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Planète et animaux

Chicago 1905, le socialisme et les animaux

En 1905, l’écrivain Upton Sinclair publie sous la forme de feuilletons La Jungle dans le journal socialiste Appeal to Reason. Un roman-reportage qui témoigne des pires horreurs des abattoirs de Chicago et va provoquer un véritable scandale tant il dévoilera aux yeux du grand public la face cachée de la fabrication en masse d’aliments à base de viande.

Derrière, c’est le capitalisme américain que l’on retrouve dépeint et qui va conquérir l’ensemble de l’Occident jusqu’à façonner l’ensemble de son industrie agroalimentaire. Et surtout il va généraliser la barbarie industrialisée envers les animaux à la base de la société de consommation.

Les usines à viande de Chicago en 1947

C’est de ces chaînes automatisées d’abattage qu’Henri Ford puisera son inspiration pour réaliser ses chaînes d’automobiles et ainsi systématiser tout un mode d’organisation du travail mis au seul service d’une minorité capitaliste.

Les animaux… Un thème moins mis en avant à l’époque face au drame vécu par les ouvriers et aux méthodes insupportables déployées par les industriels pour falsifier la qualité de leur nourriture tout en la vendant aussi chère. Jusqu’à vendre des produits issus de cuves dans lesquelles des ouvriers sont morts dans des accidents de travail…

Et pourtant, on y trouve également un passage où un philosophe, Schliemann, passionné de diététique, vivant parmi les ouvriers de Chicago et participant aux réunions du Parti socialiste affirme des choses qui sonnent si justes. Si justes car, malgré le temps perdu, elles attestent de l’inéluctable fusion de la cause animale avec le Socialisme…

« Schliemann reprit son souffle quelques instants avant de poursuivre :

– Et puis il faut ajouter à cette production agricole illimitée la récente découverte de certains physiologistes qui affirment que la plupart des troubles dont souffre le corps humain sont dus à la suralimentation !

Qui plus est, il a été prouvé que l’homme peut se passer de viande. Or celle-ci est évidemment plus difficile à produire que les denrées d’origine végétale, plus déplaisante à préparer et à manipuler, plus délicate à conserver. Mais qu’importe, n’est-ce pas, du moment qu’elle nous flatte plus agréablement le palais.

— Comment le socialisme peut-il changer ces habitudes ? se permit de demander l’étudiante. C’était la première fois qu’elle intervenait.

Tant que le salariat sera de règle, répondit Schliemann, il sera toujours facile de trouver des bras pour s’acquitter des tâches les plus avilissantes et les plus répugnantes.

Mais, dès que le travail sera libre, le prix de ce genre de besogne augmentera. On abattra une par une les vieilles usines sales et insalubres, car il sera moins onéreux d’en bâtir de nouvelles.

On équipera les bateaux à vapeur de machines capables d’alimenter automatiquement les chaudières, on éliminera les risques dans les métiers dangereux ou on élaborera des produits de substitution pour les substances toxiques actuellement utilisées.

De la même façon, chaque année, au fur et à mesure que les citoyens de notre République industrielle verront leurs goûts s’affiner, le coût des produits carnés augmentera, si bien, qu’un beau jour, les amateurs de viande devront tuer eux-mêmes les bêtes qu’ils mangent.

Combien de temps croyez-vous, alors, que la coutume survivra ? »

Aujourd’hui, alors que le 21e siècle est déjà largement lancé, tout cela résonne profondément, malgré la naïveté du propos. L’humanité a acquis une conscience avec une telle ampleur qu’il y a des évidences qui s’imposent.

Et ce n’est pas pour rien justement que le capitalisme se débarrasse de la cause animale, en faisant quelque chose d’anecdotique, et que la vieille gauche emprisonnée dans des traditions du siècle dernier ou de l’agitation superficielle est incapable d’aborder la question des animaux.

Penser aux animaux, c’est inévitablement exiger la révolution, c’est assumer que rien n’est possible sans le renversement de l’ordre établi. C’est porter la conscience de la Société nouvelle, du Socialisme !

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Nouvel ordre

L’agriculture doit être étatisée et planifiée

Porter un regard intelligent sur le mouvement des agriculteurs français de janvier-février 2024, c’est se rappeler que les paysans ne sont pas une classe, et qu’il n’y a d’ailleurs plus de paysans en France. D’une masse fondamentalement petite-bourgeoise dans sa définition, les paysans sont devenus des agriculteurs, c’est-à-dire des petits-bourgeois entrepreneurs.

Le paysan possède, en effet, sa terre, et il veut accumuler ; c’est un propriétaire, même dans les cas où il est un petit propriétaire, même s’il est pauvre. C’est la raison pour laquelle l’URSS a mis en place tout un système pour « avaler » les paysans pauvres et moyens dans les collectivisme, par les fermes collectives (les kolkhozes) et les fermes d’État (les sovkhozes). Cela a été une bataille très dure, l’affrontement avec les paysans riches (les koulaks) est bien connu.

Affiche soviétique pour chasser les koulaks des kolkhozes, avec une citation de Lénine sur leur rôle dans la restauration du capitalisme

L’agriculteur est quant à lui un paysan qui a réussi, et dans le capitalisme du début du 21e siècle, cela en fait un capitaliste acharné, qui utilise notamment les animaux pour arracher du profit. Qui ne prend pas en compte les animaux tant sur le plan de la sensibilité que sur le plan de leur utilisation par le capitalisme ne peut pas comprendre notre époque. Le document Crise du capitalisme et intensification de la productivité : le rôle des animaux dans la chute tendancielle du taux de profit est ici fondamental.

Il n’y a donc rien à attendre des agriculteurs. Il faut faire avec, mais là encore ils sont les rois des bluffs. Il y a largement de quoi assez manger et leur prétention à dire qu’on va mourir de faim sans eux est juste risible. Ils font juste beaucoup de bruits pour se présenter comme incontournables.

Mais avec de l’organisation, une agriculture étatisée et planifiée est facile à mettre en place. Avec l’industrialisation et les technologies, c’est facile si on a les masses en mouvement. L’agriculture doit devenir une industrie, et les agriculteurs doivent céder la place aux ouvriers du 21e siècle. Le Socialisme n’a pas besoin d’eux et s’ils veulent travailler la terre, ils devront la faire dans une optique de service au peuple, pas d’aventurisme capitaliste aux dépens de la Nature.

Affiche soviétique : En avant !
Pour l’industrialisation du pays,
pour la collectivisation du village!

Le marteau et la faucille sont, il faut le rappeler, le symbole de l’alliance de la classe ouvrière et de la paysannerie pauvre. Il n’a jamais été question de faire de la petite-bourgeoisie des campagnes, propriétaire et entrepreneuse, une figure du Socialisme. Les paysans, c’est le petit capitalisme à fond, un puissant générateur de capitalisme, comme le montre l’histoire des États-Unis.

Lénine a dit un très bon mot à ce sujet :

« La petite production engendre le capitalisme et la bourgeoisie constamment, chaque jour, à chaque heure, d’une manière spontanée et dans de vastes proportions. »

S’imaginer, comme le fait « révolution permanente« , qu’il est possible de se tourner vers les agriculteurs et d’établir un programme « qui cherche à remettre en question le système agraire actuel qui est destiné à servir les grands capitalistes de l’agro-alimentaire, la grande distribution et les banques »… c’est ne rien comprendre justement aux agriculteurs, qui sont nés dans ce système, sont ce système et y tiennent dur comme fer.

D’ailleurs, les agriculteurs ne remettent jamais en cause le capitalisme et demande toujours à l’État de faire l’arbitre. Ils le font en correspondance avec leur nature sociale.

Affiche soviétique : jour de récolte, collectivisation

Au moins, la dirigeante des Écologistes Europe Écologie Les Verts Marine Tondelier l’a bien compris. Elle raconte qu’elle est fière de visiter les fermes et de discuter avec l’Interbev (l’Association Nationale Interprofessionnelle du Bétail et des Viandes), tout en étant vegan.

« Nous ne sommes pas les ennemis des agriculteurs », a déclaré la secrétaire nationale des Écologistes, Marine Tondelier, mercredi depuis une ferme de Bourgogne, où elle dit « soutenir totalement » les paysans dans leur combat pour un « juste revenu ». »Nous ne sommes pas les ennemis des agriculteurs », a déclaré la secrétaire nationale des Écologistes, Marine Tondelier, mercredi depuis une ferme de Bourgogne, où elle dit « soutenir totalement » les paysans dans leur combat pour un « juste revenu ».

« Je ne suis pas du tout mal aimée des agriculteurs », a assuré cette petite-fille de paysans du Pas-de-Calais, après avoir caressé des vaches bazadaises, une espèce menacée élevée dans une exploitation bio de Villebichot (Côte-d’Or), près de Dijon.

« J’ai même rencontré Interbev », l’association du bétail, « alors que je suis végane depuis 15 ans », a martelé Marine Tondelier. « Les fermes, c’est le type de déplacement que je fais le plus ! », a-t-elle ajouté. »

Voilà une soumission totale et ignoble, immorale et totalement opportuniste. Et c’est très vraisemblablement une vraie construction mythomane pour se soumettre ostensiblement, car elle n’a jamais auparavant dit qu’elle était vegan, mais végétarienne.

C’est un très bon exemple. Faut-il faire comme elle, considérer que les agriculteurs seront toujours là sous cette forme pendant encore cinquante ans? Ou bien faut-il révolutionner l’agriculture, car les temps sont mûrs pour un nouveau rapport avec la Nature?

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Événements significatifs

La contestation agricole de janvier 2024

Il n’y a plus de paysans en France. Il n’existe au 21e siècle plus que des entrepreneurs travaillant dans le domaine agricole, systématiquement au service de l’agro-industrie. Si les paysans ont été le pilier du pays, en tous cas numériquement, pendant des siècles, le capitalisme a tout changé au 20e siècle.

Il y a eu l’exode rural, c’est-à-dire de la main-d’œuvre devenant ouvrière allant massivement vers les villes. Puis il y a eu l’industrialisation des campagnes et plus récemment la tertiarisation des campagnes, alors que dans le même temps les aires urbaines se sont étendues loin à la campagne.

En 2020, la France métropolitaine comptait 389 800 exploitations agricoles, environ 100 000 de moins qu’en 2010. Cinquante ans auparavant, en 1970, il y en avait encore 1,6 millions, alors qu’en 1900, près d’un Français sur deux travaillait encore dans les champs…

Les agriculteurs d’aujourd’hui sont ceux qui ont racheté petit à petit les terres des autres, arrachant au passage les haies et utilisant allégrement tout ce que l’industrie leur a vendu comme produits chimiques et engins agricoles. Il y a bien sûr des exceptions, mais c’est à la marge. Et il ne s’agit pas de paysans, mais plutôt de petits entrepreneurs en mode artisanal, avec souvent initialement une vie urbaine ou intellectuelle.

L’aspect positif, c’est que dans un pays comme la France, la population est sortie de la précarité alimentaire. Les risques de maladies végétales et animales, les intempéries, les crises économiques sont relativement maîtrisés et en tous cas ils sont couverts par la quantité de production (concentrée à l’échelle nationale avec des interactions mondiales).

L’aspect négatif, c’est que l’agriculture ne sert plus à nourrir la population, mais à fournir de la matière première pour que l’agro-industrie fabrique des marchandises alimentaires. Ces marchandises sont généralement de très mauvaise qualité nutritives, voire franchement nocives, en plus d’être le plus souvent issue d’une souffrance animale abominable.

Les agriculteurs d’aujourd’hui n’ont pas subi ce système : ils sont dans leur très grandes majorité de droite, c’est-à-dire qu’ils sont réactionnaires sur le plan des mœurs et libéraux économiquement. Ils ont allègrement participé à ce système tout autant qu’ils l’ont promu. Le salon de l’Agriculture de Paris exprime parfaitement cette mentalité.

Les plus mesquins d’entre eux s’en sont très bien sortis financièrement et sont devenus de riches entrepreneurs, roulant en 4×4 flambant neuf et employant une myriade de petites-mains, souvent étrangères pour mieux les exploiter. On imaginera ici un riche viticulteur prenant régulièrement l’avion pour négocier de nouveau marchés à l’export.

