification, de leur outrance.

Florian Philippot, des Patriotes, a amené une baguette de pain, François Asselineau de l’Union populaire républicaine, des menottes symbolisant « l’emprisonnement » de la France par l’Union européenne, Nicolas Dupont-Aignan de Debout la France, un petit avion Airbus, Jordan Bardella du Rassemblement national, une passoire symbole de l’incapacité de l’Union européenne à « protéger nos citoyens, de protéger notre environnement, de protéger notre civilisation, face à la menace terroriste ».

Rien de plus facile pour eux, comme on le voit, de profiter d’une mise en scène absolument scandaleuse, anti-intellectuelle au possible. Et les candidats de gauche ont malheureusement ici succombé au populisme, cherchant à jouer sur les émotions, tentant d’attendrir, de dénoncer sur un ton bravache. C’est un moment très grave et il faut être ici certain qu’aucune figure socialiste ou communiste de la Gauche historique n’aurait accepté une telle mascarade.

Voit-on un journaliste demander à François Mitterrand, Léon Blum, Georges Marchais, Maurice Thorez… d’apporter un objet explicatif de leur démarche ? C’est un peu comme si on disait : oh non ce que vous dites est trop compliqué, faites-nous un dessin ! Pour l’anecdote, en 2017, Jean-Luc Mélenchon a justifié la disparition de l’Internationale comme chant pour la même raison. Il a dit : les gens ne savent pas ce que c’est, cela exclut, donc on ne garde que la Marseillaise.

Il a fallu donc assister à des scènes pathétiques, avec comme thème fondamental l’argent, encore et toujours l’argent, cette obsession à la Proudhon qui n’a strictement aucun rapport avec les exigences de la Gauche historique. Là aussi, il y a une faillite intellectuelle, très profonde, une déconnexion complète avec la réalité du travail, de la production, de la transformation de la réalité, des ouvriers. Quand on sait que les choses se changent, on ne se focalise pas sur l’argent ; on veut au contraire changer en profondeur les choses.

On a donc pu voir Ian Brossat du PCF apportant un bracelet de naissance contre l’austérité et les fermetures de maternité que cela implique, Manon Aubry de La France Insoumise montrant un chèque (celui fait par Emmanuel Macron en supprimant l’ISF, ou bien « un chèque en blanc pour la transition écologique »), Benoît Hamon de Génération-s faisant d’un gilet de sauvetage le symbole de l’aide aux banques après 2007 et l’absence de celle-ci aux migrants traversant la Méditerranée.

Ces pauvres malheureux pensent qu’en tentant de faire pleurer Margot et en réclamant de l’argent, ils vont avoir un écho populaire. C’est un véritable suicide, un massacre de tout le patrimoine intellectuel, culturel, idéologique de la Gauche historique !

Quant à Raphaël Glucksmann, de la liste commune Place publique-Parti socialiste, celui-ci a amené des morceaux du mur de Berlin, tout comme le centriste Jean-Christophe Lagarde de l’Union des démocrates et indépendants, ce qui veut tout dire : ce n’est qu’un bobo de centre-gauche cherchant à mener un hold-up électoral.

Il va de soi qu’avec un tel positionnement, rien ne pouvait sortir de tout cela. On était condamné à avoir comme thèmes les frontières, les migrants, l’entrée de la Serbie dans l’Union Européenne, le budget européen, le glyphosate, le SMIC européen ou le protectionnisme européen.

Non pas que ces thèmes ne soient pas importants, mais ils répondent à des phénomènes bien plus vastes, bien plus importants, à savoir principalement le rapport de l’humanité à la nature, l’impact de la consommation décidée par le capitalisme, la pression gigantesque des entreprises sur les travailleurs pour leur arracher du profit, la condition animale dans ce quelle représente à l’échelle planétaire, la déforestation et le déréglementent climatique comme conséquence de la dévastation de la course au profit.

Il n’y a eu personne à Gauche pour porter lors du débat ces thèmes, pour affirmer leur actualité, et c’est une catastrophe : aussi l’actualité est-elle de reconstruire la Gauche historique !

