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Culture Culture & esthétique

Playlist Afghanistan

L’Afghanistan, carrefour géographique, produit une musique très riche.

L’Afghanistan est entre le Moyen-Orient et le sous-continent indien et cela se ressent particulièrement. Le pays a été traversé d’ouest en est et d’est en ouest, du nord au sud et du sud au nord, produisant une synthèse aussi marquante que l’incroyable et magnifique géographie afghane.

La musique est répétitive-entraînante, la thématique dans l’esprit du bulbul, le rossignol, avec l’expression de l’amour masculin le plus complet faisant face à l’apparente indifférence de la bien-aimée qui vérifie en fait qu’il s’agit bien de celui attendu (les chansons Bacha Bacha et Yak Qadam Pesh font allusion à cela).

La vidéo de la chanson « Mohabat », terme désignant d’ailleurs l’amour, est exemplaire de ce romantisme le plus complet – où l’on meurt d’amour s’il le faut, si le destin n’est pas au rendez-vous.

Cette dimension romantique, présent disons des Balkans au Bangladesh, cet aspect positif de la culture islamique, est en fait le meilleur moyen de briser l’Islam comme religion, comme expression féodal-patriarcal.

On notera qu’il existe une grande scène pop commerciale, notamment en Allemagne ; parfois elle puise dans une dimension populaire historique niveau musical, parfois elle rompt dans un sens plus moderne, mais elle conserve le plus souvent une dimension ouvertement démocratique, appelant à l’unité de tous les gens du pays au nom d’une culture commune.

Enfin, petite anecdote toujours utile, Afghanistan se prononce en quelque sorte « Avranistânne ».

Voici la playlist en lecture automatique, suivie de la tracklist :

Madina – Sarzamine (2021)

Seeta Qasemie – Nametarsam (2019)

Jawid Sharif – Yak Qadam Pesh (2012)

Bashir Asem & Setara – Mohabat (2017)

Ahmad Ghani Zada – Bacha Bacha (2020)

Nazir Khara & Ghezal Enayat – Dil e Biqarar (2014)

Sahrish Khan – Shna Bangri (2019)

Shafiq Mureed – Hairan Yam (2018)

Shekiba Teimoori – Bia Berim Dasht (2021)

Hojat Rahimi & Vahdat Rahimi – Afghanistan (2018)

Shafiq Mureed – Khanda Ko (Hazaragi) (2018)

Sadiqa Madadgar – Alai Jan (2021)

Aryana Sayeed – Dar Qalb-e Kabul (2021)

Mozhdah – Bayshay e Sheran (2016)

Ustad Beltoon – Khomari (1986)

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Réflexions

Le retour des talibans témoigne aux yeux des gens de l’instabilité du monde

C’est une crise dans la crise et les gens le comprennent.

Le retour au pouvoir des talibans en Afghanistan traumatise les gens et le scénario catastrophe marque d’autant plus que des avions ramènent depuis l’aéroport de Kaboul des ressortissants et des Afghans ayant soutenu les pays occidentaux.

C’est une crise dans la crise et pour les gens c’est d’autant plus incompréhensible que la crise devrait rassembler les pays du monde entier pour aller dans le bon sens. La crise est mondiale et la tendance naturelle, non capitaliste, est à l’unité, au rassemblement pour faire face aux événements.

La prise du pouvoir par les talibans apparaît comme un retour en arrière d’autant plus incompréhensible. Les talibans de retour, c’est le signe qu’on va vers le passé au moment où l’on devrait encore davantage se tourner vers l’avenir.

En fait, quoiqu’on puisse penser de la situation actuelle, il est évident que tout change à grand vitesse, que les mentalités se transforment radicalement, qu’il y a des accélérations subites. La prise du pouvoir par les talibans est peut-être la première grande expérience politique à l’échelle mondiale de la crise.

Il y a eu des émeutes, des protestations, des guerres mêmes depuis l’émergence de la pandémie. Et là il y a un changement de régime, avec un profond changement d’orientation politique, culturelle, sociale, même si l’Afghanistan d’avant les talibans était déjà lamentablement féodal, clanique, patriarcal.

C’est comme si c’était le premier grand événement de la période de crise – et il va dans le mauvais sens. Cela n’est absolument pas rassurant et les gens l’ont compris, à part bien entendu les secteurs musulmans qui, forcément, éprouvent une sympathie obligée, d’une manière ou d’une autre, pour un pays musulman se tournant de manière romantique, complète vers la religion.

C’est là d’ailleurs qu’on voit que, comme il a déjà été dit sur agauche.org, l’Islam est fini. Le romantisme taliban ne va en effet pas bien loin et entre cela et Dubaï, l’Islam n’a plus rien à proposer. L’envergure mondiale, historique, culturelle qu’il proposait durant les années 2000-2010, aussi mensongère qu’elle ait été, avait un impact comme « proposition » à l’humanité : aujourd’hui tout cela n’est plus que vanité.

C’est que dans un monde instable, les gens veulent du sens, ils veulent saisir la signification de ce qui se passe. C’est ainsi le matérialisme qui prédomine, ou bien son inverse l’irrationalisme comme celui des antivax. Mais la religion, c’est dépassé.

Quelle sera la forme que prendra la bataille entre matérialisme et irrationalisme, voilà la véritable question. Et on doit plutôt parler de formes, au pluriel, tellement il y a d’aspects. En ce sens, ce sont les marqueurs qui comptent.

Pour donner un exemple concret, on peut prendre le second tour de la présidentielle entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen, en 2017. Quelle était la position matérialiste ? De voter à tout prix contre l’extrême-Droite. C’est la règle, la position raisonnable. Quelle était la position irrationaliste à Gauche ? De dire qu’on s’en moque, que tout le monde se vaut.

Ainsi, en appelant à voter pour Emmanuel Macron car il faut toujours bloquer l’extrême-Droite, un marqueur rationnel a été posé. Inversement, un marqueur irrationnel a été posé lorsque des gens ont dit que Marine Le Pen et Emmanuel Macron se valent.