Les plus naïfs d’entre eux travaillent sans merci chaque jour de la semaine, ne prennent jamais de vacances et sont l’otage des banques, pour un bénéfice commercial très maigre, offrant une vie à la limite de la précarité. On imaginera ici un éleveur de vaches laitières complètement asphyxié par la multinationale Lactalis à qui il vend tant bien que mal sa marchandise.

Bien entendu, ce sont les premiers qui dirigent les organismes représentatifs des agriculteurs, mais ce sont les seconds qui sont mis en avant pour faire pleurer dans les chaumières.

C’est exactement ce qui se passe en janvier 2024 avec les différents mouvements de contestations et de blocages/manifestations. Deux organisations portent le mouvement, plus ou moins en concurrence.

Il y a la FNSEA (et sa succursale Les jeunes agriculteurs), l’organisation majoritaire qui a recueilli plus de 55 % des voix lors des dernières élections des chambres d’agriculture et qui revendique 212 000 membres. Elle est libérale sur un mode moderniste et turbo-capitaliste, avec une intégration totale à la politique agricole de l’Union européenne.

Et puis il y a la Coordination rurale, qui a recueilli environ 20 % des voix lors des dernières élections des chambres d’agriculture et qui revendique 15 000 membres. Elle est libérale aussi, mais sur un mode plus traditionnel et conservateur ; elle puise son origine dans la critique de la politique agricole de l’Union européenne, avec une tendance au nationalisme.

La 3e organisation est la Confédération paysanne, qui a recueilli un peu moins de 20 % des voix lors des dernières élections des chambres d’agriculture et qui revendique 10 000 membres, mais elle est en retrait de l’origine du mouvement en janvier 2024. Elle est aussi libérale, mais avec une prétention sociale et écologiste, et surtout un conservatisme romantique (d’où l’utilisation abusive du terme « paysan » dans son nom).

La FNSEA est depuis plusieurs semaines à l’origine de la mise à l’envers des panneaux d’entrées d’agglomérations dans les campagnes. La coordination rurale est plutôt à l’origine de blocages importants dans le sud de la France. Tout ce petit monde converge maintenant dans l’idée de bloquer Paris et le marché international de Rungis.

De manière générale, ils dénoncent des charges en hausse, des normes contraignantes (en général des normes écologiques, parfois quelques normes sanitaires), des prix bas, une pression de l’agro-industrie, une concurrence européenne ou mondiale inéquitable ainsi que des négociations insatisfaisantes avec la grande distribution.

Il y a ici forcément les effets de la crise du capitalisme, qui touche tous les secteurs et impose une pression toujours plus forte sur les petites et moyennes entreprises de la part des monopoles, les grands groupes internationaux. Les entreprises agricoles même les plus importantes restent en fait des PME, elles ne pèsent que très peu face aux monopoles.

C’est pour cela qu’il y a une crise dans ce domaine, une crise propre au capitalisme, qui nécessite une analyse approfondie.

Néanmoins, la question se pose aujourd’hui pour la Gauche de savoir s’il faut soutenir ce mouvement, en tous cas les plus petits agriculteurs subissant une pression accrue. Ceux-ci sont l’équivalent rural des immigrés livreurs Uber dans les villes : ils sont indépendants sur le papier, mais sont totalement soumis à un grand groupe en pratique ; leur indépendance ne signifie que précarité, sans aucune garantie propre au salariat.

Le problème réside précisément ici : les petits agriculteurs s’imaginent pouvoir maintenir leur indépendance, ils croient en la fiction d’une meilleure négociation des prix agricoles pour assumer leur rémunération de chef d’entreprise. Ils nient totalement la crise du capitalisme. Ils n’imaginent aucunement s’émanciper des plus gros capitalistes agricoles, ni s’affronter aux monopoles de l’agro-industrie.

S’il y avait des agriculteurs voulant produire une nourriture saine et de qualité, avec une perspective démocratique, avec l’ambition de respecter mieux l’environnement et les animaux… Mais il y a là des gens déversant du lisier, brûlant des pneus, revendiquant de manière racoleuse et outrancière.

Il y a des agriculteurs qui n’en ont en réalité pas grand-chose à faire de ce qu’ils vendent, du moment qu’ils peuvent le vendre sans trop de contraintes administratives, ni de normes écologiques et sanitaires. Et puis, voire surtout, il y a en fait là-dedans énormément de gens qui sont des éleveurs ayant mis en place un système carcéral pour exploiter des animaux servant de matière première à l’agro-industrie.

La Gauche ne peut certainement pas apprécier cela. La contestation agricole de janvier 2024 est clairement et largement de droite. L’image d’Épinal de l’agriculteur qui serait un paysan aimant nourrir les gens est une escroquerie digne des pires films publicitaires. L’agriculture en France en 2024 est monstrueuse, entièrement soumise à une agro-industrie destructrice.

À notre époque, c’est tout ou rien. Soit on change tout en faisant table rase du passé, soit rien ne change en bien, seulement en pire. La crise est bien trop profonde.

Le problème, c’est que personne ne voit ça, ou plutôt ne veut voir ça. Les sondages ne sont pas du tout étonnants : ce serait près de 90 % des Français qui soutiennent la contestation des entrepreneurs agricoles. Avec un tel panorama, la France est mûre pour une victoire de l’extrême-Droite, cela ne fait aucun doute. Nous aurons bientôt notre Donald Trump, notre Jair Bolsonaro, notre Javier Milei.

Des gilets jaunes aux agriculteurs en passant par le mouvement contre la réforme des retraites, les Français veulent simplement maintenir leur niveau de vie et rien d’autre. Ils n’ont ni conscience, ni envergure ; ils se ratatinent à l’image de l’occident.

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Écologie

En Chine, l’usine de l’horreur

L’humanité persiste à basculer dans l’horreur.

Touchée par une épidémie de fièvre porcine africaine (FPA) depuis 2019, la Chine a investi des millions d’euros pour la construction de gratte-ciels d’élevage monstrueux pouvant contenir 650 000 cochons sur 26 étages, afin de reconstituer son cheptel de porcs et garder sa place de premier producteur de viande porcine.

Si celui-ci était auparavant en grande majorité réparti sur des exploitations paysannes, la filière chinoise prend un virage entièrement industriel sur le modèle européen. Un modèle porté à son paroxysme dans la négation de la vie des animaux et sans aucune garantie d’être épargné par l’épidémie qui continue à se répandre dans le monde.

L’immeuble-usine est ainsi climatisé à chaque étage pour aérer les salles, de la même manière que chaque porc verra sa température suivie à la trace numérique afin de détecter au plus vite tout cas de fièvre porcine. Avec ces immeubles-usines, on est dans le pire du capitalisme avec sa mentalité infâme qui veut qu’on pourrait « produire » de la matière vivante comme bon nous semble, sans se soucier d’aucune sensibilité.

Les épidémiologistes annonçaient en 2019 qu’un quart du cheptel mondial pourrait être menacé, la chine ayant sur son sol 400 millions de porcs destinés à la consommation et à l’exportation, c’est près de 100 millions d’individus en moins que la filière cherche à compenser dans ces élevages hyper-concentrés. L’idée est de garder les animaux confinés pour défier le virus et ainsi préserver le marché de la viande porcine.

Même si les cas se multiplient en Europe, la France a vu ses exportations vers la Chine augmenter de 55 %. À ce titre la coopérative agricole et agroalimentaire du Grand Ouest revendique être passée de 70 000 tonnes de porc exportée vers la Chine en 2020 à 85 000 en 2021. En 2021 également, un accord a été signé entre la Chine et la France pour pouvoir continuer ces exportations même si un élevage en France venait à être touché par la FPA.

Rien que cela montre à quel point mentent tous ceux qui parlent d’avancées pour les animaux puisque de grandes entreprises proposent des gammes de nourriture végétale… Au contraire, les animaux subissent une situation toujours plus infâme, toujours plus dégradante, toujours plus insoutenable.

Tout est fait pour que les choses continuent comme si de rien était, tant en France qu’en Chine alors que de nombreux rapports pointent la responsabilité de la concentration de l’élevage associé à la déforestation comme source des zoonoses.

Notons que dans le cas de ces « porcheries gratte-ciel » on se trouve à Ezhou non loin de Wuhan. Une ville à l’expansion galopante, mordant sur les forêts alentours et où la proximité entre animaux d’élevage et animaux sauvages a été pointée dans le cadre du covid-19. Bref, l’Humanité n’a décidément aucune envie d’apprendre de ses erreurs, pire elle persiste à basculer dans l’horreur.

Le seul moyen de sortir du cercle vicieux menant aux pandémies et aux ignobles abattages préventifs d’animaux d’élevage, c’est évidemment d’arrêter la consommation d’animaux et de produits d’origine animale. Non seulement parce que c’est ignoble moralement de considérer des animaux comme des objets-marchandises, mais aussi parce que les épidémies de zoonose en sont le revers tout comme les émissions de gaz à effets de serre.

Que de telles choses soient encore possibles en 2022 révèle bien que l’Humanité a besoin d’une grande vague morale qui soit en mesure de la purifier de toutes les horreurs qu’elle commet…

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Écologie

Fin en trompe-l-œil du broyage des poussins et de la castration à vif des porcelets

C’est la simple modernisation d’une condition animale terrifiante.

De manière étonnante, c’est à l’occasion d’une interview au Parisien que le ministre de l’Agriculture Julien Denormandie a annoncé deux mesures dont il était parlé depuis quelques temps déjà. Le gouvernement va en effet exiger qu’au premier janvier 2022, les entreprises pratiquant l’élevage disposent de machines (payés à 40% par l’État) permettant d’analyser les œufs au moyen d’un halo de lumière.

La couleur des plumes de l’embryon étant différentes selon que celui-ci soit masculin ou féminin, il sera alors fait un tri : les œufs masculins seront détruits au lieu que les poussins masculins, après triage, soient broyés vivants. C’est littéralement ignoble et il faut vraiment que le capitalisme ait aliéné les gens au plus haut degré pour qu’on imagine qu’une telle modernisation soit un « progrès ».

Car, le fond du problème reste le même : on a plus de 42 millions de poules pondeuses en France qui sont totalement dénaturées pour être transformées en machines, afin de satisfaire une production annuelle de plus de 14 milliards d’œufs. Normalement, de manière naturelle, une poule est un oiseau qui pond entre 5 et 20 œufs par an…

On parle là de la souffrance d’êtres vivants, d’un rejet de la sensibilité à très grande échelle. Et, si on voit cet arrière-plan, alors la destruction d’œufs est tout autant inacceptable si on part de la dignité de la sensibilité que le massacre des poussins.

De la même manière, le ministre de l’Agriculture Julien Denormandie a annoncé l’interdiction de la castration à vif des porcelets. Là encore, c’est cynique, puisque la castration absolument barbare était induite par des situations totalement dénaturées et totalement stressantes pour les animaux, provoquant des violences. Pour cette raison, on coupe également à vif la queue des porcelets.

Faut-il alors imaginer que la condition des porcelets va totalement changer ? Non, bien évidemment. Et, de toutes manières, il n’y a aucune modification de prévue du rapport de l’humanité avec les animaux. Même la pandémie n’a pas produit de prise de conscience !

C’est là qu’on saisit que tout cela ne répond qu’à une modernisation. Un porcelet non castré mange moins qu’un porcelet castré (200 grammes par kilo en moins), donc c’est tout bénéfice pour les cyniques. Et comme il est considéré que la viande des cochons est moins bonne s’il n’y a pas eu castration, il pourra y avoir castration, mais cela élèvera d’autant le prix : c’est un nouveau marché qui s’ouvre.

On peut d’ailleurs être certain que les œufs triés seront également réutilisés, sous une forme ou une autre. Il faut en effet se rappeler que si la moitié des œufs est vendue au supermarché, un peu moins de l’autre moitié est destinée à la restauration et l’industrie agro-alimentaire. Il y a de l’espace pour trouver une utilisé dans une industrie de transformation.

Ajoutons à cela que ces mesures vont exiger une réorganisation de la part des entreprises : celles qui ne pourront pas suivre devront vendre ou fermer. C’est aussi à cela que servent les exigences de l’Union européenne. En apparence, on aide le consommateur, on le satisfait, en réalité on ouvre des marchés ou bien on épaule une centralisation économique à travers des exigences toujours plus intenables pour les petites structures.

Et cela contribue à l’idée d’un capitalisme à « visage humain »… Bien que, pour qui n’est pas aliéné, c’est bien une réalité infernale à laquelle on fait face.