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« Mon européenne » de Saez, une contribution très utile

La chanson « Mon Européenne » (mars 2017) du chanteur alternatif Saez exprime très bien l’état d’esprit des gens de gauche à propos de l’Europe. C’est une contribution très utile, alors que les élections européennes qui auront lieu fin mai 2019 posent un vrai problème à cause du nationalisme.

Saez est un chanteur très sympathique qui produit depuis de nombreuses années un rock alternatif de qualité, tantôt punk rock, guitare sèche ou piano/voix. Il connaît un grand succès mais n’a jamais renié ses principes et ne s’est soumis aux circuits commerciaux.

Il chante systématiquement la jeunesse et la classe ouvrière, défend l’humanité universelle sans renier l’héritage culturel français, hait le racisme et la bêtise humaine sans jamais tomber dans la mièvrerie catho ou les bons sentiments bourgeois. Il assume « notre mère la Terre » et fais part d’une grande sensibilité, comme avec son très saisissant et progressiste « Les enfants du Paradis » qui pleure les attentats de novembre 2015 à Paris.

Son « Européenne » porte quelque chose de populaire qu’on apprécie forcément quand on veut changer la vie sans se résigner à la société de consommation. Elle est « j’t’emmerde avec ta thune », « c’est pas la Bruxelles », « elle est ouvrière licenciée, non c’est pas la fille du progrès ».

Ce n’est clairement pas l’Union Européenne, car forcément quand on a des exigences sociales, on n’aime pas ce grand marché commun capitaliste. Cependant, on apprécie l’ouverture culturelle ; les populistes faisant du rejet de l’Union Européenne un thème mobilisateur font donc froid dans le dos.

C’est pour cela que l’« Européenne » de Saez ne veut pas du nationalisme :

« Elle a pas vraiment de frontières
Son corps c’est la planète entière
N’en déplaise au peuple bourgeois
Tu sais mon Européenne à moi »

Mais ce n’est pas non-plus un cosmopolitisme libéral, celui d’un Raphaël Glucksmann qui a eu, si l’on peut dire, le mérite d’assumer cet horrible fait : « Quand je vais à New-York ou à Berlin, je me sens plus chez moi, a priori, culturellement, que quand je me rends en Picardie ».

Au contraire, l’« Européenne » de Saez est ancrée dans l’histoire :

« Elle est accordéon sanglot
Elle est accorde-moi un tango
Elle est destin des origines
Elle est racine gréco-latine »

« Elle a des airs de statue grecque
Elle a des airs des Italies
Qu’on dirait Paris à Venise
Qu’on dirait Namur aux Marquises
C’est Gauguin qui peint la terre
Comme un pinceau vous dit mon frère »

De manière générale, jusqu’à récemment, il suffisait pour les gens à Gauche de critiquer les traités libéraux de l’Union Européenne tout en appréciant l’ouverture des frontières et la facilité des échanges culturels. C’était facile, consommateur, opportuniste, et finalement tout à fait conforme au libéralisme instigué par les classes dirigeantes ayant lancé ce grand marché commun.

Le problème est que les populistes ont, qu’on le veuille ou non, mis ce problème du libéralisme sur la table. Ils l’ont bien-sûr fait dans un sens nationaliste, prônant le repli comme avec le Brexit qui n’est qu’un moyen pour la bourgeoisie britannique d’emmener avec elle le peuple vers la guerre.

Le rejet populiste de l’Union Européenne est donc un piège et il s’agit de ne pas tomber dedans.

Faut-il à rebours, pour éviter ce piège, défendre unilatéralement l’Union Européenne, comme le fait un Ian Brossat du PCF ou encore le mouvement de Benoît Hamon dont une cadre députée européenne peut expliquer en réunion publique qu’elle est pour la dilution de la France dans un État européen ?

On imagine que non, car ce serait là suicidaire, impossible à assumer pour la classe ouvrière. Mais il faut en tous cas avoir une position, et pour cela il faut une vision, des valeurs claires. La chanson « Mon Européenne » de Saez n’est bien évidemment pas une position politique, mais c’est une vision du monde, utile pour essayer d’y voir clair et d’élaborer une position, alors que les élections européennes vont être un moment très compliqué pour les personnes progressistes, pour la Gauche.