C’est marqueur contre marqueur, une bataille de positions. Dans un monde toujours plus instable, cela devient littéralement l’aspect principal. Et il ne faut rien céder, absolument rien, quand on est de gauche, à l’irrationalisme de l’extrême-Droite et de l’ultra-gauche.

Ce n’est qu’ainsi que la ligne du maintien de la civilisation, de la culture, peut triompher de la crise en allant vers l’avenir, et non en faisant tourner à l’envers la roue de l’Histoire.

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Société

Emmanuel Macron a pris la parole sur l’Afghanistan car l’opinion publique est épouvantée

La situation épouvantable en Afghanistan a touché les gens au cœur.

Le 16 août 2021 le président français Emmanuel Macron a fait une allocution télévisée: il s’est est senti obligé. Pourquoi cela, alors que plus de 7 000 kilomètres séparent la France de l’Afghanistan?

C’est que les gens en France sont horrifiés, d’une part. Ici, on est dans la tradition des Lumières et s’il est une chose que les Français détestent, c’est le fondamentalisme religieux. Le triomphe des talibans leur paraît à la fois épouvantable et anachronique.

De plus, et cela va avec, les gens sont étonnés ou surpris ou du moins se questionnent sur la nature de l’échec en Afghanistan. Comment des obscurantistes religieux peuvent-ils revenir alors qu’ils ont été battus?

Et là, c’est toute l’idéologie interventionniste des pays capitalistes qui en prend un sale coup. Depuis 2001 en effet, voire depuis le début des années 1990 avec l’Irak de Saddam Hussein ou la Yougoslavie avec Slobodan Milošević, les interventions militaires américaine, française, celles de l’OTAN etc. se font au nom du droit international, de l’établissement de la démocratie.

Or, l’exemple afghan montre que cela ne marche pas. Personne n’était vraiment dupe de cela de toutes façons, tout le monde savait bien qu’à l’arrière-plan il y avait une question d’intérêts économiques. Cependant, les gens acceptaient les interventions, au Mali ou en Somalie, au Kosovo ou en Syrie, au nom d’une ingérence jouant en faveur, d’une manière ou d’une autre, des droits de l’Homme.

Impossible d’y croire encore désormais. C’est une vraie catastrophe qui se présente à tous les niveaux pour l’idéologie interventionniste et cela montre encore qu’on a totalement changé de situation par rapport à il y a quelques années.

D’où la nécessité pour Emmanuel Macron d’intervenir pour essayer de sauver les meubles, au moins en apparence. C’est vraiment historique que cette intervention pour un changement de régime dans un pays lointain.

Et sa mission était impossible. Il fallait justifier l’intervention en Afghanistan et le retrait, soutenir la « civilisation » de manière universelle et en même temps accepter ce recul particulier pour l’Afghanistan. Il fallait dénoncer l’obscurantisme, tout en l’acceptant dans les faits. Il fallait rappeler le soutien à la condition féminine tout en acceptant la souffrance en Afghanistan.

On ne saurait sous-estimer la perte de légitimité historique du capitalisme, de la France et d’Emmanuel Macron. C’est tout la tendance à la raison et à la démocratie qui est ici en contradiction avec eux et cela, pour les gens, c’est quelque chose qui ne peut pas passer, parce que l’Histoire va dans un sens.

C’est comme pour « Je suis Charlie »: même si Charlie Hebdo pouvait être critiqué et même si on ne les aimait pas, l’attentat sanglant contre Charlie Hebdo a tout de suite polarisé dans un sens démocratique. Il y a des choses avec lesquelles en France on ne transige pas.

Et le discours présidentiel est en décalage avec cette exigence. C’est le reflet de toute une défaite historique.

ALLOCUTION DU PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE RELATIVE À LA SITUATION EN AFGHANISTAN

Mes chers compatriotes, de l’hexagone, des Outre-mer et de l’étranger, 

Je m’adresse à vous ce soir, alors que nous continuons à nous battre contre le virus avec détermination, et que tout est fait pour que la relance économique et sociale soit la plus forte possible dans notre pays, parce qu’à quelques milliers de kilomètres d’ici un tournant historique est à l’œuvre, en Afghanistan, loin de nos frontières, mais avec des conséquences majeures pour l’ensemble de la communauté internationale, pour l’Europe, et pour la France. 

Après une guerre de vingt années, après la décision de retrait des troupes américaines prise successivement par le président Trump et le président Biden, Kaboul, la capitale de l’Afghanistan, est tombée en quelques heures, sans résistance, aux mains des Talibans. L’intervention américaine et internationale a commencé il y a exactement vingt ans, après les attentats du 11 septembre 2001, et le refus du régime taliban de l’époque en Afghanistan, de livrer Ben Laden, l’organisateur de ces attentats. 

Notre pays a été, pendant treize années, engagé militairement en Afghanistan, de 2001 à 2014. 

Le Président Jacques Chirac, dès octobre 2001 a décidé la participation de la France à l’action internationale, par solidarité avec nos amis et alliés américains qui venaient de subir une attaque effroyable sur leur sol. Avec un objectif clair : combattre une menace terroriste qui visait directement notre territoire et celui de nos alliés depuis l’Afghanistan, devenu le sanctuaire du terrorisme islamiste. 

À partir de juin 2011, le Président Nicolas Sarkozy a engagé le retrait des premières troupes françaises. 

Le Président François Hollande, a ensuite décidé du retrait complet de nos troupes combattantes de manière coordonnée avec les autorités afghanes d’alors, ainsi qu’avec avec nos alliés. 

L’intervention militaire française a donc définitivement cédé la place, le 31 décembre 2014, à l’action civile que nous avons continué de mener à bien, auprès du peuple afghan, avec lequel nos liens d’amitié sont anciens et profonds. 

En Afghanistan, notre combat était juste et c’est l’honneur de la France de s’y être engagé. La France n’y a jamais eu qu’un ennemi : le terrorisme. Nos interventions militaires n’ont pas vocation en effet à se substituer à la souveraineté des peuples, ni à imposer la démocratie de l’extérieur mais à défendre la stabilité internationale et notre sécurité. Partout, la mise en place de processus politiques crédibles est notre priorité. C’est ce principe fondamental de notre politique étrangère que nous avons appliqué en Afghanistan et que nous continuerons de mettre en œuvre. 