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Écologie

La lettre désespérée à Emmanuel Macron sur l’élevage industriel par L214 et des scientifiques

L’association L214, connue pour son opportunisme, cherche à poser la question de l’élevage. Mais la question la dépasse entièrement.

L214 est une structure très particulière, avec des gens qui ne sont pas nécessairement vegans à la direction mais qui pousse à un monde vegan, par l’intermédiaire de réformes proposées à tous les niveaux.

Il y a beaucoup de structures de ce type, tel le Parti animaliste, avec au départ de bons sentiments mais à l’arrivée la volonté de s’installer dans le capitalisme en s’appuyant sur des réformes imaginaires.

L214 est l’association qui a eu le plus grand succès dans ces tentatives, avec un esprit d’ouverture consistant à ne pas poser les questions qui fâchent et en obtenant par son réformisme une reconnaissance médiatique, notamment au moyen de petites enquêtes vidéos dans des élevages.

Naturellement, quand on croit en le capitalisme on en paie le prix et avec la crise sanitaire, L214 s’est faite mettre hors-jeu.

La question à l’arrière-plan est en effet celle de la civilisation elle-même et L214 n’a strictement rien à proposer sur ce plan. L’association comptait accompagner le capitalisme éternel depuis l’intérieur… C’est raté.

D’où la tentative désespérée d’élever le niveau, avec une lettre à Emmanuel Macron appuyée par des scientifiques, au sujet de l’élevage industriel.

Le contenu de la lettre, c’est du L214, mais non plus à destination des « consommateurs ». La lettre s’adresse directement à Emmanuel Macron comme si c’était le roi du pays voire un tyran, que c’est lui qui décidait de tout, que tout dépendait de son bon vouloir. Déjà, à la base, L214 a une approche capitaliste à l’américaine, une logique de lobby. Mais là, le caractère anti-démocratique de la démarche est totalement flagrant.

Quant aux animaux, ils disparaissent entièrement derrière un discours qui se veut résolument hors-compassion, avec comme seule considération la santé des humains. L214 se veut ici pragmatique, en réalité ce sont des gens capitulant devant la nécessaire transformation morale de la société, la nécessaire transformation culturelle de la société.

L214 manie une pseudo-objectivité – d’où la recherche de scientifiques pour valider le propos – qui a comme principe de s’opposer à la lutte des classes, à la subjectivité tournée vers les animaux, bref au 21e siècle tel qu’il va inévitablement apparaître.

Voici la lettre. Elle est signée, en plus de L214, par Serge Morand (Écologue de la santé, CNRS), Gilles Escarguel (maître de conférences en paléontologie et macro-écologie, Lyon I), Franck Courchamp, directeur de recherche, CNRS), Frédéric Keck (directeur de recherche, CNRS), Hervé Dréau, (médecin de santé publique), Nicolas Treich (économiste), Simon Jolivet (juriste), Cédric Sueur (maître de conférences en éthologie et éthique animale), Florence Burgat (philosophe, directeur de recherche), Michel Bourban (chercheur en éthique et philosophie politique), Marie Pelé (chargée de recherche en éthologie), Émilie Dardenne (maîtresse de conférences, études animales), Matthieu Romagny (enseignant-chercheur), Margot Pâris (assistante de recherche en biologie de l’évolution).

« Monsieur le Président,

Alors que la France était confinée pour se protéger de l’épidémie de Covid-19, vous vous adressiez aux Françaises et aux Français le 13 avril 2020 en rappelant notre « vulnérabilité » en ces termes : « Sachons, dans ce moment, sortir des sentiers battus, des idéologies, nous réinventer – et moi le premier. Il y a dans cette crise une chance : nous ressouder et prouver notre humanité, bâtir un autre projet dans la concorde. Un projet français, une raison de vivre ensemble profonde. » Un leitmotiv repris par votre mouvement, La République en marche, lors du Campus des territoires l’été dernier.

Votre réponse depuis lors est loin de s’inscrire dans cet état d’esprit. Elle est restée focalisée sur le traitement des conséquences de la crise que nous traversons (approvisionnement en masques, relance économique…) avec une recherche scientifique d’urgence, sans réel soutien à une recherche à même de contribuer aux défis écologiques, climatiques, sanitaires et sociaux. Une politique qui vise à gérer le court terme, illustrée par votre allocution 28 octobre 2020 : « Notre stratégie a été définie dès cet été, c’était de vivre avec le virus. ».

Dans le même temps, la réflexion autour des causes a été écartée. Elle est pourtant essentielle. Les zoonoses sont une des principales sources de maladies émergentes : 75 % des nouveaux agents pathogènes proviennent des animaux ou des produits animaux. Les conditions d’élevage et la déforestation, elle-même fortement liée à la production de viande, en sont aujourd’hui deux causes parfaitement identifiées. 

Prévenir une prochaine épidémie implique inévitablement de repenser l’action publique en élaborant un plan de sortie de l’élevage intensif. Une telle initiative viserait à suspendre immédiatement la construction ou l’extension des élevages intensifs et industriels qui confinent les animaux dans des bâtiments fermés, dans des cages, les forçant à vivre dans des conditions de promiscuité extrêmes. Ce plan de sortie de l’élevage intensif impliquerait la réduction de la consommation des produits carnés : le développement d’une végétalisation d’ampleur de l’alimentation en restauration collective publique ou privée à travers l’augmentation progressive de la part de protéines végétales dans les repas est indispensable. Réduire la production amènerait l’autonomie protéique – notamment la fin des importations de soja – que la France ne peut atteindre aujourd’hui au vu du nombre très élevé d’animaux qu’elle élève et abat. Ces demandes sont soutenues par la Convention citoyenne pour le climat.

Ce plan de sortie devra associer l’ensemble des acteurs concernés en veillant notamment à accompagner les personnes qui dépendent de l’élevage intensif vers des productions alternatives, vers une reconversion dans le domaine de leur choix et en redirigeant les aides pour enfin soutenir des systèmes moins intensifs.

Enfin, la réduction du risque de pandémie ne s’arrête pas à nos frontières. La France doit être à la pointe de la défense des animaux et de la protection de l’environnement dans les instances internationales. Vous en avez le pouvoir, et la responsabilité.Le temps est venu de « bâtir un autre projet dans la concorde », pour les humains et les animaux. N’attendons pas la prochaine crise pour agir ! »

Il y a également une vidéo. Entre le 6 et le 15 janvier, elle n’a eu que 90 vues… Tout un symbole de l’échec anti-populaire de L214.

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Écologie

La ministre de la mer préfère l’industrie de la pêche à la protection des cétacés

Connu depuis 30 ans, le drame de centaines de cétacés qui s’échouent sur les rivages maritimes français explose depuis 2016. À tel point que l’on ne parle plus de centaines mais de milliers d’animaux victimes d’une société de consommation qui n’en finit pas de transformer la Mer en une simple espace de valorisation marchande.

Le drame prend de telles proportions que la Commission européenne a ouvert une procédure d’infraction visant selon elle, les manquement de la France à la législation de protection des espèces protégées. On estime, selon les associations, qu’en 2020 il y a eu jusqu’à 11 300 cétacés morts, certains s’échouant sur les côtes françaises et d’autres coulant au large. On parle bien ici des cétacés, incluant donc les dauphins mais aussi les baleines, les cachalots, voir même les rorquals tropicaux comme celui échoué récemment dans la Manche.

Alors que se passe t-il ?

Pour les connaisseurs du problème, la chose est bien connue : les cétacés échoués présentent de nombreuses traces, voire des lésions étant de bénignes à très graves (des nageoires sont parfois arrachées). Des bouts de filets sont parfois encore accrochés sur le corps. Il ne fait donc aucun doute que c’est la pêche dite pélagique qui est le responsable de cette horreur.

Avec la technique de la pêche en « boeuf », les filets des chalutiers raclent le fonds des océans pour récupérer les poissons vivant en bancs comme les bars, les merlus (d’où le nom de pélagique, signifiant les dépôts sédimentaires dans les fonds marins).

Sur la façade Atlantique, il y a environ 18 chalutiers pélagiques qui opèrent, ce qui en dit long sur la concentration économique dans ce secteur. Mais on l’a compris avec une telle pêche industrielle de masse, le filet emprisonne littéralement tout ce qui bouge, y compris les cétacés qui sont alors déchiquetés, plaqués au fond et ne peuvent plus remonter à la surface pour se ré-oxygéner.

Au problème de la pêche pélagique s’ajoute en plus la terrible pollution sonore qui déstabilise le très sophistiqué système d’écho-localisation et de communication qu’ont ces mammifères pour vivre, se reproduire, et se développer.

Dans le documentaire Sonic Sea, que toute personne sincèrement écologiste se doit d’avoir vu, on apprend par exemple que les échos d’une baleine en Irlande peut s’entendre jusque sur la côte est des États-Unis. De fait, l’énorme trafic international maritime de marchandises, les multiples exercices des marines militaires, mais aussi les recherches en imagerie sismique des grandes entreprises gazières et pétrolières sont des perturbateurs désastreux pour ces animaux.

Et désastreux est un bien faible mot tant l’écocide revêt ici un caractère barbare, avec des dauphins qui sont désorientés dans la totalité de leur environnement (c’est toute la mer qui est pourrie par les bruits de haute fréquence) allant jusqu’à briser leur système auditif et cérébral.

Et que fait la ministre de la mer, Annick Girardin, dans ce contexte ? Et bien, elle fait ce que fait tout bon ministre dans le capitalisme : défendre l’industrie nationale de la pêche face à la concurrence. Car, comme se plaisent à le souligner les populistes en tout genre, notamment Jean-Luc Mélenchon, la France détient un vaste espace maritime et donc un important secteur de pêche qui pèse de tout son poids sur la législation européenne… Comme ce fut le cas en 2013 lorsque la tentative d’empêcher l’interdiction du chalutage en eau profonde s’est transformé en un simple et creux « contrôle ».

Dans le contexte du Brexit visant à re-négocier les zones de pêche, la ministre de la mer a donc surtout comme mission de protéger les pêcheurs français. Dans un entretien début octobre au JDD, la ministre répondait à une question évoquant la possible exclusion des pêcheurs français des zones maritimes britanniques :

« La pêche ne sera pas la variable d’ajustement du Brexit et le gouvernement y veille. »

La question des cétacés échoués n’est donc qu’un obstacle dans l’accumulation du capital, nécessitant l’affirmation d’une « écologie pragmatique ». Alors que plusieurs groupes et organisations chargées de la protection des cétacés demandaient au pire une restriction de la pêche, au mieux une interdiction de deux mois, la ministre déclarait :

« Ce qui m’intéresse, c’est comment on protège les dauphins tout en ayant une activité de pêche. Le développement durable, c’est prendre en compte l’écologie et l’activité humaine. » 

La ministre se fait ici la simple porte-voix d’Hubert Carré, le directeur général du Comité national des pêches maritimes, qui lui-même disait qu’on ne peut « pas flinguer toute une filière parce que vous avez décidé d’arrêter toute forme de pêche pendant quatre mois ».

Et le pire dans tout cela c’est qu’au-delà d’annoncer des mesures de contrôle en 2021 (entendez : des observateurs qui montent sur les chalutiers), Annik Girardin annonce presque fièrement la généralisation de pingers, ces dispositifs acoustiques qui doivent éloigner les cétacés des chalutiers.

Comme si les pauvres cétacés n’étaient pas déjà complètement déboussolés et malmenés par la saturation de bruits d’électro-sons produits des activités humains en tout genre ! L’heureuse accalmie vécue par les cétacés grâce à la baisse du trafic maritime international provoquée par la crise du coronavirus s’annonce déjà lointaine.

Comme ailleurs, le rouleau compresseur capitaliste, si froid, si mortifère, si criminel, est de retour pour forcer la reprise coûte que coûte… à moins qu’enfin des esprits se soulèvent sur la côte atlantique pour défendre la vie des cétacés !

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Néonicotinoïdes : la lettre d’organisations écologistes au ministre de l’agriculture

Voici la lettre d’organisations écologiste au ministre de l’agriculture à propos des dérogations à l’interdiction des néonicotinoïdes…

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Pourquoi donc le journal L’Humanité mène-t-il campagne contre le «référendum pour les animaux»?