Bon nombre d’unités de l’armée française sont passées dans ces vallées durant ces 13 années : légionnaires, tirailleurs, marsouins, chasseurs alpins, marins, aviateurs. Et c’est à eux que je tiens d’abord, ce soir, à m’adresser. A ceux qui ont combattu, aux familles de ceux qui sont morts ou ont été grièvement blessés. Nous n’oublierons pas nos soldats. Nous n’oublierons pas nos morts. 90 au total. 

Le 18 août 2008, dans l’embuscade d’Uzbin, il y a 13 ans presque jour pour jour, 10 soldats français et un interprète afghan étaient tués, 21 soldats français blessés. Ce combat que la France a mené était utile et était notre honneur. Il portera un jour ses fruits et je vous demande de vous en souvenir. 

À cet instant, la situation en Afghanistan se dégrade rapidement et brutalement. A l’heure où je vous parle, les Talibans sont maîtres de la quasi-totalité du pays. Ils sont entrés dans Kaboul et contrôlent la ville à l’exception de l’aéroport où les activités sont coordonnées par les Américains. Le Président afghan a quitté le pays. Les vols commerciaux ont cessé. 

Ce tournant, auquel nous étions préparés, nécessite des décisions et des initiatives immédiates, à la mesure de la gravité de la situation pour répondre à la catastrophe humanitaire. 

L’urgence absolue est de mettre en sécurité nos compatriotes, qui doivent tous quitter le pays, ainsi que les Afghans qui ont travaillé pour la France. 

Nos ressortissants ont été progressivement évacués en anticipation ces dernières semaines. Nous sommes en contact avec tous les Français qui veulent rejoindre le sol national, qu’ils se trouvent à l’aéroport militaire, à l’aéroport civil ou sur le site historique de l’ambassade où la situation demeure préoccupante. Je veux ici remercier nos représentants sur place, nos diplomates, policiers, militaires pour leur engagement et leur courage. Remercier aussi nos alliés américains, indispensables pour mener à bien ces évacuations. 

La France est l’un des très rares pays à avoir décidé de maintenir sur place jusqu’au bout les moyens de protéger ceux qui ont travaillé pour elle. Nous avons aussi anticipé les opérations d’évacuation dans les dernières semaines.

Tous les employés afghans des structures françaises qui pouvaient être menacés ainsi que leurs familles, ce qui représente plus de 600 personnes, ont ainsi pu être accueillis et pris en charge dans de bonnes conditions dans notre pays. 

La France protège en ce moment le délégué de l’Union Européenne et a apporté protection aux collaborateurs afghans de la représentation européenne. La France a également apporté protection et soutien à tous les personnels français d’Organisations non gouvernementales souhaitant quitter le pays. 

Des opérations sont conduites depuis plusieurs années, pour accueillir en France les personnels civils afghans qui ont travaillé pour l’armée française, ainsi que leurs familles. C’est notre devoir et notre dignité de protéger ceux qui nous aident : interprètes, chauffeurs, cuisiniers et tant d’autres. Près de 800 personnes sont d’ores et déjà sur le sol français. Plusieurs dizaines de personnes sont encore sur place qui ont aidé l’armée française et pour lesquelles nous restons pleinement mobilisées. 

De nombreux afghans, défenseurs des droits, artistes, journalistes, militants, sont aujourd’hui menacés en raison de leur engagement. Nous les aiderons parce que c’est l’honneur de la France d’être aux côtés de celles et ceux qui partagent nos valeurs, autant que nous pourrons le faire et en tenant compte de la nécessaire adaptation de notre dispositif. Je remercie les associations, 
collectifs et communes qui aideront à leur accueil. Afin de procéder à ces opérations d’évacuation, qui ne se conduiront pas sans une étroite coordination avec les militaires américains sur place, j’ai décidé l’envoi de deux avions militaires et de nos forces spéciales. Ils seront sur place dans les prochaines heures. 

Au-delà de l’urgence, j’entends prendre au nom de la France plusieurs initiatives en lien étroit avec les autres états européens et nos alliés. 

Notre action visera à continuer de lutter activement contre le terrorisme islamiste sous toutes ses formes. 

Des groupes terroristes sont présents en Afghanistan et chercheront à tirer profit de la déstabilisation. Le Conseil de sécurité des Nations unies devra donc apporter une réponse responsable et unie. J’ai échangé sur ce point avec le Premier ministre Johnson et nous prendrons des initiatives communes dans les prochaines heures. Le retour de la stabilité passera par une telle action, politique et diplomatique au sein du Conseil de sécurité. L’Afghanistan ne doit pas redevenir le sanctuaire du terrorisme qu’il a été.

C’est un enjeu pour la paix, la stabilité internationale, contre un ennemi commun : le terrorisme et ceux qui le soutiennent ; à cet égard, nous ferons également tout pour que la Russie, les Etats Unis et l’Europe puissent efficacement coopérer, car nos intérêts sont bien les mêmes. 

Ensuite, la déstabilisation de l’Afghanistan risque également d’entraîner des flux migratoires irréguliers vers l’Europe. La France, comme je l’ai dit, fait et continuera de faire son devoir pour protéger celles et ceux qui sont les plus menacés. Nous prendrons toute notre part dans le cadre d’un effort international organisé et juste.

Mais l’Afghanistan aura aussi besoin dans les temps qui viennent de ses forces vives et l’Europe ne peut pas à elle seule assumer les conséquences de la situation actuelle. Nous devons anticiper et nous protéger contre des flux migratoires irréguliers importants qui mettraient en danger ceux qui les empruntent, et nourriraient les trafics de toute nature. 