Le journal L’Humanité a publié récemment une tribune, puis une interview, pour dézinguer le projet de référendum d’initiative partagé concernant six mesures en faveurs des animaux. La protection animale est refusée au nom du capitalisme agricole, avec le mythe réactionnaire de l’élevage « paysan ».

L’Humanité a publié une tribune le 21 juillet 2020 intitulée « Quand des prédateurs capitalistes se soucient du bien-être animal ». Elle est écrite par Gérard Le Puill, qui fait figure de monsieur agriculture au PCF où il écrit régulièrement à ce sujet dans la revue théorique « Économie et politique ».

Dans sa tribune, il se fait directement le porte-parole du capitalisme agricole français, refusant toute amélioration de la condition animale au prétexte de la concurrence mondiale :

« Supprimer seulement en France la manière tout en « case, box ou stalle » pour les veaux, agneaux, vaches et truies conduirait les metteurs en marché hexagonaux à importer des viandes de veaux, de porcs et autres élevés en « case » en « box » ou en «stalle » dans d’autres pays de l’Union européenne. Ce qui aboutirait, en même temps, à une réduction de l’emploi en France et à un déficit accru de la balance commerciale. »

Gérard Le Puill parle directement au nom de ce capitalisme agricole français, expliquant au sujet des œufs par exemple que « la filière est très engagée vers une sortie progressive du système de poules pondeuses en cage. » Pour cette raison, il faudrait la préserver de tout changement législatif et surtout pas que la population française donne son avis sur la question.

C’est, au sens strict, un argument capitaliste et c’est d’ailleurs celui que les industriels utilisent régulièrement en matière environnementale ou sociale. Avec un tel raisonnement, il ne faudrait pas lutter pour des augmentations de salaire ou la protection sociale, parce que les autres pays du monde ou de l’Union européenne ont de moins bonne pratique et font concurrence, il faudrait d’ailleurs ne jamais rien dire et même dire merci patron.

La question des accords commerciaux avec des pays exportateurs de viandes est bien sûr un véritable problème, mais cela n’est pas une raison pour refuser que les choses changent en France. Cet argument de la concurrence mondiale, utilisé de cette façon, n’est qu’un prétexte pour empêcher toute mesure en faveur des animaux.

Il y a à l’arrière-plan un point de vue profondément rétrograde, prétendant qu’il existerait encore en France une paysannerie élevant des animaux, alors que cela fait bien longtemps que les éleveurs sont des capitalistes et que ce secteur est ultra modernisé, considérant l’animal comme une marchandise.

Gérard Le Puill a donc beau jeu ici de dénoncer les « prédateurs capitalistes » à l’initiative du projet de « referendum pour les animaux », car il ne vaut pas mieux en proposant à la place de défendre les capitalistes utilisant les animaux à leurs profits.

Notons au passage que L’Humanité ne se pose pas autant de question sur les « prédateurs capitalistes » quand il s’agit de sponsoriser la « Fête de l’Huma », où on a pu voir ces dernières années un stand Groupe Dassault, propriété de la richissime famille capitaliste du même nom, exposant des avions de guerre.

Tout cela est fort dommageable pour les animaux. Et, donc, cet argument des « milliardaires » a été utilisé une nouvelle fois dans L’Humanité dans son édition du 31 juillet 2020 avec une interview de Jacqueline Porcher. Elle est sociologue à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (un organisme d’État servant le capitalisme agricole) et explique cette fois que les défenseurs des animaux… n’aiment pas les animaux !

Naturellement, l’initiative du projet de « référendum pour les animaux » vient des richissimes capitalistes Jacques-Antoine Granjon, Xavier Niel et Marc Simoncini, et on peut comprendre que cela ne soit pas attirant pour des gens de gauche. Cependant, ce n’est pas une raison pour raconter n’importe quoi en enfonçant les associations de protection animale embarquées dans la démarche.

> Lire également : Lancement du projet «référendum pour les animaux»

Le problème, c’est que Jocelyne Porcher ne croit pas en un monde meilleur, où l’humanité aurait un nouveau rapport avec les animaux, sans les exploiter, sans les martyriser, etc. Son modèle, c’est « l’élevage paysan » d’avant les « transformations du capitalisme au XIXe siècle », avec « des races locales en libre parcours et abattage à la ferme »… Dans le genre rétrograde, et surtout mensonger, difficile de faire pire.

Alors elle explique que ce projet de referendum accréditerait sa thèse selon laquelle « la cause animale est devenue celle du capital » (elle a écrit un livre à ce sujet). Forcément, défendre les animaux ne va pas dans le sens du retour au XIXe siècle qu’elle défend, et qui relève d’ailleurs bien plus du pétainisme que de la Gauche historique.

Du coup, elle raconte n’importe quoi, pour dénigrer. L’interdiction de l’expérimentation animale ? Cela ne servirait à rien car « c’est déjà dans la loi ». La mesure concernant les animaux de cirque ? Elle ne servirait à rien, car ceux-ci sont « en voie de disparition ». Et en ce qui concerne la chasse à courre ? Là encore, cela ne concernerait « que très peu d’animaux », donc ce serait inutile.

Si de tels arguments sont possibles, dans « L’Huma », c’est que la Gauche en France est à la ramasse depuis des années et des années sur la question animale. Elle n’a jamais su se tourner vers le monde de la protection animale, des refuges animaliers, du végétarisme, du veganisme, etc.

Pourtant le monde ne l’a pas attendu pour évoluer. Et comme la Gauche n’est pas là pour donner un contenu social à des questions fondamentales comme celle des animaux, c’est le capitalisme qui s’en empare, pour tenter de se moderniser. Si la Gauche avait fait son travail, on n’en serait pas là, avec des milliardaires pratiquant une véritable OPA sur le milieu de la protection animale.

En attendant, la question est sur la table et les associations de protection animale ont décidé de porter l’initiative, en souhaitant ce référendum pour avoir une large audience auprès de la population. Les députés et les sénateurs de gauche devraient donc les soutenir, au moins pour une raison démocratique (il faut 185 parlementaires signant pour lancer une pétition et accéder ensuite au référendum).

Tel n’est pas le cas, puisque seuls quelques députés et sénateurs de gauche apporte leur soutien pour l’instant, d’après le site referendumpourlesanimaux.fr (Alain David, Olivier Faure, Régis Juanico et Laurence Rossignol du PS, Elsa Faucillon du PCF ainsi que Guillaume Gontard du groupe communiste au sénat).

Le 31 juillet 2020, il manque ainsi 63 parlementaires pour lancer la pétition préliminaire au référendum ; les députés et sénateurs de gauche porteraient une lourde responsabilité face aux associations de la protection animale s’ils continuaient à leur refuser la possibilité d’un referendum.

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Communiqué d’Eau & Rivières de Bretagne contre un «observatoire de l’agribashing», véritable antenne «Demeter» en Bretagne

L’association écologiste Eau & Rivières de Bretagne, qui fait depuis de nombreuses années un travail de terrain remarquable avec une connaissance très pointue de ses sujets, a publié un texte important, ainsi qu’une pétition à signer. En cause, la préfecture d’Ille-et-Vilaine et de Bretagne qui lance un « observatoire départemental de l’agribashing ». Rien que le nom en dit long, puisqu’il s’agit en arrière-plan d’une opération visant à empêcher toute critique de l’agro-industrie en Bretagne. La mise en place de cet « observatoire » est particulièrement anti-démocratique et le lien est évidemment fait avec la cellule Demeter de gendarmerie, véritable organe de répression anti-écologie et contre l’activisme vegan (voir à ce sujet l’analyse détaillée par La Terre ‘abord!).

Voici donc le communiqué d’E&R de Bretagne, qui prend le contre-pied de la répression en appelant à s’auto-dénoncer, en assumant haut et fort « les critiques sur le système agro-industriel » :

 

« Agribashing | Non à une antenne Demeter en Bretagne

Un observatoire de l’agribashing en Ille-et-Vilaine est lancé par la préfète de Bretagne. Nous dénonçons cette mascarade et appelons tous nos adhérents à s’auto-dénoncer à la cellule Demeter.

Ce jeudi 2 juillet, la préfète d’Ille-et-Vilaine et de Bretagne annonce la mise en place d’un « observatoire départemental de l’agribashing ». La Fédération Bretagne Nature Environnement, dont faire partie Eau et Rivières de Bretagne, dénonce la collusion et le manque d’objectivité à l’origine d’un tel projet. Il s’inscrit dans la droite ligne de la cellule Demeter, dont la dissolution a été demandée par 27 associations en février dernier.

Le monde associatif exclu de l’Observatoire

Cet « observatoire de l’agribashing » doit réunir la chambre départementale d’agriculture, les syndicats agricoles représentatifs (FDSEA, Jeunes agriculteurs, Confédération paysanne, Coordination rurale), les représentants du secteur agroalimentaire (ABEA, UGPVB) ainsi que les services de l’État (DDTM, DDCSPP, police et gendarmerie).

Le monde associatif est, bien malgré lui, prié de ne pas rejoindre la table des discussions et que l’expertise de nos associations sur la question agricole ne pourra certainement pas y être entendue.

Nous remettons donc en cause l’impartialité et l’objectivité des débats et des solutions pouvant être discutées et apportées par cet « observatoire ».

Collusion à grande échelle

L’annonce de la mise en place de cet « observatoire » a lieu au sein même de l’exploitation agricole du président de la chambre départementale d’agriculture d’Ille-et-Vilaine. Cela illustre parfaitement les liens douteux entre les représentants politiques départementaux et ces instances de promotion et diffusion d’un modèle agricole intensif et dévastateur.

Cette annonce fait suite à la nomination de Thierry Merret en tant que personnalité qualifiée au Conseil économique, social et environnemental (Ceser) par la préfète elle-même. Un autre geste éloquent en faveur du système agricole conventionnel et de ses fervents défenseurs.

Nous dénonçons fermement le manque de transparence et la complicité coupable de la préfecture d’Ille-et-Vilaine qui appuie avec force la mise en place d’un tel projet, lequel ne peut objectivement être considéré comme une priorité départementale.

« Agribashing » : la menace fantôme

La mise en place de ce projet est en lien direct avec son expression nationale, la cellule Demeter, projet gouvernemental déjà dénoncé par nos associations. Un objectif concret de cet « observatoire » est la constitution d’une base de données permettant une remontée d’informations vers la cellule.

Les actions portées par nos associations s’inscrivent dans le respect du droit pour la défense de l’intérêt général. La criminalisation d’actions associatives, assimilées à un agribashing, est en contradiction formelle avec le principe de liberté d’opinion.

Que dire des intimidations faites auprès de nos militants associatifs ? Des dégradations faites au niveau des locaux de nos associations ? Du droit environnemental bafoué d’un revers de la main, sous prétexte que nous ne sommes « que » des lanceurs d’alertes, parfois traités d’écolo-terroristes… Madame la Préfète pourrait créer un « observatoire de l’écolo-bashing » ?

Coupons l’herbe sous le pied de cet observatoire !

Pour couper l’herbe sous le pied de cette cellule et de l’observatoire, Eau et Rivières de Bretagne appelle tous ses adhérents et sympatisants à s’auto-dénoncer.

Comment ? En signant la pétition en ligne et en approuvant ce texte : « J’exprime, jusqu’ici en toute liberté, des critiques vis à vis du système agro-industriel breton, en raison d’impacts que je juge négatifs sur l’environnement et la santé. L’opacité sur les cibles et les fonctions de l’observatoire me laissent penser que je pourrais être visé, à mon insu, et donc surveillé par des organisations corporatistes ou à but lucratif. Soucieux de la bonne utilisation des deniers publics, particulièrement mobilisés en ces temps de crise, je tiens à alléger la charge des opérateurs de l’observatoire en m’auto-dénonçant comme porteur résolu de critiques sur le système agro-industriel et ceux qui le font perdurer. »

Signez ici la pétition. »

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Lancement du projet «référendum pour les animaux»

Un référendum pour faire progresser la condition animale : tel est le projet lancé par en haut, mais avec le soutien logique d’associations disposant de peu de moyens et de peu de leviers pour faire avancer les choses.

Quand il n’y a pas d’initiative par en bas, il y en a par en haut, car un espace démocratique inoccupé se voit forcément utiliser. En l’occurrence, on a une proposition de référendum qui a été lancée à l’initiative de Hugo Clément, Marc Simoncini, Jennifer Bierna, Marie Tabarly, Xavier Niel et Jacques-Antoine Granjon.

Hugo Clément est un journaliste végétarien totalement extérieur à la tradition de la lutte vegan, mais ayant un énorme succès médiatique ces derniers mois autour du thème de la condition animale ; Marie Tabarly est une navigatrice et comportementaliste équin.

À leurs côtés on a donc des capitalistes chevronnés formant des poids lourds financiers : Xavier Niel (Free), Marc Simoncini (Meetic), Jacques-Antoine Granjon (vente-privee.com).

En ce qui concerne Jennifer Bierna, c’est une juriste, qui s’occupe de la communication du groupe Illiad auquel appartient Free (et accessoirement ou pas, elle est une cadre de la Droite, conseillère au plus haut niveau possible, y compris gouvernemental).

Ce sont eux qui sont à l’initiative du projet « référendum pour les animaux », présenté comme une « initiative citoyenne, engagée et politique en faveur de la cause animale ». Ce sont eux d’ailleurs qui ont pris la parole pour présenter pendant 1h30 le projet, à la Station F, un campus de startups ouvert par Xavier Niel à Paris.

Comme quoi, la politique c’est quand des citoyens multimillionnaires prennent la parole ? Et pourquoi le font-ils ? Par philanthropie à l’américaine ? Par calcul ? Par intérêt ?

En tout cas, de nombreuses associations se sont insérées dans l’initiative, n’ayant, de facto, pas le choix. En effet, la situation est dramatique : il n’y a ni relais, ni financement, ni investissement humain suffisant dans la défense des animaux. Pour faire du bruit, il y a toujours des gens. Pour remplir son Facebook ou son compte Instagram, les gens sont prêts à agir de manière véhémente. Mais dès qu’il y a toutefois un travail de fond à mener, silencieux et ingrat, invisible et difficile, il n’y a plus personne.

L’idée de pousser à un référendum apparaît donc comme soit une utopie formidable, soit au moins un levier de plus. Mobiliser en faveur de la signature de 185 parlementaires et de 10% des personnes inscrites sur les listes électorales (ce qui fait presque 5 millions de signatures à recueillir) va faire du bruit et c’est déjà bon à prendre. Et si cela marche, un référendum d’initiative partagée imposerait encore plus le thème de la condition animale.

Participent donc à la proposition d’un référendum pour les animaux les associations ASPAS, AVA, CIWF, Code Animal, CRAC, Fondation Brigitte Bardot, Fondation GoodPlanet, L214, L’alliance anti-corrida, LPO, On est prêt, One Voice, PAZ, PeTA, Pro Anima, Rewild, Sea Shepherd, la SPA, Welfarm.

On note évidemment tout de suite l’absence de la principale structure de refuges en France qu’est la Confédération Nationale Défense de l’Animal. C’est fort dommageable. En même temps c’est tout autant de galères en moins pour elle. Car les associations signataires se retrouvent dans une situation compliquée.

D’un côté, elles avaient, au moins pour beaucoup d’entre elles, intérêt à signer car le référendum consiste en des points les concernant directement :

1 : Interdiction de l’élevage en cage

2 : Interdiction des élevages à fourrure

3 : En finir avec l’élevage intensif

4 : Interdiction de la chasse à courre, du déterrage et des chasses dites traditionnelles

5 : Interdiction des spectacles avec animaux sauvages

6 : Fin de l’expérimentation animale

Cela va faire du bruit en leur faveur ; il y a déjà des soutiens people, artistiques, etc. comme avec Alessandra Sublet, Nicolas Hulot, Juliette Binoche, Tryo, Stéphane Bern, Nagui, Nicolas Sirkis, Julien Courbet, Sheila, Pascal Obispo, Bruno Solo, etc.

De l’autre, il y a trois obstacles, insurmontables.

Le premier, c’est l’arrière-plan. Les multimillionnaires à la barre, c’est quelque chose qui fait qu’on ne sait pas où on va. Le 30 juin 2020, Xavier Niel a racheté Paris Turf, le quotidien des courses hippiques. Et le 2 juillet 2020, il prend la défense des animaux ? C’est un bon exemple du fait que pour les grands capitalistes, tout sert de pion.

Le second, c’est que pour rassembler les signatures pour que le référendum se tienne, il faut d’abord avoir les 185 parlementaires. Cela signifie composer et se soumettre à ces parlementaires. Or, cela converge parfaitement avec l’apparition toute récente d’un nouveau mouvement « écologiste » et de « gauche » lancé par d’ex-macronistes.

Emmanuel Macron a besoin d’un mouvement écologiste en sa faveur aux prochaines présidentielles et là tout tombe très bien. Les lanceurs multimillionnaires de l’idée de référendum sont d’ailleurs eux-mêmes exactement des macronistes.

Le troisième, c’est l’obstacle culturel. Si on ne change pas les mentalités on ne change rien. Prenons par exemple le thème de la fin de l’expérimentation animale. C’est un combat tellement impossible que les vegans français ne l’ont absolument jamais assumé, à part le mouvement International Campaigns et bien entendu les tenants (très minoritaires) de la libération animale sans compromis.

C’est pourtant un combat juste. Cependant, c’est un combat culturel et il faut une base pour l’assumer. Et elle est de haut niveau. Même des végétariens ne peuvent ainsi pas l’assumer : on ne peut pas dire qu’on s’oppose à l’expérimentation animale tout en consommant du fromage qui contient par définition des morceaux d’estomac de jeunes ruminants.

Pour que ce référendum ait ainsi un sens, il faut un changement des mentalités, un changement culturel. Sinon, c’est de la rhétorique.

Et c’est là justement qu’on tombe sur l’Histoire. Car, finalement, la question animale est une problématique relevant du Socialisme. Soit on fait le Socialisme et on dit qu’on fait en sorte de l’élargir aux animaux, soit on parle des animaux mais cela tourne à l’abstraction, au fantasme bobo d’un capitalisme pacifié avec des élevages bio, qui est anti-historique par définition.

Ce référendum est donc voué à l’échec… Ou à une réussite, mais alors cela ne sera pas un référendum, mais un soulèvement en faveur des animaux. Et ce ne seront pas les multimillionnaires qui décideront de comment cela se passera, puisqu’ils sont une partie du problème, pas une partie de la solution.

> Le site de l’initiative : referendumpourlesanimaux.fr/

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Politique

Malgré la crise sanitaire, le gouvernement ouvre les frontières pour la main-d’œuvre immigrée dans l’agriculture

Les frontières sont normalement fermées en raison de la crise sanitaire, mais les impératifs de santé ne font pas le poids face aux besoins du marché. Le gouvernement a donc décidé des dérogations afin de faire venir des immigrés dans l’agriculture. Les capitalistes du secteur ont en effet besoin d’une main-d’œuvre bon marché et surtout peu regardante sur les conditions de travail, provenant essentiellement de Roumanie et de Bulgarie.

Alors que les récoltes de fraises et d’asperges ont déjà commencé, c’est bientôt la saison pour les cerises, les pêches, les nectarines, les poires ou encore les abricots. Les besoins passeraient en quelques jours de 45 000 personnes à 80 000 personnes.

Les agriculteurs du secteur, qui ne sont nullement des paysans mais de véritables chefs d’entreprises capitalistes, prétendent manquer de main-d’œuvre. Cela paraît étonnant tant on connaît la réalité du chômage en France, particulièrement en ce moment. N’a-t-on pas entendu parler d’ailleurs ces derniers jours de ces milliers d’étudiants ayant perdu leur job avec le confinement ?

Le problème en réalité n’est pas celui de la main-d’œuvre, mais de la nature de la main-d’œuvre. Le secteur a besoin d’une main-d’œuvre immigrée afin d’exercer une pression sur le travail, en maintenant des conditions difficiles, des rendements importants et une rémunération faible.

De part leur situation, les immigrés, en l’occurrence venant principalement d’Europe de l’Est et en partie du Maghreb, acceptent des conditions inacceptables pour les travailleurs français en général. Ils l’acceptent d’autant plus facilement que les salaires sont élevés en comparaison de ceux de leurs pays. Il y a bien sûr des Français faisant « les saisons », notamment des étudiants, mais non seulement c’est de moins en moins vrai, mais en plus ceux-ci sont en général jeunes, vivant une situation considérée comme seulement temporaire. La concurrence immigrée exerce sur eux une pression sociale : soit les conditions sont acceptées, soit il faut prendre la porte.

Cette pression est d’autant plus forte qu’il y a chez les travailleurs immigrés du secteur une mentalité surtout opportuniste, imprégnée de féodalisme, s’imaginant faire un bon « deal » avec l’employeur, avec un bon salaire contre un dur labeur, lui-même valorisé en tant que tel.

Dans ces conditions, les capitalistes de l’agriculture ne veulent absolument pas entendre parler des travailleurs français, ou alors seulement dans la mesure où ces derniers se plient aux standards acceptés des travailleurs immigrés.

Il faut à ce propos rappeler l’épisode récent où une campagne a été menée pour inciter des chômeurs partiels à venir travailler dans les champs, intitulée « Des bras pour ton assiette ». Cela a été un véritable fiasco, tant les travailleurs français arrivant ont été stupéfaits des conditions de travail, préférant tout simplement ne pas revenir le lendemain. Les employeurs, anticipant souvent ces réactions, ont dans la plupart des cas refusé d’eux-mêmes les embauches, préférant s’asseoir sur une partie de la production (15 % à 20 % des récoltes d’asperges et de fraises).

Les chiffres sont ainsi édifiants : sur 300 000 candidatures, seules 15 000 ont abouti d’après le ministère de l’Agriculture, et pas forcément durablement.

Le secrétaire général de l’Interprofession des fruits et légumes frais (Interfel), Daniel Sauvaitre, a très bien résumé cette situation dans la presse :

« Pour la main-d’œuvre locale c’est : un jour il fait trop chaud, un jour il fait trop froid, et il faut s’arrêter le vendredi midi. Les cueilleurs habituels, notamment venus de l’étranger, sont davantage rompus au travail de la terre. »

Les travailleurs français osent demander des bonnes conditions de travail ? C’est inacceptable pour les capitalistes du secteur, alors il faut impérativement ouvrir les frontières pour importer de la main-d’œuvre, peu importe la crise sanitaire. Telle est l’immonde logique du capitalisme, utilisant l’immigration pour maintenir les profits et freiner la lutte des classes, faisant fi des nécessités sanitaires.

Ce qui est vrai dans l’agriculture l’est d’ailleurs aussi pour de nombreux secteurs : la restauration dans les grandes villes, le BTP, le ménage, la sécurité privée, une partie de la sous-traitance industrielle, etc. La différence étant que dans ces cas-là, la main-d’œuvre immigrée est déjà sur place, souvent en situation irrégulière, contrairement à la main-d’œuvre agricole qui n’est que saisonnière et pour qui le capitalisme ouvre les frontières avec empressement.

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[Communiqué] «Huile de palme: le gouvernement vole une nouvelle fois au secours de Total»

Voici le communiqué des associations Canopée, Amis de la Terre France et WWF France sur cette question très importante de l’huile de palme, causant des déforestations massives. Les associations dénoncent ici ni plus ni moins qu’un coup de force antidémocratique du gouvernement allant à l’encontre du vote récent de l’assemblée nationale.

(Les orangs-outans sont des grandes victimes de la généralisation de l’huile de palme)

«Huile de palme: le gouvernement vole une nouvelle fois au secours de Total

Communiqué de presse commun de Canopée, des Amis de la Terre France et du WWF France

Paris, le 18 décembre 2019 – Après le camouflet infligé par les députés le 15 novembre 2019, le gouvernement tente une nouvelle manœuvre pour sauver Total et sa bioraffinerie d’huile de palme de La Mède.

Il y a un an, jour pour jour, les députés ont voté l’exclusion des produits à base d’huile de palme de la liste des biocarburants à partir du 1er janvier 2020. Une décision que le gouvernement, sous la pression de Total, tente une nouvelle fois de remettre en cause à quelques jours de son entrée en vigueur.

Le gouvernement a prévu de modifier un arrêté de 2011 relatif à la durabilité des biocarburants qui permettrait de classifier en “résidu” l’un des principaux produits à base d’huile de palme que Total prévoit d’utiliser pour sa “bioraffinerie” de La Mède : les PFAD (Palm Fatty Acid Distillate). Cette modification pourrait avoir lieu à l’abri des regards pendant la période des fêtes de fin d’année, vers le 28 décembre 2019.