Nous porterons donc, en lien avec la République Fédérale d’Allemagne, et je me suis entretenu il y a quelques instants à ce sujet avec la Chancelière Merkel, et avec d’autres états européens, une initiative pour construire sans attendre une réponse robuste, coordonnée et unie qui passera par la lutte contre les flux irréguliers, la solidarité dans l’effort, l’harmonisation des critères de protection, et la mise en place de coopérations avec les pays de transit et d’accueil comme le Pakistan, la Turquie ou l’Iran. 

Enfin, il nous faut continuer de défendre nos principes, nos valeurs, qui font ce que nous sommes. 

L’histoire de l’Afghanistan n’a pas commencé pas en 2001. Nous sommes intervenus dans un pays ébranlé par quarante ans de guerre, un grand pays tourmenté. Et Nous, Français, sommes à même de le comprendre. Nous, à qui il a fallu des siècles de lutte, de fautes, d’avancées et de reculs pour bâtir une nation conforme aux plus grandes espérances humaines : l’égalité sans considération d’origine, de sexe ou de religion et la liberté de choix et de conscience. 

Et nous savons combien ces combats sont chaque jour à recommencer. 
Les défis auxquels les Afghanes et les Afghans seront confrontés dans les prochaines semaines et les prochains mois sont terribles, immenses. 

Le peuple afghan a le droit de vivre dans la sécurité et le respect de chacun. Les femmes afghanes ont le droit de vivre dans la liberté et la dignité. Et si le destin de l’Afghanistan est entre ses mains, nous resterons, fraternellement, aux côtés des Afghanes et des Afghans. En soutenant la société civile afghane et en faisant notre devoir de protection de celles et ceux que nous pouvons protéger.

En disant très clairement à ceux qui optent pour la guerre, l’obscurantisme et la violence aveugle qu’ils font le choix de l’isolement. En étant toujours du côté de ceux qui combattent pour la liberté, les droits des femmes, qui portent dans le monde le même message que le nôtre. C’est le choix de la raison, c’est le choix de ce que nous sommes profondément. 

Vive la République 
Vive la France

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Guerre

L’Afghanistan aux mains des talibans… mais aussi de la Chine

La chute du régime afghan relève de la bataille pour le repartage du monde.

La prise du pouvoir en Afghanistan par les Talibans, littéralement 20 ans après le 11 septembre et l’intervention américaine qui a suivi, est une terrible défaite américaine. Les Etats-Unis avaient en effet tout fait pour installer un régime qui soit à leur service ; en vingt ans, ils ont investi 2 261 milliards de dollars.

Et là, il a suffi d’enclencher le départ des troupes américaines en juillet pour que les Talibans lancent une offensive allant de victoire en victoire. Le 10 août 2021, les Etats-Unis craignaient que la capitale Kaboul tombe d’ici 30-90 jours… elle tombait sans combattre le 15 août, le président afghan Ashraf Ghani s’enfuyant. Les Talibans ont pu occuper tous les lieux de pouvoir, comme le palais présidentiel, sans coup férir.

Le drapeau blanc est celui de l’Emirat et est un motif islamique des tout débuts avec Mahomet, il y est d’ailleurs inscrit dessus la chahada : «  J’atteste qu’il n’y a pas de divinité en dehors de Dieu et j’atteste que Mahomet est le Messager de Dieu. »

Les Talibans de 2021 sont cependant très différents de ceux de 2001. Ils ne sont plus un mouvement sur le tas d’étudiants en théologie formé par des cadres de la résistance à l’invasion soviétique. Ils relèvent d’un « Émirat Islamique d’Afghanistan » se présentant comme une entité étatique établie, avec même des représentants officiels vivant au Qatar et discutant depuis des années avec les principales puissances.

En fait, officiellement, ils relevaient déjà cet « émirat » de 1996 à 2001 lorsqu’ils contrôlaient le pays. Mais l’apparence mouvementiste, élémentaire, plébeienne millénariste, a été désormais gommée, au profit d’un positionnement « sérieux ». Le motif récurrent, c’est celui de vieux barbus censés exprimer une sagesse clanique-patriarcale dans le respect des traditions religieuses.

On remarquera d’ailleurs ici que, contrairement à Al Qaïda et encore plus à l’Etat islamique, les talibans intègrent désormais dans leur idéologie un dimension nationale. Leurs communiqués sont à moitié religieux à moitié patriotiques, insistant sur la libération de la nation afghane.

« Lié à la nation », une vidéo de propagande des talibans, on notera que les femmes sont systématiquement exclus de toute représentation

Les talibans n’ont donc pas d’objectif millénariste ou transnational. Ils ont également ces dernières années combattu militairement l’Etat islamique cherchent à s’implanter en Afghanistan, alors qu’Al Qaïda a de toutes façons été brisé par les Etats-Unis. On est ici dans une force féodale somme toute classique, du genre à se vendre à une grande puissance pour former un appareil d’Etat bureaucratique.

Pour donner un exemple concret, les Talibans, c’est 60 000 hommes. Ce n’est militairement strictement rien pour le contrôle d’un pays, fut-il petit, et l’Afghanistan est un grand pays de 38 millions d’habitants. En fait, il en va comme des 100 000 hommes au grand maximum de l’Etat islamique à son pic. Ce sont des gangs armés dans une société totalement en décomposition où les gens n’ont aucune capacité à s’organiser.

D’où leur victoire, impossible dans un pays n’ayant pas sombré. En comparaison, l’Espagne avait dans les années 1930 un peu plus de 25 millions d’habitants et lors de la guerre d’Espagne, chaque camp avait 500 000 soldats extrêmement bien organisés, avec toute une intendance.

L’Afghanistan, comme l’Irak, est concrètement un pays totalement déstructuré, brisé, dans un processus qui part de 1979 et des velléités impériales de l’URSS se posant en challenger de la superpuissance américaine. Tout est histoire de clans et d’ethnies vivant littéralement sur le tas, de manière traditionnelle sur un mode féodal, les talibans représentant d’ailleurs les pachtounes, également largement présents au Pakistan (pays soutenant les talibans depuis le début de leur histoire).