Cette classification permettrait à Total de pouvoir considérer ses biocarburants à base d’huile de palme comme des “biocarburants avancés” et donc de bénéficier d’avantages fiscaux encore plus importants.

Les PFAD ne sont pas des “résidus” d’huile de palme mais des produits techniquement très proches de l’huile de palme brute. Il ne s’agit donc pas d’un déchet mais d’un produit déjà valorisé pour de nombreuses utilisations, notamment dans l’alimentation animale, la cosmétique ou l’industrie chimique. Une hausse de leur utilisation se traduirait inévitablement par une hausse de la déforestation.

En 2017, le gouvernement a reconnu ce risque dans le cadre de la Stratégie Nationale de lutte contre la Déforestation Importée. Cette stratégie prévoit explicitement que les PFAD ne sont pas des “biocarburants avancés”. Cette décision a même fait l’objet d’un arbitrage interministériel.

Arnaud Gauffier du WWF estime que : “Par cette requalification pour le moins douteuse le gouvernement tente de contourner le vote de l’Assemblée qui s’est pourtant prononcé à une très large majorité (58 votes pour vs. 2 contre) pour la fin de l’utilisation de l’huile de palme dans les agrocarburants il y a à peine 1 mois.”

Sylvain Angerand, coordinateur des campagnes pour Canopée et porte-parole des Amis de la Terre conclut: “Après l’échec de la COP 25 à Madrid, jamais l’écart n’a semblé aussi grand entre l’inaction des gouvernements et l’urgence climatique. Avec cette nouvelle manoeuvre, il ne s’agit plus seulement d’inaction mais bien d’une régression scandaleuse. Une fois de plus, le gouvernement prouve qu’il est prêt à renier ses engagements environnementaux pour plier devant les intérêts économiques des industriels comme Total.”

Contexte :

Depuis le vote des députés en 2018, Total a multiplié les manoeuvres pour essayer de saboter cette loi sans succès : le Conseil constitutionnel a débouté la multinationale le 11 octobre 2019 et les députés ont rejeté le 15 novembre 2019, après un deuxième vote, un amendement qui avait été introduit en catimini pour repousser cette exclusion à 2026.

L’exclusion des produits à base d’huile de palme de la liste des biocarburants entraîne la perte d’un avantage fiscal de 70 à 80 millions d’euros par an pour Total et remet en cause la viabilité économique de la “bioraffinerie” de La Mède.

La “bioraffinerie” a été conçue pour fonctionner avec un approvisionnement de l’ordre de 500 à 550 000 tonnes de produits à base d’huile de palme (huile de palme brute et PFAD). L’exclusion de l’huile de palme brute pourrait entraîner un report vers les PFAD comme nous l’expliquons dans cet article

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Emmanuel Macron prend en otage la question de l’Amazonie pour servir la puissance française

Avant-hier à la veille du G7 à Biarritz, Emmanuel Macron a opportunément évoqué les incendies en Amazonie, afin de critiquer l’État brésilien et faire pression sur des accords commerciaux. Il en a rajouté lors de son allocution d’hier à Biarritz, laissant entendre qu’il sera à l’origine d’un mouvement d’action en faveur de l’Amazonie, ce qui n’a d’autre fin que de servir les intérêts de la France en tant que grande puissance.

La forêt amazonienne connaît actuellement une série d’incendies de grande ampleur. D’après un spécialiste du Centre européen de prévisions à moyen terme (ECMWF), «  jamais les incendies dans l’État brésilien d’Amazonas n’avaient émis plus de CO2 lors d’un mois d’août, alors que le mois n’est pas encore fini ». Le constat fait par l’Institut national brésilien de recherche spatiale (INPE) va dans le même sens, avec un nombre de départs de feu constaté très supérieur aux années précédentes.

La catastrophe est telle que la ville de São Paulo a vu son ciel complètement obscurci pendant une heure en plein après-midi ce lundi 19 août 2019, du fait de ces incendies. Plusieurs études scientifiques alertent par ailleurs sur un possible point de non-retour qui serait franchi rapidement, empêchant l’équilibre hydrique de la forêt tropicale humide de se maintenir, la faisant devenir une savane.

La situation n’est cependant pas nouvelle, ni isolée : elle correspond à l’état général de la planète, dont la vie est bouleversée en profondeur par l’activité humaine dans le cadre du mode de production capitaliste. La question de l’Amazonie fait ici surtout office de totem, manié par des gens qui ne veulent pas réellement changer le monde et qui s’attachent à des symboles pour prétendre l’inverse.

Les propos d’Emmanuel Macron sur Twitter sont très significatifs de cette posture à propos de l’Amazonie :

« Notre maison brûle. Littéralement. L’Amazonie, le poumon de notre planète qui produit 20% de notre oxygène, est en feu. C’est une crise internationale. Membres du G7, rendez-vous dans deux jours pour parler de cette urgence. #ActForTheAmazon »

Personne ne sait vraiment d’où le Président français tient ce chiffre de 20 %, mais il est en tous cas faux. Parler de poumon de la planète pour l’Amazonie correspond de surcroît à une posture romantique, pas à la réalité scientifique.

Déjà, parce qu’un poumon ne produit pas d’oxygène ! Mais surtout, car il est faux de considérer la planète en séparant les parties du monde et les formes de la vie les unes des autres. La production et le maintient de la teneur en oxygène de l’atmosphère est quelque chose de très complexe, qui concerne l’ensemble de la biosphère. La majorité des émissions d’oxygène provient d’ailleurs des océans, grâce au phytoplancton et non pas des forêts. L’Amazonie, aussi grande soit-elle, ne constitue de toutes manières qu’une partie des forêts mondiales.

Mais ce n’est pas ce qui compte ici puisqu’en réalité Emmanuel Macron entend surtout faire pression pour tirer un avantage plus favorable des accords avec le Mercosur, c’est-à-dire surtout le Brésil et l’Argentine. La situation est très simple : l’Union européenne a signé un accord de libre-échange abolissant presque entièrement les taxes douanières entre les deux marchés communs.

Cet accord, qui est pour l’instant suspendu, est intéressant pour l’industrie allemande, notamment pour l’exportation d’automobiles, et pour le Brésil, pour l’exportation agricole. Il est en partie intéressant pour les exportations françaises, mais entre cependant en concurrence avec les intérêts de l’agro-industrie française, elle aussi très puissante et exportatrice.

La destruction par des incendies volontaires de la forêt amazonienne, qui est un crime barbare contre la vie sur Terre et la vie de la Terre, a pour but de dégager d’immenses espaces agricoles pour l’agro-industrie brésilienne et particulièrement l’élevage. C’est cela que critique Emmanuel Macron, non pas pour des raisons écologiques, mais pour des raisons de concurrence économique, principalement à l’encontre de l’élevage bovin français.

Quand le Président français accuse le Président brésilien d’avoir « menti » sur ses engagements en faveur du climat, il dénonce en fait la possibilité d’une concurrence accrue contre l’agro-industrie française du fait de plus grands espaces agricoles. C’est pour cela qu’il affirme en conséquence vouloir s’opposer à l’application de l’accord avec le Mercosur.

La présidente de la FNSEA, qui représente directement les intérêts de l’agro-industrie française, a immédiatement salué la « décision de sagesse » d’Emmanuel Macron, considérant que ses arguments ont été entendus.

La défense de la forêt amazonienne n’est en effet qu’un prétexte, un mensonge, de la part de celui qui encourageait l’industrie liée à l’extraction d’or dans la forêt amazonienne en Guyane lorsqu’il était au ministère de l’économie. Le président brésilien d’extrême-Droite Jair Bolsonaro a alors beau jeu de dénoncer une instrumentalisation, puisque c’est de cela qu’il s’agit :

« Je suis navré que le président Macron cherche à instrumentaliser une question interne au Brésil et aux autres pays amazoniens à des fins politiques et personnelles. Le ton sensationnaliste avec lequel il se réfère à l’Amazonie (faisant même appel à de fausses photos) ne contribue en rien à régler le problème. »

Remarquons ici que cette polémique bénéficie largement au chef d’État brésilien, qui se pose alors en critique des grandes puissances en plein G7, dénonçant même une mentalité colonialiste :

« Le gouvernement brésilien reste ouvert au dialogue, sur la base de faits objectifs et du respect mutuel. La suggestion du président français selon laquelle les affaires amazoniennes soient discutées au G7 sans la participation de la région évoque une mentalité colonialiste dépassée au 21e siècle ».

Chaque pays cherche à tirer son épingle du jeu dans le cadre de la concurrence économique mondiale. Nous vivons l’époque des Trump, Xi Jinping, Bolsonaro, Poutine, Erdogan, Duterte, du Brexit, de la bataille toujours plus ouverte pour le repartage du monde.

Emmanuel Macron et Angela Merkel eux-mêmes sont des va-t-en-guerre avec leur moteur franco-allemand de l’Union Européenne, qui assume une militarisation accrue. La question de la guerre, couplée à celle de la vie pacifiée de la planète sur le plan écologique, va indéniablement façonner les prochaines années !

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La consommation d’aliments ultra-transformés et le risque de maladies cardiovasculaires

Les chercheurs de l’étude Nutrinet-santé ont publié jeudi un article alertant sur les liens entre la consommation d’aliments ultra-transformés et le risque de maladies cardiovasculaires.

L’article publié dans le British Medical Journal (en anglais) se base sur des données statistiques issues d’une grande enquête menée par des chercheurs en France sur l’alimentation de milliers de personnes.

Ce qu’on y apprend n’est pas nouveau et a déjà été montré depuis au moins les années 1980, notamment par des universitaires américaines. Cependant, l’agro-industrie accroît toujours plus son emprise sur l’alimentation et cela commence à faire des dégâts très facilement observables.

Dans leur incessante quête de profit, les industriels inondent le marché de produits de mauvaises qualité, transformés à l’aide de procédés qui ne devraient pas exister et gorgés d’additifs, de sucres, de matières grasses et de sel.

Voici le communiqué publié sur le site de l’étude Nutrinet-santé qui présente l’article et ses enjeux :

CP_AUT_CARDIO.pdf

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Société

Pétition : « Pas de tomate bio en hiver : non aux serres chauffées !  »

La Fédération Nationale d’Agriculture Biologique a lancé une pétition avec le Réseau Action Climat, la Fondation Nicolas Hulot et Greenpeace qui a eu un certain retentissement médiatique. Elle est adressée au Ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation Didier Guillaume, dans le but de défendre les principes de l’agriculture « bio » en encadrant mieux le secteur.

L’agriculture « bio » a été prise d’assaut ces dernières années par les grands groupes de l’agro-industrie et de la grande distribution. Ce label n’est pour eux qu’un moyen d’augmenter le profit en valorisant mieux les marchandises et en s’ouvrant à de nouveaux marchés. Cela passe bien sûr par une pression très forte sur les prix afin d’écraser la concurrence, ce qui signifie une quête perpétuelle de baisse des coûts.

L’industrialisation de l’agriculture « bio » qui existe depuis longtemps déjà en Espagne arrive donc en France et tend à écraser littéralement tout un secteur, qui voit ses principes disparaître.

On a ainsi des petits-producteurs dont la situation se complique sous la pression des gros, qui industrialisent la production « bio » et inondent le marché, qui plus est toute l’année. Les serres chauffées en sont un symbole très fort, en plus d’être une hérésie sur le plan de l’écologie et de la gastronomie.

On remarquera que les signataires mis en avant dans la pétition sont principalement des chefs cuisiniers, sur un mode « cuisine traditionnel ». Si on ne peut qu’être d’accord pour défendre la nourriture de qualité contre les horreurs agro-industrielles, il faut bien voir ici ce que cela signifie. On est pas dans une critique socialiste, qui consisterait à dire qu’il faut changer la production, pour la mettre au service de la population.

Il s’agit plutôt de la panique d’une petite-bourgeoisie aimant bien manger « bio », qui craint de voir s’effondrer tout un secteur auprès duquel elle peut s’approvisionner en produits de qualité, en marge de l’agriculture destinée à la grande majorité de la population.

Voici donc le texte de la pétition, que l’on peu signer en se rendant sur ce lien :

« Non à l’industrialisation de la Bio !

Monsieur le Ministre de l’Agriculture, il faut interdire la production de fruits et légumes bio hors saison !

Le marché bio se développe et les appétits aussi. Avec l’arrivée de nouveaux acteurs économiques poussant des pratiques incompatibles avec le cahier des charges bio, c’est tout le système qui est menacé !

Halte aux rendements à tout prix, oui aux saisons !

Depuis quelques mois, on voit se développer des projets de conversion biologique de serres chauffées pour la production de fruits et légumes hors saison (Pays de la Loire, Bretagne…). Ces projets en gestation vont permettre de retrouver sur les étals de la tomate bio française en plein mois de mars. Une aberration gustative, agronomique et environnementale !

Le chauffage des serres est incompatible avec le label bio

Le cahier des charges bio impose le « respect des cycles naturels » et une « utilisation responsable de l’énergie ». Chauffer sa serre pour produire des tomates ou des concombres en plein hiver ne peut donc pas être compatible avec l’agriculture biologique. Selon les régions et les années, la saison de la tomate peut aller de mai/juin à octobre/novembre, mais certainement pas en hiver.

Pour rentabiliser leurs serres chauffées, les industriels se spécialisent sur un ou deux légumes à forte valeur ajoutée. En diminuant la diversité des cultures, ils appauvrissent leurs sols et ainsi contreviennent encore aux principes de l’agriculture biologique.

Mobilisons-nous pour lutter contre l’industrialisation de la bio !

Nous avons jusqu’au 11 juillet 2019, prochaine date du Comité national de l’agriculture biologique, pour convaincre le Ministre de l’Agriculture de lutter contre l’industrialisation de la bio en limitant le recours au chauffage des serres à la production de plants et au maintien hors gel, garantissant ainsi que la production reste de saison.

Ne discréditons pas le label bio : soutenons les paysannes et paysans bio qui respectent les saisons, pas de serres chauffées pour produire à contre-saison !

Signez la pétition pour demander au Ministre de l’Agriculture de soutenir un encadrement strict du chauffage des serres en bio afin d’interdire la production de fruits et légumes bio hors saison.

Les premiers signataires :

Iñaki AIZPITARTE, Chef cuisinier Le Chateaubriand (1 étoile, Paris) ; Gaétan BERTHELOT, Chef cuisinier du traiteur bio Ressources (Paris) ; Tugdual de BETHUNE, chef cuisinier, Holen (Rennes), Nicolas BRIAND, Chef cuisinier, Le Château d’Apigné (Le Rheu) ; Cyril BORDRIER , Chef cuisinier Le verre volé (Paris) ; Clément CHARLOT, Chef cuisinier Fragments (Caen) ; Emmanuel CHARTRON, Chef de la Cuisine centrale de la Ville de Saint Tropez ; Ollie CLARKE, Chef cuisinier La Régalade (Paris) ; CLÉA, autrice culinaire et bloggeuse (Cléa Cuisine) ; Richard CORNET, Chef cuisinier L’Aménité (Nantes) ; Pascal DAUPHIN, Chef de cuisine Lycée Camille Pissarro (Pontoise) ; Sabine DELMAS, Chef de cuisine du Lycée Marie Curie (Versailles) ; Christophe DEMANGEL, Chef de Cuisine au Collège Jules Grévy (Poligny), membre des Cuisiniers de la République Française ; Xavier DENAMUR, restaurateur, propriétaire de cinq établissements dans le quartier du Marais à Paris ; Nicolas FERRÉ, Chef cuisinier Le Quai des Saveurs (Les Sables d’Olonne) ; Olivia GAUTIER directrice du restaurant Les Orangeries (Lussac-Les-Châteaux) ; Rémi GIRAUD, Chef cuisinier du restaurant Les hauts de Loire (2 étoiles, Onzain) ; Bernard GISQUET, Chef cuisinier de Lou Cantoum (Cestayrols) ; Arnaud GUILLOUX, chef cuisinier à Coquille (Rennes), Adeline GRATTARD, Cheffe cuisinière Yam’tcha (1 étoile, Paris) ; Sylvain GUILLEMOT, Chef cuisinier L’Auberge du Pont d’Acigné (1 étoile, Noyal-sur-Vilaine) ; Lionel HÉNAFF, Chef cuisinier L’Allium (1 étoile, Quimper) ; Thomas HUBERT, Chef cuisinier Olive & Artichaut (Nice), Fumio KUDAKA, Chef cuisinier La Table de Breizh Café (1 étoile) à Cancale ; Kevin LEPINE, Chef cuisinier de Texture (Saint Malo) ; Céline LE GALL, Cheffe cuisinière, et Yann ANDRÉ, gérant, La Renverse (Saint-Froult) ; Julien LEMARIE, chef cuisinier à l’IMA de Rennes, Ewen LE MOIGNE, Chef cuisinier de Saturne (1 étoile, Paris) ; Thierry LEBIGRE, Chef cuisinier du Centre hospitalier d’Embrun ; Flore MADELPUECH, artisane cuisinière, Cheffe de La table de Flore (Rouen) ; Bruno NOURRY, responsable de la cuisine municipale de St Hilaire de Riez ; François PASTEAU, Chef cuisinier de L’Epi Dupin (Paris), Morgan PERRIGAUD, Chef cuisinier Les Prémices (Bourron-Marlotte) ; Laurent PORÉE, cuisinier, créateur de La cantine de Babel (Le Mesnil-Rouxelin) ; Olivier ROELLINGER, Chef cuisinier, Maisons de Bricourt (Cancale), Hugo ROELLINGER, chef , Le Château Richeux (Saint Méloir des Ondes), David ROYER, Chef cuisinier étoilé du Château de sable (Porspoder) et du Roc’h Ar Mor (Plouescat) ; Sibylle SELLAM et Grégoire FOUCHERS, cuisiniers du Bercail (Rennes), Ndeye SOUMARÉ, Cheffe de cuisine de la Cité scolaire Chaptal (Paris) ; Didier Thévenet, directeur et cuisinier de la cuisine centrale de Lons-le-Saunier ; Jonathan THULLIEZ, Chef de cuisine du restaurant Le Bichat (Paris) ; David VACQUÉ, Chef cuisinier du Bistro gourmand (Nice) ; Caroline VRIGNAUX, Cheffe de cuisine R&D chez FoodChéri ; 4 diététiciennes et 13 chef.fes membres du Collectif les Pieds dans le Plat (restauration collective bio et locale) »

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Société

Et maintenant on mange quoi ? de Christophe Brusset

Le livre Et maintenant on mange quoi ? de Christophe Brusset entend dénoncer de l’intérieur les agissements de l’agro-industrie capitaliste qui tend à abaisser la qualité de la nourriture et empoisonner les consommateurs pour maximiser ses profits.

« Ce qui me choque le plus, ce n’est pas que des industriels avides nous fassent manger des crottes de rats ou des asticots de temps en temps, car cela n’aura finalement aucune incidence sur notre santé. Non, ce qui me révolte véritablement c’est qu’on légalise l’empoisonnement collectif uniquement pour assurer les profits de multinationales déjà très riches et hyperpuissantes. »

L’ouvrage de Christophe Brusset est un témoignage convainquant, venant de l’intérieur du système qu’il dénonce. Ancien acheteur dans l’alimentaire, il relève de nombreuses anecdotes présentées comme typiques et donne quelques conseils pour éviter les pires aliments. C’est une volonté démocratique qui est affichée par l’auteur, celle d’un « repenti » qui entend informer le grand public.

Y sont expliquées dans le détail tout un tas de pratiques visant à contourner les réglementations ou désorienter les consommateurs, ainsi que de nombreuses réglementations qui ne protègent pas suffisamment, voir autorisent des choses dangereuses.

Ce qu’on apprend dans son livre n’est pas malheureusement pas étonnant, c’est tout à fait conforme à la logique même du capitalisme. Il y a cependant quelque-chose de saisissant à découvrir certaines pratiques dans le détail, car il est parfois difficile d’imaginer que les choses vont aussi loin.

La plupart de ce qu’il dénonce n’est pas vraiment illégal, et c’est cela qui est le plus consternant. Il est en fait très difficile de savoir vraiment ce que l’on mange avec la nourriture industrielle. Par exemple, sur un emballage, s’il est marqué qu’un produit est fabriqué en France, rien n’indique l’origine des aliments qui le composent. Ainsi, une grande partie de la production agricole mondiale vient de Chine et beaucoup de ces aliments sont donc incorporés dans les produits industriels ici. Ce sont par exemple des tomates de très mauvaise qualité et produites avec l’usage de nombreux pesticides, sans qu’on n’en sache rien.

S’il existe des normes, par exemple pour les pesticides, il y a en fait très peu de contrôles et ceux-ci se basent souvent de toutes façons seulement sur des certificats qui peuvent facilement être falsifiés. On a en fait tout un système, qui fonctionne à l’échelle mondiale, et qui dispose d’usages et d’astuces pour contourner les règles, qui ne sont de toutes manière pas très protectrices.

À cela s’ajoute le fait que les industriels ont énormément de stratégies pour réduire le coût de leurs marchandises tout en favorisant les ventes. C’est-à-dire que même dans le cadre strictement légal, la qualité des produits alimentaires est de moins en moins bonne en raison de l’impérieuse nécessité de l’élargissement des profits.

Il en va de même pour la santé, qui est de plus en plus malmenée par l’agro-industrie capitaliste pour les mêmes raisons, qui sont directement liées. Il faut penser bien sûr à tout un tas d’additifs, comme des conservateurs qui permettent de garder plus longtemps pour vendre plus facilement, des agents de texture pour rendre un produit addictif, des colorants pour masquer des ingrédients de mauvaise qualité, etc. Ceux-ci, pris isolément et en faible quantité sont présentés comme inoffensifs, mais ils sont en fait systématiques et leurs effets s’additionnent et peuvent se mutualiser.

La question de la malbouffe est très connue, avec notamment produits très sucrés et très gras, addictifs et très nocifs, mais on aurait tort de penser que cela ne concerne que les fast-foods ou les sodas.

Christophe Brusset nous explique très bien dans Et maintenant on mange quoi ? qu’une grande majorité des restaurants ou des cantines scolaires ne sont pas épargnés par ce problème de la qualité de la nourriture, car les industriels ont totalement colonisé ces secteurs de telle manière qu’on n’y cuisine quasiment plus, ou alors que les aliments de base y sont de mauvaise qualité.

Les différents conseils donnés par l’auteur pour s’y retrouver dans ce chaos sont bien sûr très utiles afin d’y voir plus clair. Certains labels comme le « bio » permettent, normalement, de s’assurer une qualité certaine, sanitaire ou nutritive. Le meilleur moyen d’éviter les problèmes réside surtout dans l’achat à la base de produits locaux de bonne qualité qu’on cuisine soi-même, afin de véritablement savoir ce que l’on mange.

Il serait erroné cependant d’imaginer que la solution réside, comme le pense l’auteur, dans le choix de consommateurs qui aurait le pouvoir d’orienter la production. L’ensemble de son ouvrage montre au contraire à quel point l’agro-industrie capitaliste est puissante et piégée par sa logique propre. C’est donc la production elle-même qu’il faut changer, l’orienter dans un sens non-capitaliste, la destiner uniquement et unilatéralement à la satisfaction culturelle et sanitaire de la population en matière d’alimentation.

 

> Et maintenant on mange quoi ? de Christophe Brusset, paru en octobre 2018, est disponible aux éditions Flammarion. Cliquez sur l’image ci-dessous pour lire un extrait de l’ouvrage :

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Politique

Nomination d’Emmanuelle Wargon de Danone : symbole de l’emprise de l’agro-industrie capitaliste sur l’alimentation des Français

La nouvelle secrétaire d’État auprès du ministre de l’écologie Emmanuelle Wargon a été pendant trois ans la directrice des affaires publiques de Danone, l’un des plus grands groupes mondiaux spécialisé dans les produits laitiers. Elle a représenté directement les intérêts de l’agro-industrie capitaliste contre les intérêts de la population.

Emmanuelle Wargon Danone

Les produits laitiers illustrent de manière effroyable l’emprise de l’agro-industrie capitaliste dans le quotidien alimentaire des Français. Inutiles à la base, néfastes à plusieurs égards , ils sont en fait partout, avec une image de produits sains voire indispensables pour la santé.