Historiquement, les pachtounes ont comme cible les persanophones (le persan est la langue vernaculaire d’Afghanistan), c’est-à-dire les Tadjiks et les Ouzbeks, mais surtout les Hazaras, qui ont comme particularité d’avoir été bouddhistes et d’être musulmans chiites. La fameuse statue géante du Bouddha de Bamîyân se situait justement en plein territoire hazara. Historiquement, les hazaras ont dû supporter massacres et esclavage tout au long de leur histoire.

Bamyan, avec le Bouddha désormais absent

Cependant, il faut bien garder en tête que c’est un environnement féodal et que tel ou tel clan, quel que soit son ethnie, peut se retrouver dans tel ou tel camp. C’est d’autant plus vrai que la victoire des talibans n’aurait pas été possible sans les « parrains ».

Ainsi, la Chine s’était empressée d’annoncer il y a quelques jours déjà qu’elle reconnaîtrait la victoire éventuelle de cet « Émirat » des talibans, alors que les activités de l’ambassade russe à Kaboul pris par les talibans continuent comme si de rien n’était.

Car la chute du régime totalement corrompu et pro-américain en Afghanistan se place, naturellement, dans le cadre du conflit entre la superpuissance américaine et son challenger chinois. Pour dire les choses simplement, la Chine et la Russie ont réussi à chasser les États-Unis.

Mais c’est une grande défaite turque également. La Turquie entendait assurer la « sécurité » de l’aéroport de Kaboul après le départ américain et d’ailleurs envoyer des troupes. Les Talibans avaient envoyé des avertissements très fermes à ce sujet.

Et c’est, déjà, une défaite pour les femmes. Les talibans sont totalement féodaux-patriarcaux, ils méprisent ou haïssent femmes, les considérant comme à la fois impures, secondaires et en fin de compte sans réelle valeur.

C’est la barbarie et d’ailleurs les gens en France ont un affreux haut-le-cœur devant de tels événements. Il leur reste à comprendre que c’est un aspect d’une crise mondiale emportant tout sur son passage dans un capitalisme se ratatinant jusqu’à chercher la sortie par la guerre.

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Guerre

Montée des tensions entre la mer Noire et le Golfe Persique en passant par la Transcaucasie

La ligne de front des conflits est immense géographiquement parlant.

Cela barde de plus en plus dans tout un arc de confrontations allant de la mer Noire au Golfe persique, en passant par la Transcaucasie. Le président ukrainien Volodymyr Zelensky, après avoir changé de ministre de l’Intérieur (qui trustait cette position depuis de longues années), a remplacé le ministre de la défense, le chef d’Etat-major, le commandant des forces aériennes d’assaut et celui des forces opérant dans le Donbass.

Et un opposant biélorusse, Vitali Chychov, a été retrouvé pendu en Ukraine, laissant planer bien sûr l’intervention des services secrets biélorusses, alors qu’inversement une opération de propagande est menée avec une athlète biélorusse « fuyant » le Japon pour éviter d’avoir à retourner dans son pays, où des problèmes l’attendraient en raison de sa critique de l’équipe technique des Jeux Olympiques.

Autrement dit, cela n’arrête pas. Et, désormais, il semble que l’Iran soit arrivé de manière directe dans la ligne de mire occidentale. Israël, les États-Unis et le Royaume-Uni accusent en effet ce pays d’avoir mené une attaque faisant deux morts, au moyen de drones contre le pétrolier japonais Mercer Street, battant pavillon libérien, géré par une société britannique, appartenant à un milliardaire israélien.

Le ton israélien et britannique est particulièrement violent concernant l’exige d’une réplique occidentale collective. En réalité, cela fait des mois que l’Iran et Israël mènent des attaques contre des navires, au moyen de drones, de mines, de saboteurs, etc.

Mais vu avec attention, la montée des tensions s’explique aisément. Comme en Ukraine, il s’agit de cibler un régime favorable à la Chine, là-bas la Russie de Poutine, ici l’Iran islamique chi’ite. À chaque fois, il s’agit de puissance moyenne en terme industriel et militaire, avec un régime fragile, voire bancal concernant l’Iran.

En Ukraine, la pression était retombée du fait de l’échec, relatif, du bloc britannico-américain à entraîner les pays capitalistes de l’Union européenne dans un conflit ouvert contre la Russie. En particulier, l’Allemagne s’était opposée à un tel conflit du fait de ses intérêts propres et de sa stratégie allant dans le même sens que « l’Eurasianisme » promeut par le régime de Moscou.

Concernant Iran, le bloc britannico-américain peut compter sur le ralliement de l’Arabie saoudite et des Émirats, ainsi que sur celui d’Israël, qui sont chauffés à blanc face à l’Iran, sur lequel sont projetés toutes les difficultés internes. Dans ces pays, une large propagande entretient depuis des années une hostilité ouverte contre l’Iran avec des accents militaristes et chauvins toujours plus poussés.

Pour autant, le ralliement des pays de l’Union européenne n’est pas là non plus garanti, avec la France notamment, qui entretient d’importantes forces navales et aériennes dans le secteur, aux Émirats et à Djibouti en particulier, ne se montre pas favorable à un conflit ouvert et reste pour le moment alignée sur l’Allemagne.

C’est cet arrière-plan général qui aide à comprendre la pression qui s’exerce sur les pays de la Transcaucasie, en particulier l’Arménie et l’Azerbaïdjan, et dans une moindre mesure la Géorgie.

Parce que, effectivement, toute cette partie du monde a été transformé en poudrière.

C’est vrai en particulier pour une Transcaucasie qui participe avec engouement à cette vaste confrontation, dont les intérêts la dépasse, mais qui appuie localement les régimes ou les tendances militaristes et nationalistes chauvines, constituant plus largement des factions ralliées à tel ou tel bloc impérialiste, et pensant ainsi en profiter pour « tirer les marrons du feu ».

L’Azerbaïdjan est ici le pivôt de ces enjeux tragiques. Son régime corrompu, tenu par le clan Aliev, l’entraîne à toutes les compromissions et toutes les aventures.