La communication de ce secteur est très intense. Il ne s’agit pas simplement de publicités commerciales, mais de toute une activité structurée et présentée comme scientifique, relayée par les autorités publiques. C’est ainsi que les cantines scolaires sont obligées de proposer chaque jour au moins un produit laitier aux enfants et aux adolescents, le plus souvent des yaourts, la spécialité de Danone.

Le secteur laitier de l’agro-industrie capitaliste impose ainsi littéralement ses produits, manipulant les opinions et façonnant les habitudes de manière profonde. Le rôle d’Emmanuelle Wargon chez Danone était justement de diriger cela, particulièrement en ce qui concerne les relations avec les pouvoirs publics.

Elle a par exemple géré le déploiement du Nutri-Score avec le ministère de la Santé. Ce référentiel censé évalué la valeur nutritionnelle d’un produit est typique des fausses mesures en faveur de la santé alimentaire. Sa destinée n’est autre que de maintenir la position dominante des grands groupes et leurs ventes de produits alimentaires hautement transformés. Il ne vise pas à informer la population mais à contrer les critiques de fond en classant les produits selon leur nocivité sur quelques critères restreints, ce qui contribue en définitive à promouvoir certains produits transformés un peu moins néfastes par rapports à d’autres qui sont pires.

Emmanuelle Wargon représente donc directement les intérêts capitalistes dans le domaine de l’alimentation. Sa nomination au Ministère de la transition écologique suscite alors de nombreuses critiques, tellement les manipulations dans ce secteur sont connues et reconnues. Mais elle assume cela, et s’imagine d’ailleurs très forte en ce domaine, comme c’est expliqué dans le Figaro :

«J’ai toujours eu un rôle de passeur entre les mondes. J’aime naviguer entre le privé et le public, faire comprendre aux uns qu’ils peuvent travailler avec les autres et débloquer les systèmes complexes».

Par « systèmes complexes », il faut bien sûr comprendre ici qu’il s’agit de toutes les manipulations et les mensonges de grands groupes comme Danone pour se maintenir et accroître leurs positions. La question des OGM est ici très brûlante, et ce n’est pas pour rien que l’extrait d’une vidéo montrant Emmanuelle Wargon les défendre ouvertement au nom de Danone lors des rencontres économiques d’Aix-en-Provence en juillet 2018, a largement circulé. Elle y dit :

« On a pas pris une position dogmatique sur les OGM parce que cette position dogmatique, ce serait un refus de l’innovation et un refus de la science. On a dit aux États-Unis l’agriculture issue des OGM est une agriculture extrêmement standardisée qui réduit très fortement la biodiversité et c’est la raison pour laquelle aux États-Unis on sortira des OGM, mais ça ne veut pas dire qu’on en sortira systématiquement. »

Ce discours mesuré, posé, est typique d’un grand groupe français qui se donne l’image d’une entreprise « durable », allant dans le sens de la santé et du bien commun. Le slogan sous le logo du groupe est ainsi « ONE PLANET. ONE HEALTH », qui signifie « une planète, une santé ».

Ce genre de communication dont Emmanuelle Wargon avait la charge depuis 2015 est largement utilisée par le groupe. Le directeur général Emmanuel Faber expliquait par exemple en 2016 aux étudiants de la Grande École de commerce HEC que « l’enjeu de la globalisation, c’est la justice sociale. Sans justice sociale, il n’y aura plus d’économie ».

Ces grands groupes utilisent de grands moyens pour vendre et répandre partout leurs produits tout en masquant leur propre nature, leur réalité sanitaire. Il existe depuis quelques années un mouvement dénonçant cela, mettant en avant la connaissance des ingrédients et des étiquetages, dénonçant les manquements.

Des livres comme ceux de Christophe Brusset (Vous êtes fous d’avaler ça !, 2015, Et maintenant on mange quoi ?, 2018 ), qui décrivent de l’intérieur les stratégies de l’industrie, ont ainsi une valeur démocratique très précieuse. Il en est de même d’applications comme Open Food Facts, du travail d’enquête régulier de l’association 60 millions de consommateurs ou encore du travail d’éducation diététique du CLCV, une autre association de consommateurs.

Toutefois, cela est bien peu de choses face à la puissance de frappe de l’ago-industrie capitaliste, des moyens de commutation qu’elle développe et surtout des moyens culturels qu’elle a développé depuis de nombreuses années, jusqu’à façonner directement les habitudes alimentaires des Français.

L’arrière-plan de cela est bien sûr la récente loi sur l’alimentation, dont le rôle est de maintenir et renforcer tout ce qui est en place dans ce domaine.

> Lire également : Une loi sur l’alimentation favorable à l’agro-industrie capitaliste

Quand on voit que le groupe Danone est capable de débaucher une personnalité comme Emmanuelle Wargon qui a eu un grand parcours dans la sphère publique, pour ensuite la voire introduite directement au Ministère s’occupant de l’écologie, il n’y a pas de quoi être rassuré.

Danone s’est servi directement dans le vivier des plus hauts cadres de l’État, puisqu’elle a fait l’ENA, est entrée au cabinet du ministère de la Santé en 2001, celui du haut-commissariat aux Solidarités actives en 2007, puis a été nommée secrétaire générale des ministères sociaux en 2010 avant de devenir déléguée générale à l’emploi et à la formation professionnelle en 2012.

Le système est ainsi verrouillé de toute part, avec des gens se promouvant les uns les autres et s’organisant pour maintenir l’existant, peu importe le coût que cela a pour la planète et la population.

Le combat démocratique que doit mener la Gauche dans le secteur de l’alimentation est donc tout autant une bataille culturelle qu’une bataille pour la production. Il faut changer les habitudes mais il faut aussi arracher le pouvoir aux grands groupes pour soumettre directement l’industrie aux intérêts de la collectivité.

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Une loi sur l’alimentation favorable à l’agro-industrie capitaliste

L’Assemblée nationale a voté en lecture définitive ce mardi 2 octobre 2018 une loi issue des États généraux de l’alimentation. Elle focalise largement sur la question de la grande distribution et des prix, dans un sens favorable au modèle agro-industriel français.

Lors de son discours de Rungis il y a presque un an, Emmanuel Macron avait expliqué qu’il fallait un « changement profond de paradigme » concernant l’alimentation. L’idée derrière cette expression n’était pas de remettre en cause le modèle agro-industriel français mais d’encadrer mieux la position dominante exercée par le secteur de la grande distribution.

Le modèle agro-industriel français qui s’est développé durant les « Trente Glorieuses » a en effet engendré ce monstre de la grande distribution. Ce secteur n’existe que parce que lagro-industrie capitaliste a eu besoin d’écouler massivement et rapidement ses marchandises. Toutefois, sa position privilégiée vis-à-vis des consommateurs lui permet un certain rapport de force.

Essentiellement, cela consiste en une bataille pour baisser plus ou moins artificiellement les prix des marchandises alimentaires, afin d’attirer les clients. Cela rend totalement dépendante la population, et surtout les classes populaires, qui se dirigent forcément vers là où les prix sont les plus bas.

Ce mécanisme a renforcé la position dominante des grandes surfaces, qui se sont largement développées jusqu’à façonner entièrement le quotidien alimentaire des familles ainsi que l’organisation des villes elles-mêmes.

La loi s’inscrit précisément dans ce contexte, avec comme panorama l’épisode récent de la ruée dans des supermarchés pour des pots de « Nutella » à prix cassé, cela alors qu’une simple pomme « bio » est vendue très chère et est finalement assez difficile à se procurer.

La loi présentée par le Ministre de l’agriculture Stéphane Travert ne vise pas à remettre en cause ce modèle. Son intitulé exact est « pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine et durable ».

Son objet est surtout une tentative de régulation des contradictions entre le secteur de la production des marchandises alimentaires et celui de leur distribution. La pression à la baisse sur les prix perturbe l’ensemble de l’économie agro-industrielle, et affaiblit notamment la rémunération d’une grande partie des agriculteurs qui sont déjà largement subventionnés.

Seulement, on est pas là dans un modèle cohérent et organisé, mais dans une succession de conflits d’intérêts privés entre différents secteurs et différent groupes qui rend impossible toute tentative d’avancer concrètement. Cela a engendré d’importantes luttes d’influence avec des débats très houleux tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, avec plusieurs milliers d’amendements déposés et en arrière-plan la démission de l’ex-ministre de la Transition écologique Nicolas Hulot.

La loi vise surtout à encadrer les excès sur les prix avec des promotions sur les produits alimentaires limitées à 34 % de leur valeur et à 25 % des volumes de vente. Le seuil de vente à perte a également été relevé à 10 %, mais tout cela ne représente pas grand-chose. Aucune des parties, agriculteurs ou distributeurs, n’est réellement satisfaite.

L’aspect essentiel qu’il faut bien voir cependant, c’est que le modèle alimentaire français ne changera pas, qu’il restera conforme aux intérêts de l’agro-industrie capitaliste qui le façonne presque entièrement. Cela d’autant plus que les agriculteurs eux-mêmes se sont montré réfractaires à tout changement, assumant totalement leur soumission à cette agro-industrie via leur dépendance aux produits phytosanitaires.

> Lire également : Nicolas Hulot prétend défendre l’écologie pour servir Emmanuel Macron

La bataille pour l’interdiction des néonicotinoïdes et du glyphosate qu’ont mené quelques députés est un échec, de même que la plupart des prétentions réformistes d’améliorer le sort des animaux exploités.

La loi a même reconnu une revendication forte des industriels de la viande qui est d’interdire des termes comme « steak végétal » ou « saucisse vegan ».

Toutes les dispositions visant à plus de transparence sur les produits industriels (OGM, mode d’élevage, origine géographique, pesticide, engrais) ont été rejetées. Par contre, la loi favorise l’encadrement des secteurs protégés, des origines contrôlées. Ce sont des domaines permettant de fortes valeurs ajoutées, destinés à une clientèle aisée, n’existant qu’à la marge du modèle agro-industriel classique qui est la norme pour la majorité de la population.

L’obligation faite à la restauration collective d’avoir un objectif de 50% des achats de produits locaux ou avec un signe de qualité de type « Label Rouge » d’ici à 2022, dont au moins 20 % de produits issus de l’agriculture biologique, n’est qu’une tentative de modernisation du secteur.

Il n’y a aucune disposition stratégique agricole et industrielle allant dans ce sens, ni aucun véritable plan productif qui est établi. L’obligation ne concerne que des labels, dont les grands groupes pourront tout à fait s’accommoder d’ici là si cela permet d’assurer et d’élargir les bénéfices.

Cette loi n’a aucune ambition d’améliorer les choses, et la seule mesure allant éventuellement dans un sens positif n’est qu’une mesure d’accompagnement à la marge d’un phénomène qui existe déjà de plus en plus. En l’occurrence, les restaurants collectifs de plus de 200 couverts par jour devront présenter un plan pluriannuel de « diversification des protéines » avec « des alternatives à base de protéines végétales ».

Seulement, il ne suffit pas de décréter les choses par en haut de manière abstraite, sans bataille sur le plan culturel, si c’est pour en même temps laisser la main libre à l’agro-industrie capitaliste qui a totalement façonné les habitudes alimentaires de la population depuis plusieurs dizaines d’années.

L‘obligation, à titre expérimental pour une période de deux ans, d’instaurer dans les cantines scolaires un menu végétarien au moins une fois par semaine n’est par contre pas du tout une bonne chose. Dans le cadre actuel, avec les impératifs tarifaires que l’on connaît, avec les habitudes alimentaires qu’ont les chefs de cantines et avec la position dominante des grands groupes de l’alimentation pour fournir ces cantines, on sait déjà ce que cela donnera. Au lieu de la viande, il y aura des substituts type « nugget » ou « cordon bleu », à base de blé ou de soja industriels insipide, que les enfants n’apprécieront pas du tout (ou qu’ils n’apprécient déjà pas du tout, puisque beaucoup de cantines proposent déjà régulièrement ce genre de produits).

C’est absolument contre-productif, mais cela est conforme à l’agro-industrie capitaliste qui trouve là un nouveau débouché pour diversifier sa production.

Cela fait d’ailleurs quelques années que la grande distribution propose largement ce genres produits. Ce sont des marchandises hautement transformées, ne changeant absolument pas le modèle alimentaire dans un sens meilleur, ni nutritivement, ni gustativement (qui sont deux aspects totalement liés par ailleurs).