De fait, l’Azerbaïdjan est poussé à la fuite en avant nationaliste. Le pays a bien tenté ces derniers mois d’exister sur la scène internationale par les compétitions sportives en mode démagogique : grand prix de F1 à Bakou, tenue de matchs de la coupe d’Europe de football, participation aux championnats d’échecs, etc… mais aucune de ces tentatives n’a suscité d’entrain populaire.

Les réseaux sociaux azéris, plus libres que les médias en termes de contrôle de la parole, ont vu fleurir ces derniers mois les critiques acerbes contre la corruption du régime et son caractère cosmopolite décadent, au point même que la presse arménienne a pu largement contribuer à diffuser toutes les nouvelles permettant de discréditer le régime.

Bien sûr, cela se heurte au fait que le plus grand titre de gloire d’Ilham Aliev est l’écrasante victoire obtenue sur l’Arménie, en particulier la reconquête symbolique de Chouchi/Shusha.

Bloqué sur toutes les autres voies, le régime ne cesse ainsi de radicaliser sa position face à l’Arménie et multiplie les provocations et les tentatives d’intimidation contre son voisin. Malgré la position officielle, qui voudrait que la question du Karabagh serait réglée pour Bakou, la propagande chauvine et raciste anti-arménienne ne cesse ainsi de gagner en ampleur.

Et les accrochages meurtriers à la frontière Arménie-Azerbaïdjan ont été nombreux.

De l’autre côté, en Arménie, Nikol Pashinyan est parvenu à se maintenir au pouvoir malgré la défaite, sur la même ligne nationale-libérale. Il faut voir que l’ancien régime militariste pro-russe est très largement déconsidérée dans la population, notamment la jeunesse, mais aussi que Nikol Pashinyan a révisé ses positions en partie.

D’un côté, il s’est aligné officiellement sur Moscou, réclamant même que les frontières avec l’Azerbaïdjan soient désormais gardées par l’armée russe, comme le sont déjà les frontières avec la Turquie. C’est là quelque chose de très clair.

La position militaire de la Russie dans le secteur n’a pour cette raison jamais été aussi forte.

Mais de l’autre, il poursuit néanmoins sa politique pro-européenne : multipliant les accords avec l’Allemagne, notamment en terme de liaison aérienne, et avec la France, en terme de coopération militaire. L’immense ambassade des États-Unis à Yerevan se fait aussi plus active.

En résumé, on a donc un Azerbaïdjan puissant, grand acheteur d’armements et où s’ouvre d’immenses chantiers délirants en terme de BTP financés à coup de pétrodollars, avec tout un projet devant faire de Chouchi/Shusha une ville moderne à l’équipement complet en terme d’infrastructures.

La Turquie notamment cherche à s’y faire une place, voire à satelliser l’Azerbaïdjan, mais elle est dépassée en terme de capitaux par les moyens de l’Allemagne et de ses alliés, notamment la Suisse et l’Autriche, soucieux de renforcer leurs positions dans ce pays.

La Suisse est de fait un élément clef de toutes les finances d’Azerbaïdjan, qui vient d’ailleurs d’ouvrir un bureau commercial en Israël.

L’Arménie de son côté n’est qu’une bonne affaire que chacun soutient en vue de faire pression sur Bakou afin de pousser le régime à toujours plus de dépendance, de militairisme et de corruption, entraînant l’Arménie sur la même pente.

Mais avec la confrontation ouverte qui se dessine entre le bloc britannico-américain et les pays favorables à Pékin, Russie et Iran notamment, la situation risque bien de virer du tragique à l’apocalyptique.

L’Iran a annoncé la semaine passée sa volonté d’intervenir au Karabagh pour assurer la paix, afin d’éviter que l’Azerbaïdjan ne bascule trop nettement dans le camp occidental, ou du moins afin de verrouiller la situation, là aussi en instrumentalisant l’Arménie contre Bakou.

Il faut voir que pour Téhéran il y a là une question essentielle : tout le nord du pays autour de Tabriz consiste en une zone turcophone traditionnellement instable, voire hostile, qui est d’ailleurs l’Azerbaïdjan historique, le pays nommé aujourd’hui « Azerbaïdjan » n’en étant que le prolongement Transcaucasien.

Il faut également souligner que l’Afghanistan, en proie à un désastre depuis sa conquête par la superpuissance soviétique en 1979, est en train de tomber de nouveau aux mains des Talibans, avec pour le coup cette fois un appui chinois.

Toute offensive ouverte dans le Golfe persique contre l’Iran aura donc nécessairement des répercussions dramatiques en Transcaucasie d’un côté, vers l’Afghanistan de l’autre, et dans tous les cas notamment sur l’Arménie, dont l’existence ne tient de plus en plus qu’aux intérêts instables et aux manœuvres machiavéliques des puissances engagées dans ces conflits.

Il n’y a là pourtant aucun « plan » justement, c’est littéralement le sac de nœuds et l’issue, c’est la guerre et le déchirement de la région, tout cela pour satisfaire les intérêts des grandes puissances.

Et la clef, ce qui décide de la tendance générale, c’est l’affrontement entre la superpuissance américaine et son challenger chinois.

Les autres affrontements sont ce même affrontement, indirect et oblique, avec comme objectif de « bloquer » l’influence de la Chine et de ses soutiens plus ou moins alignés sur un front coupant le Proche-Orient sur cet axe mer Noire-Golfe Persique d’une part et d’autre part dans le Pacifique.

Le long de ces « fronts » la superpuissance américaine et ses alliés allument des foyers de tensions visant à multiplier les crises et à fragiliser toujours plus Pékin, alors que la Mer de Chine devient un point névralgique. L’Allemagne vient d’ailleurs d’y envoyer une frégate d’attaque et l’Inde envoie elle quatre navires de guerre de première ligne.

Le dispositif de guerre, avec des visées impériales, s’installe de manière plus forte, plus complexe, et comme avant 1914, les masses sont aveugles encore… d’où la nécessité, comme à l’époque, d’assumer les fondements de la Gauche historique et de présenter cette actualité, de la dénoncer, de la combattre!

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Politique

Anne Hidalgo : une allée des jardins des Champs-Elysées prend le nom du seigneur de la guerre Massoud

Anne Hidalgo a en tant que maire de Paris réalisé quelque chose qui n’a rien à voir avec la Gauche, ni de près ni de loin.

Voici comment l’association des femmes afghanes RAWA décrit quelques épisodes de ce qui se passe en Afghanistan, à l’occasion de la journée de la femme, le 8 mars 2001 (L’Alliance du nord : les violateurs les plus meurtriers des droits de l’homme) :

« Cette année l’Association Révolutionnaire des Femmes Afghanes (RAWA) souhaitait ardemment célébrer la Journée internationale des droits de l’homme en Afghanistan.

Mais, la réapparition des criminels de l' »Alliance du nord » dans différentes parties du pays, au service des forces américaines, a mis fin à cet espoir.

L' »Alliance du nord » ne saurait oublier les années 1992 à 1996 lorsqu’elle était au pouvoir, lorsque la bande maudite de Golbodin Hekmatyar (Hezb-i-Islami) a anéanti Kaboul par des bombardements et des tirs de roquettes aveugles ; lorsque la bande infâme de Mazari-Khalili (Wahdat-i-Islami) arrachait les yeux des non-Hazaras ; lorsque la bande sauvage de Sayyaf (Ittehad-i-Islami) enfonçait des clous de 15 cm dans le crâne des Hazaras et les brûlait vifs dans des containers métalliques ; lorsque les bandes perfides de Rabbani-Massoud (Jamiat-i-Islami et Shorai Nazar) massacraient les habitants de Afshar et d’autres quartiers résidentiels de Kaboul et qu’ils blanchissaient les pires meurtriers, violeurs et pillards de l’histoire en terme d’infamies et de barbaries perpétrées contre de nombreuses femmes, filles et garçons innocents et sans défense. »

L’Alliance du Nord, c’est un rassemblement de clans et de groupes armés dirigé par Ahmed Chah Massoud, très connu en France sous la désignation de « commandant Massoud ». Il est toujours présenté comme une sorte de Che Guevara de l’Afghanistan, un musulman modéré qui ne serait pas anti-occidental et même pro-démocratie.

En réalité, Massoud fut simplement un seigneur de la guerre et l’extrait du texte de RAWA montre bien de quoi il est responsable !

Anne Hidalgo montre ici son caractère vraiment opportuniste. Il est impossible de se prétendre favorable aux droits des femmes et de valoriser un seigneur de la guerre mêlant religion islamique, nationalisme (tadjik) et traditionalisme. On voit tout de suite que Massoud, chef de « l’Alliance du Nord » composé en fait de clans tadjiks, est valorisé parce qu’il a lutté contre l’URSS et ensuite contre les talibans, et qu’il a accepté d’être un pion pour des grandes puissances.

Tout part d’ailleurs de l’invasion de l’Afghanistan en 1979 par un monstre soviétique ayant des visées impériales. L’Afghanistan s’est effondré avec cette attaque militaire divisant les ethnies et renforçant les clans. La grande victime a alors été l’ethnie hazara, à la fois de culture persane et musulmane chiite. Déjà victime historiquement de la domination pachtoune, avec des viols, de l’esclavage et des meurtres en masse de proportion génocidaire, les Hazaras ont été attaqués de toute part.

Dont régulièrement, donc, par les troupes de Massoud, notamment en mars 1995, alors qu’il était « ministre de la Défense », lors de la prise de contrôle de Karte Seh, majoritairement hazara, près de Kaboul. Les troupes de Massoud s’étaient également fameusement illustrés avec l’incendie en masse d’ouvrages de la bibliothèque de l’université de Kaboul, en 1993.

Et comme Massoud était tadjik, et même le dirigeant des clans tadjiks, il s’opposait aux clans d’ethnie pashtoune, qui formaient les talibans. Ces derniers étaient appuyés par le Pakistan ; les Tadjiks étaient eux appuyés par l’Inde, qui construisit d’ailleurs l’hôpital en Afghanistan où Massoud fut déclaré mort après un attentat taliban deux jours avant le 11 septembre 2001.

Massoud était également appuyé par la Russie et la France, à un moment aussi par les États-Unis. Le Parlement européen l’avait d’ailleurs officiellement invité il y a exactement vingt ans de cela. D’où une allée des jardins des Champs-Elysées portant son nom, comme symbole des chefs de clans et autres féodaux qui font allégeance aux grandes puissances.

Et c’est cela qu’on valorise qu’on est opportuniste et qu’on soutient le jeu criminel des grandes puissances. C’est le contraire de la Gauche et de ses valeurs.

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Société

L’assassin de Villeurbanne : il y a des responsables à sa folie

Le capitalisme, c’est du profit et en rien de l’organisation. C’est une fuite éperdue en avant. Les vagues massives de mouvements de population sont dans son intérêt, afin d’impulser de nouvelles dynamiques économiques. L’assassin de Villeurbanne est un de ces migrants qui, incapable de se propulser dans le capitalisme, a basculé dans l’errance et la folie.

C’est un drame du monde d’en bas – alors que la société tout en haut du capitalisme vit bien à l’écart de ce genre d’événements. L’assassin de Villeurbanne, un Afghan pachtoune, l’État ne sait pas quel âge il a. 33, 31 ou peut-être 27 ans. Il avait trois identités différentes. Et son errance est longue. On sait qu’il était en France en 2009, en Italie en 2014, en Allemagne en 2015, en Norvège en 2016, puis la même année en France.

Bref, on ne savait finalement rien de lui et lui-même ne savait sans doute plus trop qui il était. Sa personnalité a été atomisée. Pulvérisée par un parcours erratique depuis l’Afghanistan tribale jusqu’aux métropoles modernes et aliénées dans leur anonymat consommateur.

C’était un être humain, mais socialement un sous-produit de la vague d’immigration servant à renouveler les stocks de main d’œuvre pour le capitalisme. C’était un numéro parmi d’autres numéros. Et les numéros peuvent faire ce qu’ils veulent du moment qu’ils restent des numéros isolés.

C’est le principe du libéralisme, de l’atomisation en individus séparés. Le soutien au vague migratoire n’est rien d’autre qu’un éloge de l’atomisation, de la course au bonheur purement individuel, dans la négation de l’histoire, de la société, de la culture.

L’assassin de Villeurbanne, avant d’assassiner, a été assassiné culturellement. Sa folie vient de là. Et il y a justement une administration étatique, qui se charge de vérifier que rien ne déborde. Celle-ci a fait qu’il disposait d’une carte de séjour temporaire valable jusqu’à janvier 2020, la première étant obtenue en 2018, ce qui signifie qu’elle a été renouvelé en 2019.

Et elle savait qu’il avait des problèmes. Depuis avril 2019, il était dans un centre d’hébergement à Vaulx-en-Velin et on lui a proposé de se tourner vers le centre de santé mentale de Forum réfugiés, puis vers un établissement psychiatrique de Lyon.

Il n’a pas voulu. Mais on l’a laissé, car l’administration étatique ne fait qu’accompagner les phénomènes de la société capitaliste. Elle ne veut pas les résoudre. Cela signifie qu’on le reconnaissait, mais qu’en même temps on ne le reconnaissait pas. Cela ne pouvait qu’ajouter à sa folie.

Jusqu’à ce jour fatidique du samedi 31 août donc, où sur l’esplanade de la gare routière Laurent-Bonnevay, à Villeurbanne, armé d’un couteau et d’une broche de barbecue, il tue une personne, en blesse deux grièvement, ainsi que six autres encore.

On savait qu’il n’allait pas bien. Mais on a nié ses problèmes, son existence. Le capitalisme ne se préoccupe pas des existences. Ceux qui prônent l’ouverture totale de la France à tout le monde non plus. Tout ce qui intéresse ici, c’est le libéralisme, le libéralisme, le libéralisme et encore le libéralisme. Et tant pis si c’est un échec : malheur aux vaincus.

Finissons donc sur la seule réponse possible : non les gens ne doivent pas faire ce qu’ils veulent, comme ils veulent. Non, ils ne peuvent pas faire atterrir leur avion près du Mont-Blanc, à 4 450 mètres d’altitude, comme des Suisses l’ont fait en juillet dernier. Non, ils ne devraient pas posséder de voitures capables de dépasser les vitesses autorisées ou de rouler en SUV. Non, ils ne devraient pas avoir le droit de s’installer comme ils le veulent, n’importe où.

Mais c’est la dictature, ça ! Tout à fait, la dictature au service des intérêts de la grande majorité. Parce qu’il est évident que ceux qui ont tous les moyens, font n’importe quoi avec.

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Culture

Le dodelinement comme expression corporelle

Les expressions corporelles peuvent être extrêmement nombreuses et ce qui est frappant dans une société frappée du sceau d’instagram, de facebook et des films hollywoodiens, c’est la perte de qualité et de quantité de celles-ci.

Dans une société où, effectivement, tout est dans le conventionnel et en plus, en France, dans la maîtrise de soi, toute expression corporelle trop apparente apparaît d’autant plus comme décalé.

Il faut être dans la maîtrise et dans l’obéissance aux codes, très restreints de par leur nombre, pour rester crédible. C’est un paradoxe frappant qui obéit à une simple loi bien connue : le capitalisme prétend que chaque fasse ce qu’il veut, mais en pratique cela donne une société du conformisme où tout est copie-conforme et sans personnalité.

Contribuons à la défense et la diffusion d’une expression à la fois simple et riche, le fait de dodeliner sa tête, bien qu’il faille peut-être renommer une telle chose. Il peut être d’une grâce incroyable, comme fournisseur d’informations quant à ses propres choix, ou bien les deux.

Voici un extrait du film Hibernatus, où l’acteur Louis de Funès, bien connu pour ses mimiques considérées comme « allant trop loin » et en même temps foncièrement charmantes, discute avec un médecin au sujet d’un encombrant ancêtre retrouvé prisonnier dans le glaces et qu’on a réveillé…

De manière plus artistique, voici une chanson d’Afghanistan, Yak Qadam Pesh (« Un pas en avant » en persan) de Jawid Sharif, où le dodelinement de la tête est ici d’une grâce absolue, s’insérant ici dans une retenue d’un charme d’autant plus puissant qu’il est sobre, tant de la part du chanteur que de la danseuse.

C’est en Inde où le dodelinement est une véritable institution (sauf relativement dans le nord), disposant par conséquent de nuances très marquées pour qui sait les décoder. Le dodelinement a un rythme, ainsi qu’une vitesse, les sourcils jouant le rôle de catégorisation de celui-ci.



Si vous êtes vous-mêmes en train de dodeliner de la tête devant l’écran en regardant ces vidéos, il ne vous reste plus qu’à écouter cette chanson qui, au bout d’une minute, donne les techniques pour y arriver.

Il va de soi que quelqu’un qui ne connaît pas ce mode d’expression peut le considérer comme relevant d’une maladie, comme le raconte (malheureusement en anglais) ce docteur qui a dû modifier l’avis de sa supérieure à ce sujet…

Le dodelinement de la tête, de par la sympathie de son expression, ne pourra que conquérir le monde alors que l’humanité fusionne au fur et à mesure. Il est déjà en Ukraine, où Alena Vinnitskaya met du temps à se lancer dans son duo avec Kiev electro, mais y parvient très bien.

On remarquera que dans cette chanson délirante – qui appelle les Slaves à descendre dans les Balkans danser comme des Gitans – Alena Vinnitskaya balance ses yeux d’un côté ou de l’autre, comme dans la vidéo afghane.

C’est là encore une expression corporelle qui ne peut que progresser. La chape de plomb des comportements stéréotypés ne peut que s’effondrer devant les attitudes naturelles et culturelles à la fois, puissamment développées pour être capable d’exprimer toujours plus de nuances.

Le monde d’une humanité qui s’est rencontrée, assimilée, est une perspective plus que réjouissante… C’est toute la définition de la beauté qui va être mise à l’épreuve par la grâce et le charme !